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« Pour un nouvel ordre social »
[Ph. YF]
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Emmanuel Macron, on connaît : grosso modo, il n’avance pas trop masqué. Quand il déclare sa candidature, ses projets principaux sont : faire bosser les gens au RSA sans en augmenter le montant, augmenter les enseignants en les faisant bosser davantage, permettre aux entreprises de verser une prime défiscalisée (donc continuer à brader la Sécu), retraite à 65 ans (malgré ses dénégations avec un tour de passe-passe hypocrite qui ne trompe personne : en substance « ce sera seulement 4 mois de plus… pour atteindre 65 ans seulement en 2031 »), mais aussi d’autres mesures de circonstances, dont certaines positives (50 000 soignants dans les hôpitaux, renforcer le contrôle des Ehpad) et la « solidarité à la source » pour le versement des aides sociales, sur le modèle du prélèvement à la source, pour éviter le non-recours (très bien) et la fraude sociale (il n’a pas pu s’en empêcher) : promesse de campagne mais pas sûr que cela soit réalisable, l’impôt à prélever n’a rien à voir avec des allocations à verser. Risque de fabriquer une usine à gaz où les fichiers numériques oublieront tout autant les ayants-droit. Macron apparaît toujours comme un technocrate qui ne porte pas en lui un projet social, malgré les concessions qu’il est contraint de faire, selon les circonstances, mais défend bec et ongles les privilégiés selon le principe classique de la droite : au final, ça devrait ruisseler.
Marine Le Pen a coloré en social son programme, profitant de l’inflation pour causer du pouvoir d’achat. Certains ont été désarçonnés par ses propos en faveur du peuple alors que c’est un classique de la droite extrême : conception mythique du Peuple qui a besoin du Social pour faire diversion et pouvoir affirmer en parallèle son nationalisme exacerbé et ses revendications identitaires. Non seulement son parti n’est pas armé pour gouverner la France, mais pour ma part, suivant depuis longtemps l’actualité sociale, je ne crois pas un instant à la sincérité de ses projets sociaux. Son parti, y compris lorsqu’elle avait des responsabilités de premier plan, a affiché son mépris pour les citoyens les plus défavorisés (faut-il ressortir les affiches de propagande à l’encontre de ceux qui doivent faire appel à l’assistance ?). Sa hargne à l’encontre des immigrés ne devrait même pas l’autoriser à concourir pour la présidentielle. La préférence nationale inscrite dans la Constitution transformerait notre pays carrément en une nation fascisante.
[Ph. YF]
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Déjà n’accorder les allocations familiales qu’aux Français c’est tromper le public (comme l’a fait Zemmour) en laissant croire qu’il s’agit d’une aide sociale alors que c’est une prestation contributive (cotisations patronales sur les salaires). Aucun journaliste ne l’a contrée sur ce sujet dans les télé et les radios ! Enfin, en passant, n’oublions pas que lorsque des militants et cadres du RN sont partis chez Zemmour, Marine Le Pen a dit sans détour que c’était très bien ainsi puisqu’il s’agissait de « Nazis », alors qu’elle ne les avait pas exclus elle-même, sans que l’on sache combien sont encore présents au sein du RN. Et Zemmour et ses troupes, évidemment, finiront bien par s’allier à la nomenklatura lepéniste.
Arthur Koestler est au panthéon de mes auteurs préférés et ce depuis une éternité (pour son livre Le testament espagnol, récit des trois mois qu’il a passés dans une prison franquiste où, chaque jour, chaque nuit, il a attendu la mort puisqu’il y avait été condamné, mais sera gracié). Je viens de relire un passage de La lie de la terre, dans lequel il décrit les opinions des Français lors de la déclaration de guerre en 1939. Il se fait l’écho des positions d’un ouvrier qui lui écrit une lettre dans laquelle il dit se battre contre le fascisme mais est désespéré de devoir défendre un monde « qui est rongé par la pauvreté, qui brûle ses stocks de café et de blé, tandis que des millions d’hommes meurent de faim ». Il veut bien se battre contre le fascisme mais pas pour les « deux cents familles » : « si la démocratie peut constituer un programme, son contenu doit être un nouvel ordre social. Et nous ne le voyons pas. La seule raison apparente pour laquelle nous nous battons est d’éviter la défaite. Mais peut-on lutter sans drapeau pour lequel mourir ». Koestler lui répond que souvent « au cours de l’histoire, les hommes ont dû se battre simplement, pour se défendre, pour préserver un état de choses qui était mauvais contre un autre qui était pire ». Il ignore si sa lettre en réponse lui est parvenue et si elle l’a convaincu, lui et ses camarades. [23 avril]
Individualiser les aides sociales
Premier constat : une campagne électorale présidentielle n’a peut-être jamais véhiculé autant de discours d’extrême droite sinon fascisant que celle que nous venons de vivre. Zemmour y est pour quelque chose, contaminant certains autres qui se sont complus dans la surenchère.
Deuxième constat : ça s’est calmé avec le second tour, car les deux candidats restant en lice ont fait le plein de voix droite/extrême droite, alors il et elle ratissent du côté de la gauche et des défenseurs de l’environnement.
Marine Le Pen fait assaut d’amabilité sociale, pas trop pour récupérer des voix, mais dans l’espoir qu’à gauche on s’abstienne, ce qui défavorisera le candidat de la droite dite "libérale".
Emmanuel Macron n’avait rien trouvé de mieux que de retenir trois points essentiels pour son futur mandat (à cent lieues d’un vrai projet, juste des perspectives de premier ministre) : retraite à 65 ans, faire bosser les gens au RSA, en demander plus aux enseignants, comme évoqué plus haut. Désormais, il chipote sur les 65 ans, a reculé sur le RSA, revenant à la notion d’activité (formation, soins, emploi). Pour les profs, il a admis qu'ils étaient mal payés.
[capture d'écran YF]
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Et voilà que le 15 avril, sur France Info, Lucie Carrasco, handicapée, interroge le candidat-président et lui demande si elle garde son indépendance financière (faute d’indépendance physique), donc sa dignité de femme ou si elle peut choisir l’amour en se mariant mais en perdant son AAH (allocation d’adulte handicapée). Tout énamouré, le président confie à cette personne clouée sur son fauteuil roulant : « on doit bouger »... sur ce point ! Certes il rappelle que les prestations sociales (en réalité : les prestations relevant de l’aide sociale, pas celles qui sont contributives comme les allocations familiales ou la sécurité sociale) sont liées aux ressources du ménage et dit que « c’est normal ». Sa réponse ensuite n’est pas très claire : il dit qu’il ne faut pas qu’il y ait « ce couperet qui est absurde », laissant entendre que l’allocation serait individualisée. Marine Le Pen a affirmé haut et fort qu’elle procéderait ainsi, alors même que son parti ne s’est jamais préoccupé du sujet jusqu’alors.
LREM avait combattu d'arrache-pied un projet au parlement qui prévoyait de « déconjugaliser » l’AAH, mais là Macron s’est dit prêt à lâcher prise. Pour ma part, je milite depuis longtemps pour l’individualisation des minima sociaux, pas seulement l’AAH, mais aussi le RSA et le minimum vieillesse. L’AAH est une prestation d’aide sociale qui prévoit déjà le cumul de revenus, certes de façon plafonnée, mais le RSA, dont le montant est à peine plus que la moitié de l’AAH, ne permet pas à une personne de conserver le RSA si elle décide de vivre avec un conjoint qui gagne un salaire de 1000 €. Il faudra se servir de cette avancée éventuelle sur l’AAH pour s’y référer lors des combats futurs sur les autres minima sociaux.
. précisons que l’AAH est une aide sociale attribuée à des personnes handicapées qui n’ont pas de droits ouverts suite à cotisations (il existe par ailleurs une pension d’invalidité versée par la sécurité sociale qui elle est individuelle, sans prise en compte des ressources du ménage, comme une pension de retraite, un salaire ou des indemnités journalières). Quand on compare l’AAH et le RSA, on nous oppose le fait que le RSA n’est pas censé être versé durant des années, alors que le handicap en général perdurera. En réalité, non seulement souvent l’AAH est versée pour un temps déterminée (quitte à être prorogée), mais encore le RSA est perçu parfois sur une longue durée, pour différentes raisons, pour l’essentiel parce que l’emploi n’est pas au rendez-vous et que ne sortent vers l'emploi que ceux qui sont les mieux armés pour le faire. [16 avril]
Valérie Pécresse, candidate du parti Les Républicains, n’ayant obtenu que 4,78 % des voix (moins de 5 %) ne peut être remboursée de ses frais de campagne. Comme tout candidat, elle percevra 800 423 € qu’elle pourra conserver. Mais les 153 000 € que l’État lui a versé dès qu’elle a aligné ses (au moins) 500 signatures, n’étant qu’une avance, elle devra les rembourser. Par ailleurs, LR lui a donné 5,5 millions d’euros (M€) qui ne le parti ne réclamera pas, mais il lui a fait par ailleurs un prêt de 2,5 M€. Elle-même a emprunté 5,1 M€, selon le principe : on ne prête qu’aux riches, car les banques ne sont pas prêtes à prêter à un candidat qui n’a pas ses arrières assurés (la candidate avait officiellement déclaré un patrimoine personnel à près de 10 M€). Ainsi les dépenses totales de LR auront été de 14 M€ (dans la limite du montant autorisé pour un premier tour, à savoir 16,8 M€). Valérie Pécresse doit rembourser aux banques 5,1 M€ et 2,5 M€ au parti !
dessin de Kiro paru dans "Le Canard enchaîné" du 13 avril
Le patron de LR, l’ineffable Christian Jacob, a fait une déclaration compassée appelant non seulement les adhérents du parti à envoyer leur soutien à Valérie mais aussi tous les citoyens soucieux de démocratie ! Avant même le scrutin, devant le silence de Sarkozy qui ne soutenait pas Pécresse, certains membres des Républicains étaient allés jusqu’à lui réclamer le remboursement du "sarkothon", les 11 millions de dons collectés chez les adhérents suite à l’explosion par Sarko de ses comptes de campagne de 2012 au-delà du plafond autorisé, ayant entraînée le non-remboursement de ses frais par l’État (avant même le déclenchement de l’affaire Bygmalion, autre scandale).
Cette affaire met en évidence l’incohérence du système en vigueur : chaque candidat doit désigner un mandataire, qui établit pour la personne du candidat la tenue de ses comptes. Ce ne sont pas les comptes d’une personne publique, mais de la personne privée qu’est le ou la candidat·e. On n’est pas dans une candidature portée par un parti (même si c’est le cas, même s’il y a eu une primaire), et si le parti donne de l’argent au candidat, cette somme ne sera jamais remboursée. Par contre s’il lui fait un prêt, alors si son score atteint les 5 % des voix, le prêt sera remboursé au candidat par l’État. Conception quelque peu privatisée de la vie politique, à mon sens bien éloignée des valeurs républicaines, mais bien conforme à cette République monarchique, jupitérienne, valorisant l’individu et le culte de la personnalité, plutôt que le sens du Commun. [14 avril]
Zemmour, candidat des pro-Pétain huppés
Suite à la plainte de deux associations juives, une enquête est ouverte sur la liste de Français de confession juive que possédait Éric Zemmour pour déverser sa propagande à la veille du premier tour, en leur disant : « j’ai écrit un texte pour vous : Pourrons-nous vivre en paix encore longtemps en France ? Vos enfants comptent sur vous » et de donner un lien avec un texte dans lequel il présuppose qu’ils sont d’accord sur l’essentiel de son programme qui dénonce « l’expansion de l’islam qui ravage notre pays ». La loi interdit de constituer un fichier sur la base des origines religieuses, raciales ou ethniques. Zemmour se défend en disant qu’un courtier lui a vendu une liste de personnes intéressées par les questions concernant les Juifs.
Eric Zemmour, dimanche 10 avril au soir [Ph. Stéphane Lagoutte/Myop pour "Libération"]
Zemmour et ses affidés n’auront cessé de jouer avec ce sujet : d’une part il a répété partout qu’il était juif algérien, d’autre part il s’est offusqué quand il y avait la moindre allusion à ses origines en parallèle avec ses propos pro-Pétain ou doutant de l’innocence de Dreyfus. G-W. Goldnadel, son pote avocat-polémiste d’extrême droite sur CNews (qui utilise le plateau de cette chaîne d’extrême droite pour traiter sans vergogne ses affaires d’avocat), a passé le plus clair de son temps à twitter en faveur de Zemmour, en invoquant le fait qu’il est juif tout en s’indignant qu’on puisse le lui rappeler.
Déjà en 2014, interpellé dans On n’est pas couché par Léa Salamé sur son livre Le suicide français (où l’on découvrait sa défense du pouvoir de Vichy), alors qu’elle lui opposait « ses origines », il s’était emporté lui reprochant « de le ramener à son état de juif » et lui lâchant qu’il pourrait très bien « l’accuser d’antisémitisme ». Même comédie médiatique quand Yannick Jadot a osé parler de « juif de service ».
Encore à propos de Zemmour et l'élection : il n’arrive jamais nulle part en tête, mais ses plus beaux scores il les fait dans des villes ou quartiers huppés. À Paris : 16ème arrondissement (17,48 %), 7ème et 8ème ; à Lyon idem : 2ème et 6ème, les plus riches quartiers de la capitale des Gaules ; en PACA : Nice, Cannes (17,31 %) et plusieurs villes à 13, 16 ou 17 % (Mandelieu-la-Napoule avec 17,87 %, alors que Le Pen fait déjà 29,79 %). Et certains pensent encore et proclament que le vote d’extrême droite serait l’apanage des milieux populaires, alors qu’ils ont voté le plus souvent majoritairement pour l’Union Populaire. [13 avril]
Le Pen défend les chômeurs, ces assistés
Dans l’émission C ce soir (sur la 5) le 11 avril, une dénommée Laure Lavalette, représentante de Marine Le Pen, s’est indignée tout au long de l’émission parce que les invités parlaient du RN comme étant d’extrême droite. Il lui a été rappelé ce que signifiait ce terme, mais apparemment personne ne l’avait informée qu’elle avait adhérée à un parti d’extrême droite. Ou elle était en service commandé, le but pour le second tour de la présidentielle étant de gommer les aspérités : le plein étant fait à droite et au-delà, il s’agit de ratisser un peu ailleurs, et de ne pas paraître à droite de la droite, racistes, prônant un nationalisme exacerbé et donnant la préférence dans tous les domaines aux seuls Français.
16 avril dans une ville moyenne de province [Photo YF]
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Le lendemain (12 avril), dans la matinale de France Inter, la patronne du Rassemblement National, a cherché à se montrer sur son meilleur jour « social » : elle s’est prononcée contre la réforme du chômage et la retraite à 65 ans, dit-elle, et a contesté Macron qui prétend que les chômeurs c’est de leur faute (elle a dit que ce n’est pas de leur faute mais de la faute de la politique économique menée : « moi, je sais qu’ils cherchent du travail », hugh !), elle défend les petites retraites, les handicapés, les familles monoparentales, le RIC, le dialogue social, la veuve et l’orphelin. Elle n’a rien dit sur l’Aide Médicale d’État (qu’elle veut supprimer), rien sur les aides sociales réservées aux Français, rien sur les allocations familiales réservées aux familles dont au moins l’un des parents est français (voir plus haut dans ce billet : alors que les AF ne sont pas des aides sociales et ne relèvent pas de l’assistance mais bien de l’assurance sociale), rien sur les assistés, rien sur les immigrés (qui peuplent les prisons et qui coûtent si cher à la France), les faignants et les fraudeurs (sociaux). Et sur les musulmans, elle n’en a pas trop fait, sinon sur le foulard voulu par les islamistes, foulard qu’elle interdira. On imagine le paternel lui passant un petit coup de bigophone : t’en fais pas trop ?
Sortir du marasme
Pour la 3ème fois en 20 ans, il y a un fort risque qu’un parti d’extrême droite, dont de nombreux membres sont fascisants et qui déroule un discours ouvertement raciste et donc anti-républicain, peut accéder au second tour, sinon carrément au pouvoir. Si beaucoup d’électeurs de gauche estiment s’être fait déjà couillonner en 2002 en votant Chirac, et en 2017 en votant Macron sans que ces présidents de droite n’aient tenu compte en quoi que ce soit de celles et ceux qui avaient permis sinon conforté leur succès, il n’empêche que l’idée d’une victoire de Madame Le Pen est totalement insupportable. En conséquence, tout doit être fait pour que cette candidate n’accède pas au second tour.
[Photo YF]
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Celles et ceux qui rechignent à voter Jean-Luc Mélenchon invoquent divers arguments : son caractère autoritaire, trop à gauche, pas assez à gauche, pro-Poutine. Sauf que ce faisant, ils et elles laissent la place à une femme politique qui, gagnante, mettrait le pays à feu et à sang, et à un Emmanuel Macron qui a déjà fait preuve de sa suffisance, de sa défense d’une caste privilégiée, de son mépris pour le petit peuple, de sa volonté de casser les droits sociaux (Code du travail, retraites, chômage), de casser aussi de l’opposant (cf. la violence hors-normes de la répression des manifestations, en particulier celles des Gilets jaunes). Si la France conserve, encore, un modèle social meilleur que dans bien des pays ce n’est pas à la droite dite libérale au pouvoir qu’on le doit, mais à des luttes historiques et parfois à une bourgeoisie éclairée qui a su sauvegarder ses propres intérêts.
Pour ma part, j’ai déjà exprimé depuis longtemps mon opposition à Vladimir Poutine et à sa politique antidémocratique et impérialiste. J’ai voté Anna Politovskaïa depuis que j’ai lu ses écrits qui prennent à la gorge et qui condamnent le tsar actuel du Kremlin qui sut la faire taire définitivement. J’ai pris régulièrement position contre Assad et Poutine écrasant la révolte du peuple syrien, tout en n’ayant aucune affinité envers les Yankees. Je sais qu’au sein même de la LFI et de l’Union Populaire, beaucoup ont condamné la politique de Poutine, avant même qu’il n’ait cherché à occuper l’Ukraine et à détruire son peuple. Et je suis pour qu’on aide l’Ukraine à se défendre contre le rouleau compresseur sanguinaire.
Le soir du premier tour à Auch, Gers, Occitanie [Ph. YF]
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Je constate aujourd’hui (9 avril) que des militants qui ne sont pas d’emblée favorables à Jean-Luc Mélenchon (NPA, anarchistes, écologistes, associatifs non encartés), conscients du travail impressionnant qui a été mené au sein des équipes de l’Union Populaire et de son programme en tous points positif, de ses positions claires contre non pas la police mais les violences menées trop souvent par des policiers en service commandé, de son discours anti-raciste, appellent à voter Union Populaire, dans l’espoir que la dynastie Le Pen ne se perpétue pas [Marion Maréchal Le Pen a encore frappé, voir ci-après], et que l’on s’offre un second tour qui nous sorte du marasme. [9 avril]
Le Diable s’habille en Prada
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Marion Maréchal Le Pen est intervenue dans un meeting d’Éric Zemmour au Palais des sports à Paris le 7 avril : elle a déroulé le Grand Remplacement, contestant qu'il s'agisse d'une thèse complotiste, a nié que l’action des hommes ait pu provoquer une crise climatique, a glorifié Jeanne d’Arc, ainsi qu'un jeune chouan [royaliste contre-révolutionnaire] tué pendant la guerre de Vendée [il y a plus de deux siècles], encensé Napoléon [dont les guerres d’annexion ont provoqué la mort de 3,2 à 6,5 millions de personnes, dont une bonne part de civils]. Enfin, elle a loué le « résistant » Hélie Denoix de Saint-Marc, qui, outre son engagement réelle dans la Résistance, a tout de même été condamné à dix ans de prison pour sa participation au putsch des généraux à Alger [mais aurait dû l’être également pour sa participation à la répression sanglante de la révolte algérienne selon des méthodes condamnées par le droit international et aux « vols de la mort », prisonniers jetés vivants en pleine mer, pieds coulés dans des bassines de ciment pour qu’ils ne réapparaissent pas à la surface].
Voilà à quoi, en l'an de grâce 2022, en France, frémit une certaine jeunesse dont il est presque modéré de la qualifier d'extrême droite. [9 avril]
. source : pour ce qui est des sujets abordés par MMLP, Franck Joannès, dans Le Monde du 9 avril.
L’Union Populaire est (aussi) dans le pré
Le 6 avril au soir, à Auch (Gers, Occitanie), c’était soirée Union Populaire. Une bonne centaine de personnes étaient rassemblées pour s’informer et/ou soutenir la candidature de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle. Bénédicte Taurine, députée de La France Insoumise de l’Ariège, a dit combien cela faisait « chaud au cœur » de voir tant de monde se préoccuper des trois urgences : sociale, climatique et démocratique. Il a été question du programme de l’Union Populaire, travaillé par beaucoup de militant·es depuis plusieurs années, en général reconnu comme étant un des programmes sinon le programme le plus élaboré.
[Photo YF]
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Plusieurs intervenants locaux, engagé·es dans des syndicats et associations, ont évoqué diverses thématiques. Jean, sur les luttes sociales menées « contre la casse du Code du travail et de la protection sociale », engagée déjà sous Hollande et poursuivie sous Macron ; Françoise, sur le combat pour le climat (il va falloir changer de paradigme sur le nucléaire, l’eau, les pesticides et relocaliser les productions) ; Claude, sur la défense de l’hôpital public et la bataille menée par un collectif et la CGT pour un nouvel hôpital à Auch ; Sabine, sur l’éducation, et plus précisément les employés précaires du secteur pour lesquels une grève avait lieu la veille ; Sylvie, sur la politique agricole qui, avec le soutien de la FNSEA, « va dans le mur », en favorisant toujours les grandes exploitations fondées sur un triptyque morbide (robotique, numérique, génétique) alors qu’il faudrait une ruralité vivante (dans un département si magnifique qu’est le Gers) avec des emplois créés dans le secteur agricole (la veille, le 5 avril, le Conseil d’État a débouté la Confédération paysanne qui défendait l’élevage de plein-air dans le contexte de la grippe aviaire qui décime les fermes à cause des mégas exploitations qui favorisent une propagation rapide du virus).
Sébastien, petit producteur agricole, déclare qu’on aidera des jeunes à s’installer et que l’on doublera le nombre d’exploitations qui seront portée à 600.000, rappelle les actions menées par le mouvement des Gilets jaunes dans lequel il s’est fortement engagé, et dénonce la privatisation à tout crin (La Poste, Véolia…) : « quand tout sera privé, on sera privé de tout ».
Il conteste le projet européen et français actuel qui profite de la guerre en Ukraine pour remettre en question les règles environnementales, et inciter à cultiver les jachères. C’est le mode de consommation qui doit être revu.
Pascal, faisant référence à l’obligation de travailler pour les gens au RSA lancée par le candidat-président, décortique le sens du discours macroniste (qui est « de droite et de droite ») sur droits et devoirs, cherchant à imposer aux plus démunis (pas aux nantis) des devoirs avant même de leur accorder des droits : en République, les droits sont premiers, et c’est le contrat social qui ensuite définit les devoirs. Il explique également comment se mettra en place une Constituante après l’élection de Jean-Luc Mélenchon en vue d’instaurer par référendum une 6ème République, démocratique et non présidentielle si ce n’est monarchique comme c'est le cas actuellement.
Bénédicte Taurine explique son mandat de députée, les projets qu’elle a portés (contre les fermes-usines, le glyphosate, pour la nationalisation des autoroutes), en vain, car la majorité LREM faisait barrage. Elle défend le travail parlementaire, souvent ingrat, discret, peu connu du grand public. Elle évoque son grand-père, agriculteur, mort d’un cancer du poumon, après avoir tellement manipulé des produits toxiques : « il faut remettre en question le modèle, pas les agriculteurs ». Elle estime que les paysans français ne sont pas là pour nourrir le monde, les pays en difficulté doivent être aidés non pas pour acheter nos productions mais pour produire eux-mêmes.
Un débat avec la salle a lieu : sur les médias contrôlés pour partie par des milliardaires, sur la situation catastrophique dans la santé (Christophe indique qu’il manque 25 infirmières à l’hôpital d’Auch, impossible d’avoir un médecin généraliste ou spécialiste dans le Gers, et situation inquiétante dans les Ehpad ; Claude : 8 médecins de ville à Condom partent sans être remplacés et la société Happytal, incrustée dans les hôpitaux, tend à les privatiser). Marie-Christine constate qu’après la chute du mur de Berlin le capitalisme s’est cru tout permis. Sébastien précise qu’après la victoire il faudra rester mobilisé car les lobbys s’en donneront à cœur joie.
Esther et Théaud au micro [Ph. YF]
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Le député LREM, Jean-René Cazeneuve, présent dans la salle, est interpellé par une intervenante. Invité à s’exprimer, il se qualifie ici comme « le vilain petit canard » mais rend hommage au travail important réalisé par les élus LFI, comme il a pu le constater : si leurs amendements sont retoqués, il n’empêche que leurs interventions font mouche. Il veut plus précisément faire part de son inquiétude sur la montée de l’extrême droite (une « catastrophe industrielle », dit-il), un brin provocateur il évoque la porosité de l’électorat LFI et RN et se demande ce que les Insoumis diront si le deuxième tour oppose Macron à Marine Le Pen. Il lui est opposé le fait que Macron n’a rien fait contre l’extrême droite : au contraire, ses mesures ont plutôt eu pour conséquence une « fascisation » de la société (comme l’écrit l'économiste Frédéric Lordon), et qui a laissé se développer le discours raciste, fasciste de Zemmour et, avec ses ministres, a attaqué en permanence la gauche ("islamo-gauchisme", "wokisme", et même Amish). Aucune position officielle n’est donnée, mais certains rappellent qu’à leur corps défendant ils et elles ont voté au second tour Chirac en 2002, Macron en 2017 : terminé ! Une question est posée au député LREM par Théaud : pour qui votera-t-il si, au second tour, on a Mélenchon contre Le Pen ? Il ne répond pas publiquement, mais admet en aparté qu’il se prononcerait pour le premier.
On peut regretter que Bénédicte Taurine, élue LFI, n’ait pas pris la parole plus longtemps, et que certains sujets n’aient pas été abordés (immigrés, droit des femmes, des enfants, action sociale). La guerre d’agression en Ukraine n’a quasiment pas été évoquée. Mais les participants à cette soirée étaient heureux car il y avait du monde, ils et elles avaient le sentiment qu’il se passait quelque chose ici et dans le pays, la montée des sondages en faveur de Jean-Luc Mélenchon distillant un espoir certain. Tandis qu’un buffet s’installait, on a entendu les premières notes de l’Internationale... « la raison tonne en son cratère ». [7 avril]
. Auparavant, dans l’après-midi jusqu’à 19h, la caravane de l’Union Populaire, avec Bénédicte Taurine, s’était installée dans le quartier populaire du Garros, avec prise de parole et porte-à-porte auprès des habitants.
. Ces chroniques ont été publiées, aux dates indiquées entre crochets, sur mon compte Facebook, reproduites ici dans une version parfois légèrement modifiée.
Billet n° 675
Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Parcours et démarche : ici et là. "Chroniqueur militant". Et bilan au n° 600.