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Billet de blog 14 juin 2022

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Qui est riche en France ?

Le dernier rapport de l’Observatoire des inégalités sur Les Riches en France confirme qu’ils se portent bien. Mais à des degrés divers, puisqu’à deux fois le revenu médian, est riche celle ou celui qui perçoit 3673 euros par mois. Il est aussi question des patrimoines.

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Illustration 1

Louis Maurin, directeur de l’Observatoire, dans son avant-propos, constate qu’on hésite pas à employer le mit ʺpauvreʺ, mais bien moins celui de ʺricheʺ. Puisqu’on admet (c’est une convention) qu’on est pauvre lorsqu’on perçoit la moitié du revenu médian), pourquoi ne pas considérer (autre convention) qu’on est riche au double de ce revenu. Ainsi le revenu médian d’une personne seule, après impôt et après perception d’éventuelles prestations sociales, étant de 1836 €, on est pauvre à 917 € et riche à 3673 €. L’Observatoire s’est toujours référé, pour la pauvreté, à 50 % du revenu médian, et non à 60 %, plus souvent retenu par d’autres, d’où le chiffre de 1063 € qui circule le plus souvent.

Il s’insurge contre l’idée que 99 % des Français (d’en bas) mèneraient le combat contre les 1 % du haut de la pyramide. Certaines approches populistes iraient dans ce sens, ce qui évite d’interroger les classes moyennes supérieures. Or les riches ce ne sont pas que les ultra-fortunés. Évidemment, toute réflexion sur le sujet est complexe, car on ne peut se contenter de tenir compte du seul revenu : à revenu égal, on ne dispose pas des mêmes moyens selon qu’on a du patrimoine ou pas.

La démarche de l’Observatoire n’est pas de condamner la richesse. Par contre il interroge la justesse des écarts : quel est vraiment le mérite de ceux qui gagnent beaucoup « comparé à celui de la France qui se lève tôt, travaille dur pour des salaires misérable » ?

Illustration 2

Anne Brunner, directrice d’études à l’Observatoire, constate que les riches avaient vu leurs revenus beaucoup progresser entre 1998 et 2008 (bien plus que les classes moyennes et populaires). Puis il y eut la crise financière qui a fait qu’en 2019 les 10 % des plus riches avaient un niveau de vie comparable à celui de 2009. Mais ils s’en tirent mieux que les autres classes. Les salaires les plus élevés ont progressé, les dividendes ont augmenté, les mesures fiscales ont été favorables aux plus aisés. L’Institut des politiques publiques (IPP) a montré que les mesures prises par Emmanuel Macron ont accru les inégalités entre les deux extrémités de l’échelle des revenus, au cours du quinquennat. Pour les 5 % les plus pauvres, aucun gain. Des 6 % à 50 % (autour de 1800 € de revenu), un gain de 200 € annuels, au-delà (le tiers supérieur), 500 € annuels. Et le 1 % le plus haut, qui sont 700 000, a gagné 3500 € de plus. Il s’agit de données statistiques générales. Ce qui ne signifie pas que des mesures sociales n’ont pas été prises (hausse de la prime d’activité, minimum vieillesse et AAH revalorisées, soit + 4 Md€) mais cela a été récupéré par la baisse des pensions de retraites, des indemnités de chômage et des allocations de logement (moins 6,8 Md€), sans parler de la suppression de l’impôt sur la fortune et de la suppression de la taxe d’habitation [qui ont fait perdre, 21 Md à l’État].

Globalement, les riches sont plus riches qu’il y a 20 ans. Ils sont 4,5 millions, soit 7,1 % de la population. Les 6300 d’entre eux les plus riches (le 0,01 %) ont un niveau de vie mensuel minimum supérieur à 54 497 €. On peut mettre ces chiffres en parallèle avec ceux concernant les pauvres (en dessous de 50 % du revenu médian) qui sont 5,3 millions, soit 8,3 % de la population (Rapport sur les inégalités en France, édition 2021). Le chiffre de 9 millions de pauvres plus souvent invoqué se réfère à la pauvreté à 60 % du revenu médian.

Illustration 3

La richesse n’est pas constituée que du revenu, mais aussi du patrimoine : de même que la pauvreté doit être considérée en prenant en compte divers paramètres, on n’est pas riche de la même manière si on gagne beaucoup mais avec ou sans patrimoine. Le patrimoine médian est de 163 000 euros par ménage : si on retenait comme seuil de richesse en patrimoine le double (comme pour les revenus), un quart des ménages seraient riches en patrimoine (330 000 euros) : c'est pourquoi, l'Observatoire retient le triple du patrimoine médian comme seuil de fortune (490 000 euros) : 16 % des ménages possèdent un tel patrimoine. Par ailleurs, 1,2 million de ménages possèdent au moins un million d’euros. Et les 10 % les plus fortunés disposent d’une fortune qui représente 46 % du patrimoine de l’ensemble des ménages. Si l’on connaît le rendement des droits de succession (12,6 Md€), il est difficile de trouver le montant total des successions : il m’a fallu aller sur un rapport officiel de 360 pages, établi par Laurent Vachey, inspecteur des finances et portant sur La branche autonomie et les modalités de financement (360 pages). Il est dit qu’en 2019, le montant total des transmissions atteint 280 Md€ et représente 19 % du revenu disponible net des ménages (ce montant était de 8,5 % en 1980, ce qui signifie qu’une partie de la population s’est tout de même enrichie).

Le rapport de l’Observatoire décrit comment « les enfants de riches échappent à l’impôt sur l’héritage », de nombreuses dispositions facilitant exonérations et abattements. La quasi-totalité des partis politiques prônent une baisse de l’imposition sur l’héritage (1). Le rapport fourmille de bien d’autres précisions et tableaux sur la richesse en France, sur les conditions de vie, sur les diplômes, sur « le seuil du bonheur », sur les comparaisons avec les autres pays européens. L'intérêt essentiel de cette étude est de montrer qu'un gouvernement qui veut mettre en œuvre une politique sociale doit prendre en compte le fait que les riches, dans ce pays, ce ne sont pas seulement les 100, 200 ou 500 familles

. Rapport sur les riches en France, 2022, Observatoire des inégalités, 104 pages. À commander (10 €) : ici.

(1) Seule la NUPES prévoit une réforme drastique : « Augmenter les droits de succession sur les plus hauts patrimoines en comptabilisant l’ensemble des dons et héritages reçus tout au long de la vie et créer un héritage maximal de 12 millions d’euros (soit 100 fois le patrimoine net médian) et en supprimant les niches fiscales permettant aux plus aisés d’échapper aux droits de succession » (une des 650 propositions : Programme partagé de gouvernement de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale).

. Fortunes et infortunes de France, 2 juin 2021, YF. Rapport bisannuel sur les inégalités dans le pays. On manquait alors de chiffres pour évaluer l’effet de la crise sanitaire mais de façon générale le constat était une aggravation de la situation, même si les auteurs veillaient à ne pas sombrer dans des affichages misérabilistes reposant plus sur des slogans que sur des données tangibles.

. Rapport sur les riches en France, 9 juin 2020, YF. Rapport sur les « premiers de cordée » et sur leur enrichissement continu. Les auteurs prônent la fixation d'un « seuil de richesse » qu’ils situent à deux fois le revenu médian, soit à 3500 euros nets après impôts.

. L’Observatoire des inégalités est un organisme indépendant, fondé en 2003. Il dresse un état des inégalités en France et dans le monde, données qui peuvent être un outil dans les combats à mener pour plus de justice sociale.

Illustration 4
[Photo YF]

Billet n° 684

Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Parcours et démarche : ici et "Chroniqueur militant". Et bilan au n° 600.

Contact : yves.faucoup.mediapart@sfr.fr ; Lien avec ma page Facebook ; Tweeter : @YvesFaucoup

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