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Billet de blog 30 août 2023

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Désespérant

Où il est question de Médine, de Rachel Khan, d’EELV, de LFI, de Ségolène Royal, de l’Ukraine, du wokisme sur LCP, mais aussi des Lip, des migrants en Méditerranée et du rêve de Martin Luther King.

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Rachel Khan et Médine

Europe Écologie Les Verts (EELV) avait donc décidé d’accueillir à ses journées d’été Médine, le rappeur de l’étape (il est basé tout près du Havre). La France Insoumise a dit aussi son soutien à Médine. Tollé, venant surtout de la droite et de l’extrême droite, car Médine serait antisémite. La preuve : il a publié un tweet dans lequel Rachel Khan est présentée comme étant une « resKHANpée » ! Or Rachel Khan, qui se présente comme "écrivaine et conseillère politique" (en fait de l’Elysée) et a été sportive de haut niveau (dont hip-hop), actrice, éditorialiste de radio, a un père d’origine gambienne et une mère juive ashkénaze. Les détracteurs de Médine affirme qu’il a fait ce jeu avec son nom parce que les grands-parents de Rachel Khan sont rescapés des camps de concentration. Médine dit qu’il ignorait qu’elle était juive, ce qui est bien possible, il voulait réagir au fait qu’elle l’avait traité de « déchet » sans que cela indigne personne (son invitation à EELV était, selon elle, « une très bonne idée pour l’atelier traitement des déchets »). Rescapée c'était pour évoquer son parcours du hip-hop à la bouffe à la table de l'extrême droite (elle a effectivement dîné chez Marine Le Pen). Certains jouent sur son nom pour laisser entendre que Khan est un nom juif, alors qu’il n’en est rien. Elle est la première à rectifier quiconque écrit Kahn (comme Axel Kahn). Elle a publié un  livre "Racée", dans lequel elle part en guerre contre le "wokisme" et a conseillé le documentaire militant de Mickaël Prazan diffusé sur LCP et que j’ai vivement critiqué récemment  [voir une chronique ci-après]. Reçue ce soir [29 août] sur CNews, elle s’en prend à la gauche qui fraye avec l’antisémitisme, osant parler d’humanisme sur une chaîne d’extrême droite et raciste ! Médine a jadis été proche de Dieudonné et a été pris en photo faisant une quenelle (signe de ralliement antisémite), mais il a depuis désavoué ce comportement. Dans sa chanson "MC Soraal", s’il cite Soral l’antisémite c’est pour un jeu de mots (MC Solaar et Soral) parmi d’autres plus ou moins heureux, mais pas pour l’encenser.

Illustration 1

Cependant, EELV prenait un risque en invitant un rappeur qui avait soutenu Dieudonné, même s’il le condamne clairement aujourd’hui. Il faut savoir qu’en face on a à faire à des gens qui font feu de tout bois : souvent racistes, déversant leur haine des musulmans sans retenue, ouvertement, sans vergogne, carrément, comme jamais auparavant on ne l’avait fait sur des médias ayant pignon sur rue, mais se permettent de faire un procès à Mathilde Panot (LFI) qui a osé dire d’Elisabeth Borne qu’elle était une « rescapée » parce que finalement Macron ne l’avait pas virée : les exégètes patentés y ont vu une allusion au fait... que le père d’Elisabeth Borne a été déporté (on a appris alors qu’il s’appelait Bornstein, reprenant à la libération son nom de guerre, Borne). Accusation simpliste. A ce stade, instrumentaliser à ce point l’antisémitisme relève, selon moi… de l’antisémitisme. Qu’a fait Zemmour, sinon de l’antisémitisme, ce que des Juifs ne se sont pas privés de lui dire.

En résumé, je pense que EELV aurait dû attendre encore un peu d’être bien sûr que Médine n’avait vraiment plus rien à voir avec ce qui l’a attiré jadis. Quant à Médine, j’ai le sentiment que son mot sur Rachel Khan (tant exploité par elle, par la droite et la fachosphère) est juste un jeu de mots (comme le rap s’en gargarise et comme il le fait lui-même dans ses textes), pas très malin, pour réagir à une insulte dont il avait été l’objet. De là à en faire un pataquès et d’occuper toutes les chaines de télé pendant deux ou trois jours montrent à quel point l’idéologie percutée par les militants écologistes et sociaux est prête à tout pour les combattre.

[29 août]

Ségolène Royal et l’Ukraine

Tout à coup, sortie du chapeau, Ségolène Royal se dit prête à représenter la gauche et à être tête de liste aux européennes. Passée la surprise, certains, sans la soutenir ouvertement, considèrent qu’elle fait preuve d’ « audace » (certes) et de « courage » (là on voit pas bien) ! Bien sûr, on pourrait gamberger sur sa participation prochaine à TPMP de Cyril Hanouna, sur C8, émission glauque sur une chaîne appartenant, comme CNews, au milliardaire d’extrême droite, Vincent Bolloré. Ou son soutien irresponsable à Éric Raoult. Ou ses fonctions passées bidons au Conseil de l’Arctique nommée "ambassadrice pour les pôles" par Macron.

Mais ce qui est rédhibitoire selon moi c’est son commentaire poutinien à propos des massacres de Boutcha (crimes contre l’humanité qu’elle a qualifiés de "fake news") et aussi lors du bombardement russe de la maternité de Marioupol le 9 mars 2022 : selon elle, il n’y avait aucune preuve qu’il y ait eu des victimes dans cette maternité, alors même que des reporters de référence, sur place, avaient attesté de l’évènement tragique. Au point qu’elle dut se rétracter peu après, mais pour récidiver en septembre 2022, à propos de la même maternité, émettant à nouveau des doutes sur la véracité des accusations portées par les autorités ukrainiennes et tant d’observateurs internationaux. N’hésitant pas à reprendre à son compte les thèses complotistes de Poutine, accusant l’Ukraine de vouloir la guerre, sans dénoncer l’agression russe. Que certains, même à gauche, se complaisent dans ce genre de dérives ne devrait pas cependant conduire à accorder la moindre crédibilité à une femme politique qui cherche depuis longtemps à faire des coups pour qu’on parle d’elle et qui s’est tant employée à trouver des excuses au mafieux du Kremlin.

[28 août]

Le wokisme sur LCP

LCP rediffuse en ce moment un documentaire déjà diffusé l’an dernier, Racisé.e.s : une histoire franco-américaine, réalisé par Michaël Prazan. Les grands témoins sont : Pascal Bruckner, Elisabeth Badinter, Pierre Valentin (Fondapol, passé par le FigaroVox), Perla Msika (Franc-Tireur), Pierre-Henri Tavoillot (« philosophe de droite », selon ses propres termes, Arrêt sur images l’a qualifié d’« anti-gauche et extrême-droitisé »), Abnousse Shalmani (LCI, née en Iran, elle milite ardemment contre le port du voile), Assita Kanko, née au Burkina-Faso, députée belge européenne, membre du N-VA parti de droite anti-immigration (ce qui n'est pas précisé) et Rachel Khan, « musulmane par mon père, juive par ma mère », autrice du livre Racée, qui a servi de point de départ pour le documentaire pour lequel elle apparait dans le générique comme conseillère, sans qu'il soit indiqué qu’elle a été recrutée par LREM pour diriger un groupe sur l’immigration et a rencontré Marine Le Pen à son domicile pour tailler la bavette en avril 2021.

Illustration 2

Le grand témoin est Yohuru Williams, un universitaire américain, qui ne fait que décrire l’apparition du wokisme (« éveillé ») et des excès, mais l’ensemble du documentaire est un parti-pris qui ne cherche pas à comprendre et à donner la parole à la partie adverse, sinon en accordant quelques secondes à Rokhaya Diallo. On fait un pataquès sur le fait que Houria Bouteldja ait parlé des Blancs en les traitant de "Souchiens" (renversant le stigmate d’une extrême droite se revendiquant "Français de souche"), alors même qu’elle ne représente pas grand-chose et que ce propos a été prononcé en 2007 chez l’animateur de télé frayant avec l’extrême droite, Frédéric Taddéi. Par ailleurs, on ressort une très vieille archive de Romain Gary. Dans l’affaire de l’IEP de Grenoble, la parole n’est donné qu’au professeur Klaus Kintzler, accusé à tort, selon lui, de racisme.  En réalité, on se demande pourquoi Alain Finkielkraut n’était pas interviewé, ni Natacha Polony, ni Michel Onfray, ni la bande à CNews.

Il faudra attendre le Débat-doc pour avoir une vision plus mesurée du phénomène, grâce à une invitée, Anne-Lorraine Bujon, directrice de la revue Esprit, qui est nullement un parangon d’extrême gauche : elle sait expliquer les origines du wokisme aux USA, l’esclavage et la ségrégation (ce qui n’est pas rien et qui n’apparait pas dans le film), les préoccupations de la jeunesse, là-bas comme ici, à propos du racisme, du sexe et de l’environnement, et les excès qu’il faut condamner. Elle donne à voir ce qu’aurait pu être un documentaire honnête sur le sujet.

Michaël Prazan n’était pas très à l’aise sur le plateau, cherchant à défendre son film malgré ses nombreuses carences : il s’est comporté, comme dans son film, en militant non objectif. L’animateur, Jean-Pierre Gratien, comme à l’ordinaire, tchatche, s’écoute parler, coupe la parole à ses invités, mais cherche à contrebalancer très légèrement la thèse de Prazan.

En réalité, ce qui est étonnant, ce n’est pas ce documentaire très orienté, militant, avec des interlocuteurs choisis dans un seul camp, mais pourquoi LCP ne cesse de diffuser ce documentaire. Deuxième interrogation : c’est la présentation dithyrambique qu’en a faite Télérama : là c’est incompréhensible. A se demander si le film et le débat ont été visionnés.

[16 août]

« Ils ont assassiné Lip »

Illustration 3

Claude Neuschwander est décédé à 89 ans à Montpllier : il avait été le patron de Lip après la lutte exemplaire menée par les ouvriers et ouvrières de cette usine de Besançon. Les propriétaires de cette usine de montres, qui employait un millier de salariés, avaient décidé, suite à des erreurs stratégiques, de licencier en 1973 une grande partie de son personnel qui se révolta, occupa l’usine, s’empara du stock de montres, les vendit et se versa un salaire pendant des mois.

Si l’on veut comprendre rapidement ce qu’est le capitalisme, ce n’est pas nécessaire de lire "Le Capital" de Marx ou "Le Capital au XXIème siècle" de Piketty : Claude Neuschwander et Jean Charbonnel qui avait été ministre de Pompidou ont expliqué clairement comment les grands patrons français ont cassé délibérément les reins de Lip, et donc condamné au chômage des centaines de personnes, n’ont pas pour des raisons économiques immédiates (car les affaires avaient bien repris, tout le personnel avait été finalement réembauché) mais parce qu’il ne fallait pas qu’une lutte ouvrière réussisse. D’autres grévistes risquait de vouloir l'imiter, il importait donc de « "punir" les aventuriers de Lip ».

J’ai publié une série de six articles sur l’affaire Lip sur une édition de Mediapart, dont l’un cite ces deux dirigeants (Charbonnel, gaulliste, dit carrément que les libéraux ont « assassiné » Lip). YF

. Le combat historique des Lip 

. France 3 Bourgogne-Franche-Comté : ici.

. Midi Libre (Groupe La Dépêche) : ici.

[29 août]

Migrants en perdition

Un article de la rédaction de Mediapart fait le point après les deux naufrages de migrants, dans la Manche et en Méditerranée dans la nuit du 11 au 12 août faisant au moins 8 morts. La veille, 116 migrants, dont des enfants, en détresse sur trois embarcations, avaient été secourus dans la Manche par la Marine française.

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La carte du Golfe de Gabès (j’ai rajouté Lampédusa et Djerba) montre combien les touristes insouciants qui fréquentaient Djerba seraient aux premières loges pour assister à ces drames : Lampédusa est presque à portée de regard.

Depuis 2018, ce sont 100 000 migrants qui ont traversé la Manche à bord de petites embarcations (le plus important naufrage a eu lieu en novembre 2021, 27 migrants sont morts noyés, les secours français étant soupçonnés de n'avoir rien fait pour leur venir en aide, une instruction judiciaire est en cours). Et actuellement, ces traversées sont de plus en plus nombreuses.

  En Méditerranée, dans le Golfe de Gabès, en Tunisie, s'engagent des candidats à l’émigration, tous originaires d’Afrique subsaharienne. Les naufrages se succèdent à un rythme effréné : depuis janvier, 1800 morts, soit le double par rapport à l’an passé, mais, dans la même période, plus de 95 000 migrants ont atteint les côtes italiennes. Les autorités tunisiennes font la chasse de ces « hordes de migrants » comme l’a dit le président de ce pays, qui les renvoie dans le désert. L’Ocean-Viking, de SOS Méditerranée, qui avait été contraint par les autorités italiennes à l’arrêt pour de prétendues questions de sécurité, a pu reprendre ses activités de secours et a ainsi secouru 623 personnes lors de 15 sauvetages ces derniers jours (la plupart venant du Soudan, pays en guerre, de Guinée, de Côte d’Ivoire, du Burkina Faso, du Bénin et du Bangladesh).

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Anou-Makaran, au nord d'Agadez [Photo YF]

La situation au Sahel (Mali, Niger) n’est pas faite pour apaiser la situation : on le dit peu, mais le pouvoir à Niamey (au sud du Niger) est détenu par des Africains noirs tandis que le nord est peuplé de Touaregs, qui comme au Mali ont d’autres revendications. Le nord du Niger est un passage traditionnel de candidats à l’émigration (venant de Mauritanie, du Mali ou du Niger), passant au nord d’Agadez, dans l’Aïr, le Ténéré puis la Lybie (cf. le récit époustouflant de Fabrizio Gatti, "Bilal sur la route des clandestins"). Mais depuis 2015, dans cette zone où régnait un véritable commerce des migrations, les autorités nigériennes ont instauré un contrôle afin de dissuader les migrants de passer par là (jadis des camions chargés à bloc s’aventuraient dans le désert pour rejoindre la Lybie y compris après la chute de Kadhafi, regretté par la plupart des gens du nord).

  La carte du Golfe de Gabès (j’ai rajouté Lampédusa et Djerba) montre combien les touristes insouciants qui fréquentaient Djerba seraient aux premières loges pour assister à ces drames : Lampédusa est presque à portée de regard.

[16 août]

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Dans l'Aïr, au nord-est d'Agadez : après, c'est le Ténéré [Photo YF]

« I have a dream »

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Memorial Martin Luther King, Washington [Photo YF]

Le 28 août 1963, 250 000 personnes (80 % de Noirs) se rassemblent devant le Memorial Lincoln  à Washington à l’appel du Mouvement des droits civiques. Dans un pays qui s’autoproclame la première démocratie du monde, qui a exterminé les peuples autochtones, déporté d’Afrique des millions d’Africains, pratiqué longtemps l’esclavage (aboli dans certains états en 1863, dans d’autres quelques années plus tard), la ségrégation règne toujours un siècle plus tard dans les états du sud car ils ont voté dès 1877 des lois racistes mettant les Noirs à l’écart (transports, écoles, restaurants, hôpitaux, toilettes, églises, bibliothèques, manuels scolaires, salles d’attente, salles de spectacle, logements, prisons, pompes funèbres, cimetières), plusieurs états interdisant les mariages mixtes sous peine de prison.

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A partir du Mémorial Lincoln, vue sur le Monument Washington (obélisque) et dans l'enfilade, au loin, le Congrès [Ph. YF]

Le discours de Martin Luther King le 28 août 1963 (« Je fais un rêve qu'un jour, les petits enfants noirs et les petits enfants blancs joindront leurs mains comme frères et sœurs ») et les marches qui suivront seront déclencheurs de l’abolition, progressive, de la ségrégation.  

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Memorial Lincoln où Martin Luther King prononça son célèbre discours [Photos YF]
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Musée national de l’histoire et de la culture afro-américaines sur le National Mall, près du Washington Monument [Photos YF]

[28 août]

Billet n° 751

Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Parcours et démarche : ici et "Chroniqueur militant". Et bilan au n° 700 et au  n° 600.

Contact : yves.faucoup.mediapart@sfr.fr ; Lien avec ma page Facebook ; Tweeter : @YvesFaucoup

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