Crimes de guerre et crimes contre l’humanité
Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a donc demandé aux juges de valider des mandats d’arrêt, visant d’une part Benyamin Netanyahou et son ministre de la défense Yoav Gallant, d’autre part les trois dirigeants du Hamas. Douche froide pour celles et ceux qui défendent mordicus le droit d’Israël à rétorquer sans limites à l’attaque du Hamas du 7 octobre. Tous sont suspectés de crimes contre l’humanité, pour extermination, meurtres, persécutions et autres actes inhumains, et pour crimes de guerre pour meurtres, atteintes à l’intégrité physique et mentale, traitements cruels, attaques intentionnelles contre des civils et le fait d’affamer volontairement une population. Les Céline Pina et autre Caroline Fourest, qui estiment que les morts de Gaza ne valent pas ceux du 7 octobre, les uns étant « involontaires » les autres volontaires, sont renvoyés dans les cordes. Mais on a vu partout la thèse selon laquelle on ne pouvait mettre sur le même plan le Hamas et Israël (État démocratique) : pas seulement Biden, Ciotti ou Larcher, mais aussi nombre de chroniqueurs sur les plateaux de télé se sont dits choqués de ce parallélisme, façon en réalité de minimiser les crimes de Netanyahou. Pas seulement sur la chaîne xénophobe, raciste, CNews (qui dénonce l’antisémitisme pas par conviction mais pour déverser plus allègrement son anti-islam viscéral), mais aussi sur d’autres comme LCI ou France Info.
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A propos de France Info, je relève la façon dont Gilles Bornstein et Barbara Klein ont interviewé Rima Hassan (franco-palestinienne, candidate sur la liste LFI aux Européennes) le 29 avril : ils l’ont harcelée, n’écoutant pas ses explications, Gilles Bornstein se comportant comme un militant, semblant même à un moment se rendre compte qu’il dépassait les bornes. Il n’était pas très à l’aise, car il avait en face de lui une jeune femme qui était percutante. Thomas Sotto a procédé de la même manière sur Télé Matin (France 2) le même jour, de mauvaise foi, veillant à ignorer qu’elle avait dit qu’elle considérait que le 7-octobre était un « crime de guerre et un crime contre l’humanité ». Ou l'interrogatoire tordu de Benjamin Duhamel sur BFM le 5 mai, où l'on constate qu'il ne l'écoute pas vraiment, ce qui lui importe c'est de tenter de la piéger quitte à sauter sans cesse du coq à l'âne. Je ne vole pas au secours de Rima Hassan, je note que sur les points abordés, elle s’explique très bien (sur son silence sur les crimes de Bachar Al Assad comme sur la répression en Tunisie quand elle s’y rend, c’est une autre question, mais elle n’a pas été interrogée sur ces sujets).
Barbara Klein qui participait à la curée, faut-il rappeler qu’elle fut journaliste à CNews et même qu’un jour un de ses chroniqueurs a insulté les musulmans en général, qu’elle n’a rien dit et n’a réagi, suite à un tollé, que 48 heures plus tard en se désolidarisant des propos tenus. Outre le fait que Rima Hassan ose parler de "génocide" à propos du pilonnage de Tsahal sur Gaza, parmi les reproches que Bornstein lui faisait étaient les mains rouges : on sait que les étudiants de Sciences Po, pour symboliser les massacres de Gaza, ont levé leurs mains teintées de rouge. Aussitôt scandale : cela rappelait la mort de deux soldats tués en 2000 par un Palestinien à Ramallah qui avait brandit ses mains tachées de sang ! Ce qui montre la perversion de nos médias : non pas parce que cet événement passé est rappelé mais pour la façon dont nombreux chroniqueurs et journalistes se sont précipités pour considérer que les « gauchistes LFI » de Sciences Po avaient volontairement fait ce lien. Alors même que les mains rouges ont été maintes fois utilisées dans des manifestations, y compris les femmes chiliennes contre les violences sexistes (avec mains rouges reproduites sur les visages).
Il va de soi qu’apposer des mains rouges sur le Mur des Justes près du Mémorial de la Shoah, dans la nuit du 13 au 14 mai, était un acte insupportable qui méritait la réprobation générale et justifiait que les auteurs soient sévèrement châtiés. Il peut très bien y avoir parmi des pro-Palestiniens des salopards antisémites (car ces mains en cet endroit faisaient un lien imbécile entre les victimes de la Shoah et les 35000 morts de Gaza). On pouvait cependant suspecter une provocation. Et c’est bien le cas : Le Canard enchaîné révèle aujourd’hui que les auteurs seraient des agents bulgares, comme les étoiles de David sur les murs en octobre dernier étaient l’œuvre d’agents moldaves (le mafieux de Kremlin étant évidemment derrière cette guerre clandestine).
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La décision de la CPI (124 pays adhérents, ni USA ni Israël mais Palestine oui, à ne pas confondre avec la Cour internationale de justice, CIJ, relevant elle de l’ONU, qui est chargée d’instruire l’éventualité d’un génocide en cours à Gaza à la demande de l'Afrique du Sud) a le mérite de mettre un frein aux accusations d’antisémitisme à l’encontre de toute critique envers Israël, de la part de bon nombre de commentateurs (pas seulement de Meyer Habib, ce député UDI, défenseur de Netanayhou, dont la vulgarité est la honte du parlement français). L’accusation d’antisémitisme est à ce point aujourd’hui invoquée à tout crin qu’elle constitue en elle-même une atteinte au juste combat qu’il importe de mener justement contre l’antisémitisme. L’universitaire juif, Kenneth Stern, qui se dit sioniste, dénonce dans une interview au Monde de ce 22 mai la façon dont l’antisémitisme est invoqué abusivement, y compris pour contrer tout soutien aux Palestiniens.
[22 mai]
Ciotti, le moraliste
Éric Ciotti, ce patron de la droite LR, défraye souvent la chronique avec ses saillies anti-immigrés et antisociales. C’est l’homme qui soutenait Sarkozy reprochant aux médias publics d’évoquer l’affaire Bygmalion, c’est lui qui refusait d’utiliser le terme "réfugiés", "migrants", préférant la formule « clandestins qui veulent venir en Europe », c’est lui qui a réclamé la préférence nationale chère au RN en exigeant un délai de carence, par exemple, pour l’octroi de l’allocation logement, car « notre modèle social est très généreux » (ses soutiens ne comprennent pas tous que cela signifie que ce modèle est TROP généreux en général et qu’il faudrait sabrer dans les dépenses sociales). C’est lui que les médias d’extrême droite soutiennent, n’oubliant pas qu’il a rappelé souvent son soutien et son amitié à l’autre Éric, Zemmour, le parangon de l'extrême droite raciste, appelant même à voter en 2022 pour lui si au deuxième tour de la présidentielle il était opposé à la droite macroniste.
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Et bien cet homme politique est au centre d’une enquête pour détournement de fonds publics (cumuls d’emplois non déclarés ou non autorisés de plusieurs de ses collaborateurs à l’Assemblée Nationale et au Conseil Départemental des Alpes-Maritimes). Le Monde daté de ce 16 mai décortique la façon dont Ciotti s'est défié de toute concurrence et a gardé la haute main sur la gestion des Alpes-Maritimes, avec les indemnités qui vont avec. Déjà son ex-épouse, comme Le Canard enchaîné l'a révélé en novembre 2022, avait cumulé 5 emplois avec sa complicité : le Parquet National Financier a ouvert une enquête préliminaire pour « détournement de fonds publics, abus de confiance et recel ».
Ce que l’article du Monde ne rappelle pas, car ce n’est pas du détournement de fonds publics (?), c’est qu’Éric Ciotti, aux côtés de deux députés Renaissance, est questeur de l’Assemblée Nationale (dont l'un n'est autre qu'Eric Woerth, autre modèle du genre, qui cumule bien des casseroles) et touche 5000 euros par mois en plus des indemnités de député (ces trois-là gèrent les crédits et les dépenses de l’AN). Un gros malin le patron des Républicains qui fait de la morale à qui mieux mieux sur les dépenses publiques mais s’engraisse en les pressurant à son profit par tous les moyens. Ce sont malheureusement trop souvent des gens comme lui, qui ne respirent pas l'intégrité, qui tiennent le haut du pavé.
[16 mai]
Les morts des émeutes
Depuis plusieurs jours, on nous disait que les émeutes en Nouvelle-Calédonie avaient provoqué 6 morts. L’élue politique Sonia Bakès, présidente de la région sud, responsable de la précipitation du gouvernement à organiser la modification du corps électoral, loi qui a provoqué la colère des Kanaks, déclarait sur la chaîne d’extrême-droite CNews qu’un des morts était un Caldoche, tué par des manifestants kanaks. Sauf que ce Caldoche, bloqué sur un barrage, était revenu armé pour tenter de passer : pas une raison pour être abattu, mais c’est un élément qui mérite d’être connu.
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Ensuite trois autres victimes sont des civils… oui mais des Kanaks tués par des Caldoches (Blancs) constituant des milices qui ont été présentées par les médias avec une certaine complaisance. Les médias n’ont pas trop insisté sur ce fait : il a fallu que certains tweets prétendent qu’ils avaient été tués par la police pour que le démenti précise qu’ils avaient été abattus… par des milices caldoches. Enfin, deux gendarmes tués par les rebelles ? Non : si l’un, gendarme mobile, a reçu une balle dans la tête sur un barrage, l’autre est mort accidentellement, tué de deux balles dans le thorax lors de l’installation d’une arme automatique sur un blindé au sein d’une caserne. Sur six morts, deux sont le fait des Kanaks révoltés. C’est juste une précision, pour le reste je ne maitrise pas bien le sujet de la Nouvelle-Calédonie, sinon que je comprends bien que le gouvernement pouvait difficilement ignorer que sa loi élargissant le corps électoral au détriment des Kanaks, en invoquant les trois référendums (alors que le troisième était contesté par les indépendantistes), allait mettre le feu aux poudres.
[20 mai]
Un juge trop indépendant
Le juge Renaud Van Ruymbeke est décédé le 10 mai à 71 ans. Il restera dans l’histoire ce juge qui a été intransigeant avec le patronat et les élites politiques. Il a été encensé à sa mort y compris par ceux qui aimeraient qu’on oublie qu’il les avait eus dans le collimateur. Ce que l’on sait c’est que sa tâche de juge d’instruction était compliquée car, malgré des lois dites démocratiques et républicaines, tout est fait pour qu’une enquête mettant en cause les puissants soit entravée. Dans son livre Mémoires d’un juge trop indépendant, il rappelle un certain nombre d’affaires : le suicide de Robert Boulin (occasion d’indiquer que l’homme qui avait cherché à compromettre le ministre du travail de Giscard était acoquiné avec Foccart pendant la guerre, en partenariat avec l’organisation Todt, qui trafiquait en France pour le compte des Nazis, mais Foccart ayant résisté un peu avant la fin de la guerre, deviendra un chef-barbouze du parti gaulliste et de Pasqua, fondateur du SAC). Le juge Van Ruymbeke qui a instruit cette affaire fut accusé par certains d’avoir poussé le ministre au suicide.
Quand il a voulu entrer à l’École de la Magistrature à Bordeaux comme enseignant, la Chancellerie, dirigée à l’époque par Robert Badinter, s’y est opposée. Ce dernier a été couvert d’éloges après son décès le 9 février dernier, on a alors évité de rapporter dans les nécrologies ce qu’a écrit le petit juge à son sujet : il mettait ce barrage à sa candidature sur le compte de l’affaire Boulin, mais plus vraisemblablement à cause d’une affaire oubliée, la vente du casino de Trouville. Une transaction douteuse avait eu lieu avec la complicité d’un associé du cabinet Badinter. Le juge fut empêché d’instruire plus avant et il aurait payé de son indépendance lors de cette candidature à l’EM (où finalement il a été admis, Badinter ayant finalement lâché prise).
Dans l’affaire Urba (les fausses factures du Parti socialiste), il cite dans son livre le fait qu’Henri Emmanuelli, trésorier du PS, fut élu président de l’Assemblée Nationale huit jours après que le juge ait perquisitionné les bureaux et la compta du PS, manière de faire pression sur lui. Il liste les responsables qui vont le discréditer : Fabius, Vauzelle, Mauroy, le président Mitterrand, mais aussi la droite, Stasi, Longuet, Sarkozy. Ce qui n’empêche pas le juge d’inculper le troisième homme de l’État. 46 responsables du PS publient alors une lettre ouverte demandant à être eux-mêmes inculpés : parmi eux, outre ceux déjà cités, Jospin. Emmanuelli sera tout de même condamné, avec, en appel, deux ans de perte de ses droits civiques. Dans l’affaire Elf, au détour d’une phrase, on voit apparaitre le magistrat Pierre Destoup (qui sera impliqué bien plus tard dans le faux arbitrage en faveur de Bernard Tapie). On voit comment les financements occultes étaient validés au plus haut niveau de l’État (État mitterrandien, comme c’était le cas quand il était gaulliste, on sait que le tort des "socialistes" a été de trafiquer trop vite, il leur fallait rattraper le temps perdu dans l’opposition, les gaullistes s'étant largement payés sur la bête. YF).
A plusieurs reprises, on cherchera à déstabiliser Van Ruymbeke et à le menacer : Giscard a demandé une enquête sur lui après l’affaire Boulin, et dans le scandale Clearstream (faux comptes), une enquête a été dirigée contre lui à l’initiative du ministre de la Justice et de Sarkozy (alors même que le juge avait démontré et démonté le subterfuge). Jacques Toubon, ancien garde des Sceaux, en prend pour son grade, se comportant comme cette vieille garde gaulliste contestant toute velléité d’indépendance des juges (il se rachètera plus tard comme défenseur des droits).
Bref, au terme de cet ouvrage, on sort convaincu que la corruption est bien présente dans la classe politique, c’est désespérant, sauf que non seulement toute cette classe n’est pas corrompue mais encore des failles existent dans le système : Van Ruymbeke a "gagné" dans bien des cas, les coupables ont été jugés et ont payé.
[14 mai]
Les hypocrites
Grève ce dimanche 12 mai à France Inter suite à la sanction contre Guillaume Meurice, décidée par la directrice de Radio France, et aux restrictions budgétaires imposées aux émissions, décidées par la directrice de France Inter, Adèle Van Reeth, qui ne cache pas partager sans réserve les idées de son compagnon, Raphaël Enthoven, beau parleur, "imposteur de la philo" au service de son égo (selon l'ouvrage de deux auteurs agrégés de philo), éditocrate décomplexé, oracle distribuant des bons et mauvais points avec outrance (selon Acrimed).
L’affaire du prépuce de Netanyahou (juif peut-être, en tout cas, raciste, fascisant, ordonnant le massacre des Palestiniens et l’expulsion des survivants), sonne comme un aveu : certains n’ont cessé de dire que l’humour devait avoir carte blanche, ils ont approuvé toute caricature qui pouvait se moquer de l’islam et des musulmans, ils et elles ont justifié tout propos islamophobe, et aujourd’hui la simple blagounette de Meurice provoque un tollé : hypocrisie des Finkielkraut, des Malka, Riss (Charlie Hebdo), Ruquier, Aram, Val, Kalfon (PS), Shalmani (LCI) et tant d'autres, qui instrumentalisent l'antisémitisme. Plusieurs vont sur une chaîne d’extrême droite (CNews) pour déverser leur bile à l’encontre de Meurice. La folie va jusqu’à orthographier le nom de l’humoriste ainsi : MeuriSSe (comme ailleurs des imbéciles ont créé un logo LFI en forme de croix gammée). Certains ont sauvé l’honneur : Clément Viktorovitch, Djamil le Shlag et François Morel (sur France Inter, « inquiet pour l’avenir de sa station préférée »).
La victoire de l’extrême droite c’est d’avoir gangréné la droite, ainsi qu’une certaine gauche, dans l’inversion des valeurs (en gros : les racistes accusent les anti-racistes d’être des racistes, méthode habituelle du RN, de Reconquête et de CNews). Il est temps que celles et ceux qui survivent à ce tsunami délirant résistent et se serrent les coudes, malgré les divergences. On ne peut laisser la réaction avancer ainsi à grands pas.
[12 mai]
Damned, le Palais est Tokyo-wokiste
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Une collectionneuse, membre des Amis du Palais de Tokyo, a démissionné reprochant au musée une nouvelle orientation (« wokisme, anticapitalisme, pro-Palestine »), accusant une exposition en cours de présenter « des points de vue biaisés et mensongers sur l’histoire de ce conflit ». J’ai visité récemment cette expo intitulée Past Disquiet, passé inquiet : Musées, exil et solidarité. Pour dire la vérité, j’avais été un peu déçu, car il s’agissait "seulement" d’affiches sur les luttes d’émancipation des peuples, dont la Palestine, le Chili, le Nicaragua et l’Afrique du Sud. Le titre me laissait espérer davantage. J’ai cependant diffusé sur Facebook en direct quelques affiches présentées sur la Palestine, faisant lien avec ce qui se passait (et se passe) à Gaza.
Sandra Hegedüs-Mulliez a déclaré au Monde qu’elle ne veut soutenir « une démarche idéologique qui, sous prétexte de défendre les Palestiniens, veut clairement exterminer [mon] peuple », dénonçant dans cette opération un « néonazisme abject antisioniste ». Cette polémique qui éclate dans le microcosme rejoint le délire ambiant. Rien dans l’exposition n’est antisémite, pour ce que j’en ai vu. Les affiches rappellent la souffrance des Palestiniens, aucune n’appelle à la suppression de l’État d’Israël.
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Sandra Hegedüs, née au Brésil, est issue d’une famille juive hongroise, mariée au fils d’une des plus grandes fortunes de France, Gérard Mulliez, milliardaire patron d’Auchan. L’article du Monde (de ce 14 mai) donne une explication : la fondation SAM Art Projects que préside Madame loue des expos au Palais de Tokyo, à des tarifs contestés par le musée qui envisageait de rompre son partenariat avec la SAM. Voilà comment on instrumentalise l’antisémitisme ! Quant à l’anticapitalisme, il est possible qu’elle soit sincère : les affiches ne glorifiaient pas les USA, complices de l’écrasement du Chili socialiste le 11 septembre 1973. Quant au wokisme, dont les réactionnaires se gargarisent, l'utilisant à toutes les sauces, comprenne qui pourra.
[14 mai]
Bayrou, le Père Hoquet
Une journaliste a demandé un jour à François Bayrou : « à quoi vous servez ? ». Effectivement, cet homme politique, qui s’exprime sur un ton curaillon, qui à défaut d’être ministre et même premier d’entre eux, a bénéficié d’un lot de consolation, au Haut-Commissariat au Plan (une sinécure, sinon un emploi quasiment fictif), s’en est bien tiré avec les emplois détournés du Parlement européen. Mais quand une élection approche, il tient le même discours faussement dramatique depuis 15 ans (au moins).
Sur France info, il a déclaré le 30 avril devant deux journalistes stupéfaits se demandant bien quelle catastrophe il allait annoncer : « Ce que nous sommes en train de vivre c’est sans précédent, sans précédent depuis 75 ans. Le risque qui est devant nous, jamais nous n’avons connu le même depuis des décennies et des décennies. Et c’est un risque tel que je crois que si nous ne faisons pas attention, nous allons avoir à faire à l’irréversible ». Pour éviter la catastrophe, votez aux européennes pour la liste Hayer !
L’émission Quotidien (TMC) le 9 mai a montré l’insincérité de cet homme politique qui joue les moralisateurs et attise les peurs, en ânonnant ses fiches années après années. En effet, Yann Barthès a passé une séquence des législatives de 2022 avec exactement les mêmes propos (« c’est le destin du pays qui se joue et je n’ai pas souvenir d’une période aussi dangereuse que celle-là »), et aussi lors des régionales de 2021 (« la situation dans notre pays n’a jamais été aussi grave depuis la guerre »), et lors de la présidentielle de 2017 (« jamais connu une situation aussi décomposée »), mais déjà en 2010 aux régionales (« nous allons vivre un moment que nous n’avons pas vécu depuis très longtemps, à mon sens depuis la guerre »). Ce montage est implacable et en dit long sur l’imposture de ces notables. J’ai reproduit ici les phrases prononcées, car j’avais copié la vidéo puis l’avais partagée sur Facebook mais pour une question de droits d’auteur, ma vidéo a été censurée.
[11 mai]
Les ploucs !
Stéphanois d’origine, j’ai vécu en Franche-Comté, plus précisément en Haute-Saône, à Vesoul. Pour raisons professionnelles, je sillonnais le département, pour raisons personnelles, syndicales ou éditoriales, je parcourais la région. Ce département n’était jamais évoqué dans les informations nationales (parisiennes), sauf lorsqu’une maison perdue aux fins fonds des bois venait juste d’être enfin reliée au réseau d’eau ou d’électricité. Forme de mépris des germanopratins qui ignorent tout de ce que peuvent bien vivre les autochtones dans ces grands espaces.
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Ce soir, France Inter a évoqué Vesoul, avec l’éternelle allusion… à Jacques Brel (comme pour quiconque entend prononcer le nom de cette ville pour la première fois). Mais la journaliste amusée a poussé le bouchon plus loin en disant que « cela évoque une ville endormie où il ne se passe pas grand-chose ». Alors, bons princes, « pour faire mentir les clichés », les journalistes sont allés… à Soing « à quelques encablures de Vesoul » [36 km en réalité], où le café de la commune renaît ! Grâce à Franck et Fanny. Très bien, il ne se passe jamais rien en Haute-Saône sauf ça. Bizarre. J’ai traversé ce village l’été dernier : certes, il y a une tour Eiffel à l’entrée, de plusieurs mètres de haut, un peu dérisoire, comme pour gagner en notoriété. Mais diable, comment se fait-il que France Inter consacre deux minutes à cet événement ? Ah oui, France Bleu précise de son côté, ce que ne disait pas France Inter, que le cafetier, Franck, est un collègue de France 3. Tout s’explique.
[10 mai]
Retour de flamme
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Bon, je n’avais pas prévu d’y aller, mais, la curiosité, tout ça, tout ça, je suis allé jeter un coup d’œil : à 200 mètres de chez moi, passait la flamme. Je m’attendais à des sportifs l’accompagnant : certes, il y en avait mais cela avait plutôt les allures d’une caravane publicitaire du tour (de France) aux symboles bien affirmés (boissons frelatées, distribuées dans des petites canettes, et fric, pas distribué) : Coca Cola et Fuze (fabriqué aussi par Coca Cola) et Caisse d’Épargne et Banque Populaire. Nombreux policiers en civils (avec gilets pare-balle, d'autres encadrant la flamme en tenue sportive pour passer pour des sportifs locaux), un avion tournoyant dans les airs pendant des heures, et une quinzaine de fourgons de la gendarmerie avec calendres renforcées (mais ce n’était pas, semble-t-il, ceux qui ont sévi dans le Tarn contre les opposants à l’A69).
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Ces fourgons Iveco étaient-ils là pour la sécurité ou pour la parade ? Les chauffeurs en tous cas faisaient mumuse avec des klaxons rigolos. Partout, on nous dit que le passage de la flamme dans une ville c’est 180.000 euros… versés sur trois ans (en réalité, le coût global de l’opération doit être bien plus élevé). Mais on ne peut nier qu’il y a un véritable engouement, en tout cas il y a du monde sur le passage (à Toulouse, 50.000 personnes parait-il). Sachant que tout est bien orchestré pour que la population se passionne pour cet événement qui se veut apolitique.
[18 mai]
Délinquance juvénile
France Inter est en grève (refus d’une réforme qui serait une sorte de retour à l’ORTF avec réduction des moyens dans chaque chaîne). Alors j’écoute un peu Europe 1, la radio d’extrême-droite de Bolloré, le CNews de la radio. Jean-Claude Dassier, un ancien de TF1, vient causer des jeunes délinquants à Paris. Il avait un jour déclaré sur CNews : « les musulmans, ils s’en foutent de la République. Ils ne savent même pas ce que le mot veut dire ». La chaîne avait fini par devoir s’excuser, pour éviter une sanction de l’Arcom, Dassier lui-même s’était rétracté.
Aujourd’hui, évidemment, je me méfie en écoutant le bonhomme. Et voilà qu’il assène que le problème est que l’ordonnance de 1945 (sur la délinquance juvénile) est toujours en vigueur et qu’on ne parvient pas à la réformer. C’est pour ça que les jeunes délinquants ne sont pas réprimés. Que l’ordonnance de 1945 ait été abrogée et remplacée par un Code de la justice des mineurs en vigueur depuis le 30 septembre 2021, il n’en a rien à faire. Ni l’animatrice Céline Géraud ni les autres présents sur le plateau ne le corrigent. Cela en dit long sur le niveau de ces propagandistes qui ne prennent même pas la peine de se documenter.
[23 mai]
Presse libre
Le n° 13 de L'Empaillé vient de paraître (printemps 2024). Un dossier sur l'A69. Un article fort instructif de FR sur le FAIRTIQ, application censée garantir en Occitanie des prix accessibles à la SNCF, à l'initiative de la présidente de Région, Carole Delga : « mais derrière le vernis de la communication se cache une start-up suisse à l'ambition dévorante ». Un article également, d'Emile Progeault, sur les néo-fascistes en embuscade : à Bordeaux, Montpellier, Toulouse, Clermont, mais aussi Albi et Carcasonne. Ils tentent de surfer sur la fascisation actuelle du débat public mais ils ont du mal à grossir leurs rangs. Le désastre industriel du bassin de Decazeville (par Jean-Louis Calmettes et Violine). Un article de Loïc Santiago critique une société agrophotovoltaïque mise en orbite par un ancien élu régional EELV. Un autre, de Lilian Louvert, démonte les méthodes violentes de la Coordination Rurale dans le 47. Un regard critique (de Thieum) sur les écoles alternatives. Il faut aider ce genre de canard à exister. En kiosque.
[7 mai]
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. Ces chroniques ont été publiées sur mon compte Facebook aux dates indiquées entre crochets, reproduites ici dans une version parfois complétée.
Billet n° 803
Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Parcours et démarche : ici et là. "Chroniqueur militant". Et bilan au n° 700 et au n° 600. Le plaisir d'écrire et de faire lien (n° 800).
Contact : yves.faucoup.mediapart@free.fr ; Lien avec ma page Facebook ; Tweeter : @YvesFaucoup