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Billet de blog 24 juillet 2025

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Banalité des crimes contre l’humanité

En bordure de Gaza en feu, des Israéliens admirent l’agonie des Palestiniens. Des propagandistes minimisent le désastre et font ainsi l’apologie de la terreur imposée par le gouvernement d’Israël. La Russie fait preuve d’un cynisme comparable envers l’Ukraine. Georges Ibrahim Abdallah quitte demain sa cellule de prison (rappel de la manifestation du 26 octobre 2024 à Lannemezan).

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Spectacle de Gaza martyrisée et loi du talion

Lucas Minisini, dans Le Monde papier de ce mardi 22 juillet, décrit les Israéliens qui, d’un point dominant à Sdérot, en bordure de la bande de Gaza, assistent sans complexe aux bombardements et livrent leur bonheur de voir des missiles s’abattre sur des Palestiniens. Le lieu est devenu une sorte de mémorial local de l’attaque du Hamas du 7-octobre. Beaucoup de jeunes parmi ces spectateurs, qui sont persuadés que seule une violence extrême parviendra à la libération des 50 otages restants (dont 20 seraient encore vivants). Un jeune juif israélien se moque des 58 000 morts, il ne faut pas lâcher même si cela devait provoquer « des millions » de morts. Cette contemplation compense le fait que les télévisions israéliennes ne montrent pour ainsi dire aucune image de la tragédie vécue à Gaza. Et là, ces jeunes gens, qui pour l’équivalent d’un euro peuvent utiliser des jumelles sur pied, ne voient pas grand-chose sinon des ruines et la fumée des explosions.

La loi du talion disait « tu donneras vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, blessure pour blessure, meurtrissure pour meurtrissure ». Elle est inscrite dans la Bible (code de lois données à Moïse par Dieu) mais est d’origine babylonienne (Code d’Hammurabi). Elle peut paraître violente, mais elle avait pour but ne pas laisser se développer une vendetta meurtrière qui irait bien au-delà du crime d’origine. Accepter des dizaines de milliers de morts et même des millions en rétorsion à l’attaque des assaillants du Hamas (presque tous morts dans l’assaut) qui ont tué 400 militaires et policiers et 800 civils (dont femmes et enfants), Hamas qui invoquait les nombreux morts palestiniens tués antérieurement dans des affrontements avec l’armée israélienne au sein même du territoire de Gaza et dans les territoires occupés de Cisjordanie, c’est donner à la loi du talion une extension qu’elle ne comporte pas. Constater que des jeunes se délectent de voir tout près d’eux non pas des combattants du Hamas mais la population palestinienne tout entière périr dans un massacre qui n’a strictement rien à voir avec les préceptes du judaïsme, est désespérant. Car cette jeunesse est manifestement percluse de haine qui ne s’éteindra pas de si tôt, de même qu’on peut imaginer que les enfants de Gaza qui ne seront pas morts développeront un désir de vengeance bien supérieur à celui qui animait les agresseurs du 7-octobre. Cycle infernal.

Samy Cohen, politiste, spécialiste des questions de défense et de la société israélienne, interviewé par Le Monde de ce 22 juillet (version numérique) reconnaît que Tsahal se venge non pas seulement des victimes du 7-octobre mais aussi d’avoir été incapable de prévenir cette attaque. Israël veut montrer à l’Iran ce dont il est capable et ce sont les civils palestiniens qui en font les frais. Il qualifie de « crime de guerre » les réponses disproportionnées de l’armée israélienne (qui détruit un immeuble entier occupé par 200 personnes, faisant 100 morts, pour toucher un éventuel guetteur sur le toit).

Israël a lancé une nouvelle opération terrestre sur Gaza, 91 morts dans une distribution alimentaire (au total plus de 1000 tués dans ces opérations), abattus par les hommes armés de la société israélo-américaine dite "humanitaire" constituée de mafieux. Les employés de l’Organisation Mondiale de la Santé à Gaza sont arrêtés et humiliés par les militaires israéliens. En France, les médias sont blasés et n'évoquent presque plus les Gazaouis affamés : il faut que des journalistes soient visés pour qu'on s'émeuve, l'AFP déclarant que pour la première fois dans l'histoire des reporters meurent de faim.

J’ai évoqué récemment le bombardement de l’église catholique de la Sainte-Famille de Gaza (condamné par le Pape Léon XIV). Le monde entier en découvrant cette information (trois morts) apprenait qu’il y avait, sur cette terre à très forte majorité musulmane, des chrétiens (3000), aucune information n’ayant indiqué qu’ils étaient victimes de persécution. Tsahal a évidemment dit qu’il y avait à proximité un poste du Hamas et qu’une enquête (dont on n’aura jamais les conclusions) était ordonnée. Occasion de rappeler que douze jours après le début de la guerre, le 19 octobre 2023, une autre église à Gaza, orthodoxe celle-là, Saint-Porphyre (saint qui fut évêque chrétien de Gaza au Vème siècle), avait été bombardée et détruite, faisant 16 morts parmi les centaines de chrétiens qui s’y étaient réfugiés croyant y être en sécurité. L’extrême droite, toujours prête à manipuler la question des Chrétiens d’Orient, s’est bien gardée de commenter.

[22 juillet]

. je ne joins pas de photos pour des questions de copyright (voir sur mon post Facebook les photos significatives de Lucien Lung/Riva Press pour Le Monde ) : ici

Antisémitisme : LFI accusée lors d’une cérémonie officielle

Illustration 1
[Ph. YF]

Le 16-juillet, en mémoire de la rafle du Vel d’Hiv, est journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites du régime du Vichy et d’hommage aux Justes de France. L’événement était célébré à Auch (chef-lieu du Gers) ce dimanche. Comme l’an dernier, devant une assistance clairsemée (outre les officiels, il y avait à peine 30 personnes), la directrice de cabinet du Préfet, Julie David, a prononcé un discours qui rappelle les atrocités commises par le gouvernement de Vichy dont la rafle du Vel d’Hiv, qui « fut menée par des policiers et gendarmes français » et rend hommage aux Justes qui ont pris des risques pour venir en aide et sauver les victimes des rafles pétainistes et nazies.

Auparavant, Jeanne Faruch, du CRIF [Conseil représentatif des institutions juives de France] de Toulouse-Occitanie, avait prononcé un discours qui décrivait ce que fut la rafle du Vel d’Hiv et la déportation de 75000 Juifs vers les camps de la mort. Elle évoquait la tragédie que fut la Shoah et rappelait l’antisémitisme toujours à l’affût, citant les assassinats antisémites de Toulouse et de l’Hyper Cacher en 2015. Puis, à l'instar de son collègue du CRIF, Jean-Luc Halimi, l’an dernier, après avoir dit que l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023 en Israël était « une réplique de la Shoah », elle se lance dans un propos politique accusant un parti d’extrême gauche de France d’avoir diffusé une affiche antisémite d’inspiration nazie. Elle reproche manifestement à La France Insoumise (LFI), sans la nommer, son « fanatisme », et « sa collaboration idéologique à l’islamisme et son apologie régulière du terrorisme islamique », « par idéologie et opportunisme électoral ». La mise en accusation de l’État d’Israël (ici ou là, y compris dans les universités) se retournerait contre les Juifs de France (antisémitisme), mais elle ne dit rien de ce qui provoque une explosion de critiques envers au moins le gouvernement de Nétanyahou (et ses acolytes racistes traitant les Palestiniens d’ « animaux »), qui lamine Gaza, affame ses habitants, bombarde les hôpitaux, tue les journalistes, prend pour cibles les foules regroupées sur les centres d’aide alimentaire. Un discours rappelant la Shoah ne peut faire l’impasse sur ce que, non pas les Juifs, mais un État qui se réclame du judaïsme fait subir à un autre peuple. De ce fait, l’instrumentalisation de la Shoah, tel que cela ressort de cette partie du discours, est ignoble, car il ne fait qu'entretenir ce qu'il affirme pourtant vouloir combattre.

Illustration 2
[Photo YF]

D’autant plus que ce discours se tait sur les très nombreux propos racistes et antisémites tenus, lors des dernières élections législatives par des candidats du Rassemblement National (RN) qui s’est contenté de dire qu’il s’agissait de « brebis galeuses » alors qu’on sait combien l’antisémitisme infuse au sein de ce parti qui en a été porteur ouvertement dès sa création. Il est particulièrement étrange que l’autorité préfectorale accepte que lors d’une telle cérémonie de tels propos, accusateurs, soient tenus, alors même que le parti diffamé n’est l’objet d’aucune poursuite judiciaire officielle.

Elle poursuit son discours sur les ravages de l’antisémitisme qui, selon elle et à raison, « ne s’arrête jamais à des mots, il commence par la stigmatisation, se poursuit par l’exclusion, par la persécution jusqu’à conduire au meurtre » et « il ne s’arrête pas aux Juifs, il commence par eux et détruit inlassablement les fondements de la société ». Elle cite Hannah Arendt. Elle rend hommage aux Justes qui ont, durant la guerre, protégé des Juifs et lit les noms des 33 Justes du Gers.

. voir une de mes chroniques Mémoire de la Shoah et discours anti-gauche dans un billet du 7 août 2024 (ici) et les propos tenus par Jean-Luc Halimi, du CRIF Toulouse-Occitanie lors de la cérémonie de l’an dernier où il avait accusé « un mouvement politique d’extrême-gauche, séditieux, antirépublicain, allié idéologique de l’Islamisme, utilisant la haine obsessionnelle de l’Etat juif comme argument électoral, et constituant un authentique catalyseur d’antisémitisme en France, se retrouve aujourd’hui à la tête d’une coalition présente en force à l’Assemblée Nationale après avoir présenté des candidats antisémites, des fichés S, des apologistes du terrorisme, et des admirateurs du Hamas ». Pour lui, Gaza était « une cause exotique, fantasmée ». Cette négation de ce que subissait déjà l’enclave palestinienne était en réalité une forme d’apologie de la terreur que le gouvernement israélien exerçait sur les Gazaouis.

[20 juillet]

Banalité des crimes contre l’humanité

Hier encore [19/07], comme chaque jour, 31 personnes étaient tuées par des tirs de l’armée israélienne à Gaza près d’un centre de distribution d’aide alimentaire. Le gouvernement israélien, suprémaciste, raciste, affame les Gazaouis puis leur tire dessus quand ils viennent chercher de quoi manger auprès d’une société privée américaine soutenue par Israël. Tsahal et cette société, qui se prétend humanitaire (Gaza Humanitarian Foundation), démentent ces tirs, mais nombreux témoignages les confirment. A chaque fois, démenti ou annonce qu’une enquête va avoir lieu. Sur nos médias télés et radios, qui le plus souvent s’en contentent, cela devient une banalité, l’info est donnée comme si on annonçait un bouchon dans la circulation sur une autoroute. Cependant, à part quelques extrémistes, arabophobes, islamophobes, racistes donc, qui s’en donnent à cœur joie, on a levé le pied sur les accusations d’antisémitisme à l’encontre de quiconque oserait dénoncer les crimes de Nétanyahou. Car nombreux qui ont longtemps considéré qu’après les massacres du Hamas du 7-octobre la riposte d’Israël se justifiait même lorsque l’on a su que cette riposte visait pour l’essentiel des civils, dont femmes, enfants, vieillards, ont fini non pas tellement par protester mais par se taire. Silence également mortel. Soudain, quand une église est touchée sur l’exclave de Gaza (un prêtre touché) alors on assiste à un petit soubresaut dans nos contrées, comme s’il était plus grave de tuer un lieu de culte chrétien qu’une mosquée ou de raser des quartiers entiers, des hôpitaux ou cibler directement des photographes palestiniens, (parce que) seuls à nous informer en images sur l’enfer qui y règne.

Illustration 3
Gaza, le 25 juin, zone de Zikim.

Et en Ukraine, 344 drones (explosifs) et 35 missiles tirés sur l’Ukraine dans la nuit de vendredi à samedi. Là encore, chaque jour, on entend la litanie des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis par l’armée du dictateur du Kremlin. En France, peu de mobilisation en soutien à un peuple qui se défend contre une agression militaire : j’ignore pourquoi une telle frilosité, y compris de la part de mouvements qui défendent d’ordinaire les droits de l’homme. Est-ce parce que les réfugiés ukrainiens ont eu droit à un accueil bien différent de celui réservé d’ordinaire aux autres réfugiés, est-ce par anti-américanisme primaire ? En tout cas, on lit sur les réseaux sociaux quelques commentaires affligeants émanant d’individus qui se disent de gauche, parfois de gauche radicale, qui insultent les autorités ukrainiennes, volent au secours de Poutine, citant dans des argumentaires fumeux des accords (comme ceux de Minsk) sans manifestement les connaître vraiment. Ils n’ont aucun état d’âme face aux bombardements de l’armée russe sur des sites civils, sur des hôpitaux, sur des maternités, sur des écoles, sur des gares (comme celle de Kramatorsk en avril 2022, 61 morts, 121 blessés, dont Yana, 13 ans, les deux jambes sectionnées, cf. documentaire diffusé sur France 5 le 16 février 2025), sur des infrastructures publiques (eau, électricité). Et ils ne disent pas un mot sur les déportations d’enfants qui par milliers sinon dizaines de milliers ont été enlevés et emmenés en Russie pour être adoptés, russifiés, ce qui constitue un crime contre l’humanité, sinon selon certains un génocide (« transfert forcé d’enfants du groupe vers un autre groupe », art. II de la Convention sur le génocide). En France, grande discrétion sur le sujet de la part de ceux qui d’ordinaire cherchent toujours à apitoyer le chaland et faire pleurer dans les chaumières en exploitant les drames vécus par des enfants.

Illustration 4
Attaque massive en Ukraine le 4 juillet

Texte écrit dimanche matin : mais à midi, on apprend qu'une nouvelle frappe, à Gaza, ce dimanche, a fait 57 morts, également près d’un centre de distribution de nourriture. Et toujours ce dimanche, nouvelle attaque de 57 drones et 35 missiles russes sur l’Ukraine. La façon dont on s’accoutume à ces crimes est la pire des choses qui puisse arriver. C’est la victoire des cyniques.

[20 juillet]

Georges Ibrahim Abdallah enfin libéré

Illustration 5
[Photo YF]

Georges Ibrahim Abdallah était en prison en France (à Lannemezan) depuis plus de 40 ans. Non pour avoir tué, mais pour complicité d’assassinat de deux personnages, américain et israélien. Lui-même a toujours nié être l’auteur de ces assassinats (d’ailleurs, dans un cas, les témoins mettaient en cause une femme, précisément décrite). Cependant Abdallah n’a jamais condamné ces actes considérant qu’ils étaient des actes de résistance (les deux victimes étaient partie prenante de la guerre sourde qui se menait dans le secret). La France a toujours refusé de le libérer (12 demandes de libération refusées), se pliant aux pressions qu’exerçaient les USA et Israël, y compris, en leur temps, Valls et Hollande.

Illustration 6
[Ph. YF]

Si la justice a encore tergiversé c’est parce que Abdallah était condamné à verser des indemnités, ce qu’il refusait se déclarant innocent. Finalement, l’avocat a dit qu’il y avait 16 000 euros sur son compte de prison (on lui en réclamait 250 000), sans considérer qu’il s’agissait d’un dédommagement. La justice s’en est enfin contenté : si le parquet fait appel, ce n’est pas suspensif, Georges Ibrahim Abdallah aura déjà rejoint son village du Liban. Il devrait quitter Lannemezan dans les prochains jours, après avoir vidé sa cellule, remplie d’ouvrages et d’affiches [il quitte la prison ce vendredi 25 juillet].

Illustration 7
[Photo YF]

Les juges (cour d’appel) ont considéré qu’à 74 ans, après 41 ans de prison (durée « disproportionnée » par rapport aux crimes commis), il n’était plus un trouble à l’ordre public, par contre le maintenir en prison dans ces conditions constituait un trouble à l’ordre public « en raison des nombreuses et régulières manifestations en sa faveur » [Le Monde, 17/07]. Effectivement, le samedi 26 octobre 2024 (40 ans jour pour jour après son incarcération), plus de 2000 manifestants avaient défilé près de la centrale de Lannemezan (comme chaque année). Voir mon portfolio Prison de Lannemezan : soutien à Georges Ibrahim Abdallah [28 octobre 2024].

[17 juillet]

Illustration 8
[Photo YF]

. Les chroniques déjà publiées sur mon compte Facebook l'ont été à la date indiquée entre crochets.

Billet n° 873

Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Parcours et démarche : ici et "Chroniqueur militant". Et bilan au n° 700 et au  n° 600Le plaisir d'écrire et de faire lien (n° 800).

Contact : yves.faucoup.mediapart@free.fr ; Lien avec ma page Facebook 

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