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Billet de blog 28 juin 2024

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Chroniques du vent mauvais

Recueil de chroniques publiées sur ma page Facebook ces derniers jours, dans le contexte des élections européennes, de la dissolution de l’Assemblée Nationale, de la progression de l’extrême droite et de la propagande politique et médiatique à l’encontre de la gauche.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Instrumentalisation de l’antisémitisme

Avant même les résultats du Rassemblement National aux européennes, avant la dissolution et le risque de voir arriver au pouvoir Jordan Bardella, avec toute la clique Le Pen, le climat en France était déjà délétère. Alors même que les idées de l’extrême droite faisaient leur chemin, fortement portées par les médias Bolloré (CNews, Europe 1, le JDD, entre autres) mais aussi par d’autres médias grenouillant à droite (propriétés de milliardaires) ou moins à droite (service public se pliant aux menaces de la droite extrême osant l’accuser d’être d’"extrême gauche"), voilà que les invectives par la droite, l’extrême droite (RN, Reconquête) et par une certaine gauche, ont été lancées sans cesse accusant leaders et militants de gauche, plus précisément La France Insoumise, d’être "antisémites".

J’ai préparé un long texte recensant tout ce qui s’est dit et écrit sur le sujet mais je le laisse en stand by pour le moment. Il faudra un jour faire le bilan de ce qui s’est passé et en tirer les leçons. Je n’ignore pas dans quel contexte cette campagne est apparue (le massacre du Hamas en Israël le 7 octobre) puis s’est développée (les massacres d’Israël sur Gaza et les exécutions de Palestiniens en Cisjordanie, pendant de longs mois et aujourd’hui encore). Les autorités françaises, les organisations juives et la plupart des médias ont invoqué la hausse considérable des actes antisémites (sans qu’ils soient décrits précisément et sans que l’on sache s’il s’agit vraiment de plaintes confirmées par une enquête). Il n’empêche qu’à partir de là on a assisté à une véritable instrumentalisation de l’antisémitisme. Tout était signe d’antisémitisme y compris vouloir prendre la défense des Palestiniens déchiquetés sous les bombes et exiger un cessez-le-feu.

Illustration 1
[Photo YF]

Je n’ignore pas non plus le fait que les réseau sociaux se livrent à des attaques antisémites violentes et que quelques responsables LFI ont pu tenir des propos (parfois déformés ou surinterprétés) prêtant le flanc à une telle accusation, mais cela ne justifie pas que des commentateurs ayant pignon sur rue se soient ainsi livrés à des attaques globalisantes, accusant tout LFI et tout le Nouveau Front Populaire, accusant donc des militants dont le combat contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations est tellement connu que c’est bien justement ce que l’on cherche à condamner chez eux en exploitant cette accusation infamante (outre leur combat pour la justice sociale). Et par le fait même à disculper le RN, ou au moins à tenter une condamnation des "extrêmes", en les renvoyant dos à dos afin de justifier une abstention coupable du second tour si RN et NFP sont en compétition.

Il importe de préciser que l’accusation d’antisémitisme n’est pas  banale si elle est fondée : dans le cas contraire, c’est une injure ou diffamation gravissime, considérée comme un délit. Celui ou celle qui est accusé à tort d’antisémitisme subit une agression tout aussi grave que l’agression verbale antisémite elle-même. Banaliser cette accusation est aussi une façon perverse de minimiser l’antisémitisme. Ces derniers temps, le débat public a ainsi complètement dérapé. Un pan de la classe politique et médiatique s’est abondamment servi de l’antisémitisme pour dissimuler bien souvent sa propre islamophobie, son racisme délibéré anti-arabe (pour certains, il s’agit carrément de dissimuler leur propre antisémitisme) ainsi que pour clouer le bec de ses adversaires de gauche dite radicale. Il va de soi que l’antisémitisme doit être combattu sans réserve, mais cet engagement n’est crédible que s’il va de pair avec une lutte sans merci contre toutes les formes de racisme. Or la plupart des médias se sont bien gardés d’évoquer tous les cas de racisme, pas forcément recensés. Depuis deux jours, soudain, on s’aperçoit qu’il y a du racisme en France, anti-Noirs, anti-Arabes, qui était déjà là, même si manifestement il s’exprime plus ouvertement depuis que des individus espèrent l’impunité si l’extrême droite accédait au pouvoir.

[27 juin]

Illustration 2

Bardella n’argumente pas, il récite

Lors du débat de mardi soir sur TF 1 et LCI entre Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard, le président du Rassemblement National a confirmé des intuitions qu’on peut avoir sur les capacités du jeune homme, propulsé à la tête d’un parti d’extrême droite sans qu’il ait eu le temps de faire vraiment ses armes : sur la plupart des sujets, il ne les maîtrise manifestement pas, il récite des fiches. Ses propos sont une succession de slogans (audit sur les comptes de l’État, moratoire-moratoire, « où passe notre argent ? », « je ne suis pas un fanatique de la culture de l’excuse »). Dès qu’il s’agit d’entrer dans le vif du sujet, il botte en touche. Sur l’exonération d’impôt pour les moins de 30 ans friqués (pour qu’ils ne quittent pas le pays), il s’est fait mouché par Attal qui lui a opposé le fait qu’un trader de 29 ans ne payerait pas d’impôt tandis qu’un ouvrier de 31 ans en payerait ! Mortel. Souvent Bardella est guindé, il monte sur ses ergots, fait la moue, cherche à prendre de la hauteur en s’exprimant avec componction, sans convaincre (c’est presque drôle). Du coup, ce manque d’assurance qu’il cherche à dissimuler ne lui a pas trop permis de dérouler son projet sur l’immigration. Pour n’avoir pas à s’écarter des phrases toutes faites, il cherche à éviter d’être questionné (d’où son agacement répété envers Attal : vous n’êtes pas mon professeur). Sur les retraites, il a vraiment donné l’impression de ne pas connaître le sujet, de ne même pas savoir ce que signifie durée de cotisation.

Il s’est embourbé dans la question de la double nationalité (ceux qui en sont titulaires ne pourront occuper certains postes stratégiques), et a bien été renvoyé dans les cordes par Bompard qui lui a dit qu’une enquête a lieu pour accéder à de tels postes (double nationalité ou pas). Cette affaire peut faire des dégâts pour le RN car il affiche là son rejet maladif de l’étranger… même quand il est français. Bardella marmonnait tentant de reculer tout en ânonnant que la direction d’une centrale nucléaire ne pouvait être confiée à un « franco-russe » (ce qui est cocasse de la part d’un parti qui a été à ce point inféodé à Poutine). Tellement mal à l’aise, qu’il est revenu plus tard sur le sujet en se faisant houspillé par tous, autres débatteurs et journalistes. Attal est efficace quand il se lance dans une tirade, il maîtrise l’enchaînement des arguments, quant à Bompard il connaît parfaitement les dossiers (exemple sur l’Aide médicale d’État, sur les déserts médicaux et le projet de loi transpartisan [sauf RN] qui a capoté à cause du refus du gouvernement). Tandis que Bardella accusait LFI de vouloir augmenter les aides sociales aux étrangers, et alors qu’il convenait qu’il était issu d’une famille étrangère, Bompard lui a opposé magistralement « ses ancêtres personnels avaient dû faire face à ses ancêtres politiques ». Bardella dodelinait de la tête, tentait un sourire narquois. Ce débat était cependant, à mon avis, relativement à fleurets mouchetés, comme si nous n’étions pas à deux doigts d’avoir à la tête de la France un parti d’extrême droite dont l’idéologie d’exclusion, de rejet, d’inhumanité peut mettre le pays à feu et à sang.

Du côté journalistes, l’ignorance est manifeste : Anne-Claire Coudray dit que le Nouveau Front Populaire prévoit d’augmenter les impôts forcément puisqu’il fait passer l’imposition sur le revenu de 5 tranches à 14 ! Gilles Boulaud ne comprend pas l’échange sur les retraites comme s’il n’était pas au clair sur ce dossier, entre âge de départ et durée de cotisation. De son côté, sur LCI, Nathalie Nataf commentera en disant que puisque Bardella et Bompard ont reconnu que le départ en retraite avec le taux plein sera à 66 ou 64 ans pour un retraité ayant commencé à cotiser à 24 ans, cela prouve qu’ils ont reculé par rapport à ce qu'ils disaient lors de la loi Macron : ce commentaire signifie clairement qu’elle n’a strictement rien compris au débat sur les retraites il y a un an (jamais la gauche n’a nié qu’il y avait deux notions cumulatives, l’âge de départ possible et la durée de cotisation : si on a commencé à 24 ans et que 40 ans sont exigés, le départ sera bien à 64 ans, ce qui n’a rien à voir avec l’âge minimal de départ fixé à 64 ans par la loi Macron).

Bien sûr, ce sont là mes impressions, il ne s’agit que d’une analyse partielle et certainement partiale de ce débat. Donc j’en oublie mais parfois la partie illustre bien le tout.

[26  juin]

Autre débat deux jours plus tard…

Lors du débat suivant, le 27 juin sur France 2, chauffé par Gabriel Attal, Jordan Bardella s’est parfois emballé, se lançant dans des tirades qui n’étaient pas forcément la récitation d’une fiche. Il faut dire qu’il était accusé de « putsch » (président de la République n’est qu’un titre honorifique, selon Marine Le Pen) et de vouloir livrer à Poutine une Ukraine désarmée. Olivier Faure était posé mais percutant, assistant aux passes d’armes entre droite macroniste et extrême droite (Attal listant longuement les candidats RN ayant affiché des positions racistes et antisémites). Quand Faure rappelle que les 500 plus grosses fortunes sont passées en dix ans de 200 milliards à 1200, soit six fois plus, personne ne conteste. Il explique que passer le Smic à 1600 euros (soit 14 % d’augmentation) n’est pas la mer à boire, en Espagne le Smic a progressé de 47 % en 5 ans, sans provoquer de dégâts dans l’économie, au contraire, le pouvoir d’achat augmenté favorisant l’activité. Cette augmentation ne représentera que 2 % de la masse salariale. Attal oppose le fait qu’une augmentation de 100 euros c’est 500 euros de charge (ce qui est faux, déjà sur LCI François Lenglet parlait il y a quelques mois de 400 euros, chiffre exagéré).

Illustration 3

Mais cela fait bien longtemps que de son côté, Bardella déroule sans cesse des chiffres faux comme les 500 000 entrées d’étrangers en France chaque année, comme les chiffres de la délinquance attribuée aux immigrés, s’appuyant sur des statistiques douteuses de Darmanin (il a souvent mis en cause les mineurs non accompagnés, étrangers, dans la délinquance à cause d’incidents à Bordeaux, alors que les MNA selon tous ceux qui les connaissent, sont assidus à vouloir s’en sortir). Faure a qualifié le RN d’« arnaque sociale », du fait de ses mensonges sur son discours social qui n’a aucun rapport avec ses réelles positions (cf. son aplatissement devant le Medef). Avec un culot sans borne, Bardella s’attribue la réforme sur l’allocation d’adulte handicapé (AAH) avec la "déconjugalisation". Quand il ose sortir une phrase de Jaurès, Faure lui rétorque de laisser le grand homme tranquille, qu’il n’a rien à voir avec lui. Quand Bardella se permet encore d’invoquer « chez lui », la Seine-Saint-Denis, Faure lui rappelle qu’il en est parti il y a bien longtemps. Comme ses interlocuteurs le lui reprochent, le président du RN ne cesse de parler pour tous sujets d’immigrés et d’islam : est-il possible que même ses électeurs ne perçoivent pas cette obsession maladive ?

 [inédit]

Selon que vous serez riche…

Le Rassemblement National prévoit d’accorder une demi-part supplémentaire aux familles dès le second enfant. Pour le moment, un couple avec deux enfants a droit à une demi-part par enfant, soit trois parts (1 + 1 + 0,5 + 0,5). Il aurait donc droit à 3,5 parts. Il a été calculé que pour un couple ayant deux enfants à charge déclarant 70 000 euros de revenus annuels l’impôt passerait de 3203 € à 2583 €, soit 620 € de réduction. Vous me direz : ce n’est pas gras, sauf que le quotient familial étant plafonné à 1759 € par demi-part (grâce aux parts acquises pour les enfants, vous ne pouvez bénéficier d’un avantage supérieur à cette somme), cela signifie que de plus hauts revenus encore pourraient bénéficier d’un avantage de 1759 €. Sachant qu’ils ont déjà 2 X 1759 € pour deux enfants (3518 €) l’avantage total procuré par le fait d’avoir deux enfants serait, avec le RN, de 3 X 1759 € soit 5277 €. Cet avantage sera considéré comme une baisse d’impôt (quand Hollande a réduit le plafonnement, la droite hurlait à la hausse d’impôt).   

Au-delà de la proposition du RN, cela pose la question suivante : est-il normal que les familles les plus riches soient à ce point avantagées sous prétexte qu’étant riches elles doivent assurer à leurs enfants un standing de riche ? Une officine de droite a évalué à… 3 milliards d’euros le coût de la seule mesure du RN. L’avantage global du quotient familial est égal… au montant des allocations familiales de base et supérieur au budget du RSA (c’était 12 milliards en 2018) ! Cette question est mal connue de l’opinion publique car explosive et donc peu abordée. Or il ne serait pas choquant que d'une part les allocations familiales soient versées dès le premier enfant (ce qui n’a jamais été le cas) et que d'autre part le budget que l’État consacre au quotient familial (en ne percevant pas cette recette fiscale) soit réparti pour tous au même montant (quand je dis tous c’est tous, même pour les plus riches, cela évite de présenter les allocs comme des aides sociales). Grosso modo cela permettrait de presque doubler le montant des allocs. Sûr que le RN ne va pas défendre une telle mesure.

[26 juin]

L’extrême irresponsabilité de la Macronie

Ce qui est terrible aujourd’hui ce n’est pas seulement le fait que le Rassemblement National soit aux portes du pouvoir, mais aussi l’attitude de la classe politique de droite qui considère sans vergogne que le bloc d’extrême-droite (auquel s’allie une partie de la droite) serait à rejeter tout autant que le Nouveau Front Populaire (NFP) qui, lui, serait d’extrême gauche. Passons sur le fait que LFI n’est pas d’extrême gauche. Ils et elles ont le verbe haut, mettent de l’ambiance à l’Assemblée Nationale,  mais ce ne sont pas les seuls (faut-il rappeler les hurlements de Woerth ou de Dussopt, entre autres, pendant le débat parlementaire sur les retraites). Quant à mettre en péril les institutions c’est assez cocasse d’entendre les Macronistes le prétendre à propos de LFI quand on sait la façon dont Macron les a mises à mal, les institutions, en se jouant de la Constitution (le clou étant cette dissolution abrupte, fait du prince). Comment taxer d’extrême gauche un parti qui vient discuter avec le patronat et qui propose un Smic à… 1600 euros nets par mois ?

 Si le RN est qualifié (officiellement d’ailleurs, par le Conseil d’État) d’extrême droite, c’est à cause de son passé (co-fondé par des anciens de la Waffen-SS, dirigé longtemps  par un facho antisémite dont le danger a été banalisé par Jordan Bardella) mais aussi parce que composé de militants dont de nombreuses enquêtes par des journalistes infiltrés ont montré qu’ils étaient encore massivement racistes et antisémites (y compris les électeurs d’ailleurs, selon un sondage Ipsos). Mediapart a déjà recensé 45 candidats RN au profil problématique pour le premier tour du 30 juin (Libération, le 26 juin, a accru la liste). Accepter le processus électoral ne prouve en aucune façon le respect du RN envers la République et la Démocratie : personne ne sait si une fois au pouvoir (comme tant d’autres partis d’extrême droite l’ont fait dans l’histoire et dans le monde), le RN ne fera pas tout pour se l’accaparer. Certains éléments de son programme sont déjà totalement en contradiction avec les valeurs fortes de la République. Une victoire éventuelle du RN verra rapidement une violence raciste se débrider, les nervis se considérant désormais en terrain conquis.

Eric Dupond-Moretti a avoué qu’en cas de RN et NFP au second tour, il s’abstiendrait. Elisabeth Borne, que les gazettes disaient venir de la gauche, a refusé de se prononcer entre les blocs d’extrême droite et de gauche, considérant qu’il y avait égalité entre eux. François-Xavier Bellamy a dit qu’en cas de duel il n’hésitera pas : son choix sera RN, ce qui est une forme d’allégeance à Eric Ciotti (rappelons que le Duce des Alpes-Maritimes avait dit qu’entre Macron et Zemmour, au second tout de la présidentielle il voterait Zemmour, c’est-à-dire pour l’extrême droite pro-capitaliste, raciste et pétainiste). Sur France Inter, Bruno Le Maire a renvoyé dos à dos extrême droite et « extrême gauche », accusant cette dernière d’être « antisémite chronique ». J’ai abordé [ci-dessus] cette accusation incessante, insensée, diffamatoire, d’antisémitisme visant la gauche, utilisée par l’extrême droite, la droite, les médias comme CNews, Europe 1 et le JJD (Bolloré) mais aussi sur des plateaux de télé comme LCI ou BFM sans être rappelés à l’ordre (et même sur le service public avec beaucoup de légèreté). Je reviendrai également sur le cas de ce candidat Renaissance qui, samedi 22 juin, à Auch dans la rue, a accusé tout de go trois militants du Nouveau Front Populaire d’être « antisémites », comme ça, juste comme un élément de langage qui serait commode à utiliser, pour discréditer ses adversaires. Tout est fait de façon calculée pour diaboliser la gauche, afin de dédiaboliser l’extrême droite, attitude lamentable et totalement irresponsable.

L’inconstance et l’inconsistance de la Macronie est extrême : au second tour de la présidentielle de 2017 et de 2022, non seulement Macron a appelé à faire barrage au RN mais nombreux électeurs de gauche (Verts, PS, LFI, PC, divers) ont voté Macron pour empêcher Le Pen de l’emporter. Et aujourd’hui, cette même Macronie insulte la gauche, non seulement en instrumentalisant l’antisémitisme (ce qui est un mauvais coup porté à la lutte contre l’antisémitisme) mais aussi en mettant, de façon odieuse, sur un même pied d’égalité Rassemblement National et Nouveau Front Populaire.

[22 juin]

Additif : Emmanuel Macron, après avoir dit que si les extrêmes l’emportent ce sera « la guerre civile », a concentré ses critiques contre le RN, comme ce qu’a fait Attal lors du débat sur France 2. Il se souvient soudain des seconds tours ?

Les bonnes idées de diversion

Illustration 4

Programme révolutionnaire de Bardella pour l’école : interdiction du téléphone portable en primaire et au collège ainsi que vouvoiement des profs ! Pour les téléphones c’est déjà le cas, et je doute qu’il y ait beaucoup de profs qui se fassent tutoyer. Bon, il ajoute l’interdiction des smartphones au lycée, où c’était déjà réglementé sans être absolument interdit. La mesure rétro de taille du jeune homme moderne : l’uniforme ! S’il arrive au pouvoir, voilà une décision qui va bien mobiliser et faire perdre du temps à tous : c’est le type-même de projet qui est là juste pour marquer une forme d’autoritarisme afin de bien évacuer les problèmes de fond.

Tout ça me fait penser aux gens du pouvoir (encore en place) quand récemment, au bord du précipice, ils annonçait des mesures d’importance : sanctionner financièrement les patients qui posaient un "lapin" aux médecins, faire payer 750 € aux propriétaires de chiens sans laisse en forêt et imposer un sur-loyer aux locataires du parc social aux revenus légèrement supérieur ou même carrément les virer, alors même qu’ils et elles contribuent à la mixité sociale.

C’était notre chronique "les bonnes idées de Bardellattal" en 2024.

[24 juin]

Ça résiste !

Plus de 800 professionnels de la culture, dans une tribune publiée par Le Monde, constatent les dégâts commis dans le domaine culturel par des gouvernements d’extrême droite en Italie et en Hongrie et appellent à faire barrage au Rassemblement National (qui entre autres prévoit de vendre l’audiovisuel public aux milliardaires, dont Bolloré).

500 artistes, le 21 juin, ont appelé à « la construction collective d’un avenir durable , vivable, désirable, plus juste », incompatible avec les idées du RN.

170 diplomates (Le Monde, sous anonymat) déclarent ne pas pouvoir se résoudre à une victoire de l’extrême droite.

200 sportifs se prononcent publiquement contre l’extrême droite.

80 médias appellent au soutien à la mobilisation sociale contre l’extrême droite (Reporterre, L’Huma, Mediapart, etc).

Des travailleurs sociaux ont lancé un appel contre l’extrême droite [voir mon précédent billet de blog].

Si le RN devait l’emporter le 7 juillet, il est évident que cela ne sera pas sans résistance : la société n’est pas prête à passer sous les fourches caudines d’un courant politique qui foule aux pieds les principes républicains. Même l’édito du Monde daté des 23/24 juin écrit : « Aucune des manœuvres destinées à "dédiaboliser" le RN ne peut faire oublier les racines antisémites et les obsessions raciales d’une mouvance dont le nouveau prétendu philosémitisme n’est que le paravent de la haine envers les musulmans ».

Par ailleurs, toujours dans ce même n° du Monde, Serge Slama, professeur de droit public, dans une tribune, décortique le programme du RN  dans ce qu’il a d’anticonstitutionnel et les problèmes que cela va poser aux fonctionnaires et instances juridiques. Il termine par cette phrase : « L’arrivée de l’extrême droite au pouvoir constituerait […] un point de bascule : si les politiques et les lois sont contraires au caractère républicain de nos institutions, il pourra être nécessaire de désobéir, par fidélité à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui proclame le droit à la "résistance à l’oppression" ».

[24 juin]

Préférence nationale

Louis Aliot, premier vice-président du Rassemblement National, maire RN de Perpignan, était l’invité de France Inter à midi (Questions politiques). Interrogé par Carine Bécard (France Inter), Françoise Fressoz (Le Monde) et Jean-Baptiste Marteau (France 2). Je vais être court sur sa prestation car c’est surtout un élément apparemment anecdotique que je voudrais relever. Auparavant, il a dit que Macron était de gauche (un social-démocrate), qu’il était prêt à être ministre, que le RN souhaitait la dissolution mais en septembre ou octobre, qu’il publiera son programme de gouvernement… demain [le 24 juin].

Illustration 5
Louis Aliot sur un marché [Photo YF, archive]

J’ai surtout noté cette question concernant la préférence nationale. Voulant donner un exemple de ce que veut faire en la matière le RN, il dit : « les logements sociaux seront attribués en priorité aux Français et non pas aux clandestins ». Là, il n’y a pas besoin de sortir de la cuisine de Jupiter pour comprendre qu’il y a une arnaque. D’abord, les clandestins n’occupent pas de logements sociaux. Ensuite, la question est de savoir si des étrangers en situation régulière seront exclus des logements sociaux. A cela il ne répond pas, car les trois journalistes ne réagissent pas. Pourtant son entourloupe pour botter en touche était grosse comme un camion. Si cela en dit long sur les journalisses déconnectés du monde réel, ce n’est pas sans nous éclairer sur le RN lui-même qui se contorsionne pour éviter d’y aller franco : craindrait-il que l’opinion publique ne soit pas d’accord s’il avait parlé des étrangers en situation régulière ?

En fin d’émission, un invité (Raphaël Llorca, auteur d'un ouvrage Les nouveaux masques de l'extrême droite) jette un pavé dans la marre : non seulement il dit que Macron a procédé à un « coup d’État psychique », faisant sauter tous les verrous (dont Ciotti dans son bunker), mais aussi que cette émission ne sert à rien. En effet, en écoutant Louis Aliot, il lui revenait cette phrase du sémiologue Roland Barthes sur « ces discours qui visent à recouvrir les faits d’un bruit de langage » (apostrophant Aliot, il lui dit : « vous reculez sur tout, vous arrondissez les angles, vous esquivez toutes les questions »). Je buvais du petit lait, c'était exactement ça, les circonvolutions d'Aliot qui ne pouvait alors que sortir des phrases bateaux du style : "les gens de Perpignan me comprennent", puis récusant le terme d’extrême droite pour qualifier le RN : "quand une voiture est rouge vous ne leur faites pas croire qu’elle est bleue", et enfin "vous êtes trop intelligent pour la majorité des Français".

[23 juin]

"La face cachée de Jordan Bardella"

Le Rassemblement National, selon les sondages, caracole en tête. On ne sait quelle est la part autoréalisatrice de cette prédiction : est-ce que plus le score affiché de Jordan Bardella est élevé, plus des électeurs sont prêts à lui accorder confiance ? La peur de le voir gagner n’ayant plus d’effets dissuasifs ? Des jeunes se précipitent pour être pris en photo avec "M. Selfie" : interrogés certains déclarent avoir l’intention de voter pour lui, mais ignorent le plus souvent son programme. Si pour un certain nombre d’électeurs, son discours anti-immigrés fonctionne, il semble que pour d’autres son allure, propre sur lui et gominé, suffise. Pourtant, si l’on en croit de nombreux livres et articles, le successeur à la tête du RN, qui joue la dédiabolisation, n’est pas conforme à l’image qu’il veut donner de lui. Il n’est pas difficile de remarquer qu’il est malin, cherchant à ratisser large, mais sur les immigrés il exprime une hargne peut-être plus marquée que Marine Le Pen, bien proche de celle de Marion Maréchal (incapable d’aborder le moindre sujet sans ramener un migrant dans l’affaire).

Illustration 6

Plusieurs enquêteurs ont montré que Bardella n’a pas eu à Saint-Denis la jeunesse misérable qu’il décrit. Certes, sa mère était modeste, mais il fait sa scolarité dans des écoles privées, son père lui paye un long voyage aux USA, et une voiture à sa majorité. A l’époque, il ne déroule pas son récit sur son quartier infesté : celles et ceux qui l’ont connu décrivent une tout autre situation, d’ailleurs il se dévoue en donnant des cours d’alphabétisation pour des migrants (ce qu’il se garde bien de signaler aujourd’hui). Puis il bascule et se met à fréquenter des milieux de l’ultra-droite, encore aujourd’hui. Le livre de Pierre-Stéphane Fort (Le grand remplaçant, La face cachée de Jordan Bardella) fourmille d’indications sur l’homme qui n’a travaillé qu’un mois dans sa vie (dans l’entreprise de son père) et qui ne fout pas grand-chose au Parlement européen : ses amitiés, ses relations, ses conseillers font froid dans le dos. On est bien loin de l’image lisse qu’il affiche. Mais il sait donner le change et botter en touche. Toute la question est de savoir si, du fait d’une ascension fulgurante, il ne va pas exploser en vol. D’autant plus que, ce livre et nombreux articles le montrent, des militants qu’il a côtoyés se lâchent et livrent pas mal d’éléments sur cette « face cachée ».

[7 juin]

Vent mauvais, chroniques

. CNews 17 juin : Mathieu Bock-Coté déroule sa chronique, mangeant la moitié de ses mots : le Front Populaire (FP) a juste pour but de faire venir massivement des immigrés afin de modifier le corps électoral et prévoit une loi liberticide contre une chaîne de télé d’information (suivez mon regard) et contre l’islamophobie. Damned : l’extrême droite qui se découvre soudain pro-juive (pour combien de temps), prête à déceler de l’antisémitisme partout, revendique de pouvoir insulter les musulmans en toute impunité. Le FP a aussi le projet de monter un dispositif répressif contre ceux qui ne célèbreront pas la victoire de ce parti. Les logements vides seront confisqués… pour y loger les gens venus du sud vers le nord. La société au bout d’un an ne sera plus une « démocratie classique ». Cette société égalitariste progressera vers la pénurie : tous n’auront rien, plutôt que quelques-uns aient un peu quelque chose !

Illustration 7

Un vrai délire… tellement que l’éteinte Christine Kelly murmure : « c’est pas un peu exagéré ? » avec son sourire tout énamouré.

Pendant que tant d’auteurs publient des ouvrages documentés, intelligents, fouillés sur les injustices, sur les dégâts du capitalisme, sur la pauvreté, sur la cruauté des politiques d’immigration (je ploie sous ces livres, j’en lis plusieurs à la fois), voilà qu’un Québécois vient cracher sur la gauche, sur les exilés. Chez ces gens-là, on n’écrit pas monsieur, on dégoise tranquillement, on déverse sa bile.

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LFI 17 juin : un journaliste est chargé par Pujadas d’expliquer ce que signifie la préférence nationale. Tout n’est pas faux dans son speech, mais soudain pour expliquer qu’il existe une préférence nationale pour l’emploi, au lieu de dire que la fonction publique est ouverte à des agents qui ont la nationalité française et expliquer pourquoi, il dit : « il existe des métiers réservés par exemple les policiers » ! Ce qui en dit long sur le niveau intellectuel dans ces rédactions.

François Lenglet n’est pas choqué qu’il y ait un délai exigé pour bénéficier de certaines prestations : il sait depuis peu qu’une personne étrangère doit attendre 5 ans pour ouvrir droit au RSA (puisque le speech l’a précisé) mais ignore totalement qu’un Européen y a droit au bout de trois mois sur le territoire (il croit que c’est 5 ans) et Jean Quatremer (Monsieur Europe de Libération, macroniste des plateaux) affirme en connaisseur sûr de lui… qu’il faut 9 mois de présence. Chez ces gens-là, on confond prestations sociales et aides sociales, et ils sont complètement perdus entre "étrangers" et "immigrés". Aucun n'est capable d'expliquer que les allocations familiales (même sans cotisations salariales) relève du contributif (ce n'est pas une aide sociale) et que ne pas l'attribuer c'est à peu près comme si un immigré salarié se voyait interdire la sécurité sociale.

A mon avis, leurs explications tarabiscotées n’ont éclairé en rien les téléspectateurs. Ruth Elkrief, journaliste, donne son avis sur ce qu’il faudrait faire en matière de préférence nationale : elle estime que les familles étrangères qui occupent un logement alors qu’elles ont un enfant délinquant devraient être expulsées de leur logement. Alors Pujadas lui dit : et pour les Français, non ? Elle réfléchit puis concède : « ah bin oui pour les Français aussi ». Est-elle vraiment journaliste ?

L’avis du philosophe de droite Pierre-Henri Tavoillot est sollicité : peut-être pris de court, il balbutie que la préférence nationale c’était jadis pour recruter des militaires dans l’armée et des travailleurs dans les usines ! De toutes façons, le RN n’est pas d’extrême droite tandis que la gauche s’extrémise. Il montre en exemple le Danemark social-démocrate (il n’a pas vérifié ses fiches : le gouvernement danois est de centre droit et perd des plumes aux européennes) a déghettoïsé ses quartiers populaires. Autour de la table : ah comme ça serait bien que la France fasse pareil. Aucun ne dit que les immigrés sont concentrés dans des quartiers non pas parce qu’ils le décident mais parce que vivent en HLM les populations les plus modestes et parce que les politiques d’attribution de logements conduisent à cette ghettoïsation. On nous assène un sondage : 71 % des Français seraient pour la préférence nationale selon le CSA (déc. 2023), sans qu’on nous dise quelle définition de ce mot a été fourni aux sondés.

Tavoillot part dans une définition de la fraternité qui, selon lui, quand elle est universelle c’est la charité, et quand elle est au sein d’un pays c’est une fraternité seulement pour les membres de ce pays ! Nos frères, quoi, un peu selon la définition ancienne de Jean-Marie Le Pen. Il pense que le ressentiment des Français à l’encontre des étrangers c’est à cause des impôts élevés. Quatremer ne cache pas que ça va être la vie dure pour les immigrés, même pour ceux qui sont "contributifs" : effectivement, tout faire pour leur compliquer la vie, réduire leurs droits, et les dégoûter. Lenglet se dit : tiens, si on contrôlait nos frontières, il n’y aurait plus besoin de discriminer les prestations.

Quatremer affirme que (tous) les candidats LFI sont des « antisémites » (j’ignore si des poursuites pour diffamation seront engagées), il ne vote pas pour eux. LFI a proclamé depuis des années que les Macronistes sont des "fascistes" (je n’ai jamais entendu ça) et que le RN et Renaissance c’est la même chose. Pour Tavoillot, le Front Populaire n’est ni un front ni populaire et son programme est incohérent (philosophiquement ?). Ruth Elkrief assène : c’est le RN qui est populaire ! Fermer le ban.

J’ai senti un vrai vent de panique chez LCI face à la montée des deux blocs.

[Petite recommandation : il est vraisemblable que quelques lecteurs me disent comme souvent que je me fais du mal, qu'il vaudrait mieux ne pas voir ces émissions : or d'une part, je ne regarde pas longtemps (car c'est effectivement éprouvant), d'autre part ces télés ne sont pas un phénomène marginal, qui ne mériterait pas qu'on y prête attention. Elles existent, jouent un rôle certain dans l'extrèmedroitisation de la société, des commentateurs qui renient pour le moment le RN s'en inspirent cependant. Je commente comme je commenterais un discours de Macron ou du Medef, c'est un élément, inquiétant, de la réalité du pays. CNews et C8 avec Hanouna déversent un tel racisme et une telle vulgarité qu'elles ne devraient pas se voir attribuer par l'autorité publique des canaux de diffusion. Hugh !].

[18 juin]

Le Figaro pour LR/RN

Illustration 8

Ce qui se passe à gauche est rassurant mais il ne faut pas négliger le boulevard qui s’ouvre avec Bardella pour des politiques et commentateurs qui restaient encore un peu sur la réserve et qui vont se lâcher. Et se lâchent déjà. Guillaume Roquette, directeur de la rédaction du Figaro Magazine, ancien directeur du canard d’extrême droite Valeurs Actuelles, journal qui vit sur sa haine des immigrés, des "assistés", des musulmans, condamné pour racisme, et suspecté d’antisémitisme dans ses attaques contre Georges Soros, est depuis des années invité sur les plateaux de télé ou de radio comme si de rien n’était, comme s’il était juste un chroniqueur un peu à droite, malgré son soutien affiché à son "ami" Zemmour. Certes, il fait beaucoup d’efforts pour ne pas trop se trahir mais on sent à travers ses circonvolutions qu’il aimerait tant en dire davantage.

Sa dernière chronique [sur France Inter, le 27 juin 2023], comme par hasard, était un plaidoyer en faveur de Zemmour qui serait le seul à appliquer une stratégie qui marche ailleurs en Europe : l’alliance des droites.

[14 juin]

Sophie Binet, cohérente et compétente

Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, était l’invitée de questions politiques le dimanche 2 juin à midi sur France Inter. Souvent, quand je publie un post, je cherche à rajouter mon grain de sel, à donner un point de vue différent, ou simplement à apporter quelques nuances. Là, tant sur la forme que le fond, cette interview de Sophie Binet est remarquable, je ne me vois pas contester le moindre point-virgule : elle est cohérente, répond naturellement, connait parfaitement les dossiers, a réponse à tout, s’exprime clairement, affirme, assène sans polémiquer, ne tombe pas dans les pièges que lui tendent en particulier deux intervieweuses, Carine Bécard (France Inter) et Françoise Fressoz (Le Monde) qui sont sur des positions en défense de la majorité gouvernementale. En un mot, elle est très efficace.

Illustration 9

Elle accuse la réforme de l’assurance chômage d’être « criminelle » et s’en explique car le chômage tue (elle cite des témoignages). On lui oppose la Cour des comptes qui propose de réduire le délai de carence pour arrêt maladie, elle précise que la dite Cour reproche aussi au gouvernement de faire perdre 18 milliards à la Sécurité sociale (dont le déficit est de 11 Md€), ce que les médias focalisés sur les arrêts maladie n’ont pas mis en avant. Elle conteste qu’il y ait des abus (avec les arrêts maladie) : si leur nombre s’est accru c’est à cause du report de l’âge du départ en retraite, des cadences, et de la perte du sens du travail tout orienté vers le versement de royalties aux actionnaires. Et aussi à cause de la suppression des CHSCT par Macron (comités sur les conditions de travail). L’exonération des heures supplémentaires est une grave erreur : ça supprime de l’emploi et ça grève le budget de la Sécu. Par ailleurs, elle conteste le refrain sur les emplois non pourvus* (plainte de patrons invoquée pour justifier le durcissement du traitement du chômage). On lui demande s’il ne vaut pas mieux une mesure critiquable que d’être au chômage, elle répond en reprochant aux deux journalistes de toujours lui demander de choisir entre la peste et le choléra. Elle stigmatise un système qui fait que le patron de Stellantis perçoive 36 M€ par an (100.000 par jour) et qui dit que si on n’est pas content y a qu’à voter une loi qui l’empêche… ce que Macron ne fait pas. Pendant ce temps, 130 entreprises sont en train de couler, 70 000 emplois menacés, dans un silence médiatique et politique complet.

Sa connaissance des dossiers fait qu’elle mouche ses interlocutrices, sans en profiter plus que ça : par exemple, C. Bécard invoque une mesure prévoyant une sanction financière sur les emplois courts. Or cette mesure n’est pas dans la loi. Sur la façon dont les questions sont posées, j’ai relevé celle sur le projet de loi sur la fin de vie (en fin d’émission avec Jonathan Denis, auteur d’un livre sur le sujet) : les deux journalistes parlent des 20 départements qui n’ont pas de soins palliatifs. Elles répètent là simplement ce que tout citoyen qui écoute un peu la radio a déjà entendu. Sauf qu’elles ne connaissent pas trop le sujet : J. Denis précise que tous les départements ont des soins palliatifs, seulement tous n’ont pas une unité de soins palliatifs (ce que le gouvernement s’engage à combler).

Pour revenir aux propos de Sophie Binet, au sujet des élections européennes, elle précise que la CGT ne se prononce pas POUR un candidat, mais CONTRE l’extrême droite. L’Europe a été créée pour contrer le fascisme or aujourd’hui il fait son chemin sur le continent. Macron a banalisé le racisme avec sa loi immigration. Elle regrette que la gauche soit séparée [c’était avant la dissolution]. En ce qui concerne le RN, elle note qu’une loi au Parlement européen a été votée pour renforcer le statut des travailleurs des plateformes numériques (livreurs à vélo) pour qu’ils aient un statut salarial, malgré les efforts d’Emmanuel Macron pour s’y opposer. De leur côté, les députés RN avaient sans doute piscine, car, comme souvent, ils n’étaient pas là. De même qu’ils ont voté contre une loi sur le salaire minimum en Europe qui permettrait d’éviter le dumping social.

Enfin, Sophie Binet s’est dite opposée à la réforme de l’audiovisuel qui ne se justifie pas. Elle avait un tee-shirt protestant contre ce projet de Rachida Dati (sur injonction de Macron), au moment où des milliardaires dans le privé, comme Bolloré, visent à contrôler l’information et à propager des fake-news à tout va [à noter que Sophie Binet refuse de se rendre, à juste titre, sur la télé d’extrême droite CNews].

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* emplois non pourvus : Catherine Vautrin, ministre, entre autre, du travail disait récemment sur France Inter qu'il y avait 300 000 emplois non pourvus. Ce chiffre est constant depuis des années, il correspond à une marge incompressible liée au mouvement entre démissions/licenciements et recrutements. Dans tous les cas, c'est peanuts face aux 3 à 5 millions de sans-emploi et de temps partiels contraints.

[2 juin]

Illustration 10
[Photo YF]

. Chroniques parues sur mon compte Facebook, reproduites ici avec parfois quelques variantes.

Billet n° 810

Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Parcours et démarche : ici et "Chroniqueur militant". Et bilan au n° 700 et au  n° 600Le plaisir d'écrire et de faire lien (n° 800).

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