Note : cet article s'inscrit dans le cadre d'une série intitulée (sobrement !) Sauver la gauche pour sauver le monde. Voir la table des matières de la série en fin d'article.
Toutes ces considérations techniques (comment structurer nos organisations, quel leadership mettre en place, quelle décentralisation pour les actions) occultent un aspect non négligeable de la vie politique : la joie militante. Carla Bergman et Nick Montgomery développent cette notion dans l’ouvrage éponyme (Joie militante - Carla Bergman et Nick Montgomery - Éditions du commun).
Bien souvent, nous avons l’impression à gauche que l’engagement politique doit être un sacerdoce. Parce que la politique c’est une chose sérieuse, parce que notre mission est importante, parce que nous traitons de sujets d’une très grande gravité (le droit de chacun à vivre et à s’émanciper, la préservation de la planète et de la vie sur Terre, etc.), il faudrait que l’engagement politique soit grave et austère, un “radicalisme rigide”. Penser cela, c’est aller contre notre émancipation, à nous militant·es, en premier lieu (Carla Bergman et Nick Montgomery diront même que c’est laisser “l’Empire” gagner).
L’engagement politique doit donc également porter en lui une joie militante, qui permette à chacun·e de s’épanouir dans son action. Cela signifie bien sûr prévoir des moments conviviaux déconnectés parfois de l’action politique pure et dure (à ce titre, des rendez-vous tels que la Fête de l’Humanité au PCF, les fêtes de la rose au PS ou les universités d’été des différents partis sont de très bonnes initiatives).
Mais cela va bien au-delà : il s’agit d’avoir en tête l’épanouissement des militant·es à chaque étape de notre vie politique. À titre d’exemples, la joie militante passe bien sûr par la formation et le développement des connaissances, par le lien social que l’engagement politique permet, par la juste reconnaissance apportée au regard de l’investissement de chacun·e…
L’un des meilleurs exemples en France de cette idée de joie militante est sans doute le Front Populaire. Les occupations d’usine par leurs ouvriers ont donné lieu à des scènes improbables de fêtes, de musique, de jeux lors des “grèves de la joie”, qui ont par ailleurs constitué un soutien important (mais subi) au gouvernement de Léon Blum pour l’instauration des avancées sociales importantes de juin 1936 (congés payés, semaine de 40h, etc.). À l’heure actuelle, cette notion de “joie militante” est mieux développée au sein des organisations de jeunesse que dans les partis politiques eux-mêmes. Et si nous nous en inspirions dans nos organisations ?
Introduction : Sauver la gauche pour sauver le monde
Partie I - Des remises en cause existentielles
A - La gauche face à la société
- La montée de l'anxiété : une menace pour la société et un défi pour la gauche
- Histoire d'un désamour politique : quand défiance et lassitude s'installent
- L'engagement citoyen à l'ère de l'atomisation sociale
B - La gauche face à elle-même
- L’impossible convergence des luttes
- A gauche, passion fragmentation
- Entre fin et moyens, l'éternel dilemme de la gauche
Partie II - Stratégie, organisation : inventer une nouvelle voie pour la gauche
A - Construire la gauche du XXIème siècle
B - Leadership, engagement, mobilisation