Journal de bord d’un conducteur de métro, en grève depuis le 5 décembre
Révélations du Graal: Edouard Philippe présente la "réforme" des retraites.
Il est aberrant et plus que flagrant au 26ème jour de grève ( le 30 décembre NDLR), de constater que la réforme des retraites ne porte que sur un seul totem, celui de l’instauration de la retraite à points, en éradiquant tous les systèmes de retraites antérieurs, les 42 régimes.
Que la pérennité concédée aux régimes particuliers des militaires, policiers, gendarmes, pompiers, surveillants pénitentiaires, aiguilleurs du ciel, pilotes de ligne, marins pêcheurs et routiers ne sera que transitoire et temporaire.
Surtout que la disparition des régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP était annoncée par l’impudence de la dialectique d’Edouard Philippe qui en ne les nommant pas expressément dans sa présentation de la réforme des retraites, niait déjà leur existence.
La rhétorique politicienne évacuait ce qui fait problème en le traitant comme résolu par la forme brillamment plébiscitée du discours d’Edouard Philippe.
Pourquoi la disparition des deux régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP est-elleau cœur du programme présidentiel de cette réforme universelle des retraites ? Tout simplement parce que nous vivons en ce moment le dernier volet de la réforme ferroviaire et les prochains volets de l’application de la Loi d’Orientation sur les Mobilités (LOM) qui livrent à la concurrence les réseaux SNCF et RATP.
Et pendant ce temps, les grévistes de la SNCF et de la RATP ont perdu l’intégralité d’un mois de salaire. Le mouvement ne s’essouffle pas, le nombre de grévistes est constant. Seuls 240 conducteurs du métro non-grévistes sont disponibles sur 2700 et une centaine de conducteurs du RER sur 870 à la date du 30 décembre 2019. Le personnel de conduite non gréviste, très réduit en nombre, roule au mépris de la sécurité ferroviaire, de la sécurité des voyageurs et de sa propre sécurité.
Il aura fallu attendre deux années utilisées pour bichonner, briquer et faire reluire un Graal qui n’en aura eu que l’apparence avant que de découvrir les nouvelles trajectoires de la réforme des retraites.
Irrespectueux de la lutte historique pour la défense des droits des travailleurs ce nouveau pacte social est l’illustration la plus éloquente de l’argent-roi.
Et si tout simplement cette réforme des retraites ne reposait que sur de l’égoïsme, égoïsme de ne pas partager un même combat, égoïsme de défendre ses propres conflits d’intérêts ? Quelle est cette démocratie qui bafoue les droits des travailleurs par une refondation d’un pacte social basé sur le déclin de la valeur du travail ? Ne serait-il pas temps de dire halte à l’enrichissement personnel sur le dos d’autrui ?
Environ 9 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté en France. Au détriment des 400 000 pauvres en plus comptabilisés en 2018, vivants en dessous du seuil de pauvreté. Les plus riches ont été favorisés par la flat tax qui est l’illustration de la politique du gouvernement privilégiant les plus riches (source INSEE). Pour définitivement effacer cette visibilité de favoritisme des plus riches, l’observatoire national de la pauvreté (ONPES) qui mettait en évidence la montée des inégalités de revenus, disparaîtra prochainement sur décision du gouvernement
Le gouvernement actuel affermit sa vision différente de la précarité en établissant une nouvelle assurance chômage plus stricte, alors que dans le même temps, il exonère de cotisations les revenus financiers.
Qu’attendions-nous tous, mercredi 11 décembre 2019, de cette révélation du Graal par notre premier ministre Edouard Philippe aux doigts d’argent, si fins et si délicats ? La révélation d’un ordre nouveau, une reconquête sociale équitable, des avancées sociales, une bonne fortune pour des jours paisibles à la retraite ?
Or les doigts d’argent si fins, si longs, si délicats d’Edouard Philippe ont annoncé qu’ils grappilleront sous après sous, dans tout l’hexagone, pour les bienfaits d’une circulation économique des biens ou redistribution des richesses aux riches.
Si la rhétorique du discours d’Edouard Philippe était si fabuleusement lumineuse dans la forme elle éclaire également sur l’absence d’un argumentaire solide sur le fond. Les régimes actuels de retraite présentant des failles et des défaillances, il faudrait changer de méthode et instaurer l’universalité qui serait la justice sociale, symbole de l’équité et de la responsabilité pour protéger le pouvoir d’achat des travailleurs et des retraités, sans léser personne. L’universalité serait une protection plus forte qui permettrait une meilleure liberté de mouvements sans peser sur les choix professionnels. Le système mis en place serait le même pour tous les Français, ce qui entraînerait la disparition des privilégiés et logiquement des différents statuts puisqu’il existerait un même niveau de cotisation. Jusqu’à 120 000 euros les points acquis donneraient des droits. Car par points, le travail payerait d’avantage. La valeur du point serait fixée sous contrôle du parlement. La règle d’or du nouveau règlement serait que le point acquis ne pourrait pas baisser puisque l’indexation serait sur les salaires et pas sur l’inflation.
Or durant tout ce temps, des économistes comme Antoine Bozio qui a inspiré la réforme, Thomas Piketty son directeur de thèse, Philippe Askenazy, des universitaires, Gilles Raveaud, professeur d’économie, des politiciens, journalistes investigateurs ont alerté sur la dérives des idées ou préconisations présentées initialement pour l’élaboration d’un tel système universel. Ils ont mis à jour que cette présentation par le gouvernement, de la réforme des retraites était tout à fait grotesque par son manque de clarté et extrapolations ou spéculations. La réforme qui se voulait systémique s’est révélée paramétrique, budgétaire et en faveur de la capitalisation pour les 300 000 personnes les plus riches. Avec le système à points, la valeur d’achat du point et sa valeur au moment du départ en retraite pourraient varier dans le temps alors qu’aujourd’hui, chaque salarié a la garantie d’un niveau de pension correspondant à son niveau de cotisation. Quant à l’âge pivot ou âge d’équilibre de 64 ans…
Une semaine après le début du conflit du 05 décembre, d’ «un mouvement social », euphémisme pour remplacer le mot grève, le mot d’ordre des cheminots, aiguilleurs et agents de la RATP est de combattre pacifiquement pour leurs enfants, pour l’avenir de leurs enfants, pour la fierté de pouvoir les regarder plus tard dans les yeux. Ils combattent pacifiquement pour la continuité et le respect des droits acquis des cheminots et agents RATP.
Pendant ce temps, la HATVP, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique a réussi à identifier des conflits d’intérêts dans les quatorze mandats de Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire aux retraites.
Ce qui n’a pas empêché la rhétorique guerrière d’Edouard Philippe réitérée lors du discours du jeudi 19 décembre 2019, (quinze jours après le début du conflit) d’appeler à un consensus général du Gouvernement, des Syndicats, du Patronat et des Elus pour un report du conflit au 06 janvier 2020.
Cette trêve des confiseurs que s’octroient les dirigeants du gouvernement est la preuve flagrante du mépris qu’ils manifestent depuis toujours pour les cheminots de la SNCF et les agents de la RATP. Les gouvernants mettent la clé sous la porte et partent en vacances l’esprit tranquille alors que la grève continue.
Cela dépasse l’entendement
Et pendant ce temps, Madame Elisabeth Borne ministre des transports part sereinement en vacances à Marrakech.
Et pendant ce temps, des millions de Français qui n’ont pas annulé leurs vacances de sport d’hiver et qui ont trouvé les moyens de transport pour honorer leurs réservations, profitent au soleil des plaisirs du ski.
Et pendant ce temps, Emmanuel Macron est en vacances au Fort de Brégançon, à Bornes les Mimosas, dans le Var depuis le mardi 24 décembre 2019, depuis sept jours.
Ce sera sans l’assentiment des travailleurs qui continuent la bataille dans le respect de la culture de la lutte instillée par Ambroise Crozat, réactualisée aujourd’hui contre la fragmentation du pacte social entre les générations.
A la date du 29 décembre 2019, l’irréductible Pôle Traction de l’UNSA-RATP, branche du syndicat national UNSA, qui est à l’origine de l’appel à la grève du 5 décembre, appelle aussi le gouvernement et la PDG de la RATP Madame Catherine Guillouard à la responsabilité et au devoir de sécurité envers les voyageurs. Ceux-ci ne sont plus transportés dans une stricte garantie de sureté sur le réseau RATP, depuis le début de la grève des transports.
Et pendant ce temps à Paris les grévistes se lèvent aux aurores pour être présents à 5 h du matin aux piquets de grève pour informer les usagers des transports parisiens de l’iniquité pour tous de la réforme des retraites.
Et pendant ce temps, les grévistes tractent, rassemblent des cagnottes de solidarité, rencontrent des élus municipaux, reçoivent la promesse de subventions parlementaires, forment des réseaux de solidarité…
Et pendant ce temps, les grévistes continuent la lutte sans recevoir aucun salaire ni indemnités pour leur engagement dans la préservation des droits des travailleurs.
Et pendant ce temps, à la veille du discours des voeux d’Emmanuel Macron, le taux de grévistes est constant. La propagande visant à faire croire que le mouvement s’essouffle est contrée par la détermination des grévistes.
Et pendant ce temps, les 31 décembre 2019 et premier janvier 2020, les lignes de contrôle des stations de métro de Paris sont libres d’accès alors que les voyageurs font la queue pour recharger leurs titres de transport.
Et pendant ce temps, le patron de Black Rock, Jean-François Cirelli, est élevé au grade d’officier de la légion d’honneur.
Et pendant ce temps, le 3 janvier 2020, un camarade de Sud-Rail est arrêté brutalement par les forces de l’ordre alors qu’il participait à une manifestation pacifique boulevard de l’opéra Garnier. Il est violenté durant sa garde à vue.
Et pendant ce temps, on apprend que la ministre des transports Elisabeth Borne a omis de déclarer son poste d’administration de l’IGD, Institut pour la Gestion Déléguée, dont le business repose sur la délégation des services publics.
Et pendant ce temps, la détresse est à son paroxysme. On apprend qu’Alix s’est suicidé. Il était conducteur de la ligne 7 bis du métro parisien, la seule ligne à ne pas avoir ouvert une seule fois depuis le début du conflit.
Et pendant ce temps, lors de la manifestation du jeudi 09 décembre 2020, au 36ème jour de la grève contre la réforme des retraites, Irène conductrice de métro de la ligne 9, déléguée syndicale UNSA, est victime de la répression policière.
La grève débutée le 05 décembre 2019 est la lutte des salariés grévistes de la SNCF et de la RATP et de tous les salariés du privé comme du public contre la réforme des retraites.
Au 39ème jour de grève ( 12 janvier NDLR), les salariés grévistes revendiquent le retrait total du projet de réforme des retraites.
Voir les articles précédents " Social d'abord", concernant en particulier la RATP
https://blogs.mediapart.fr/albert-herszkowicz/blog/091219/la-reforme-des-retraites-revelee-par-les-scandales-de-delevoye
https://blogs.mediapart.fr/albert-herszkowicz/blog/081219/edouard-philippe-se-moque-du-monde
https://blogs.mediapart.fr/albert-herszkowicz/blog/041219/ratp-des-privilegies-qui-souffrent