Quelques films où il est question de misère, de guerres, d’esclavage, de parcours tragiques, de frontières, de violences policières, d’exilés : « Green Border », « Moi capitaine », « La tête froide », et retour sur « Un paese di Calabria ».
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Green Border ou la forêt meurtrière
Le film Green Border de la réalisatrice polonaise Agnieszka Holland a pour projet de montrer les conditions qui sont faites aux réfugiés qui, suite à une manipulation de Loukatchenko, le dictateur pro-Poutine de Biélorussie, afin d'importuner l'Europe, sont incités à venir dans le pays pour être aussitôt refoulés vers la Pologne et accéder ainsi à l’Union Européenne, où ils espèrent bénéficier de protections.
Le scénario est découpé de façon classique en plusieurs séquences : les réfugiés, les gardes-frontières, les militants. Le film nous montre d’abord une famille syrienne provenant d’Harasta espérant pouvoir rejoindre la Suède : le grand-père Grandpa, le père Bashir, la mère Amina, les enfants Nour, Ghalia et un bébé. A la frontière, des policiers biélorusses exigent 300 euros puis les aident à se faufiler sous les barbelés, les sacs étant jetés par-dessus l’entrelacs de fils de fer coupants. La joie est alors à son comble puisque la Pologne est vécue comme l’accès à la liberté. Sauf que des policiers polonais les arraisonnent, se montrent tout doux avant que des camions ne viennent les chercher pour les refouler. Ce va-et-vient ignoble (jusqu’à cinq fois), organisé par les dirigeants de ces pays, s’est déroulé dans un quasi silence des populations européennes, qui restaient marquées par la propagande politico-médiatique consistant à montrer des images suggérant une invasion migrante (2015, avec les longues cohortes, complaisamment montrées, de réfugiés venus d’Irak et de Syrie).
Les hurlements, les aboiements des chiens policiers, les cris de panique, une femme enceinte blessée maltraitée par des policiers, la nuit dans les bois, les marécages mortels, le noir et blanc des images, tout est fait pour nous plonger dans un univers effroyable même s’il est bien réel. Une scène parmi d’autres : des policiers polonais, de l’UE donc, balancent un mort par-dessus les barbelés pour que les Biélorusses s’en débrouillent.
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Un policier exige 50 euros la bouteille d’eau, casse une thermos et l’envoie à un réfugié assoiffé qui boit sans se méfier et qui ingurgite ainsi du verre pillé (mais un de ses collègues désapprouve). Un autre brutalise un enfant cherchant à protéger son grand-père. Ce dernier n’a que la religion pour se défendre : « puisse Dieu les punir ». La bonne conscience d’un policier repose sur cette question : « quel père enverrait ses enfants ainsi sur la route ? » et si l’on ne fait rien, ils seront bientôt des milliers et « dans six mois c’est une bombe dans le métro ». L’attitude des gardes-frontières polonais est répressive, mais il y a parmi eux quelques individus qui supportent mal ce qu’on leur demande de faire à l’encontre de ces êtres humains.
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Enfin, le film s’attarde sur les activistes, ces bénévoles polonais qui viennent en aide aux réfugiés, les uns avec prudence, les autres en prenant des risques. Ce qui produit des scènes dramatiques mais aussi succulentes comme lorsque, arrêtées pour un contrôle, des jeunes femmes se mettent à réciter à tue-tête le Notre-Père. On suit plus précisément l’engagement progressif de Julia, la cinquantaine, psychologue de profession. Son mari est mort du Covid, elle-même est malade (asthme peut-être), elle doit inhaler des bouffées d’un médicament pour tenir. Son domicile proche de la frontière peut servir de refuge. Le déclic qui l’a motivée est le fait que l’État a soutenu une manifestation nazie. Un article du code pénal sanctionne les humanitaires pour "trafic d’êtres humains". On mesure qu’une partie de la population polonaise, pas seulement les intellectuels, a des valeurs humaines et tient à les défendre, coûte que coûte. Julia sera humiliée par la police la contraignant à se déshabiller totalement, sa voiture a été détruite, mais elle est plus que jamais déterminée et sait même trouver parmi ses amis et ses patients des soutiens efficaces.
Bashir a été victime de Daech (qui précipite ses opposants du haut des toits), mais, malgré les injonctions de sa femme, il refuse de montrer ses blessures infligées par les djihadistes : ils (les Européens) nous suivent depuis dix ans, ils savent très bien ce que nous avons subi et ils n’ont rien fait. Où sont les politiciens et l’Union Européenne, demande un activiste. Plus de 20 000 morts en Méditerrannée, Frontex chasse les embarcations des réfugiés...
Le film se termine avec des mineurs africains hébergés chez des jeunes parlant français : ils et elle chantent et répètent Mourir mille fois (Youssoupha). Un épilogue nous rappelle qu’après le 26 février 2022, près de deux millions d’Ukrainiens ont été accueillis en Pologne, on voit des policiers déférents envers ces réfugiés tandis qu’on continue de mourir à la frontière entre la Biélorussie et la Pologne.
. Le film a obtenu 800 000 spectateurs en Pologne, bien qu’attaqué par le gouvernement. Et s’est vu décerné le prix spécial du jury à la Mostra de Venise.
. Le Masque et la Plume du 18 février (France Inter) : le chroniqueur Christophe Bourseiller, qui s’est vanté au cours de l’émission d’avoir joué dans sa jeunesse « dans des bons films drôles » (ado mal dégrossi dans Un éléphant ça trompe énormément) n’a pas aimé le film d’Agnieska Holland : « qui veut trop démontrer ne démontre rien ». Trop manichéen selon lui : les migrants sont très sympas, les gardes-frontières des soudards et les humanitaires des héros. Soit « un tract qui dure 2 heures 30 ». Marie Sauvion (Télérama), fortement applaudie par l’assistance, rappelle que cette forêt primaire a été interdite aux journalistes, et donc le film nous laisse nous interroger « sur l’image manquante » (la famille que devient-elle ?). La réalisatrice compense par un film très documenté ce que les reporters ne peuvent montrer. Télérama a enquêté sur place : depuis le film, les Polonais aujourd’hui ont peur de tomber sur des corps dans cette forêt de Bialowieza (1). « On en sort furibard, voilà ce qui arrive quand on vote pour l’extrême droite, et le cinéma ça sert parfois à ça ».
Seydou, 16 ans, jeune sénégalais, rêvent de quitter son pays pour tenter sa chance en Europe. Il met de l’argent de côté qu’il cache dans le sable. Seydou vit avec sa mère et ses sœurs, le père est décédé. Il tente de confier son projet à sa mère mais elle ne veut rien entendre : « ceux qui sont partis sont un tas de cadavres ». Il regarde sur son smartphone des vidéos où l’on voit des séquences de traversée du désert, de la mer. Mais rien ne le rebute, comme tant d’autres jeunes d’Afrique, désœuvrés, conscients que leur vie ne leur apporte rien, alors que là-bas de l’autre côté de la mer, il y a certainement un eldorado, peut-être une vie bonne. Les reproches de sa mère ont un seul mérite pour lui : il écrit et interprète un chant avec les propos maternels. Il aimerait tant devenir une star de la chanson.
Il embarque dans ce projet son cousin, Moussa, même âge. Ils tentent leur chance auprès d’un facilitateur, un homme susceptible de les aider à trouver un passeur, mais, ce dernier, se méfiant dans un premier temps, les dissuade, déroulant tous les dangers du parcours. Ils cherchent à mettre toutes les chances de leur côté, allant jusqu’à solliciter un magicien qui, dans un cimetière, demande aux morts l’autorisation qu’ils partent. Seydou s’excuse auprès des défunts de devoir ainsi trahir sa mère. Le magicien leur délivre un blanc-seing. Ils prennent des faux noms pour leurs faux passeports, sans précaution puisqu’au premier contrôle il apparait qu’ils portent les mêmes vêtements que sur la photo ! Il faut verser un pot de vin pour contourner l’obstacle.
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Ils parviennent à Agadez [je ne reconnais pas cette ville du nord du Niger, ni les alentours au nord d’Agadez : évidemment, le film est tourné au Maroc], ils déboursent 800 dollars pour qu’une voiture les conduise en Libye. On suit cette galère décrite par d’autres films ou certains ouvrages (Bilal sur la route des clandestins, de Fabrizio Gatti, par exemple) : argent caché dans le rectum, homme tombant de la plateforme du véhicule qui poursuit sa route, abandon des migrants dans le désert, mort d’une femme épuisée, racket par les policiers libyens, extrêmement violents, puis passeurs arabes à Sahba (Libye) faisant chantage à la torture si les familles contactées ne fournissent pas 800 dollars.
La souffrance de ces hommes est incommensurable, Seydou a perdu Moussa, il est désespéré, il voudrait demander pardon à sa mère. Heureusement, des paysages sublimes et quelques scènes oniriques permettent d’évacuer un peu la tension du film ou visent à nous rappeler qu’on est dans un film, pas dans un documentaire. On assiste aussi à des relations solidaires, bienvenues, entre prisonniers (solidarité ethnique cependant), devenus esclaves (sujet brûlant bien rarement montré). Seydou sera racheté 500 dollars pour être finalement libéré.
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Il retrouve son cousin, conformément à la croyance qui n’avait cessé de l’habiter. Moussa a été blessé par balle et veut rentrer au Sénégal, mourir dans son pays. Mais pour Seydou, « l’Europe nous attend ». Il le soigne mais ils n’ont plus d’argent pour la traversée. Alors Seydou, bien que ne sachant pas nager, ni conduire un bateau pour une traversée, accepte d’être capitaine pour n'avoir pas à payer et de conduire à bon port une cargaison de réfugiés. Cette navigation est l’occasion de faire durer le cauchemar : une femme est enceinte (comme tant de témoignages l’ont rapporté), le bateau tombe en panne (idem), mais Seydou va se révéler un vrai capitaine, heureux et fier de son exploit. Il est devenu un homme après avoir assumé une telle responsabilité (même le bébé est né et a survécu).
On pourrait croire que l’arrivée en Sicile est la fin, mais si le film se termine on imagine bien que nous n’avons vu qu’une séquence, effroyable certes, de cette tentative d’arrivée en Europe. Il y aura encore certainement la traversée des Alpes, et aussi peut-être de la Manche. Ainsi on a vu de près ce qui se passe (et même au pays, en amont du "voyage"), on a assisté à une histoire et une victoire individuelles, mais le film n’invite pas vraiment à la réflexion sur les enjeux. En montrant cette aspiration à la vie bonne (certainement un des moteurs des migrations), il fait quelque peu l’impasse sur toutes les autres motivations bien plus vitales : la misère, la guerre, les persécutions.
Seydou Sarr, qui incarne admirablement Seydou, s’est vu décerné le prix Marcello-Mastroianni à la Mostra de Venise en septembre dernier et le réalisateur Matteo Garrone [célèbre pour Gomorra, Dogman] le Lion d’argent du meilleur réalisateur. Giorgia Meloni n’aurait pas apprécié et du coup elle a nommé un de ses poches à la tête de la Sérénissime. Le film sort en France peu après les débats homériques sur la loi immigration.
Un des plus beaux et émouvants films jamais vus. La réalisatrice Cécile Allegra recueille les paroles des demandeurs d’asile, qui sont mises en musique, puis chantées, véritables témoignages des violences subies sur le parcours de migration, en particulier en Libye, et les espoirs d’une vie meilleure. Nostalgie du pays, de la famille, souffrance de l’exil, désespoir et espérance mêlés. Tout se passe dans un village dont on ne nous donne pas le nom tout de suite mais qu’on reconnaît vite : Conques. Contraste époustouflant entre ce que ces gens ont vécu et ce village de paix, dans un décor de pierres apaisant et ancestral. Une jeune fille se couche dans un des sarcophages qui bordent l’église, car Cécile Allegra manie aussi l’humour.
La tête froide, au passage de la frontière
Marie, 45 ans, vit chichement, habitant dans un mobil-home près de Briançon. Elle fait quelques heures au comptoir d’un bar mais, pour s’en sortir (elle a une grosse dette envers le camping), elle a mis en place un petit trafic de cigarettes, achetées en Italie, à Sestrières, et passe la frontière sans contrôle car son petit ami, gendarme au col de Montgenèvre, l’informe des heures de contrôle. Il me semble qu’il est dit que pour éviter un contrôle à Montgenèvre, elle passe parfois par le col de l’Échelle, alors qu’il n’y a pas de route : ce col est justement connu pour être un passage des migrants clandestins, à pied, parce qu’il est en relative basse altitude tout en étant dangereux et mortel (surtout, évidemment l’hiver, avec la neige).
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Un soir, sur la route elle tombe sur un homme, au risque de le percuter (comme dans le film Les Engagés d'Emilie Frèche). Souleymane est avec une femme enceinte, tous deux venus d’Afrique. Elle les secourt et les conduit au Refuge solidaire (qui existe en vrai à Briançon), tout en précisant qu’elle ne compte pas s’engager dans l’humanitaire (toujours comme dans Les Engagés).
Souleymane lui propose de participer à un trafic de migrants, puisqu’elle peut facilement passer la frontières avec sa camionnette rouge (c’est le véhicule le moins indiqué, car, dans la vraie vie, la police et la gendarmerie suspectent tout ce qui permet de transporter des passagers). Malgré ses réticences morales (« je ne suis pas une passeuse »), elle finit par accepter. Souleymane lui explique qu’en Libye c’est possible de prendre un bateau sans payer, à condition de le piloter (comme on l’a vu ci-dessus, c’est au cœur du film Moi capitaine). Marie prend de plus en plus de risques, malgré la panique de son pote policier qui rappelle le code pénal : « aide au séjour illégal » (en réalité c’est plutôt l’aide à l’entrée irrégulière qui est sanctionnée, sans parler du trafic de cigarettes).
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Pour nous spectateurs, Marie n’est pas la mauvaise, on mesure qu’elle est acculée et qu’elle a de la compassion pour ces gens qui ont vécu des épisodes terribles tout au long du parcours de migration. Elle est affectée par le commentaire critique que lui fait une bénévole du Refuge qui suspecte les conditions selon lesquelles elle aide des migrants à passer la frontière. Malgré quelques invraisemblances (comme le passage sans contrôle du col de Montgenèvre, sans suspicion des autres gendarmes quand on sait de quelle manière toute la zone est surveillée) et quelques scènes prévisibles, ce film montre plus que la réalité des passeurs, celles des demandeurs d’asile et du danger extrême qu’ils encourent encore dans la phase finale de leur parcours tragique, lors de leur arrivée en France quand ils tentent de passer par la montagne enneigée. Si l’actrice principale Florence Loiret Caille joue à la perfection, avec une force vitale impressionnante, on regrette que la relation de son personnage avec sa fille qui la désavoue ne soit pas approfondie.
Sur le même thème, est sorti, en 2023 également, un film de Guillaume Renusson, Les Survivants : un homme malheureux (Denis Ménochet) vit reclus dans son chalet au cœur des Alpes italiennes. Une jeune femme afghane, perdue dans la montagne, débarque chez lui. Il lui vient en aide malgré les dangers du froid, de la montagne et des activistes fascistes.
Je recommande L’Exil, toujours recommencé, chronique de la frontière (2024, Seuil), ouvrage de Didier Fassin (anthropologue et médecin) et Anne-Claire Defossez (sociologue) que je présenterai ici prochainement. Ces deux chercheurs ont justement étudié à Briançon la question des exilés, des bénévoles, des familles accueillantes, des occupants de squats et des policiers et gendarmes. Les deux chercheurs, « en observation participante et en participation observante », ont participé à des maraudes, y compris pour secourir des exilés perdus dans le col de l’Échelle. Les descriptions parfois insoutenables de parcours de migrants faites dans Green Border ou dans Moi, capitaine sont totalement corroborées par ce livre magistral qui, d’une belle écriture, richement documenté, se lit d’une traite malgré une thématique ardue. Il constitue une somme sur le sujet et sera désormais une référence pour quiconque s’intéresse à la question des migrants, réfugiés, et autres exilés.
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Un paese di Calabria, quand Riace est revenu à la vie
Ce film, sorti en 2016, réalisé par Shu Aiello et Catherine Catella, s’ouvre sur des paysages arides, plantés d’oliviers, des maisons abandonnées au bord de la mer. Un jour, 200 migrants, kurdes, ont accosté sur la plage : c’était le 1er juillet 1998, après huit jours de mer. Ce jour-là, une vieille femme pleurait : elle ne voulait pas descendre du bateau mais retourner en Turquie. Un exilé a raconté : les Libyens nous ont jeté à la mer, nous avons été emportés par les vagues puis secourus avant d’être débarqués ici. Avec un sourire nerveux, un Africain raconte avoir caboté en mer pendant six jours sur une embarcation « gâtée », des femmes, des enfants, on n’a pas mangé ni bu pendant six jours, on était tout maigres en arrivant, raconte-t-il toujours avec ce sourire gênant. Certains sont tombés à l’eau : « ça fait souffrir, dit-il, tellement des gens sont morts ».
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Le village d’accueil, dans la province de Reggio de Calabre, très beau, aux murs de pierres et aux ruelles étroites, est depuis devenu célèbre : il s’agit de Riace. Les plus vieux villageois ne parlent pas italien, mais seulement calabrais. Baïram, kurde, dit qu’en arrivant ici il se croyait au Kurdistan, ressemblance géographique et culturelle.
La mafia régionale, la ‘Ndrangheta cherche à faire fuir ces migrants qui dérangent son trafic. Cette mafia existe depuis 1861 mais elle n’est reconnue comme telle que depuis une loi de 2010. On aperçoit des fresques murales : « contre ‘Ndrangheta on se donne la main ». Si l’on comprend que les habitants rejettent la ‘Ndrangheta, on ne voit pas bien dans le film quelles sont ses activités et son impact. En tout cas, Riace est la seule ville de la région qui a porté plainte contre cette mafia. Un commerçant avait été tué parce qu’il avait refusé de baisser le rideau de son magasin pour les obsèques d’un personnage important de la mafia.
Domenio Lucano, le maire, dit qu’au Moyen-Âge déjà les gens arrivaient par la mer : les côtes de la Méditerranée ont été une succession de peuples. Des opposants ont commis des actes graves pour s’opposer à cette arrivée d’étrangers : kiosque et voitures brûlés, intimidations. Il confie qu’il a découvert et compris ce que sont les classes sociales quand un mineur de Riace est mort de la silicose : « j’ai compris, j’ai choisi alors le camp des plus faibles ».
Le réalisateur interroge les migrants sur les raisons de leur exil : l’un est parti sans rien dire, même pas à sa mère, un autre avait perdu son père et sa mère était maltraitante, un troisième rentrant de la guerre a trouvé un nouveau propriétaire sur ses terres. Ils ont vécu des mois dans des camps, frappés, femmes violées (l’une a accouché à Riace).
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Le film est parsemé de cérémonies, de processions (pour les saints, Cosmo et Damiano), un peu trop longues (de même qu'une interminable discussion sur la loterie me parait sans intérêt), de la ferveur des fidèles, de baptêmes, de danses dans l’église, de sermons du curé qui liste dans sa prière toutes les nationalités accueillies. Le jour, on entend ce chant : « Faites l’aumône aux miséreux que nous sommes Nous acceptons quoique vous nous donniez Ce que vous donnez sera bénédiction pour les morts Tous les pauvres nous ont donné Les riches ne nous ont même pas jeté un bout de pain Jésus Christ tu dois les faire mourir ». Les villageois ne semblent pas s’offusquer des quelques femmes voilées. La nuit on devine quatre hommes récitant une prière musulmane.
Riace
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On assiste à l’apprentissage de la langue (enfants et adultes). Etrangement, à la fin du film seulement, sur un panneau avant le générique, on apprend que les migrants font deux ans de formation professionnelle et d’apprentissage de la langue et perçoivent une allocation. En effet, le film ne décrit pas vraiment comment ces exilés, qui réclament du travail au maire, trouvent à s’insérer, à part Baïram qui étant charpentier s’est vu proposer un emploi dans cette activité. Beaucoup aspirent à aller ailleurs, dans les grandes villes comme Rome ou Milan. Des maisons étaient depuis longtemps abandonnées, alors le maire a monté un projet de restauration pour y loger les migrants.
On assiste aux élections municipales de 2014 et la longue attente avant l’annonce de la réélection de Domenio pour un troisième mandat, avec pour slogan : Cent pas vers le futur, tiré d’un film Cent pas sur la vie de Peppino, sur l’histoire d’un jeune communiste assassiné en 1978 par la ‘Ndrangheta (100 pas était la distance entre son domicile et celui du parrain, Badalamenti). Le père de Domenio témoigne : grâce à lui, le village a repris vie (passé de 900 à 2100 habitants en 25 ans, plus de 6000 migrants accueillis). Des migrants attendent avec anxiété les résultats du scrutin. La victoire sera fêtée avec un feu d’artifice et au son de Bella Ciao.
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En contre-point, on a le récit de Rosa Maria, qui a quitté le village en 1931 pour fuir la misère. Elle a rejoint la France et se souvient de l’attitude des Français qui se bouchaient le nez en les voyant. « On a été des milliers à quitter le pays, beaucoup ne reviendront pas, d’autres arrivent, c’est l’histoire des hommes ».
Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Parcours et démarche : ici et là. "Chroniqueur militant". Et bilan au n° 700 et au n° 600.