Note : cet article s'inscrit dans le cadre d'une série intitulée (sobrement !) Sauver la gauche pour sauver le monde. Voir la table des matières de la série en fin d'article.
Cette dissonance cognitive1 à laquelle nous tenons tant
La fin ou les moyens ? Voici un dilemme qui se pose à la gauche de longue date, et qui est l’un des facteurs de la faiblesse croissante du camp du progrès social et écologique. Il s’illustre simplement : la gauche considérant avoir raison et proposer les bonnes solutions, elle est convaincue que pour améliorer ses résultats électoraux il suffit de parler avec un maximum d’électeurs et d’électrices. Ceux·celles-ci seront nécessairement, obligatoirement convaincu·es.
Dès lors, la communication politique est toujours appréhendée avec une certaine méfiance (ne va-t-on pas se trahir en mettant en place des éléments de langage par essence partiels et déformants). De même, la stratégie électorale s’apparente elle-même à une trahison : ne s’agit-il pas de calquer à la politique des techniques marketing capitalistes ?
Attention, je ne rejette pas complètement cette approche : une part de ces constats est pertinente. Lorsqu’une politique est faite uniquement de communication, de stratégie, d’éléments de langage, elle finit systématiquement à droite, comme en témoigne l’aventure soi-disant “ni-ni” macroniste. Mais nous sommes face à un serpent qui se mord la queue. Certes, il faudrait que nos institutions et que la société fonctionnent en se concentrant sur les arguments et non sur la forme. Mais ce n’est pas le cas, et pour mettre en place un modèle plus intelligent et raisonné il est nécessaire de… conquérir le pouvoir. Donc de gagner des élections.
Cette dissonance cognitive s’applique également, et peut-être avant tout, à la présidentialisation de la cinquième République, et à la personnalisation de la politique qui en découle. Nos élections nationales doivent être des moyens pour les citoyen·nes de se positionner sur des idées et des projets. Pas sur des personnes. C’est l’ADN même de la gauche (“il n’est pas de sauveur suprême, ni dieu, ni césar, ni tribun” comme le rappelle l’Internationale). Deux choix se présentent alors : privilégier les moyens (refuser la personnification, faire campagne sur les idées) en hypothéquant la fin (la prise du pouvoir), ou l’inverse. Bien sûr, le choix n’est pas si manichéen. Heureusement. Néanmoins, cet état de fait soumet la gauche à une tension qui la fragilise depuis des années.
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Note :
1 Dissonance cognitive = tension interne propre au système de pensées, croyances, émotions et attitudes d'une personne lorsque plusieurs d'entre elles entrent en contradiction les unes avec les autres (Wikipedia).
Introduction : Sauver la gauche pour sauver le monde
Partie I - Des remises en cause existentielles
A - La gauche face à la société
- La montée de l'anxiété : une menace pour la société et un défi pour la gauche
- Histoire d'un désamour politique : quand défiance et lassitude s'installent
- L'engagement citoyen à l'ère de l'atomisation sociale
B - La gauche face à elle-même
- L’impossible convergence des luttes
- A gauche, passion fragmentation
- Entre fin et moyens, l'éternel dilemme de la gauche
Partie II - Stratégie, organisation : inventer une nouvelle voie pour la gauche
A - Construire la gauche du XXIème siècle
B - Leadership, engagement, mobilisation