Suite (voir ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici et là) de l'histoire des blogs Vibrations Migratoires et Passeurs d'hospitalités.
Le contexte
La création du blog intervient à un moment où l’augmentation du nombre d’exilé-e-s présent-e-s à Calais, amorcée à la fin de l’été 2013, et qui va se poursuivre et s’amplifier jusqu’à la fin de l’été 2016, est déjà sensible. Un moment aussi pendant lequel le ministre de l’intérieur d’alors, Manuel Valls, après de longues tergiversations, semble vouloir imprimer sa marque au dossier. Passeurs d’hospitalités cesse son activité après les élections présidentielle et législatives de mai et juin 2017, sans qu’aucun infléchissement de la politique menée, qui s’apparente alors à celle de la terre brûlée, ne soit prévisible.
Cette période embrasse toute la durée de vie du plus grand bidonville de France, né au tournant de mars et d’avril 2015 par la volonté des autorités de concentrer les exilé-e-s dispersé-e-s dans plusieurs squats et campements sur un seul site pour les éloigner de la ville et mieux les contrôler. Une partie des associations humanitaires ont participé tant au transfert des personnes sur le site qu’au vidage de celui-ci et à une forme de cogestion parfois conflictuelle de celui-ci avec l’État. Les derniers squats et campements ont été évacués dans les mois qui ont suivi. Le campement précaire du départ est devenu au fil du temps une véritable petite ville, avec ses commerces, ses lieux de culte, ses espaces culturels, ses services sociaux. Plus de 10000 personnes habitaient en septembre 2016 sur ce site complexe, où se trouvaient à la fois le bidonville et des structures mises en place par l’État, le centre Jules Ferry avec une plate-forme de services de jour et un lieu de mise à l’abri des femmes et enfants de 400 places, et un camp de containers de 1500 places. La première destruction partielle du bidonville, encore à la marge, a été concomitante de l’évacuation des derniers campements du centre-ville. Elle a été suivie de trois autres de plus grande ampleur, sans pour autant enrayer la croissance de la population, avant sa destruction finale accompagnée d’une grande opération médiatique au tournant d’octobre et de novembre 2016.
Un infléchissement de la politique de l’État.
Depuis la fermeture du Centre d’hébergement de Sangatte en 2002, mis en place en 1999 par l’État, les exilé-e-s n’ont plus eu de lieu où rester, et ils et elles ont été chassé-e-s d’endroit en endroit dans une politique sans fin de déguerpissement. Le changement de majorité n’a rien changé à la situation sur le terrain. Mais à la mi 2013, Manuel Valls alors ministre de l’intérieur annonce un voyage à Calais, qui n’aura finalement lieu qu’en décembre, et semble vouloir imprimer sa marque dossier.
De fait, au tournant de 2013 et 2014 des réunions ont lieu entre les services de l’État et les associations de soutien aux exilé-e-s, qui semblent présager des améliorations des conditions de vie. La préfecture choisit de ne pas expulser un squat ouvert par des militant-e-s du mouvement No Border, mais de confier la gestion du lieu à une association d’insertion. C’est ce qui deviendra après deux déménagements et un changement d’association missionnée le lieu de mise à l’abri des femmes du centre Jules Ferry.
Mais les expulsions reprennent brutalement le 28 mai 2014. Les exilé-e-s répliquent en occupant le lieu aménagé pour la distribution des repas, évacué le 2 juillet. Là ce sont les associations qui se mobilisent et ouvrent à la fin d’une manifestation un grand squat en centre-ville.
Il est probable que c’est à partir de ce moment que l’État s’est posé la question des moyens pour obtenir le consentement des associations. Il devait aussi trouver une réponse à l’augmentation déjà sensible du nombre d’exilé-e-s présent-e-s à Calais. Une demande des associations était d’obtenir un terrain d’où les exilé-e-s ne serait plus expulsé-e-s, base pour une amélioration des conditions de vie. La mairie de Calais voulait par ailleurs qu’ils et elles disparaissent du centre ville. Un compromis est donc trouvé pour regrouper les exilé-e-s à proximité des locaux d’un centre de loisir, où seraient regroupés et financés par l’État différents services (douches, repas, accès aux soins et à l’information) et le lieu de mise à l’abri des femmes et des enfants. S’il est possible d’expulser simplement avec la police, la participation des associations est nécessaire pour regrouper les exilé-e-s au même endroit. Leur consentement est obtenu en leur disant que les exilé-e-s seront « toléré-e-s » sur ce terrain, ce qu’elles interprètent comme « ne seront pas expulsé-e-s ».
Une politique de mise à l’écart.
L’éloignement des exilé-e-s du centre-ville de Calais est une volonté politique de la maire de Calais, qui menait déjà une politique active de mise à l’écart dans l’espace urbain. Cela s’est traduit par une impossibilité de disposer de salles municipales pour des activités de solidarité avec les exilé-e-s, un appel à la délation des squats, un arrêté interdisant la tenue d’un festival interculturel, une interdiction d’accès aux terrains de football municipaux à l’automne 2013, le changement du règlement intérieur de la médiathèque (automne 2014) puis d’une piscine (printemps 2015) pour interdire de fait l’accès aux exilé-e-s.
En amont de leur mise à l’écart sur le site du bidonville au printemps 2015, avec en toile de fond une multiplication des groupes d’extrême-droite se revendiquant « anti-migrants », une manifestation à l’initiative du syndicat Unité SGP Police Force Ouvrière rassemble différents acteurs sociaux et économiques (commerçants, chasseurs, agriculteurs…). Le tract d’appel présente les « migrants » comme un danger pour l’économie calaisienne, et appelle la population à se mobiliser. Le « ras-le-bol » des Calaisien-ne-s devient un sujet médiatique, et un discours tournant autour du nombre maintenant trop grand et de « les migrants ont changé, avant ils étaient polis, maintenant ils sont agressifs » vient préparer les esprits à la mise à l’écart, qui devient comme une évidence.
Du bidonville au camp-bidonville.
Le terrain vers lequel les exilé-e-s sont emmené-e-s par les associations est pour moitié une ancienne décharge de gravas, pour l’autre une étendue sableuse pour partie couverte de buissons épineux et pour partie marécageuse. Le seul point d’eau se trouve à l’entrée du centre Jules Ferry, à plusieurs centaines de mètres de là. Le magasin le plus proche se trouve à 3/4 d’heure de marche. Ce sont quelques mille cinq cents personnes qui s’installent là entre la fin du mois de mars et le début du mois d’avril 2015.
Très rapidement, la municipalité érige une butte de terre à l’est du bidonville en construction, le long de la rue qui mène au centre Jules Ferry, pour rassurer les riverains. Quelques semaines plus tard, l’État érige une double barrière coiffée de barbelés à l’ouest, les long de la rocade qui conduit au port. Les exilé-e-s ont en effet été installé-e-s à proximité d’un des principaux lieux de passage vers le Royaume-uni.
L’installation des exilé-e-s se fait avec une importante implication associative, jamais connue dans les autres lieux qui avaient existé auparavant. Construction de cabanes, mais aussi d’une église et de mosquées, d’écoles et d’autres lieux collectifs. Très vite se créent aussi des magasins, puis des restaurants. Il en existait déjà dans certains des campements précédents, les plus éloignés de la ville, mais là l’isolement et la croissance de la population entraîne leur multiplication rapide.
Mais la croissance de la population du bidonville dépasse vite les capacités de réponse des associations, les services proposés par l’association missionnée par l’État au centre Jules Ferry étant dès le départ sous-dimensionnés. Des ONG nationales interviennent dès l’été 2015. Puis vient la médiatisation du non-accueil des exilé-e-s, également pendant l’été, rebaptisé « crise migratoire » alors qu’il s’agit d’une situation créée par les politiques de non-accueil et d’une crise des politiques européennes face à l’arrivée plus importante cette année-là de personnes qui pour la plupart peuvent prétendre au statut de réfugié-e-s.
Cette médiatisation entraîne l’arrivée en nombre de volontaires principalement britanniques, mais aussi d’autres pays européens. Peu-à-peu leur activité s’organise. À l’aide humanitaire s’ajoute la création de nouveaux lieux collectifs dans le bidonville (écoles, bibliothèque, théâtre, centres pour les femmes et les enfants, pour les jeunes, radio…) Le bidonville devient aussi « the place to be », que l’on vient découvrir et où on se montre.
Avec l’évacuation des derniers campements qui subsistaient au centre de Calais fin septembre 2015, les autorités mettent en place une présence policière de plus en plus importante et de plus en plus visible autour du bidonville, et remplacent la politique d’expulsion d’un lieu à un autre mises en œuvre depuis la fermeture du Centre de Sangatte par une politique d’expulsion sur place, par la destruction de parties du bidonville. Ces destructions répondent à une logique de contrôle et de pression pour contenir le nombre d’habitant-e-s. Elles affectent fin septembre 2015 une partie du bidonville qui s’étend sous la rocade portuaire, puis en novembre une surface sur laquelle sera construit un camp de containers financé par l’État, en janvier une bande de 100 mètres le long de la rocade portuaire et d’une rue adjacente, puis en mars toute la moitié sud du bidonville.
En novembre 2015, l’État est condamné à réaliser un minimum d’aménagements pour rendre les conditions de vie moins indignes. Il missionne une ONG internationale, ACTED, pour réaliser les travaux. Mais ACTED prend aussi un rôle de coordination des différents acteurs associatifs, et d’animation d’un conseil de représentants communautaires en interface avec la préfecture et la police. À partir de mai 2016, la la préfecture interdit l’entrée de matériaux de construction sur le site, dont les accès sont contrôlés par la police, ce qui oblige les associations à négocier à chaque fois qu’elles veulent réaliser une construction nouvelle. On est passé en quelques mois d’un bidonville auto-construit par les habitant-e-s et les associatifs à un site composite, formé du centre Jules Ferry, plate-forme de services de jour et lieu de mise à l’abri de femmes de d’enfants de 400 places, d’un camp de containers de 1500 places, tous deux financés par l’État et gérés par une association missionnée par celui-ci, et d’un bidonville où s’est mise en place une forme de cogestion avec l’État coordonnée par une autre association qu’il missionne.
Le tournant vers la destruction.
À la fin du mois d’août 2016, rien ne laissait présager la destruction totale et rapide du bidonville. La préfecture jouissait d’une mise à disposition du site pour 6 ans à partir de décembre 2015, un lieu de mise à l’abri pour les mineurs devait ouvrir en novembre au centre Jules Ferry. L’emballement médiatique de la rentrée, la mobilisation de la droite et la perspective de l’élection présidentielle ont conditionné un choix rapide et probablement au plus haut niveau.
En moins de deux mois a été mise en place la logistique pour organiser le déplacement forcé de la majorité des habitant-e-s du bidonville vers des centres dispersés dans toute la France, accompagné d’une mise en scène médiatique, d’un important déploiement policier et de la participation de plusieurs associations à l’opération.
Après la destruction, Calais reste sous forte pression policière.
De l’emballement médiatique à la préparation.
Le 28 août, Le Figaro fait sa Une sur 10 000 migrants à Calais. Le 29 août, un regroupement d’acteurs sociaux et économiques du Calaisis annonce un blocage de l’autoroute pour exiger une date pour la destruction du bidonville. Le 2 septembre, le ministre de l’intérieur vient rencontrer les organisateurs. Il promet la destruction du bidonville tout en restant imprécis quant aux dates et aux modalités. La manifestation a lieu le 5 septembre, la préfète du Pas-de-Calais désamorce le blocage en promettant des indemnités financières.
Le 13 septembre Le Figaro dévoile le plan du gouvernement de créer des centres d’hébergement dans toute la France pour les personnes expulsées, déclenchant une mobilisation de la droite et de l’extrême-droite contre ces centres. Nicolas Sarkozy puis François Hollande viennent à Calais. Le 20 septembre, les ministres de l’intérieur et du logement réunissent des associations et leur donnent des assurances qui les amènent à approuver avec des nuances le plan du gouvernement. Le 22 septembre, le président du Secours catholique du Pas-de-Calais annonce que la destruction aura lieu au cours de la deuxième quinzaine d’octobre en exprimant sa satisfaction.
Alors que le début des opérations approche certaines associations expriment un point de vue plus critique et saisissent la justice contre la décision d’expulsion. Le gouvernement communique sur le caractère humanitaire de l’opération tout en menaçant d’expulsion du territoire les personnes qui refuseraient de quitter Calais, et en agitant le spectre de « l’ultragauche » pour justifier le dispositif policier. Celui-ci est dévoilé principalement par les médias de droite.
L’expulsion.
L’arrêté d’expulsion s’appuye sur les dispositions de l’état d’urgence. Il concerne le bidonville, mais aussi le camp de containers et le lieu de mise à l’abri des femmes et des enfants créés par l’État. Pour contrôler l’accès au site, la préfecture met en place un système d’accréditations, qui bénéficiera principalement aux médias et permettra d’écarter les associations, principalement juridiques, et les personnes jugées indésirable. Un arrêté pris dans le cadre de l’état d’urgence, publié le soir avant le début de l’expulsion, réprime le fait de se trouver sans accréditation dans le périmètre des opérations.
Celui-ci comprend le bidonville et les deux lieux de mise à l’abri créés par l’État, ainsi qu’un hangar réquisitionné pour le tri des personnes et le départ en bus vers les lieux d’hébergement, et leurs accès. Un commissariat mobile est disponible en cas de besoin. Plus de mille policiers et gendarmes ont été mobilisés en renfort de ceux déjà présents à Calais. La moitié de l’effectif doit empêcher les retours à Calais et la création de nouveaux campements. Trois centres de rétention ont été rouverts et d’autres places réservées en prévision de l’expulsion des personnes arrêtées.
Le premier jour de l’expulsion, lundi 24 octobre, a surtout vu le départ de personnes qui avaient déjà décidé de quitter Calais pour demander l’asile en France, et s’y trouvaient bloquées faute de places d’hébergement. C’est aussi le jour où il y avait le plus de médias présents. Le mardi 25, les incohérences du dispositif de tri entre personnes mineures (sélectionnées au faciès), vulnérables et autres tend la situation. Les mineurs provoquent une bousculade réprimée par les CRS, des femmes manifestent pour aller au Royaume-uni, la Contrôleuse Générale des Lieux de Privation de Liberté met le doigt sur des illégalités flagrantes, la délégation du Haut-Commissariat aux Réfugiés se retire pour ne pas cautionner l’opération. La préfète annonce le début de l’expulsion forcée et de la destruction du bidonville. L’accès des journalistes est interdit lorsque les gaz lacrymogènes sont employés.
Des incendies sont allumés pendant la nuit dans le bidonville et continueront le lendemain. Mercredi 26 en début d’après-midi, la préfète annonce qu’il n’y a plus personne dans le bidonville, entraînant la fin de l’intérêt de la plupart des médias. Dans les faits, il reste plusieurs centaines de personnes dont de nombreux mineurs. Le jeudi, la police les informe qu’elles ont le choix entre le départ vers les centres d’hébergement ou l’arrestation et l’expulsion vers leur pays, et force des mineurs à monter dans des bus pour des centres d’hébergement. Le vendredi restent les deux centres d’État et des mineurs de plus en plus nombreux. Ils sont 1800 dans le camp de containers, pour 1500 places.
Mercredi 2 novembre a lieu l’évacuation du camp de containers, les mineurs qui dormaient dehors aux environs y étant entrés la veille. Ils partent avec la promesse d’aller au Royaume-uni, et accompagnés par des « officiels britanniques » qui disparaîtront à l’arrivée dans les centres d’hébergement pour mineurs. Et l’opération se termine jeudi 3 avec l’évacuation du lieu de mise à l’abri des femmes et enfants. La majorité des femmes s’étant déclarées mineures, les premières sont envoyées vers des centres pour mineures, puis faute de places, les autres vers des centres pour majeures.
Pression et dispersion.
Après la fin de l’opération, les contrôles restent, pour une durée indéterminée. Contrôles au faciès qui pèsent sur les exilé-e-s qui sont resté-e-s, qui reviennent ou qui arrivent, mais aussi sur une partie de la population, toute personne ayant l’air d’origine étrangère. Ils ont lieu dans les gares, à Calais et en amont jusqu’à Paris, dans les parcs ou dans les rues. Une unité de police surveille particulièrement l’apparition de squats et de campements, en lien avec « voisins vigilants ».
Les personnes considérées comme mineures ont été emmenées dans des centres hors du dispositif de droit commun de protection de l’enfance. Une circulaire organise la mise à l’écart de toutes les garanties légales dont elles pourraient bénéficier, dans l’attente de la décision du Home Office sur celles d’entre elles qui pourront accéder légalement au Royaume-uni. Un peu plus de quatre cents jeunes ont été accepté-e-s par les autorités britanniques. Le chiffre de celles et ceux qui ont choisi finalement de rester en France et ont été effectivement considéré-e-s comme mineur-e-s et pris-e-s en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance est inconnu, mais on peut estimer qu’un millier de mineur-e-s ont quitté les centres et ont repris la route sans aucun suivi par les autorités.
Les Centres d’Accueil et d’Orientation où ont été emmenées les personnes considérées comme adultes sont aussi hors du droit commun. Au bout d’un mois, elles doivent choisir entre la demande d’asile en France, le retour « volontaire » dans leur pays d’origine ou l’expulsion – ou quitter le centre et reprendre la route. La promesse faite par le ministre de l’intérieur pour persuader les associations de prêter la main à l’expulsion du bidonville qu’il n’y aurait pas de renvoi en application de règlement Dublin III pour les personnes parties de Calais vers les CAO a été mise en œuvre diversement par les préfectures, ce qui a constitué un point de tension, de mobilisation, d’auto-organisation des exilé-e-s, de rapport de force avec les autorités.
Mais la dispersion des expulsé-e-s de Calais a aussi entraîné une dispersion de la solidarité. Là où s’ouvraient des CAO, des personnes, des associations, parfois des municipalités se sont mobilisées, d’autant que le budget des centres ne leur permettait pas de faire face aux besoins des personnes accueillies. Cette vague de solidarité a fait taire les mobilisations xénophobes instrumentalisées par l’extrême-droite et une partie de la droite contre les ouvertures de CAO. Rapidement, la population s’est aussi rendu compte que l’image des « migrants » miséreux et potentiellement dangereux, véhiculée par la propagande gouvernementale et parfois par les médias, ne correspondait pas à la réalité. Pour beaucoup de citoyen-ne-s qui se sont engagé-e-s à ce moment-là, la solidarité a aussi été un apprentissage de ce qu’est la répression à l’encontre des personnes étrangères, lors des transferts autoritaires, des assignations à résidence, des mises à la rue, des refus d’asile, des expulsions du territoire.
Les CAO ont aussi servi à accueillir des exilé-e-s du camp de réfugié-e-s de Grande-Synthe, près de Dunkerque, sur une base de volontariat, et de Paris, à l’occasion des expulsions de campement, ou orienté-e-s à partir du camp de réfugié-e-s de la porte de la Chapelle. L’accès au dispositif CAO a cessé à Calais avec la destruction du bidonville, à Grande-Synthe avec l’incendie, et la fermeture qui l’a suivie, du camp de réfugié-e-s. Les centres ont été intégré au dispositif national d’accueil des demandeurs et demandeuses d’asile. Un nouveau dispositif, le PRAHDA, a été mis en place, clairement répressif puisqu’entre dans la mission de ces centres l’accueil d’exilé-e-s assigné-e-s à résidence et la préparation de leur expulsion du territoire.
Une politique de la terre brûlée.
Au pouvoir de François Hollande était attachée une image de mollesse et d’inaction. À l’approche des élections de 2017, ceci n’a sans doute pas été étranger à la dureté de la politique menée après la destruction du bidonville. La fin des départs en CAO s’accompagne de la fermeture du bureau d’enregistrement des demandes d’asile à la sous-préfecture de Calais, provisoire dès avant le destruction du bidonville, qui devient définitive dans les semaines qui suivent. Les tentes et les cabanes, qualifiées de « points de fixation », sont systématiquement détruites, les sacs de couchage et la nourriture gazés. Une brigade est spécialement affectée au repérage des squats qui pourraient se constituer dans des bâtiments abandonnés. Les exilé-e-s dorment à même le sol et sans abri, et sont traqué-e-s de nuit par les forces de police et de gendarmerie. En réaction, plus d’habitant-e-s de Calais qu’auparavant hébergent des exilé-e-s. Les activités humanitaires des associations sont considérées comme créant un « appel d’air » et soumises à des entraves et à une pression constante. La même politique est appliquée à Grande-Synthe et à Paris. Des personnes se déclarant mineures sont placées illégalement en rétention, tandis que la préfecture du Pas-de-Calais émet couramment des Obligations de Quitter le Territoire Français avec comme pays d’expulsion le Soudan ou l’Érythrée – quelques expulsions vers le Soudan ont effectivement lieu, les personnes étant transférées vers des centres de rétention situés là où les juridictions annulent rarement ce type de décision.
Le nouveau pouvoir issu des élections de mai et juin 2017 affiche en contraste avec le précédent une volonté d’action, ce qui se traduit sur le terrain par la continuité de la même logique de durcissement.