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Billet de blog 15 septembre 2025

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Mort de la rue

Vendredi, au café tout près de chez moi, une rubalise empêche l’accès de la terrasse : deux policiers montent la garde. Bien vite, j’aperçois sur la terrasse une couverture de survie au sol, dont le volume me laisse supposer qu’elle recouvre un corps.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Vendredi, en fin de matinée, je me rends comme souvent au café tout près de chez moi, je dois y retrouver une amie. Au café, une rubalise empêche l’accès de la terrasse : deux policiers montent la garde. Me demandant quel lien ça peut avoir avec la braderie toute proche, ou si la visite d’un ministre (démissionnaire) est prévue [en février 2023, dans la même zone, Gabriel Attal avait déambulé, plus récemment Yaël Braun-Pivet, et je les avais interpellés], j'interroge un policier qui me répond poliment que je le saurai demain dans la presse.

Bien vite, j’aperçois sur la terrasse une couverture de survie au sol, dont le volume me laisse supposer qu’elle recouvre un corps. Peu après, un médecin légiste arrive, qui soulève la couverture : de l’intérieur de l’établissement, j’aperçois le visage d’un homme, cheveux noirs, la quarantaine.

L’article publié dans la journée sur le site de La Dépêche, indique que lorsqu’un serveur a pris son service le matin il a découvert cet homme semblant dormir sous la pluie. Si un médecin local a pu constater le décès, il a fallu attendre la venue d’un médecin légiste de Toulouse, car il n'y a aucun médecin légiste à Auch le vendredi (on croyait que le Gers était médicalement en rade, de fait pas seulement pour les vivants). A ce jour, on ignore si cet homme, effectivement la quarantaine, présenté comme un sans-abri, a été percuté par une voiture sur le rond-point, a été victime d’une agression ou est mort de mort naturelle.

Inutile de préciser qu’un tel événement tétanise, imaginer qu’un être humain est venu mourir là, sans personne pour l’assister, qui sera enterré sans doute au carré des indigents, provoque en soi la sensation de ce qu’est l’injustice absolue. Je n’avais de ce fait aucune intention d’en parler, il valait mieux faire silence devant ce malheur suprême. Mais samedi soir, j’ai lu les commentaires publiés sous l’article du site de La Dépêche (qui, lui, était factuel et respectueux) et sur sa page Facebook. Ils en disent long sur ce qu’est devenue notre société : le racisme social et le racisme tout court (attisés par les médias d’extrême droite qui en font commerce), en tous cas de la part de celles et ceux qui ne craignent pas, le plus souvent sous pseudonyme, de déverser ainsi leur bile haineuse.

Les uns se demandent aussitôt ce que font les associations d’aide aux sans-abris des subventions qu’elles reçoivent, accusées de ne se préoccuper que des Afghans ou des Africains, d’autres ironisent sur les clandestins à l’abri dans de beaux appartements tandis que les Français meurent sur le trottoir, gambergent sur les logements qui devraient être donnés aux SDF plutôt qu’à tous ces migrants qui se gavent [argument souvent répété], « Je suis originaire du Gers, impossible à trouver un logement, il faut que je m'appelle Moustapha ? ».

Reproche est fait aux élus de ne rien faire pour les pauvres ou, c’est selon, de trop faire c’est pourquoi tous les miséreux viennent à Auch, un autre affirme qu’Auch est une ville où circule beaucoup de sans-abris [sans préciser s’il se rend souvent dans d’autres villes pour comparer]. Tout à l’avenant : on ne va pas pleurer sur cette mort, ils ont choisi cette vie et ça nous coûte cher le social. On ne peut accueillir toute la misère du monde [alors même que rien ne permet de dire pour le moment que l’homme en question serait venu d’ailleurs]. Certains commentaires ne sont pas d’ici : l’un se plaint que Paris devienne « une poubelle à ciel ouvert ».

Soyons juste cependant : quelques lecteurs, nettement minoritaires, sont attristés par cette mort (« personne ne devrait dormir dehors et mourir seul ») et sont scandalisés par les propos tenus. L’un fournit des éléments législatifs sur le cadre du droit au logement des migrants. L’une réclame la censure pour de tels commentaires, l’un va jusqu’à souhaiter qu’un psy passe par là (sur le fil de commentaires) car il y a manifestement « un paquet de souffrances chez des gens soi-disant bien portants ».

Billet n° 881

Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Parcours et démarche : ici et "Chroniqueur militant". Et bilan au n° 700 et au  n° 600Le plaisir d'écrire et de faire lien (n° 800).

Contact : yves.faucoup.mediapart@free.fr ; Lien avec ma page Facebook 

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