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Billet de blog 2 février 2025

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L’Oie du Capitole

Bernard Arnault, rentrant de Washington, où il s’est pavané lors de la sauterie de Trump pour son investiture, a aussitôt joué aux Oies du Capitole, déversant sa bile contre l’État français, vitupérant contre sa bureaucratie, tout en prétendant qu’il y a comme un vent d’optimisme aux USA.

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Illustration 1

Je passe sur cet air coupable qu’il affiche toujours quand il cause, ainsi que sur ses regards énamourés envers Trump (aucune photo ne le montre autrement qu’exprimant une dévotion pour le milliardaire emberlificoteur américain), et son attitude de petit gamin tellement fier d’être reçu dans le Saint des Saints, aux côtés des Bezos et autres Zuckenberg. Il prône une taxation des entreprises à 15 % comme le prévoit Trump, alors qu’en France elle est de 25 % (exceptionnellement montée à 40 %, pour une année dans le projet de loi de finances 2025, et seulement pour 440 entreprises faisant plus d’un milliard d'euros de chiffre d’affaire). Il a laissé entendre que cela justifiait que les patrons s’en aillent (comme l’avait dit Patrick Martin, le patron des patrons). Il importe de marteler dans le débat public que ces gens-là, ces déserteurs, encensés par les chroniqueurs de CNews et la zemmouriste Sarah Knafo, sont des féodaux, "séparatistes", qu’ils portent atteinte à l’unité du pays, qu’ils mériteraient d’être poursuivis en justice pour atteinte aux valeurs de la République. D’ailleurs, Arnault a cru devoir se rétracter, disant qu’il ne prévoyait pas d’expatrier les activités de LVMH.

Illustration 2

Sur les chaînes de droite et d’extrême droite (CNews bien sûr mais aussi les François Lenglet et autres Pascal Perri sur LCI), on larmoie en disant que ces patrons ont créé tant d’emplois alors qu’on leur fait des misères. Mais ils n’ont pas créé grand-chose : cette façon de se présenter comme le mec plus ultra, créateur de 150 000 emplois est tout simplement insupportable. Sans même s’appesantir sur les origines de la fortune d’Arnault, ni sur la notoriété qu’il s’accorde avec son musée (en réduisant ses impôts et donc à nos frais), la cause de ces créations d’emplois est multiple, entre autres grâce aux personnels eux-mêmes. Il m’arrive de penser que cet air contrit de Bernard Arnault serait peut-être la conscience qu’il a que sa démentielle fortune est usurpée. Dans son livre récent Justice climatique, Sébastien Mabile écrit que pour compenser une année d’émissions carbone du yacht de Bernard Arnault (interdit d’entrer dans certains ports car trop grand), il faudrait que 54000 personnes cessent de prendre l’avion pour effectuer un trajet Paris-Marseille et prennent le train dans 107 rames ! Cette façon de présenter ces grands patrons comme les auteurs de leur réussite, c’est un peu comme la droite quand elle laisse entendre que notre modèle social elle y est pour quelque chose : or la protection sociale dont bénéficient les Français c’est le résultat d’un combat, la droite le plus souvent s’y opposant, d’ailleurs elle ne cesse de susurrer sinon d’affirmer haut et fort que ce modèle est trop généreux. [1er février]

Illustration 3

Djouhri, « une sorte de voyou »

Le 14 juin 2014, il y a donc un peu plus de dix ans, je publiais un article sur mon blog Mediapart Social en question, dans lequel je mettais en cause Alexandre Djouhri, cet homme de main d’abord de Dominique de Villepin puis de Nicolas Sarkozy. Cet individu, selon plusieurs médias, dont un livre de Pierre Péan (La République des mallettes, enquête sur la principauté française de non-droit) s’était infiltré au cœur de l’appareil d’État et avait la mainmise sur Henri Proglio, ex-patron de Véolia puis d’EDF. Ce voyou ne m’intéressait pas en tant que tel, seulement parce qu’il était un exemple de la corruption de certains de nos dirigeants, dénonciation qu’il faut sans cesse mener si l’on est persuadé, comme je le suis, que cette corruption, ces malversations, ces violations des règles de la République sont en partie la cause de l’ambiance délétère qui règne dans notre société (mon article avait pour titre : Que faire des corrompus ?).

Illustration 4

Extrait de mon article du 14 juin 2014 : les * renvoient à une explication que je donnais en note sur les passages supprimés.

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J’écrivais que Djouhri était « lié au grand banditisme » et qu’il était « un petit délinquant de banlieue ». Aussitôt son avocat m’adressa, via Mediapart, une lettre recommandée dans laquelle il me disait que mes propos étaient « constitutifs d’injures », et me priait de retirer de mon article les passages visant M. Djouhri et particulièrement ceux « constitutifs d’injures ». Il se disait prêt à rencontrer mon avocat. N’ayant pas l’intention de me retrouver dans un procès qui n’en finit pas, je retirai les deux éléments de phrase litigieux, en laissant l’espace vide, tout en donnant les liens avec les citations injurieuses visibles sur Internet que l’avocat, Me Pierre Cornut-Gentil, une sommité du barreau, n’avait pas poursuivis. Pire, je poussais le vice jusqu’à donner le lien avec le site de Djouhri lui-même dans lequel il s’expliquait sur tous les reproches faits à son encontre dans les médias [ce site ne fonctionne plus].

Plus tard, j’ai suivi ses pérégrinations : son arrestation à Londres, la demande d’extradition, son incarcération en France, sa libération pour raison de santé, son bracelet électronique. Il est impliqué dans l’affaire libyenne, actuellement jugée à Paris, avec en vedette évidemment Nicolas Sarkozy (financement de la campagne présidentielle de 2007 par le président libyen, Mouammar Kadhafi). Un ex-conseiller de Matignon, a témoigné à la barre mercredi [Le Monde du 31 janvier] :  il a parlé de Ziad Takieddine et d’Alexandre (Ahmed) Djouhri. A propos de ce dernier, il a dit : « c’est un homme du milieu », « c’était une sorte de voyou », « l’entrepôt de vêtements qu’il avait monté avec le fils Delon a flambé, pour toucher l’assurance ». Ce n'est qu'un début, il y a fort à parier que d'autres témoignages vont enfoncer le clou. Son avocat, qui n’est autre que Charles Consigny, de droite LR, chroniqueur sur les chaines de télé de droite (on ne sait trop pourquoi, sinon qu'il se croit entrepreneur parce qu'il a ouvert un cabinet de deux avocats), a juste constaté que Djouhri n’avait pas été condamné. Pour le moment. En tout cas, moi, je bois du petit lait. Je crois que je vais envoyer ce post à Cornut-Gentil ! Et à Consigny ! [31 janvier]

La maréchaussée a encore frappé…

… avant d’entrer. On apprenait hier, coup sur coup, que les gendarmes étaient intervenus de façon intempestive dans deux affaires différentes : une femme médecin généraliste, à Bully près de Roanne (dans la Loire), surmenée, a décidé de ne plus faire de gardes, trois gendarmes sont venus lui remettre un ordre de réquisition. L’Ordre des médecins, voyant qu’elle ne s’était pas inscrite sur le tableau des gardes (alors que c’est apparemment son droit), l’a signalée au préfet qui a aussitôt employé les grands moyens et envoyé les gendarmes. Résultat : elle s’est mise en arrêt maladie. Pendant ce temps, d’autres gendarmes déboulaient carrément dans un collège en Moselle pour déloger un adolescente burkinabée de 14 ans dont la famille est frappée d’expulsion (vers la Belgique, règlement Dublin oblige). Pourtant une instruction aux préfets leur enjoint à ne pas procéder à ce type d’intervention en classe, mais Bruno Retailleau joue son image à l’extrême droite, il attend, gourmand, les compliments du RN, de Zemmour et de la bande raciste de CNews et d’Europe 1. Donc tous les moyens sont bons : ce ne sont pas les protestations doucereuses d’Elisabeth Borne, ministre de l’Éducation Nationale, qui font marrer les racistes déjà cités, qui vont changer quelque chose. D'ailleurs, on ne l’a pas entendu s’offusquer quand sa police commettait des exactions lors des manifestations contre la réforme des retraites, alors qu'elle était première ministre. Il va de soi que les gendarmes n’ignorent pas que ce qu’ils font n’est pas acceptable : s’ils le font c’est qu’il savent que le ministre de l’intérieur leur garantit l’impunité. Précisons cependant que le directeur général de la Gendarmerie a reconnu qu’il s’était agi d’une « erreur collective », tout en disant qu’elle était partagée entre les gendarmes, le directeur du collège et la préfecture, tous ignorant l’existence de la circulaire réglementant ce genre d’intervention (ce qui évidemment est peu probable, il n’y a pas besoin d’être un grand expert pour connaître la règle en la matière). Le fait que la mère aurait accepté qu’on aille chercher l’adolescente ne lève pas l’interdiction.

Illustration 5

On se souvient sans doute de la cellule Demeter qui, à l’initiative de Christophe Castaner, au sein de la gendarmerie nationale était censée protéger les agriculteurs des agressions dont ils sont victimes parfois (atteintes à leur matériel ou aux animaux, vol de gasoil), mais cela avait complètement dérapé, la maréchaussée veillant à toute critique qualifiée par la FNSEA d’"agribashing". Les pandores se prêtaient sans complexe à ce jeu funeste, transformant des militants (contestant les dérives de l’agro-industrie) en délinquants. Des journalistes menant des enquêtes sur l’agriculture ont été inquiétés. La Confédération Paysanne, aux côtés d’autres organisations des droits humains, a contesté ces pratiques dignes d’un régime autoritaire et cette cellule qui était là « pour criminaliser toute critique du système agroalimentaire ». Finalement, ce dispositif fut dissout : mais, comme dirait l’autre, dissout c’est pas cher payé pour une telle atteinte aux libertés publiques ! [30 janvier]

On comprend très bien

Vu le film de Yannick Kergoat Personne n’y comprend rien, avec deux grands journalistes de Mediapart, Fabrice Arfi et Karl Laske. Cette phrase a été prononcée par Nicolas Sarkozy pour se rassurer, persuadé qu’il sait bien noyer le poisson. Mais en réalité, ce titre est trompeur car pour avoir vu le film, comme il fallait s’y attendre, on comprend très bien. D’ailleurs, pour qui suit un peu l’affaire Sarkozy-Kadhafi, on ne peut pas dire qu’on apprenne grand-chose qu’on ne sache déjà. Mais cela a le mérite de dérouler une chronologie, et une logique : celle qui est à l’œuvre dans le camp de cette droite sans scrupules qui n’a pas craint de pactiser avec un dictateur terroriste pour remporter une élection présidentielle en France.

Illustration 6

Si le procès en cours, si les investigations des enquêteurs venaient à aboutir à la preuve formelle de la culpabilité de Sarkozy (alors qu’on le croit déjà capable du pire), alors la déflagration que cela provoquerait est inimaginable : c’est la question qu’on ne cesse de se poser en voyant ce documentaire. Ce serait la pire catastrophe pour le pays depuis des décennies : un homme politique de premier plan s’est compromis de la sorte ! Il a été élu président en toute illégalité ! Les dénégations de Sarkozy ne sont pas convaincantes quand elles ne sont pas risibles. Même quand un témoin à charge se rétracte (Ziad Takieddine) suite à une manœuvre du clan Sarkozy et de ses sbires dans les médias (Gattegno, Elkrief), avant de rétracter sa rétractation, Sarko continue à jouer sa petite comédie de l’innocent outragé, avec ses complices Guéant et Hortefeux. Bien sûr, on redoute qu’il s’en sorte comme il a si souvent su le faire (encore qu’il a désormais quelques condamnations définitives et bientôt un bracelet électronique), mais ça sent la fin de l’impunité : surtout que pour s’en sortir il sait abandonner ses larbins… quitte à ce que ceux-ci, excédés, se vengent. Il a beaucoup moins le pouvoir de les faire taire. On sait que les proches de certains d’entre eux les incitent à parler. [28 janvier]

PERSONNE N'Y COMPREND RIEN - Bande Annonce © Jour2Fete Distribution

Chroniques parues sur mon compte Facebook aux dates indiquées entre crochets.

Billet n° 842

Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Parcours et démarche : ici et "Chroniqueur militant". Et bilan au n° 700 et au  n° 600Le plaisir d'écrire et de faire lien (n° 800).

Contact : yves.faucoup.mediapart@free.fr ; Lien avec ma page Facebook 

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