YVES FAUCOUP (avatar)

YVES FAUCOUP

Chroniqueur social

Abonné·e de Mediapart

736 Billets

2 Éditions

Billet de blog 12 avril 2023

YVES FAUCOUP (avatar)

YVES FAUCOUP

Chroniqueur social

Abonné·e de Mediapart

La Grande confusion

Nous assistons à un tir nourri contre la gauche, venant de « l’extrême centre droit », de la droite, de l’extrême droite et d’anciens de gauche qui dansent sur un pied, se disant « socialistes » mais prêts à basculer à droite. Et autres chroniques sur l’État néolibéral, sur la réforme des retraite, sur Sophie Binet, sur les violences policières et sur « L’Appel à la vigilance » d’Edwy Plenel.

YVES FAUCOUP (avatar)

YVES FAUCOUP

Chroniqueur social

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Nous assistons à un tir nourri contre la gauche, venant de "l’extrême centre droit" (Macronistes), de la droite, de l’extrême droite et d’anciens de gauche qui dansent sur un pied, se disant "socialistes" mais prêts à basculer à droite. Et les médias mainstream emboitent le pas ou l’anticipent : c’est ainsi que commentateurs, chroniqueurs et "experts" déversent leurs haines anti-NUPES, en cherchant le plus souvent à isoler la France Insoumise coupable de tous les péchés du monde. On agite comme un mantra le fait que le débat sur les retraites à l’Assemblée Nationale aurait été une horreur. Les hurlements de Dussopt et de quelques autres de droite (j’ai les noms), les bras d’honneur de Dupond-Moretti ? non, l’empêchement de voter l’article 7 de la loi prévoyant le report de l’âge de départ à 64 ans. Était-ce la bonne tactique, je n’en sais rien, mais force est de constater que le fait que cet article n’ait pu être voté a boosté la contestation et contraint le gouvernement à montrer son vrai visage antidémocratique. On fait des gorges chaudes sur le fait qu’un député ait posé le pied sur un ballon où était reproduit le visage de Dussopt et qu’un autre l’ait traité d’assassin (Bernard Cazeneuve, qui ne doit pas suivre, a prétendu ce matin [7 avril] sur France inter que c’était le même député fautif). On ressort Robert Badinter pour qu’il hurle sur les plateaux de télé que mettre la tête de Macron sur une pique c’est terroriste, comme il l’avait déjà proclamé lors des Gilets jaunes.

Illustration 1
[Photo YF]

Ces réactions sont là pour saturer le débat public et empêcher que soient abordés les vrais problèmes. Que la tête de politiques soit une cible ce n’est pas nouveau, et pas seulement sur les fêtes foraines. On fait mine d’oublier ce qu’étaient les slogans dans les manifs des années 70, c’était autrement plus violent. Il en est tout différemment quand il s’agit de pancartes antisémites comme ce fut le cas d’une catholique intégriste lors d’une manifestation antivax (qui défraye encore la chronique aujourd’hui même dans cette histoire de concert à Metz prévu dans une l’église depuis longtemps désaffectée). Si les attaques personnelles sont critiquables c’est parce que, outre le fait qu’elles caractérisent une pratique plutôt d’extrême-droite, elles se situent sur le registre du ressentiment, comme si un homme, une femme incarnerait ce que l’on combat, qui est un système de dominations politiques et sociales

Tout s’emballe : Darmanin n’apprécie pas que l’on traite d’assassin son collègue de gouvernement : certes le mot était fort, mais la formule existe, je l’emploie parfois (ce propos "assassin", cette décision "meurtrière"). Il ne se gêne pas pour traiter de terroristes les défenseurs de l’environnement, ce qui est autrement plus grave. Les événements de Sainte-Soline sont présentés de façon complètement caricaturale (y compris dans C ce soir sur france 5, qui semble vouloir donner des gages au pouvoir en invitant des commentateurs de droite en grand nombre comme hier soir [6 avril] où Astrid Panosyan-Bouvet (Renaissance) passait son temps à présenter de façon tronquée les événements dramatiques de Sainte-Soline, répétant sans cesse que les manifestants étaient venus « pour tuer des policiers », comme leurs syndicats se sont ingéniés à le prétendre). Rien d’étonnant qu’on abuse inconsidérément du terme terroriste, puisque extrême droite et droite dure ne se privent pas d’accuser de « racisme » les antiracistes, avec CNews comme porte-voix.

Illustration 2
[Photo YF]

Le danger qui menace la France aujourd’hui ce n’est pas seulement la progression de l’extrême droite, c’est la dissémination de ses idées dans d’autres partis politiques. Par ailleurs, il fallait se confronter jusqu’alors à la trahison de tous ces caciques ayant basculé chez Macron, aujourd’hui il faut se coltiner ces "socialistes" qui trahissent la gauche et qui non seulement reçoivent les encouragements des ministres macronistes mais aussi les félicitations du Rassemblement National (cf. Julien Odoul RN se réjouissant de la victoire de Martine Froger en Ariège) !

. mon titre renvoie au livre remarquable de Philippe Corcuff La Grande confusion, Comment l’extrême droite gagne la bataille des idées, Textuel, 2020 (680 pages, passionnantes). Il est l'auteur de la formule "extrême centre droit" pour désigner les Macronistes. Voir son blog sur Mediapart (ici) et son dernier article pertinent dénonçant les ambiguïtés de l’appel de Marianne pour un référendum sur les retraites.

[7 avril]

Lutte contre la réforme et l’État néolibéral

Ce dont souffre notre pays depuis des décennies c’est l’accaparement du pouvoir par les néo-libéraux, c’est-à-dire par ceux qui font du profit sur le travail des autres et qui bénéficient de la complicité d’un État qui les sert copieusement (baisse des impôts sur les plus riches et sur les sociétés, subventions exorbitantes, CICE et Cie). A cela, la caste dominante ricane : « État libéral qui fonctionne avec une économie administrée ? ». Non, État néolibéral qui se met au service des possédants, l’État social (toutes les lois sociales dont la Sécu) étant pour l’essentiel le résultat de luttes (législation de la fin du 19ème faisant suite à la Commune, il fallait lâcher du lest, et après 1945 avec le programme du Conseil National de la Résistance qui n'était pas dominé par la haute bourgeoisie dont une partie avait collaboré).

Illustration 3
[Photo YF]

Après avoir été l’instigateur du CICE, élu avec le soutien financier des plus grandes fortunes, après avoir fait adopter des lois (anti)Travail réduisant les droits des travailleurs, après avoir instauré des suppressions ou baisse d’impôts pour les plus favorisés (ISF, IS, CVAE), Emmanuel Macron s’est lancé dans une nouvelle réforme des retraites après avoir raté la précédente, à points, grâce à une mobilisation en 2019 de grande ampleur (et aussi parce que, sous prétexte de simplification, elle était une usine à gaz que ses thuriféraires ne comprenaient pas eux-mêms). Il a espéré que le pays ne bougerait pas cette fois-ci puisque sa réforme, à la différence de la précédente qui s'attaquait à tout le monde, était délibérément destinée à impacter les moins favorisés, celles et ceux qui sont peu diplômés et ont commencé à travailler relativement jeunes. Erreur : non seulement ces derniers se sont mobilisés, mais encore ceux qui de toutes façons devront travailler, loi ou pas loi, au-delà de 64 ans, sont aussi descendus dans la rue. Les lycéens également, et tout de même pas mal de retraités, en solidarité. Cette immense mobilisation signifie qu’il y a un ras-le-bol général face à un pouvoir imbu de ses privilèges.

Il y a un risque que le Conseil Constitutionnel, constitué en partie de politiques, ne retoque le projet de loi que sur un aspect mineur pour faire passer la pilule des 64 ans. Si tel devait être le cas, il importe que la mobilisation se poursuive et ce, dès jeudi prochain.

[11 avril]

Illustration 4
[Photo YF]

Les manifs essaiment

Des commentateurs patentés, qui ne sortent sans doute pas de leur tour d'ivoire, se sont ingéniés à dire que les manifestations contre la réforme des retraites étaient fort présentes dans les villes moyennes et que cela prouvaient que le public était style Gilets jaunes, bien différents des grandes villes. Ces bêtises ont été sassées et ressassées : en réalité, il y a du monde partout, énormément dans les grandes villes, énormément dans les villes moyennes, et voilà que dans les petites villes ça bouge. Dans le Gers, il vient d’y avoir plusieurs manifestations dans des villes qui n’avaient connu aucune démonstration depuis le début de la contestation : Lectoure, Riscle (110 personnes dans une ville de 1800 hab), et Mirande (3800 hab) aujourd’hui, plus de 100 manifestants avec slogans anti-réforme (présence discrète de la gendarmerie). Drapeaux CGT, SUD, FSU, LFI, CNT, Confédération Paysanne, Modef.

Illustration 5
Mirande, Gers [Ph. JL]

Récemment, lors d’un rassemblement devant la préfecture à Auch pour une autre question (projet de centre de tri de déchets à Masseube et un projet de parc agrivoltaïque) deux personnes apparemment pas habituées à manifester m’ont dit que des gens ont peur de venir même à Auch pour manifester par crainte de violences. On voit comment le pouvoir peut exploiter cette question en harcelant les manifestants avec des lacrymos (comme à Toulouse mardi dernier) pour les dissuader de venir contester, pour faire peur. Pour le moment, il n’y a eu aucune violence à Auch, et la police a assuré la sécurité des cortèges en concertation avec l’Intersyndicale.

[1er avril]

Sophie Binet

Sophie Binet élue secrétaire générale de la CGT. Je ne m’immisce pas dans les débats internes de la CGT, mais j’ai souvent rendu hommage à la qualité des interventions de Sophie Binet sur les plateaux de télé : argumentations étayées, efficacité de ses prestations, alors qu’elle était souvent opposée à des quarterons de fieffés ultra-libéraux. Pour exemple ce post (parmi d’autres) qui date de 2016.

[31 mars]

J’avais publié ce post sur Facebook le 11 mars 2016 :

Illustration 6
[capture d'écran YF]

MERCI SOPHIE BINET !

L'émission C dans l'air traitait le 9 mars [2016] de la loi Travail. Un débat avec les pour et les contre, c'est une bonne chose en démocratie. Sauf quand le débat, comme souvent avec Yves Calvi, est littéralement manipulé. Le plus souvent ses invités causent en tenant le même discours : économiquement le plus à droite. Là, est invitée une représentante de la CGT. Un débat contradictoire ? Non, apparemment c'est pour pouvoir mener la charge, en lui opposant un quarteron de messieurs qui savent tout sur tout : un prof de droit, Jean-Emmanuel Ray, particulièrement excité, incorrect et de mauvaise foi, Elie Cohen, qui défend avec bonhomie les thèses libérales (et un Smic au rabais pour les salariés « mal-formés ») tout en continuant à être considéré, par des commentateurs de la droite extrême sur le forum de France 5, comme un fieffé gauchiste parce qu'il aurait conseillé François Hollande (!), un sociologue de la jeunesse, Olivier Galland, dont le seul scoop aura été de nous révéler que l'UNEF ne représente pas toute la jeunesse, et, bien sûr, Yves Calvi, sans retenue pour livrer ses opinions. J'ajoute : les Sms, qui défilent, objectivement choisis pour enfoncer la barque. Sophie Binet, cadre CGT, ne s'en laisse pas conter et tient bon, ayant réponse à tout, sans agressivité. Bien sûr, il n'aurait pas été scandaleux qu'un(e) économiste atterré(e) participe au débat, mais c'est trop demander. Déjà le 19 janvier, une émission traitait des acquis sociaux : lesquels supprimer pour relancer l'économie ! Sophie Binet avait été invitée pour se confronter à un autre quarteron de militants de l'ultra-libéralisme. Et elle avait été remarquable, connaissant parfaitement les dossiers. Je ne suis pas en accord avec toutes les positions de la CGT, mais ce serait bien que la direction de ce syndicat continue à envoyer des représentants de cette trempe, au moins pour faire entendre une petite voix dans cette émission qui est la honte du PAF.

Illustration 7
[capture d'écran YF]

Pour un boycott de CNews

Sophie Binet a refusé de répondre à une journaliste de CNews qui lui posait une question, lui disant simplement qu’elle répond aux médias pluralistes. Façon pudique de dire qu’elle ne va pas sur les plateaux de télévision d’extrême-droite et c’est tout en son honneur. Évidemment la rédaction de CNews en fait des gorges chaudes, larmoyant sur ce non respect envers elle mais la chaîne de Bolloré devrait nous révéler combien refusent de venir sur son plateau : peut-être plus nombreux qu’on ne le croit. Il importe d’isoler cette télévision de haine permanente, réactionnaire, xénophobe, raciste.

[8 avril]

Violences policières

Illustration 8

Anne-Cécile Maillefert a prononcé ce matin sur France inter dans En toute subjectivité [à écouter ici]. Arrêtées sans raison et agressées sexuellement par des policiers, cinq jeunes femmes de Nantes ont porté plainte. Une enquête de l’IGPN est ouverte. La militante pour les droits des femmes rappelle la progression des violences policières dans le temps : d’abord dans les banlieues, souvent ignorées, puis plus visibles et dénoncées lors des Gilets jaunes, j’ajouterai pendant la contestation des lois travail (déjà sous Hollande).

Gérald Darmanin, interrogé sur ces agressions sexuelles policières de Nantes, ne répond pas et fait applaudir les policiers victimes de violence. Que peut-on attendre d’un ministre qui monnayait sexuellement ses éventuelles interventions en vue de régler un dossier ? Si le viol n’a pu être prouvé, il n’empêche que son comportement immoral est attesté. Il ne faut pas le lâcher sur cette affaire qui est un scandale d’État. J’ai été plusieurs fois en responsabilité hiérarchique : un individu dans les services et administrations que je dirigeais aurait été lourdement sanctionné, peut-être même licencié si on avait eu autant d’éléments de preuve que dans l’affaire Darmanin.

[24 mars]

Aveu : une réforme à cause du quoiqu’il en coûte

Illustration 9
[capture d'écran YF]

Propos lénifiants du Président qui reste droit dans ses bottes. Il dit que les Français avec le Covid ont pris l’habitude de ne pas trop aimer le travail, dans les manifs certains auraient dit : « on veut plus travailler ». Alors il nous ressort le mantra sarkozyste "droits et devoirs" : on va faire travailler les gens au RSA qui sont depuis des années sans emploi, parfois « depuis des dizaines d’années » [sic]. Il prétend avoir fait baisser le chômage et être en train de réindustrialiser le pays, ce qui reste à prouver (la baisse du chômage annoncée parait suspecte selon les spécialistes du sujet). Il justifie ses propos de 2019 contre un report de l’âge de départ en retraite : depuis il y a eu le Covid, la guerre, le quoiqu’il en coûte, donc une dette accrue, des « comptes dégradés », ce qui est l’aveu qu’il ne cherche pas à équilibrer le budget retraite mais à tenter de régler d’autres problèmes dont les futurs retraités n’ont pas à faire les frais. Il n’a pas un mot sur les violences policières qui commencent à se déchaîner (comme au temps de la loi travail et des Gilets jaunes). Il ose comparer la contestation qui se déroule en France avec celle des putschistes du Capitole et du Brésil, ce qui est une déclaration totalement irresponsable, insultante. Il reste enfermé dans sa tour d’ivoire, pour ne rien voir de ce qui se passe dans le pays.

France 2 poursuit avec deux "experts" : Nathalie Saint-Cricq et Dominique Seux, avec leurs analyses bas du plafond, façon pour la chaine publique de compléter la séquence en se moquant un peu plus des téléspectateurs. TF1 a su se précipiter aussitôt pour recueillir la parole des opposants à la réforme.

L’interview avait lieu dans la salle de l’Élysée où Giscard, si ridicule, nous a dit adieu en 81. Un signe ? [22 mars]

Vigilance face à l’extrême-droite

Samedi dernier, au cinéma (pour voir Les Choses simples), une amie m’a signalé qu’Edwy Plenel avait été le matin l’invité d’Alain Finkielkraut sur France Culture, dans son émission Répliques. Saperlipopette, ça dû chauffer. Plenel aurait bien argumenté, me dit-elle. Coïncidence : j’ai justement dans ma poche le dernier livre du co-fondateur de Mediapart (L’Appel à la vigilance, sous-titre : Face à l’extrême droite), acheté le matin-même à la Librairie Les Petits Papiers à Auch.

Illustration 10

Les bienfaits du podcast : dimanche, balade sur les bords du Gers, en écoutant Finkielkraut-Plenel débattre. Les obsessions du premier sont, comme de juste, au rendez-vous mais le second répond sans se démonter et, il faut bien dire, ses argumentaires sont brillants, référencés. Plenel s’appuie sur des auteurs humanistes et des valeurs républicaines, tandis que Finkielkraut n’échappe pas à sa hargne habituelle, assez stupéfiante de la part d’un académicien que l’on dit philosophe et qui égrène des faits isolés toujours accusateurs à l’encontre des musulmans pour les généraliser et gémir sur une France qui n’est plus ce qu’elle était. Plenel ne tombe pas dans le panneau. Tous deux vont assez loin dans la confrontation mais veillent semble-t-il à ce que l’émission ne capote pas. De ce fait, moment passionnant.

J'invite à écouter cette émission en replay [ici] mais également à lire le livre d’Edwy Plenel : comme toujours, l’auteur nous emmène dans des réflexions marquées du sceau de la justice, de l'égalité, de la liberté en partant d’un événement précis. Dans La Sauvegarde du peuple (sous-titre : Presse, liberté et démocratie), il partait d’une phrase de Jean-Sylvain Bailly énoncée le 13 août 1789 : « la publicité est la sauvegarde du peuple » c’est-à-dire que « tout ce qui est d’intérêt public doit être rendu public », commentait Plenel. Dans son nouveau livre, il part de l’Appel à la vigilance lancé le 13 juillet 1993, par plusieurs personnalités, dont Pierre Bourdieu, Umberto Eco, Georges Duby, Michelle Perrot, Françoise Héritier, Maurice Olender. Edwy Plenel va décortiquer ce texte, faire lien avec l’œuvre de son ami Olender avec en contre-point ce qui se passe dans notre pays : l’avancée de l’extrême droite et le fait que ses idées nauséabondes ont droit de cité, ont pignon sur rue, en toute impunité. Il défend l’idée, avec d’autres, qu’on ne peut se compromettre dans certains médias (pour ma part, j’en connais qui refusent systématiquement toute invitation à CNews, chaîne d’extrême droite, véhiculant sans cesse la haine de l’étranger). Faire lien, c’est l’art de Plenel, enchaîner les auteurs, les ouvrages, les idées, sans être abscons, dans une grande limpidité d’écriture, au point qu’on le lit d’une traite (je mets tout de même du temps, car je crayonne et mon exemplaire est abondamment surligné). Je recommande vraiment ce petit ouvrage (125 pages) paru à La Découverte.

[18 mars]

Additif le 14 avril :

Le passage du Conseil

Le Conseil Constitutionnel doit se prononcer aujourd’hui sur la réforme des retraites non votée à l’Assemblée et sur le Référendum d’Initiative Partagée (RIP) visant à empêcher de fixer l’âge légal de départ au-delà de 62 ans. Si les "sages" du CC ont déjà débouté, le plus souvent partiellement, un gouvernement, il n'est pas sage à tout crin et fait montre en général de conservatisme (cf. son refus d’une imposition de 75 % sur la part de revenu au-delà d’1 million d’euros annuels, soit 80.000 € par mois, même si le porteur de la loi, Jérôme Cahuzac, ministre de Hollande, est suspecté d’avoir entaché son projet de sorte qu’il soit retoqué).

Si le CC valide les 64 ans et refuse le RIP, peu probable que la colère s’estompe, bien au contraire. La légitimité des sages n’y fera rien. Le choix en faveur d’une politique réactionnaire et antisociale sera trop flagrant. Il est vraisemblable qu’il validera les 64 ans mais retoquera certains aspects procéduraux (l’index sénior qui n’a pas à relever d’une loi rectificative du budget de la Sécu ou autre aspect marginal) pour faire passer la pilule.

Si le CC ne valide pas les 64 ans, cela signifierait qu’une institution de premier plan viendrait dire après la bataille que ce projet n’est pas constitutionnel ? Mais que ne l’ont-ils pas dit plus tôt !

Si le CC valide les 64 ans, mais aussi le RIP, alors le gouvernement ne devrait pas pouvoir appliquer la loi au 1er septembre, date à partir de laquelle des salariés vont devoir commencer à travailler quelques mois supplémentaires alors qu’ils et elles comptaient partir en retraite. Si le gouvernement décide de l’appliquer envers et contre tout et que le RIP l’emporte (au bout de 18 mois de mise en œuvre après collecte des 4,9 millions de signatures, soit 10 % des électeurs inscrits), alors il faudra au dit-gouvernement se rétracter et… dédommager les salariés qui auraient été contraints à prendre leur retraite plus tôt.

Le CC se prononce en droit, dit-on, mais les millions de gens qui sont descendus dans la rue n’étaient pas motivés par je ne sais quelle argutie juridique mais par une contestation viscérale contre un projet injuste qui une fois de plus s’abat sur une majorité de citoyens en ménageant les nantis. Droit ou pas droit, si les 64 ans sont validés, il serait illogique de s’en tenir là, la position de Laurent Berger n’est pas défendable, et on peut douter que les manifestants CFDT se plient sans réticence à rentrer dans le rang.

Que ce soit à l’époque des Gilets jaunes, des contestations sur les lois-Travail, à Sainte-Soline ou devant le siège du Conseil Constitutionnel, le pouvoir ne cesse de chercher à affoler les populations en déployant de façon totalement exagérée des forces : que ce bâtiment soit protégé c’est une chose, qu’il le soit ainsi c’est dément. Mais le petit sarkozyste Darmanin doit impérativement occuper le terrain. J'ai cru dans un premier temps qu'il s'agissait d'un montage, il a fallu s’assurer que cette photo n’était pas une "deepfake" ! 

[14 avril]

. CRS et gendarmes mobiles en position devant le siège du Conseil constitutionnel à Paris, le 13 avril [Ph. Stephane Mahe/Reuters].

Illustration 11

. Ces chroniques sont parues sur mon compte Facebook aux dates indiquées entre crochets, publiées ici dans une version parfois légèrement modifiée ou complétée.

Billet n° 731

Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Parcours et démarche : ici et "Chroniqueur militant". Et bilan au n° 700 et au  n° 600.

Contact : yves.faucoup.mediapart@sfr.fr ; Lien avec ma page Facebook ; Tweeter : @YvesFaucoup

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.