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Billet de blog 14 juillet 2025

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Le "magnifique" projet trumpien : laisser crever les pauvres

Et autres chroniques : les alliés du cancer, le négationniste, les pogroms en Cisjordanie, le souvenir mélancolique de sa cellule de prison, les retraités ponctionnés, le Smic allemand et le Festival du Journalisme de Couthures-sur-Garonne.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

« Vous êtes les alliés du cancer »

Illustration 1

Stéphane Foucart, dans sa chronique Planète de ce jour dans Le Monde, cite Fleur Breteau qui, lors du vote de la loi Duplomb à l’assemblée Nationale a crié : « Vous êtes les alliés du cancer et nous le ferons savoir ». Le chroniqueur précise que le vote de cette loi, soutenue par « l’arc bleu-brun et leurs supplétifs du parti présidentiel » a été applaudie par les mêmes (« une hilarité désinvolte, un cynisme méprisant, un virilisme de vestiaire »). Il écrit qu’il s’agit d’une « rupture démocratique », car, à la manière trumpienne, le sens des mots a été inversé, avec négation des faits en réintroduisant des produits interdits parmi les plus dangereux synthétisés par l’homme. Les conséquences seront dramatiques, or cette loi assassine prétend être d’« intérêt général », non seulement en autorisant l’acétamipride (tueuse d’abeilles) mais aussi tout une série de mesures (dont la justification des méga-bassines, l’agrandissement des élevages hors-sol, l'extension des pesticides) portant atteinte à une agriculture de qualité. Parallèlement, l’État réduit son soutien à l’agriculture bio. Par ailleurs, concomitamment un décret menace l’indépendance de l’ANSES (l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail).

Illustration 2

Dans le Gers, le député Renaissance Jean-René Cazeneuve et le député LIOT David Taupiac ont voté comme un seul homme pour la loi Duplomb. Dans un communiqué, Patrick Kopff, pour Génération Écologie, déclare : « C’est une faute politique quand on prétend défendre l’agriculture et les agriculteurs, alors même que les origines de leurs problèmes sont, justement, l’agrochimie qui pollue nos terres et nos eaux, et les industriels agricoles qui tiennent les exploitations sous le joug des financiers. » Sylvie colas, de la Confédération paysanne du Gers (et responsable nationale), qualifie cette loi de « catastrophe ». Les Amis de la Terre - Gers, qui dénoncent régulièrement l'emploi de pesticides dans l'agriculture gersoise, sont également montés au créneau. Philippe Martin, ancien président PS du Conseil Départemental, qui est sorti de sa quarantaine de trois ans après sa condamnation par le Parquet National Financier, a condamné cette loi et ce vote, donc son ami Taupiac.

David Taupiac tente de s’expliquer dans La Dépêche, mais comme son collègue macroniste il s’est plié à la défense de quelques cultivateurs de la filière de la noisette (60 hectares dans le Gers) pour justifier l’approbation d’une loi pourtant extrêmement dangereuse. Cazeneuve Pierre, député des Hauts-de-Seine, a voté contre : il est du même parti que son père, mais il n’y a pas de noisettes dans les Hauts-de-Seine !

[13 juillet]

Festival International de Journalisme à la campagne

Illustration 3
[Ph. YF]

Ce week-end, se tient à Couthures-sur-Garonne (dans le Lot-et-Garonne) le 9ème Festival International de Journalisme (Le Monde, Nouvel Obs, Télérama, Courrier International, La Vie, HuffPost). De très nombreuses interventions, débats, témoignages, documentaires. Sur des thèmes divers : le journalisme évidemment (les conditions d’enquête, la déontologie), l’écologie, les violences sexistes et sexuelles (dont Bétharram), plusieurs débats sur le monde rural (dont la question de l’habitat), et aussi des sujets plus légers (le thé, la châtaigne, le miel, le cognac, le sel, le lait cru, l’huile d’olive, divers vins). En bord de Garonne, sous un soleil écrasant, dans une ambiance presque festive. Tout près d’un chapiteau, un cheval se prélasse à l’ombre d’un arbre, des vaches paissent à proximité.

Illustration 4
[Ph. YF]

J’ai suivi un ethnologue et une sociologue sur la sécurité sociale alimentaire (je consacrerai prochainement un article sur leurs propos), et différents débats le vendredi sur Trump (il envahit l’actualité, thème omniprésent sur le festival) et Bolloré (dont sa méthode pour museler les journalistes avec la clause de silence). Dans ce village entièrement consacré au festival, où tous les habitants sont engagés, avec des barnums partout, on croisait diverses personnalités (Daniel Schneidermann, Pierre Haski, Thomas Snegaroff, Fabrice Arfi,...). Plus étonnant, étaient invités pour des tables rondes un directeur de BFM, un autre de TF1 et même Jean-Sébastien Ferjoux qui a son maroquin à CNews (j’imagine que sa prestation a été houleuse). S’il a été question de Haïti, du Rwanda, de la Syrie, de la Libye de Khadafi, de l’Afghanistan, de l’Algérie, rien sur les Palestiniens, Gaza et Israël (pourtant la question du journalisme se pose particulièrement, puisque justement les journalistes sont interdits d'accès sauf s'ils sont déjà à Gaza, Palestiniens, systématiquement abattus par l'armée israélienne faisant des cartons sur les porteurs de badges de presse). Il est possible cependant que dans certains débats la question ait été évoquée. Mais cela donnait l’impression qu’il ne fallait pas aborder un tel sujet qui fâche et que le public centre-gauche (moyenne d’âge élevée) aurait pu se déchirer.

Nathalie Loiseau (députée européenne Renew) et Frédéric Encel ("expert" qui prôna l’intervention militaire en Irak et fut un militant du Bétar, mouvement juif d’extrême-droite) causaient de l’Europe ! Pascal Boniface était dans une table ronde sur Trump mais était aussi invité par la librairie (venue de Marmande) pour signer sur son stand son livre, Permis de tuer, ayant pour sous-titre : Gaza : génocide, négationnisme et hasbara (hasbara désigne selon Noam Chomsky la propagande israélienne affirmant que la position d’Israël est toujours juste). La dédicace qu’il a inscrite sur mon exemplaire : « On ne pourra pas dire "nous ne savions pas" ».

Illustration 5
Fabrice Arfi au micro lors d'un débat [Ph. YF]

[12 juillet]

Le négationniste

Le 30 juin, l’armée israélienne a bombardé le café Al-Baqa en bord de plage à Gaza. Se retrouvaient dans ce lieu relativement paisible des Gazaouis, dont des journalistes, des artistes. De très nombreux médias ont attesté de cet événement tragique, qui a tué un photographe qui renseignait sur ce qui se passe à Gaza, Ismail Abu Hatab, 32 ans, et Frans Al-Salmi, une artiste.

Illustration 6
Des Gazaouis visitent les ruines du café Al-Baqa, dans la ville de Gaza, après que les forces israéliennes ont largué une bombe de 500 livres sur le site, le 30 juin 2025. (Omar El Qataa)

On a annoncé 25 morts, puis 40. De nombreuses photos des lieux et des victimes (ainsi que blessées ensanglantées) ont circulé. Tsahal n’a pas nié un tir mais a minimisé sa portée, prétendant qu’un membre du Hamas était visé. Ce qui n’a pas empêché des tweets niant les faits, chipotant sur le type de bombes utilisées (contestant que cela puisse être une bombe de 230 kg comme annoncé ici ou là).

Un des plus odieux est Gilles-William Goldnadel, avocat et polémiste d’extrême droite, qui a son rond de serviette sur CNews, qui constatant que sur une photo on aperçoit au loin des gens sur la plage ironise sur ce bombardement qui n’en serait pas un. Il ne cherche pas à savoir si la photo a été prise après une précédente attaque (car il y en a eu) ou si les personnes que l’on aperçoit ne sont pas en train de ramasser des corps sur la plage ou dans la mer (car l’info dit que des corps ont été propulsés jusque dans la mer). L’attitude négationniste de cet individu devrait justifier des poursuites judiciaires : il est le premier à hurler si un politique prononce un mot qui ne lui plait pas, à accuser tout le monde d’antisémitisme, à reprocher à Radio France d’être d’extrême gauche. Sa façon permanente de nier les crimes contre l’humanité commis par le gouvernement d’Israël à Gaza est en quelque sorte une apologie du terrorisme, et cela nécessite condamnation.

Illustration 7

[8 juillet]

Pogroms en Cisjordanie

Le terme pogrom signifie en russe "destruction", "émeute", mais il est historiquement utilisé pour désigner une attaque à connotation xénophobe et raciste contre une population minoritaire, sans réaction des autorités ou avec leur assentiment sinon leur participation.

C’est ainsi qu’en Russie il a existé des pogroms contre les Juifs (avec la complicité des autorités tsaristes) et en Turquie contre les Arméniens par les Jeunes-Turcs alors au pouvoir.

Illustration 8

Après les événements du 7-octobre, on a parlé à leur propos, en Israël mais aussi en France, de pogrom. Or, si dramatique que fut cette attaque menée par le Hamas (avec massacres de civils et enlèvement d’otages), il n’empêche que le terme pogrom est abusif, car il s’agissait d’une action qui visait des Israéliens (y compris des travailleurs immigrés ni Juifs ni Israéliens), sans la complicité de l’État où ils vivaient, c’est-à-dire Israël (quelle que soit la responsabilité immense de Benjamin Netanyahou qui n’a manifestement pas tenu compte des informations de ses propres services sur une attaque imminente et qui s’en sert aujourd’hui pour éliminer définitivement les Palestiniens des quelques terres qui leur restaient).

Par contre, ce qui se passe en Cisjordanie depuis longtemps (avant même le 7-octobre) mais de façon effrénée désormais, relève du pogrom : en effet, des Palestiniens sont mitraillés par des colons juifs, épaulés parfois par l’armée. C’est exactement la définition du pogrom. Si la situation est apocalyptique à Gaza (57000 morts, peut-être deux à trois fois davantage, 85000 tonnes de bombes déversées sur l'exclave), elle est terrible dans les territoires occupés. 947 Palestiniens tués par l’armée ou les colons depuis le 7 octobre 2023. L’ONU a recensé 23 attaques de colons entre le 17 et 23 juin. Ils s’en prennent à des villages en hurlant leur haine raciste. Ils tuent tout Palestinien se trouvant sur leur passage, en des lieux où ils ne sont pas habilités à être (car en territoire palestinien, même "occupé"), mais ils sont couverts par l’armée. Ils incendient les voitures, et certaines maisons même habitées par des femmes et des enfants. Ils assassinent les hommes devant leur maison. Après leurs forfaits, ils se lancent dans des danses joyeuses devant leurs victimes effrayées (des vidéos en attestent). Les dirigeants d’extrême droite du pays (suprémacistes, racistes) non seulement cherchent à chasser les Palestiniens de Gaza mais aussi ceux de Cisjordanie. Quand la "communauté internationale" se décidera à réagir ? Le génocide ce n’est pas "seulement" affamer, assoiffer, mitrailler lors des distributions alimentaires, empêcher les soins en détruisant systématiquement les hôpitaux, bombarder sans relâche, en un mot exterminer, mais c’est aussi chasser tout un peuple de sa terre.

Illustration 9

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. entre le 7 octobre 2023 et le 12 août 2024, l’ONU dénombrait 1250 attaques de colons israéliens contre des Palestiniens. Nombreux médias (dont L’Humanité, HuffingtonPost) avaient alors parlé de pogrom lors d’une attaque d’une centaine de colons contre un village, Jit, en Cisjordanie dans la nuit du 15 au 16 août 2024, venus pour tuer et incendier. Mais déjà en février 2023 à Huwara et en juin 2023 à Turmusaya, donc avant le 7 octobre.

[7 juillet]

Souvenir mélancolique de sa cellule de prison

« Souvent la nuit je me réveille me croyant encore dans la cellule 40, et imaginant devant ma fenêtre la ligne blanche d’interdit sur le sol du grand patio obscur. Plus souvent encore, je rêve que je dois retourner dans la cellule 40 parce que j’y ai oublié quelque chose. Je devine vaguement ce que c’est ; mais ce serait trop long à expliquer ».

Ces lignes ont été écrites par Arthur Koestler, alors qu’il venait d’être gracié, au terme de trois mois en cellule en Espagne attendant son exécution, après avoir été condamné à mort par les franquistes. Il a publié ses notes de prison dans Un Testament espagnol, un chef d’œuvre, classé dans mon panthéon des meilleurs livres.

Illustration 10
[Ph. AlJazeera]

C’est en lisant une tribune de Louis Arnaud dans Le Monde de ce 3 juillet que le souvenir de Koestler m’est revenu (comme celui de Joseph Ponthus dans À la ligne : « On ne quitte jamais vraiment la taule ») : Arnaud a été arrêté en mai 2022 en Iran, en marge du mouvement Femme Vie Liberté, alors qu’il y voyageait comme touriste. Il a été détenu plus de deux ans. Aujourd’hui, il accuse Israël d’avoir bombardé la prison d’Evin, « bastion de la résistance », « citadelle où la dignité humaine, enchaînée, avait appris à se tenir debout. C’est là au cœur de l’oppression, que la solidarité a jailli ». Il sait qu’on ne comprendra pas les larmes d’un ex-otage : « comprendra-t-on que l’on puisse pleurer la ruine d’un lieu qui fut à la fois l’enfer et le refuge ? ». La bibliothèque a été détruite (trésor patiemment accumulé, livre par livre) ainsi que des gardiens qui tous n’étaient pas des tortionnaires. Et la dictature des mollahs a repris sa répression, de plus belle. Il ne le dit pas mais parmi les 79 tués de la prison : des prisonniers et des membres de leurs familles venues les visiter (selon Ghazal Golshiri, dans Le Monde du même jour). Ce bombardement est à l’image de la politique guerrière actuelle d’Israël : agir sans réfléchir au moyen et long terme. Utiliser la force sans autre objectif que d’affirmer une supériorité militaire.

Les prisonniers et prisonnières ont été transférés dans diverses prisons où les conditions de détention sont plus graves encore. L’une, citée par Ghazal Golshiri, dit « j’aurais préféré mourir lors de l’explosion du missile que de vivre ainsi ».

. Par ailleurs, le racisme de l’État iranien envers les Afghans se renforce : plus de 256 000 personnes ont été renvoyées en Afghanistan : l’étranger c’est l’ennemi (5 millions d’Afghans vivent en Iran, le film Au pays de nos frères montre bien ce que subissent les réfugiés afghans, voir ici).

Ponctionner les retraités

Le "Conclave" sur les retraites a accouché d’une souris. En réalité, le pouvoir n’a rien à faire de l’avis des syndicats, pas même de celui des citoyens. Les sondages démontrant que les Français étaient contre un départ en retraite à 64 ans, les manifestations gigantesques contre la réforme n’y ont rien fait : début 2023, un passage en force à l’Assemblée Nationale par le 49.3 permettait à la droite d’obtenir ce qu’elle voulait, faire travailler les salariés plus longtemps plutôt que d’envisager d’autres solutions.

Illustration 11

Alors que le premier ministre doit indiquer le 15 juillet comment il envisage de redresser les comptes publics, le CSR (comité de suivi des retraites), comité d’experts placés comme par hasard auprès du chef du gouvernement, a annoncé le 10 juillet que la seule solution pour équilibrer les comptes (déficit annoncé de 6 Md€ en 2030, soit 0,2 % du PIB) c’est de ne pas augmenter les pensions selon l’évolution des prix. Les retraités sont considérés globalement par Bercy comme des nantis, qui ont payé leur baraque (comme si tous étaient propriétaires) et ont une épargne en hausse. Or l’Agirc-Arrco, gérée par les syndicats et le patronat, qui avait un système qui déjà sous-indexait les complémentaires, vient de décider [le 10/07] une augmentation de celles-ci de 5,1 % pour tenir compte des « besoins croissants des aînés » au 1er octobre (paiement le 2 novembre). 

Les têtes d’œufs n’ont pas imaginé qu’une augmentation des cotisations pourrait être une solution. Si le déficit était de 12 Md€ en 2027 (comme annoncé par le gouvernement pour faire peur, alors qu’il ne serait que de 6 Md€ selon les dits-experts), la CGT avait calculé qu’une augmentation de cotisations de 0,8 % [donc 0,4 % si déficit moindre] suffirait à régler le problème (de même qu’une augmentation de salaire de 5 % produit 9 Md€ de cotisations retraite dans le privé). A l'instar de la dette publique qui est plantée dans le décor pour faire épouvantail (alors qu’elle est due aux baisses d’impôts sur les plus riches, sur les entreprises et aux taux pratiqués par les investisseurs, qui prêtent à l’État), le déficit du budget des retraites sert à paniquer les citoyens dont certains gobent le boniment affirmant que les jeunes n’auront pas de retraite.

Illustration 12

S’il fallait démontrer que le débat public est manipulé (les grands médias publics et les privés aux mains de milliardaires), il suffirait de livrer le montant des aides aux entreprises : 211 milliards d’euros en 2023 selon une étude... du Sénat ! La commission d’enquête a eu toutes les peines du monde pour obtenir de Bercy les chiffres (rapport publié le 8/07). Par ailleurs, une note de la Cour des comptes (de juillet 2023) « porte à 260,4 Md€ le soutien financier total » aux entreprises (y compris prêts et report de cotisations). Grignoter une dizaine de milliards sur cette somme pour permettre à de très nombreux êtres humains de vivre mieux en ne s’éreintant pas au turbin jusqu’à 64 ans serait impossible ? Evidemment non, mais la plupart de ceux qui en décident et manipulent le débat sur le sujet non strictement rien à faire du bien-être de leurs concitoyens.

[12 juillet]

Smic allemand

 On sait comment l’Allemagne n’a cessé d’être citée comme modèle par nos économistes de salon, déversant la doxa du Medef, pour inciter les salariés français à faire profil bas. Pascal Perri (LCI), Agnès Verdier-Molinié (Ifrap, institut anti-fonction publique), Dominique Seux (Les Échos et France inter), entre autres, font les yeux doux à l’outre-Rhin : les Allemands travailleraient davantage et seraient moins payés, ce qui expliquerait un gap de compétitivité entre les deux pays. Or, sur le temps de travail, le puissant syndicat IG Metall n’hésite pas à négocier avec succès des réductions importantes du temps de travail. Et sur les salaires, on apprend hier que le Smic allemand va passer de 12,82 € de l’heure à 13,90 € en 2026 et 14,60 en 2027.

Comme il est difficile de faire des comparaisons sur le salaire net, comparons le mensuel brut actuel : en Allemagne, il est de 2221 € avant déductions des impôts et cotisations sociales, en France de 1801 €. Y a pas photos (près de 20 % de différence). Raison pour laquelle des industriels allemands s’implantent parfois en France en invoquant sans barguigner le fait que les salaires sont plus bas dans notre pays. Évidemment, les questions économiques entre l’Allemagne et la France ne se résument pas au montant du salaire : il n’empêche, ça mérite d’être dit.

Illustration 13

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Déjà en 2024 : Statista, montant du salaire minimum mensuel brut dans les pays de l'Union Européenne en 2024 (en euros), extrait.

[2 juillet]

Le « magnifique » projet trumpien consistant à laisser crever les pauvres

L’actualité internationale tourne chaque jour autour des palinodies de Donald Trump qui fait son spectacle. Certains, même à droite, le prennent pour un fou, un malade. Il est vrai qu’il fait beaucoup d’efforts pour nous en convaincre. Si tel était le cas, ce serait tragique. Mais il y a pire encore car il est vraisemblable que son fonctionnement erratique est calculé dans une "stratégie du choc", que Naomie Klein avait déjà bien démontrée dans un ouvrage portant ce titre et sous-titrée "la montée d’un capitalisme du désastre", avec nombre d’exemples sur plus de 600 pages. Sa thèse : les tenants de l’ultra-libéralisme exploitent crises et désastres pour transformer la démocratie en société n’obéissant qu’à la loi du marché et à la barbarie de la spéculation (livre publié en 2008). Aujourd’hui ces ultralibéraux poussent le bouchon plus loin : ils se servaient encore de l’État pour assurer des fonctions de régulation minimale et évidemment le régalien. Le projet de ceux qui grenouillent autour de Trump (dont JD Vance, Peter Thiel, Stephen Miran, Howard Lutnick) consiste à ne retenir que le régalien (armée, police), tout le reste relevant du capitalisme pur et dur, selon un la loi du plus fort.

L’agitation de Trump ou de Musk sautant comme un cabri, et leur supposé divorce, passionnent les médias en continu qui ne disent rien de ce qui se prépare pour le Medicaid. Déjà, silence radio sur la politique de Georgia Meloni envers les plus démunis : on se gargarise du fait qu’elle remet en cause sa volonté d’éloigner les étrangers finalement en acceptant que près d’un million de migrants viennent en Italie. Mais on passe par profits et pertes sa suppression du revenu minimum antipauvreté qui avait été instauré en 2017 qui dès sa création touchait 1,5 million de personnes.

Illustration 14
[Photo YF]

Aux USA, il y a un dispositif pour les personnes âgées, Medicare (qu’on a appelé l’ObamaCare). Un autre pour tous les Américains (1/5ème de la population, 77 millions d’Américains dont, surtout, des enfants, aux femmes enceintes, aux personnes handicapées) qui n’ont aucune assurance et ne peuvent se soigner : Medicaid. Le coût annuel est de 880 milliards de dollars (dont 600 Md$ à la charge de l’État fédéral). Dans son "Grand et Magnifique Projet de Loi" (One Big Beautiful Bill), son projet budgétaire délirant, réduisant les impôts des plus riches (les 1%), pour couvrir les nouvelles dépenses militaires (budget atteignant 1000 Md$) et sécurité nationale aux frontières (350 Md$), Trump veut ponctionner sur Medicaid 880 Md$ sur 10 ans (suite à un amendement durcissant le projet cela irait jusqu’à 1240 Md$ économisés sur la période). Le Sénat a approuvé le projet de Trump lundi dernier, 1er juillet.

Compte tenu des dépenses nouvelles et malgré ces économies sur la santé des Américains les plus pauvres, la dette américaine passerait de 36000 Md$ à 40 000, ce qui montre comment le capitalisme tout en larmoyant sur la dette sait très bien s’en accommoder (en fait en tirer profit puisque les intérêts de la dette sont versés à de gros investisseurs).

[6 juillet]

. Les chroniques déjà publiées sur mon compte Facebook l'ont été à la date indiquée entre crochets.

Billet n° 871

Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Parcours et démarche : ici et "Chroniqueur militant". Et bilan au n° 700 et au  n° 600Le plaisir d'écrire et de faire lien (n° 800).

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