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Dans une petite ville moyenne, Auch (23 000 hab.), chef-lieu du Gers, le départ de François Bayrou a été fêté et arrosé lundi 8 septembre au soir par quelques dizaines de manifestants.
Puis le 10, le Bloquons tout s’est exprimé dès 7 h du matin par un QG installé place de la Libération, en haute ville à proximité de la mairie. Un cortège parti de là s’est rendu à l’ouest de la ville, freinant la circulation avec une banderole proclamant Fermons la Bourse !, pour bloquer le supermarché Carrefour (qui a fini par fermer ses portes) et un autre se dirigeant à l’est vers Leclerc pour bloquer l’accès aux parkings (empêchant, avec des trains de caddies, la clientèle d’accéder au magasin resté vide). Les lycéens du Garros, quant à eux, bloquaient leur lycée. Dans la journée, les "bloqueurs" et "bloqueuses" se sont organisés, avec repas préparé sur place, avec des dons de paysans et de viticulteurs.

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Une boucle Signal fonctionne, avec au moins 200 participants et des AG, dans des lieux publics, ont lieu pour définir les suites à donner au mouvement, dont tractages et interventions sur des événements ayant lieu localement les jours prochains. Sur des post-it, chacun peut inscrire ses suggestions de revendications pouvant constituer un cahier récapitulatif : Revaloriser les métiers du lien, Égalité salariale Femmes-Hommes, Taxation des plus riches pour soutenir nos communs, Justice fiscale, sociale, environnementale, Vraie Sécu à 100%, Une vraie politique contre les violences faites aux femmes, Réarmer l’hôpital, Réarmer l’école, Protéger la nature…
Le 10 septembre, à Auch, d’un côté il y avait cette mobilisation citoyenne, à laquelle s’étaient joints Sud-Solidaires et la CGT secteur santé-action sociale, tandis que les syndicats CGT, FSU, Confédération Paysanne et Modef manifestaient séparément, devant la gare (fermée suite à un incendie dans la nuit sur la ligne Auch-Toulouse).
Si à Toulouse, selon une source personnelle, lors de la manifestation du 10 (plusieurs dizaines de milliers de manifestants), comme bien souvent, la situation a été très tendue dès le début à Jean-Jaurès, les policiers (deux escadrons présents soit 24 camions de CRS), casqués, matraques sorties et boucliers, encadrant de manière serrée la manifestation et la stoppant régulièrement, cherchant manifestement l’affrontement, avec gaz lacrymogènes, interpellations musclées (plusieurs personnes blessées), à Auch il en a été tout autrement : la ville n’ayant pas pour tradition d’être confrontée à des manifestations qui dégénèrent, les policiers, pour l’essentiel étaient ceux du commissariat, dispatchés sur l’ensemble de la ville. Il a été relevé qu’au lycée du Garros c’est le commissaire de police qui a calmé la tension qui se faisait jour au petit matin entre le proviseur et les lycéens, et au supermarché Leclerc les policiers ne sont pas intervenus pour dégager le blocage, sans aucune verbalisation. Comme s’il fallait éviter toute provocation policière, bien que ce ne soit pas la stratégie en vigueur dans le pays.
Je publie ci-après deux chroniques publiées sur mon compte Facebook suite aux événements survenus à Auch les 10 et 8 septembre.

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Bloc notes
Emmanuel Macron a nommé son cinquième premier ministre en à peine plus de trois ans : son fidèle Sébastien Lecornu, ci-devant ministre depuis huit ans et des Armées depuis plus de trois ans. C’est l’expression d’un culot phénoménal dont fait preuve ce président depuis 2017, persuadé que son élection lui confère tous les droits y compris de se moquer du peuple. Il était peu vraisemblable qu’il veille à tenir compte de l’opinion publique puisqu’il n’a cessé d’agir à l’encontre des désidératas de la population. Élu deux fois président de la République avec les voix d’électeurs de gauche (face à l’extrême-droite), bien qu’ayant reconnu que ce vote l’obligeait, il en a fait fi. Lors de la révolte sociale des Gilets jaunes, il n’a rien proposé sinon un Grand Débat, avant de jeter aux orties les innombrables contributions des citoyens. Il n’a pas respecté les résultats des législatives de 2024 après sa dissolution intempestive, soucieux de garantir à ses mandants (les gros possédants du pays) que sous son règne il n’y aurait pas d’augmentation d’impôts pour eux, que sa réforme inique sur les retraites ne serait pas abolie et que les injustices sociales perdureraient. Il n’a rien fait après que deux millions de citoyens se soient prononcés contre la loi Duplomb, ce qui était pourtant une mobilisation d’envergure. Il a soutenu une politique du maintien de l’ordre favorisant la violence systémique des forces policières, tout en ne cessant de criminaliser celles et ceux qui protestent.

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C’est dans ce contexte qu’un mouvement de blocage du pays a été lancé par des citoyens pour cette journée du 10 septembre. A Auch (Gers), dès 7h du matin des manifestants étaient rassemblés en haute ville sur la place de la Libération. Des lycéens bloquaient le lycée du Garros et le supermarché Carrefour devait fermer ses portes suite à des actions de blocage des accès. A l’opposé de la ville, le centre commercial Leclerc n’était pas fermé mais des trains de caddies empêchaient l’entrée sur les parkings. Au total, sur divers lieux, plusieurs centaines de personnes étaient dans la rue. Partout avec barrages plus ou moins filtrants.
A ce mouvement, participaient des citoyens lambda et des syndicats comme Sud-solidaires et des sections CGT (santé-action sociale). Par ailleurs, un rassemblement avait lieu devant la gare à l’appel de la Confédération Paysanne, de la FSU, de la CGT et du Modef (syndicat paysan). A noter que la gare était fermée, un feu ayant paralysé la ligne TER Auch-Toulouse.
Dans une prise de parole, Eric Cantarutti de la CGT du Gers rend tout d’abord hommage à Nedir Debbiche, reporter photographe de La Dépêche décédé récemment et dont la bienveillance était appréciée de tous (forts applaudissements) puis il dénonce pour la CGT la provocation consistant à nommer Lecornu premier ministre sans écouter la colère sociale qui s’exprime de tous côtés, ce rassemblement étant censé faire lien avec les autres mobilisations de ce jour. Il appelle à la « grève pour bloquer la production des services et des biens ». Il liste les revendications concernant les salaires, l’école, les hôpitaux, la sécurité sociale, qui sont atteignables contrairement à ce que prétendent « la classe capitaliste et la fusion des droites ». Il demande la remise à plat des 211 milliards d’euros d’argent public d’aides aux entreprises et rappelle que les 500 plus riches ont doublé leur fortune en seulement 8 ans, une minorité d’ultra-riches qui spolient les Français.
La FSU défend l’École publique, les services publics et déclare qu’elle soutient la colère populaire qui, en ce jour, exprime « le mépris, les injustices, les inégalités, les reculs démocratiques, les attaques contre les droits fondamentaux », mais elle rappelle l’intérêt de s’organiser au sein d’un syndicat, « outil de transformation sociale ».

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Sylvie Colas, de la Confédération paysanne du Gers, sans notes, prononce un discours percutant, en dressant un tableau inquiétant de l’agriculture française, avec disparition des paysans qui se battent pourtant pour des produits sains, elle critique « les usines à gaz » telles que les méthaniseurs qui sont là pour enrichir les énergéticiens. André Belvèze, pour le Modef, dénonce les aliments importés qui ont été traités avec des produits nocifs ou qui ont été récoltés dans des conditions ignobles. Il ironise sur le président de la FNSEA qui se prétend agriculteur avec 700 ha tout en bénéficiant de la prime pour les 50 premiers hectares ! Il dénonce aussi l’agriphotovoltaïsme au profit d’une élite. A propos de l'incendie sur la ligne SNCF, André se demande qui a bien pu y procéder, suspectant une provocation.
Le rassemblement se poursuit avec des casse-croûtes offerts par la CGT. Il est rappelé qu’une manifestation intersyndicale est prévue le jeudi 18 septembre.

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. La Confédération Paysanne a informé l’assistance qu’un Festi’ferme avait lieu ce dimanche 14 septembre de 10h à 19h à Castelnau-d’Arbieu (visite d’une ferme, balade paysagère, marché des producteurs, tables rondes).
[10 septembre]
Bye bye Bayrou
François Bayrou est l’archétype de l’homme politique qui a fait carrière en politique, collectionnant les postes, les titres, et cumulant les mandats. Emmanuel Macron l’a nommé premier ministre alors qu’il n’avait aucune légitimité à occuper un tel poste, sans représentativité dans l’opinion publique, obtenu grâce à son alliance avec En Marche, lui qui, s’il n’avait pas inventé l’hypocrite "En même temps" l’avait précédé avec "le Miyeu", tromperie accréditant l’idée qu’on peut réunir l’eau et le feu, le capitalisme et le social, alors que Macron a bien démontré la supercherie de cette prétention, seul le capitalisme n’ayant grâce à ses yeux.
Bayrou c’est cet homme qui a mené campagne contre le Code du Travail en 2013 (sur France 2, lors d’un débat) et en 2014 (chez Ruquier) avec un geste obscène désignant comme infâme ce code qui protège les travailleurs : rien que cela aurait dû le condamner à jamais. Bayrou c’est ce « père hoquet » qui voulant affoler la population a répété X fois [en 2010, en 2017, en 2021, en 2022, en 2024] la même phrase : « Ce que nous sommes en train de vivre c’est sans précédent, sans précédent depuis 75 ans. Le risque qui est devant nous, jamais nous n’avons connu le même depuis des décennies et des décennies » (alpagué par Quotidien, sur TMC, qui a diffusé en mai 2024 les extraits de vidéos).

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Bayrou c’est l’élu qui a triché sur les postes d’assistants parlementaires européens même s’il s’en est bien tiré judiciairement (abandonnant en rase campagne sa plus proche collaboratrice, Marielle de Sarnez qui décèdera d’une leucémie foudroyante un an après sa mise en examen). Bayrou c’est le ponte qui, par copinage, a décroché le titre de Haut-commissaire au Plan où il a brillé par son inaction, n’ayant strictement rien proposé qui aurait fait date. C’est le batteur d’estrade qui est connu pour avoir dénoncé la dette, depuis longtemps il est vrai, alors même qu’il a contribué à ce qu’elle se creuse (pour la raison simple que, chez ces gens-là, la dette n’est pas vraiment un problème puisqu’elle permet à des financiers d’engranger des royalties, tandis qu’elle a un mérite, car agitée comme un hochet elle permet d’affoler les citoyens afin qu’ils acceptent de se serrer la ceinture, en poussant l’escroquerie jusqu’à dire que chaque Français à 50 000 euros sur la tête comme l’a proclamé Bayrou en avril).
Bayrou c’est aussi le premier ministre qui, dans son discours de politique générale en janvier dernier, a falsifié les chiffres du déficit des retraites (en le situant à 55 milliards d’euros, en reprenant les chiffres manipulés de l’extrême droite et de l’institut de l’égérie de l’ultra-libéralisme, Agnès Verdier-Molinié).
Bayrou, c’est aussi le père la morale qui a fermé les yeux en son temps sur les violences de Betharram et qui a affiché sa nullité lors de l’audience publique de la commission parlementaire en mai dernier où la France entière a pu mesurer combien il était pathétique, incapable de trouver les mots mais n’hésitant pas à insulter une lanceuse d’alerte. C’est enfin le seul à partir dans de telles conditions, se préoccupant moins de la dette que de son sort, sa demande de confiance étant une sorte de démission.
Bon, il ne s’agit là que d’un florilège, j’ai essayé de faire court et j’ai laissé tomber le gel des pensions de retraite et des prestations sociales, le refus de la taxe Zucman et tant d’autres injustices. Mais tout cela explique qu’il y ait eu hier vers 19h des "pots de départ" organisés partout en France, célébrant le refus de la confiance voté par l’Assemblée Nationale envers ce premier ministre qui n’aurait jamais dû l’être.

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A Auch, vers 18h, il y avait plus de policiers que de manifestants, mais à l’annonce du vote de défiance ils et elles étaient une bonne cinquantaine à exprimer leur satisfaction.
[8 septembre]
Billet n° 880
Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Parcours et démarche : ici et là. "Chroniqueur militant". Et bilan au n° 700 et au n° 600. Le plaisir d'écrire et de faire lien (n° 800).
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