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Réfugié, personne qui cherche un refuge. Migrant, personne qui passe et ne s’arrête pas. La politique relève parfois de l’escamotage sémantique. Plus d’un demi-siècle en arrière, des milliers de réfugiés arpentaient les routes de la plupart des pays d’Europe, fuyant l’absurdité et les souffrances de la seconde guerre mondiale ou de la guerre civile espagnole.
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La rentrée littéraire, c’est comme celle des mômes. C’est devenu un rite médiatisé. Les livres cuvée 2015 remplacent les cartables neufs et les chroniqueurs de tous poils affûtent leurs mots comme les gosses taillent leurs crayons. Après les vacances, on reprend le chemin de l’école, les bons ou les mauvais points planqués sur les pages vierges des cahiers. Des quelques six cent bouquins, quota que l’on compare avec gourmandise avec celui de l’année précédente, on n’en retiendra comme chaque année qu’une petite vingtaine, tous adoubés par la critique, celle de François Busnel et de sa Grande Librairie donnant la couleur du millésime. Que la copie soit bonne ou mauvaise, qu’importe. Cancres ou premiers de la classe, qu’importe. Le classement est invariable : d’abord la notoriété de l’écrivain qui fait office de passe-droit éditorial, ensuite le talent et enfin la découverte, l’écrivain coup de cœur, celui dont on attend qu’il relève le gant d’une littérature sans surprise et qui ne sait pas encore qu’on l’attend, piques en verve, au tournant de la prochaine fournée. Les nominés dont les ventes suffisent à assurer la pérennité, sont dispensés de l’épreuve du feu. Amélie Nothomb en est un bon exemple. On s’en fout de ce qu’elle écrit, c’est Amélie, entre le pinard et le bouquin de l’année. Il y en d’autres dont on a l’habitude du devoir. Ainsi Christine Angot. Qu’on la porte au pinacle ou la descende au lance-flammes, on ne peut néanmoins s’empêcher de se demander si sans l’inceste, remis sans cesse à l’ouvrage, il y aurait eu possibilité d’écriture. Pour d’autres qui entrent de nouveau en lice après un long temps de silence comme Delphine de Vigan, l’expectative se fait vacharde ou empathique. Les critiques qui se contentent souvent de recopier le quatrième de couverture en l’édulcorant de quelques mots de félicitation ou de défaite, s’en frottent leurs bons mots de jubilation anticipative. Il y a également, et parfois malheureusement, tous les autres, qu’on applaudira ou pas, qu’on lira ou pas, mais que l’on oubliera probablement et dont les heures solitaires à se torturer les méninges se termineront à l’holocauste des livres, celui dont on ne parle jamais. C’est tabou, le pilon. Le travail recyclé en pate à papier. Et il y a ceux, du moins pour moi, rares il est vrai, que je retrouve comme de vieux potes. Celui-là s’appelle Sorj Chalandon.
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Loin de la masturbation intellectuelle vérolée d’impuissance sexuelle à laquelle Michel Houellebecq nous prie de bien vouloir assister en lecteur voyeur et consentant dans son dernier ouvrage Soumission, Le moine de Képhas nous plonge dans une fiction vs prémonitoire.Assassinat d’un imam de la mosquée de Villeurbanne, rebellions musclées dans les banlieues, chars antiémeutes, arrestations, comparutions immédiates, explosions, attentats, victimes innombrables, gouvernement ahuri et débordé, président mutique au charisme mou, couvre-feu, plan Vigipirate écarlate. L’état de guerre est déclaré. Les politiques et hauts fonctionnaires de l’Etat - vieille école de l’ombre « le seul endroit où l’on peut encore penser avant d’agir » contre « la génération Sciences-Po, ENA, où l’on forme depuis quatre décennies des bans entiers de squales débridés, sans maître, sans foi, sans loi, qui iront diriger le pays comme on gère une banque, sous les feux de la rampe ; pas de réflexion, juste de l’instinct. » - pensent fissa et en coulisses d’abord à leur carrière qui file en quenouille, la menace terroriste créant l’opportunisme de leur montée ou de leur rétrocession en grade, avec pertes et profits de leurs passe-droits matériels et sexuels. Les décisions politiques se prennent en fonction de la courbe des sondages. L’équipe gouvernementale fictionnelle en caricature d’autres, récentes ou actuelles.
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Des lieux et des mots qui rêvent dans mes livres .
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II est six heures du matin, dehors il pleut, ma famille dort, un café brûle mes doigts, ma cigarette se consume. Je sens en moi cet agacement familier, précurseur d’une colère contenue. Pourquoi ce livre et aucun des trois autres que j’ai lus et où chacun des auteurs a sans doute également désiré faire toucher du cœur au lecteur ce qui depuis des décennies, a transformé l’Afghanistan en un bordel sanglant à ciel ouvert et mis ses habitants au pied de la mort ?
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Chaque époque fait ses maladies, écrivait Marcel Sendrail... D'où la thématique de ce livre (Alzheimer... même toi, t'oubliera) où cette pathologie n'est pas envisagée dans son aspect clinique (qui fait l'objet de nombreux ouvrages), mais comme une métaphore significative de notre société où le zapping se décline comme une fuite en avant.Résumé : Norma a consacré une grande partie de sa vie à soigner les autres, jusqu’au jour où elle bascule de l’autre côté du miroir. A son tour malade, victime d’Alzheimer, elle commence une nouvelle vie à l’autre bout du monde, volontairement coupée des siens. Longtemps Léa, sa petite-fille, s’est interrogé sur la disparition étrange et soudaine de sa grand-mère. Peu avant de mourir, Nathan, son grand-père, lui remet une longue lettre que Norma a écrit aux prémices de sa maladie, à l’attention de cette petite fille qu’elle n’aura jamais vu grandir."… J’ai les boules ! Pourquoi moi ? Pourquoi ce kidnapping organisé de mon être ? Je ne me trouve aucune faute dévastatrice et encore moins salvatrice. Pas la moindre culpabilité. La perspective de cet effacement progressif me laisse abasourdie. Pour se souvenir, disait Platon, il faut d’abord avoir oublié. Oublier quoi ? Se souvenir de quoi ? Époque de transhumance ? Alzheimer, un transfuge de notre glaciale modernité ? Soit ! Envisageons que comprendre Aloïs, c’est comprendre mes cicatrices et que comprendre Alzheimer, c’est comprendre la blessure notre époque. Deux approches complémentaires qui se font écho. Le Moyen-âge a eu la peste, le seizième siècle la syphilis, le dix-neuvième la tuberculose, le vingtième le sida. Notre vingt-et-unième siècle, lui, patauge dans le syndrome de Münchhausen, ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire, faire comme si, être victime. Il y a eu le siècle des Lumières, il y aura le siècle de l’Oubli. Amnésie générale ! Pourquoi ? Et pourquoi pas ?
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Je détestais la campagne et depuis des kilomètres, je ne voyais qu’un océan de vignes. Quelle idée avais-je eu d'aller m’enferrer un weekend dans ce village perdu, moi le chroniqueur littéraire parisien, habitué aux plateaux de télé et aux interviews rondement ficelées, les fesses mollement enfoncées dans un fauteuil club ?
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En 1978, l'Iran est secoué par une violente révolte populaire menée par des étudiants, des chômeurs et des syndicats. Les protestataires s'insurgent contre le pouvoir corrompu de Mohammed Reza Pahlavi. En janvier 1979, la révolte atteint son paroxysme, le chah et son épouse quittent l'Iran. Le vide ainsi créé permet le retour du chef religieux exilé en France, l'ayatollah Khomeiny, fédérant autour de lui toutes les oppositions à la monarchie autoritaire du chah d’Iran.
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La bienveillance amoureuse fut loin d’être l’apanage du Dieu des hommes quand il avait pour noms Yahvé ou Jéhovah, du moins selon la tradition judéo-chrétienne. Dans toutes les traditions, y compris les traditions orientales qui bénéficient du poncif archétypal d’être "la Source de toutes les sagesses", Dieu ou quelque soit son Nom nous est décrit, du moins à ses débuts, comme un être intolérant, autoritaire, égoïste et violent. Une telle réalité historique ne nous arrange guère, car elle fait effectivement de nous des êtres créés à son exacte ressemblance ! Nous préférons donc adorer son illusion et penser que notre noirceur cache ce qu’Il nous occulte : l’Amour avec un grand A. Débordant, exubérant, universel, infini et miséricordieux, celui derrière lequel on court sans jamais l’atteindre. On pourrait légitimement se demander si toute cette orgie d’amour n’est pas le fruit d’une grande défonce à base de psychotropes, de beuveries, d’anxiolytiques et de trekking mystiques ! Car son histoire de vie, selon la nomenclature parabolique actuelle, nous enseigne pourtant que l’homme n’a jamais été à la hauteur de ce Maître exemplaire, s’il en fût. Mais doit-on le regretter ?
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Une femme en bleue, titre du dernier livre de Michèle Jullian, est le fil d’Ariane ténu qui en dévide l’univers dichotomique et binaire. Dichotomique, parce que chacun des personnages tait ce qu’il pense et fait semblant d’être ce qu’il n’est pas. Binaire, parce que les êtres et les choses vont par couple. Claire et Sasha, Amata et Shanti, Linh et le Vietnam, Amata et Nong, l’Occident et l’Asie, la Thaïlande avec elle-même.