Résister plus que jamais
On savait que Donald Trump, s’il semble parfois naviguer à vue, poursuit un projet politique interne et international qu’on pourrait qualifier d’extrême droite. En interne, il utilise la police fédérale pour laisser libre cours à son racisme intrinsèque (au point qu’il se met à dos les latinos qui, nombreux, avaient voté pour lui) et fait arrêter les juges qui ne lui plaisent pas. En externe, il pactise avec le despote du Kremlin, avec lequel il partage un certain nombre d’idées nauséabondes. Le projet des individus qui grenouillent autour de lui, dont certains sont des idéologues plus tordus encore que Trump lui-même, consiste à laminer toute régulation visant à réduire les effets néfastes du capitalisme, à ne conserver qu’un État chargé d’assurer le régalien à son niveau le plus restrictif (armée, police), jetant aux orties tout ce qui pourrait s’apparenter à une prise en compte du commun (dont la protection sociale et l’éducation).
Ces contempteurs des valeurs républicaines (au sens fort de ce terme, non perverti par l’éléphant MAGA), JD Vance, Peter Thiel, Stephen Miran, Howard Lutnick, Curtis Yarvin, prônent le remplacement de la démocratie par un système de gouvernance inspiré de l’entreprise capitaliste pure et dure. Certains de ces théoriciens ont des accointances avec des néo-fascistes (pas seulement Elon Musk, avec son salut nazi et son contrôle absolu sur X). À cette liste, il faut rajouter Kevin Roberts qui, à la tête de Heritage Foundation, a élaboré le Projet 2025 qui vise au démantèlement de l’État. Il est venu en France en mai dernier et a rencontré la fine fleur de notre extrême droite parfois ultra : Marion Maréchal Le Pen, Éric Zemmour, Sarah Knafo et le petit Duce des Alpes-Maritimes, Éric Ciotti, tous admirateurs de Viktor Orban (qui plonge la Hongrie dans le marasme, devenue plus pauvre que la Roumanie, et qui est suivi par la Slovaquie de Fico et bientôt par la Tchékie de Babis).
Vendredi (5 décembre), la Maison Blanche a publié un document de stratégie de sécurité nationale qui entérine une rupture historique avec l’Europe, considérée comme déclinante (natalité, identité/immigration, censure), parlant d’un « effacement civilisationnel », et d’un « déclin économique », avec endettement [alors même que la dette américaine est trois fois supérieure à celle de l’Europe en milliards de dollars et deux fois supérieure en pourcentage du Pib]. Cette doctrine rétrograde, véritable déclaration d’ingérence et de propagande raciste, est le prolongement du discours de vérités alternatives du vice-président Vance prononcé à Munich en février dernier (où il pactisait avec les néo-nazis de l’AfD). Ce texte de 33 pages imprégné du délire fascisant du Grand Remplacement, pronostique que dans quelques temps la majorité des membres de l’OTAN ne seront plus européens. Le projet est donc : non pas d’abandonner l’Europe mais de l’annexer idéologiquement. Trump avait dit que l’Europe a été créée « pour niquer les États-Unis », il se veut aujourd’hui le président du monde ! Musk, qui est sanctionné par l’UE à hauteur de 120 millions d’euros pour les infractions financières de X, appelle dans un tweet à la suppression de l’Europe. Si Medvedev, le toutou fascisant de Poutine, a simplement commenté en écrivant "Exactly", le chef de la diplomatie polonaise a répondu : « Allez sur Mars, les saluts nazis ne sont pas censurés là-bas ».
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Ce document, vrai manifeste MAGA, reprend la propagande poutinienne au sujet de Volodymyr Zelinsky. Une experte des questions transatlantiques, interrogée par Le Monde (7-8/12), en conclut que si Paris bascule en 2027 à l’extrême droite apparaitrait un axe Washington-Paris-Budapest-Moscou. Le continent américain reste le "pré-carré" des "Américains", c’est-à-dire tout bêtement la doctrine Monroe, qui explique que Trump puisse détruire dans les Caraïbes des bateaux sans autre forme de procès. Qui explique aussi qu’en trahissant l’Ukraine il laisse Poutine étendre sa sphère d’influence… et son déjà immense territoire. Avec la perspective mythique pour Trump (et les USA) de s’imposer comme le puissant face à la Chine, qui, elle, mène son bonhomme de chemin à la vitesse Grand V : elle pourrait bien devenir la première puissance mondiale, alors qu’il y a peu encore elle sortait à peine du monde en développement.
Tout cela doit convaincre les démocrates et républicains européens qu’ils doivent non seulement lutter contre l’extrême-droitisation galopante des responsables politiques et des médias en Europe mais aussi contre cette agression en roue libre des hommes au pouvoir à Washington.
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. Il faut connaître les textes de l’ennemi pour mieux lui résister : Le Plan de la Maison Blanche contre l'Europe (texte intégral).
[9 décembre]
Le délire trumpien
[Ce texte, non publié sur mon blog, date du 11 juin]
Depuis plusieurs mois, on se demande chaque jour qu’est-ce que le chef de l’État le plus puissant va proférer comme insanités, poser comme actes violents, déverser comme directives contradictoires. On sait que Trump a dit : « votez pour moi vous n’aurez plus besoin de voter ». Il prévoit de s’accaparer le Groenland et le Canada (dans ce pays, une bibliothèque est à cheval sur la frontière avec les USA : depuis l’élection de Trump, les Américains bloquent l’entrée ; une ministre de Trump est venue et a dit : « ici ce sont les USA et là le 51ème État »). La folie de Trump n’a pas de limites : il a proclamé « tous les pays m’appellent, ils me lèchent le cul ». Il fait arrêter les juges qui s’opposent à lui, envoie sa garde nationale puis l’armée pour mâter des manifestants qui s’opposent aux expulsions de migrants.
Il a passé son temps à déblatérer sur les « wokes » qui s’opposaient à l’utilisation de certains termes méprisants pour des minorités mais lui, il fait interdire une centaine de mots : "Égalité d’accès aux soins", "personne enceinte", "LGBT", "inclusion", "diversité", "handicap", allant jusqu’à interdire le mot "Enola Gay", nom donné de façon imbécile d’ailleurs à la bombe atomique lancée sur Hiroshima d’après le prénom de la grand-mère du pilote (les chiens de garde de Trump, ignorants, ont cru que c’était homo). On le voit prier avec des gourous, dans le bureau ovale où il insulte ses invités, il tente de fracasser les universités tellement il débecte le savoir scientifique, on assiste à ses conflits d’intérêts avec Elon Musk, qu’il adule puis recrache, ou avec l’Arabie saoudite. Comme un vulgaire Bardella, Praud, ou Ciotti, il criminalise systématiquement les étrangers. Il est aidé en cela par un « haineux de classe mondiale », Stéphen Miller, qui reproche aux policiers de n’arrêter que 600 clandestins par jour, et exige 3000 arrestations quotidiennes (d’où les événements de Californie et les mouvements de contestation). Trump, petit-fils d’un Allemand exilé aux USA, envisage de réouvrir Alcatraz et surfe sur son réseau avec l’IA, quitte à se représenter lui-même en Pape !
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Bon, la liste est longue, mais je voulais juste partager ce texte d’un des idéologues de Trump et surtout de JD Vance, vice-président, qui soutient les pro-Nazis en Europe : il s’agit de Peter Thiel. Cet homme a publié un texte délirant que Le Grand Continent a reproduit en accès libre, dans lequel il cause de la bible, de l’Antéchrist, de l’Armageddon, de l’Apocalypse (il a cette phrase sublime : « le Nouveau Testament est progressiste puisque le Nouveau remplace l’Ancien »). Il donne l’impression d’être en roue libre.
Mais Peter Thiel est aussi un idéologue qui sait s’investir : il est patron de Palantir une société spécialisée dans le big data qui assiste l’administration de Trump dans le cadre de sa politique de déportation des sans-papiers et dans les missions du DOGE (mis en place par Musk pour virer de très nombreux fonctionnaires et fermer les agences d’autant plus inutiles qu’elles sont humanitaires). Il fait partie, avec Curtis Yarvin, de ces théoriciens qui prônent le remplacement de la démocratie par un système de gouvernance inspiré de l’entreprise capitaliste pure et dure. Milliardaire, il a grenouillé avec des mouvements néofascistes et a soutenu Vance dans ses campagnes électorales. Vance qui se prépare à succéder, le moment venu, à Trump.
. Le Grand Continent, en accès libre : Peter Thiel et la fin des temps.
[11 juin]
. voir également Le "magnifique" projet trumpien : laisser crever les pauvres, sur Social en question [14 juillet 2025].
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Un criminel de guerre gracié ?
Nétanyahou vient gémir auprès du président d’Israël pour qu’il le gracie, c’est-à-dire pour qu’il annule les accusations de corruption : entre 180 000 et 225 000 euros [selon diverses gazettes en France] de cadeaux reçus d’amis milliardaires et attributions d’avantages à des entreprises pour qu’elles lui assurent un traitement médiatique dithyrambique. Bon, on a du mal à imaginer que cet homme politique ait pu se contenter des montants de corruption admis officiellement. Trump s’est mis en quatre pour que Bibi bénéficie de cette grâce. On est dans le monde des mafieux. Ne pas oublier que Nétanyahou fait l’objet d’un mandat d’arrêt international de la part de la Cour Pénale Internationale (1).
Pour nous en France, le problème est le suivant : les propagandistes, y compris sur les réseaux sociaux, qui déversent leur hargne envers quiconque apportent son soutien aux Palestiniens, se permettent de jurer quelques fois qu’ils ne sont mobilisés que pour la survie d’Israël, qu’ils ne soutiennent pas Nétanyahou. Sauf que leur contestation de Nétanyahou ne porte pas sur ses crimes de guerre, sur sa volonté, avec ses potes suprémacistes, d’exterminer le peuple palestinien (d’où l’accusation portée de génocide) mais pour son non-respect de l’État de droit et pour ses malversations (ce qui avait provoqué tant de manifestations avant le 7-octobre). Si celles-ci sont amnistiées, que vont-ils dire désormais ? Ils ne vont plus pouvoir faire mine de le contester : toute contestation de Nétanhyahu, du gouvernement et de l’armée d’Israël, sera considérée désormais par ces "idiots utiles" du massacreur comme manœuvre antisémite.
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(1) « Suspecté d’être responsable des crimes de guerre consistant à affamer délibérément des civils comme méthode de guerre et à diriger intentionnellement une attaque contre la population civile ; et des crimes contre l'humanité de meurtres, de persécutions et d'autres actes inhumains, du 8 octobre 2023 au moins jusqu'au 20 mai 2024 au moins » [texte de la CPI].
. dessin paru dans La Chronique d'Amnesty International de décembre 2025/janvier 2026.
[2 décembre]
La Chronique d’Amnesty
Plus de 2 000 défenseurs de l’environnement ont été assassinés depuis 2012, surtout en Amérique latine. Mais la traque des écologistes ne s’arrête pas là : nos démocraties européennes aussi serrent la vis. Reportage au Royaume-Uni, où les juges distribuent des peines lourdes aux activistes du climat. En France, c’est la police qui détient un triste record : celui des violences contre les écologistes. Dans le n° de novembre [468] de La Chronique d'Amnesty International, où l'on trouve également, entre autres, un dossier sur Les kidnappées de l'Empire (filles arrachées à leurs mères au Congo belge parce qu'elles étaient métisses : cinq femmes ont porté plainte pour crime contre l'humanité, en 2023 la justice leur a donné raison.
Et aussi une interview de Dominique Simonnot, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté en France (prisons, hôpitaux psys). Ancienne conseillère d'insertion et de probation, ancienne journaliste de Libération puis du Canard enchaîné, celle qui a été nommée à ce poste par Emmanuel Macron, affirme que la mission officielle de réinsertion des prisonniers est oubliée « au profit d'une vengeance de l'Etat ».
. s'abonner : ici.
[28 novembre]
Solidarité avec la Palestine meurtrie
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À l’occasion de la journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien, instaurée par l’ONU, près d’une centaine de citoyens et citoyennes proclamant leur soutien aux Palestiniens écrasés à Gaza par l’armée israélienne, se sont rassemblés à Auch, dans le Gers (en Occitanie), place de la Libération le matin du 29 novembre, à l’appel du Collectif gersois pour la Paix juste et durable en Palestine (AFPS [France Palestine solidarité], LDH [Ligue des droits de l'homme], CGT, FSU, Sud-Solidaires, PCF, LFI). Puis le cortège s’est déplacé vers la place de la République (devant la cathédrale, sur le marché du samedi). Les membres du collectif ont lu chacun à leur tour un extrait d’un communiqué commun. Il est tout d’abord rappelé que cette date du 29 novembre a été choisie parce que la décision de l’ONU de partager la Palestine en deux États a été prise le 29 novembre 1947.
Cette journée de solidarité a lieu depuis 1977. Cette année, cette commémoration a lieu alors qu’un cessez-le-feu fragile a été instauré (le 9 octobre), régulièrement violé, et qu’une crise humanitaire a lieu en territoire palestinien suite au massacre perpétré par Israël (près de 70.000 tués, 170.000 blessés, souvent très graves, et des centaines de milliers de déplacés). Les actions violentes s’amplifient en Cisjordanie, avec des colons israéliens, dans l’illégalité, de plus en plus jeunes et proférant une idéologie messianique et des positions d’extrême droite. À Gaza, l’accès à l’eau reste très difficile, à l’alimentation également, aux soins quasiment impossibles, dans un territoire peuplé de deux millions d’habitants, détruit à 80 %. Le gouvernement israélien agit en permanence pour empêcher un État palestinien sur cette terre et envisage d’annexer la Cisjordanie. Le Plan dit de paix de Trump ne donne aucunement la parole aux Palestiniens. Le chef de l’État français est condamnable de vouloir encore commercer avec un État voyou, qui ne respecte pas les lois internationales et anéantit un peuple aux yeux du monde entier.
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Un appel a été lancé à Barcelone le 15 novembre par 30 associations palestiniennes de défense des droits humains (ACT X PALESTINE). Les droits humanitaires des Palestiniens ont été violés bien avant le 7-octobre : une seule solution, respecter et mettre en œuvre le droit international.
Une manifestante prend alors la parole pour dire combien elle est en colère devant l’attitude d’Israël : alors que les otages israéliens vivants lui ont été rendus en relative bonne santé, les prisonniers palestiniens, parfois torturés, ont été rendus avec le corps méconnaissable : « Nos médias pleurent sur Israël mais n’ont pas un mot sur les souffrances des Palestiniens ».
Une délégation a été reçue précédemment en Préfecture, avec remise d’une lettre destinée à Emmanuel Macron, dénonçant les pogroms en Cisjordanie, les morts à Gaza malgré le cessez-le-feu : rien ne doit être mis en place dans un plan de paix sans la participation des Palestiniens. Des sanctions doivent être prises à l’encontre d’Israël, et tout commerce d’armes interdit avec un État qui ne respecte pas les droits de l’homme.
Un appel a été lancé par 52 personnalités pour la libération de Marwan Barghouti, le Mandela palestinien, député, accusé de terrorisme alors qu’il a toujours défendu le principe d’une résistance pacifiste, brutalisé par ses gardiens en prison.
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Des membres du théâtre Le Griot Blanc lisent des textes de poètes palestiniens, dont certains sont bien antérieurs au 7-octobre. Ziad Medoukh : Que dois-je dire à Gaza ?… « lorsqu’on réprime ta marche non-violente dans le sang Lorsqu’on enferme ton peuple dans une cage Lorsque les snippers d’élite tirent sur ta poitrine nue Lorsque l’obus israélien écrase ta branche d’olivier ». Mohammed Yousef : « Je vous écris depuis mon exil, entre la nostalgie et la honte d’un monde qui regarde ailleurs Je n'ai plus de maison, plus de terre, plus de mer, mais j’ai encore ma langue, mes souvenirs, et cette rage polie qu’on appelle dignité ».
[29 novembre]
Les hypocrites "humanitaires"
Depuis deux ans, face à la mobilisation en faveur des Palestiniens, laminés, exterminés à Gaza, de prétendues bonnes âmes s’indignent, considérant que les pro-Palestine ne cherchent qu’à discréditer Israël, par antisémitisme. La preuve : ils ne s’intéressent qu’à cette zone du Proche-Orient, alors qu’il y a tant de conflits ailleurs, tant de droits de l’homme à défendre. C’est ce que n’ont cessé de dire l’ignoble Meyer Habib, Arno Klarsfeld, Yoann Usaï (et toute sa clique sur CNews), Gilles-William Goldnadel (CNews également), Caroline Fourest, Elisabeth Badinter, Sophia Aram. Il faudrait parler aussi du Soudan ou du Congo ! D’une part, ces moralistes de paille n’ont jamais démontré qu’ils se préoccupaient de ces pays africains écrasés par la violence, d'autre part les humanitaires qui s’indignent de ce qui se passe à Gaza, beaucoup d’entre eux s’intéressent au Congo, au Darfour, à l’Angola, à Madagascar, et à tous ces pays frappés par la malnutrition (Mozambique, Cameroun, Zambie, Niger) à cause de guerres ou de la crise climatique.
Que voit-on dans le journal Le Monde de ce 18 novembre ? Une tribune qui s’indigne des crimes commis dans la ville d’El-Fasher au Darfour, pas des crimes en général mais de ceux qui ont touché précisément les femmes. Et qui sont les signataires ? Exclusivement des femmes : parmi elles des militantes sincères des droits humains, mais aussi des personnalités qui, ailleurs, pousseraient des cris d’orfraie si n’importe quelle association venait à prendre la défense exclusivement des femmes. On relève : Elisabeth Badinter, Sophia Aram, Caroline Fourest, Tristane Banon, Ruth Elkrief…
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Le texte s’indigne de l’indifférence devant ce drame. Passons sur le fait que les événements tragiques qui se sont déroulés dans cette ville le 29 octobre ont été largement évoqués dans l’émission C ce soir (sur France 5) le 5 novembre, avec des intervenants connaissant bien la situation et ne se servant pas du sujet pour compenser des défaillances par ailleurs. Par ailleurs, le drame de El-Fasher (siège, famine) remonte à plusieurs mois, et en juillet MSF a publié un rapport. Notons simplement que cette tribune a mis bien du temps avant d'être rédigée et de paraitre. Pour certaines signataires, il s’agit manifestement d’une tentative bien maladroite d’afficher un contre-feu à leur position inhumaine consistant à ne jamais condamner Israël dans son entreprise génocidaire à l’encontre des Palestiniens. Utiliser de la sorte un tel drame (car la situation est dramatique au Soudan) pour tenter de démontrer qu’on peut être parfois solidaires des victimes d’une guerre est particulièrement odieux. Ce serait trop long d’argumenter sur le fait qu’il y a en Europe, et en France, une telle sensibilité en faveur des Palestiniens (toujours expliquée par la partie adverse par un antisémitisme intrinsèque) : les Français se sentent davantage concernés peut-être parce qu’ils comprennent plus clairement les enjeux, parce qu’ils y sont allés, alors que pour certains conflits éloignés on ne saisit pas toujours ce qui explique les affrontements. Il n’empêche que les ONG qui militent dans ces pays meurtris (et les citoyens qui les soutiennent financièrement) n’ont pas attendu les indignations de Mesdames Badinter, Aram et Fourest pour agir.
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. Photo : document MSF (Jérôme Tubiana).
[18 novembre]
Les exclus de Malaga Island
Autour des années 1860, des esclaves affranchis se seraient installés sur l’île de Malaga (État du Maine, aux USA), vivant en autarcie. Il n’en fallait pas plus pour que 30 ans plus tard, la presse du Maine gamberge sur cette « colonie dégénérée », qui consommait (damned !) du tabac et du thé, sans parler de suspicion d’inceste et d’échangisme, et d’enfants nés avec des cornes émoussées, vivant sous terre. Dans un premier temps, l’État du Maine ne voulait pas récupérer cette colonie, redoutant de devoir subvenir à ses besoins. Alors une école fut construite et un instituteur envoyé sur place, mais le gouverneur n’appréciant pas cette communauté métissée décida de les expulser (1912). Il subsistait alors 45 personnes sur cette île. Afin de dissuader toute réinstallation, les autorités du Maine finirent même par exhumer les tombes et transporter les corps des défunts à l' école pour personnes atteintes de déficience mentale du Maine, à New Gloucester [voir Wikipedia : ici].
Des missionnaires étaient venus en aide à ce groupe humain multiracial, mais une sombre affaire qui les opposait au gouverneur expliquerait la décision d’expulsion prise par ce dernier, la déficience mentale pouvant avoir été un prétexte. Ce n’est ni la première ni la dernière fois que des autorités politiques et économiques instrumentalisent des théories eugénistes pour se débarrasser d’individus encombrants.
Un roman de Paul Harding, Cet autre Eden, vient de paraitre en France (éd. Buchet-Chastel) : il ne décrit pas historiquement la réalité de cette communauté, qu’il appelle Apple Island : il en fait un mythe biblique, de beauté et de liberté, mettant en cause un des missionnaires qui, éprouvant une « répulsion viscérale » envers les Noirs, provoque la mort de la communauté insulaire.
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. voir article de Gladys Marivat, dans Le Monde des livres du 21/11 : Destins métis de Nouvelle-Angleterre.
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- Photographie de John et Rosella Eason devant leur maison avec leurs petits-fils ; d’après un négatif sur plaque de verre de Herman Bryant. Collection du Musée d’État du Maine.
- Des habitants de l'île de Malaga posent avec un missionnaire devant leur maison pour le numéro de septembre 1909 de Harper's Weekly [Wikipedia].
[21 novembre]
. Les chroniques qui ont déjà été publiées sur mon compte Facebook l'ont été aux dates indiquées entre crochets.
Billet n° 894
Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Parcours et démarche : ici et là. "Chroniqueur militant". Et bilan au n° 700 et au n° 600. Le plaisir d'écrire et de faire lien (n° 800).
Contact : yves.faucoup.mediapart@free.fr ; Lien avec ma page Facebook