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Billet de blog 25 novembre 2024

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Protection de l’enfance : chroniques

Le film "Signalements", les mineurs du Nord placés et maltraités, le traitement par la radio publique, les préconisations du CESE, les enfants de la Réunion, de la Creuse et d’ailleurs, le scandale de l’adoption internationale, erreurs sur les bébés secoués, "Manifenfantiste » ou l’élargissement des luttes pour l’enfance en danger, enseignants solidaires des enfants sans-abri…

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

"Signalements" : l’ASE, la justice, la police sur la sellette

En marge de la journée internationale des droits de l’enfant, France 2 a diffusé mercredi soir le film Signalements d’Eric Métayer.

Illustration 1

Laurence (Cécile Bois) se soucie de sa nièce, Karine (la fille du frère de son mari Loïc), elle sent que cette enfant est délaissée, en particulier par sa mère, qui boit et ne manifeste jamais la moindre affection pour sa fille. Elle va en faire un combat : contre son beau-frère, contre son propre mari qui redoute le conflit familial. Elle signale à l’Aide sociale à l’enfance (ASE), à la Justice, en vain. Au début, elle apporte peu d’éléments, elle perçoit certains indices, sans doute sensibilisée par le fait qu’elle a elle-même connu une enfance malheureuse. L’ASE est présentée comme privilégiant à tout crin les parents (« aider les parents à faire leur boulot de parents »). On assiste aux réunions d’équipe qui traitent de dossiers ardus, parfois avec des divergences d’appréciation entre les intervenants sociaux. Le responsable de l’ASE, M. Desprès (Bruno Solo) surfe sur ces situations complexes, noyé par tant de signalements et manquant de moyens pour les traiter (il dit recevoir 80 signalements par mois). Un voisin témoigne que la gamine est « très sexualisée », il entend des cris dans la maison. Les « services sociaux » vont à domicile depuis la naissance de l’enfant : « la mère est volontaire », « la maison est propre », faut leur donner leur chance, on redoute un « conflit de loyauté » de la part de la tante (car ça existe). Laurence écrit au parquet, les parents sont convoqués au commissariat, le père vient seul avec sa fille. L’enfant nie toute maltraitance, Laurence est suspectée par le père d’avoir signalé, Karine ne pourra plus la voir.

Le film s’égrène ainsi avec faits préoccupants, tergiversations, suspicions envers Laurence, qui se voit interdire par la justice tout contact avec sa nièce et même menacée de voir son propre enfant, Tom, placé. Pourtant elle a signalé que Karine est confiée parfois à un homme peu recommandable (qui s’avérera être un pédophile, déjà condamné à 15 ans de prison). Puis on découvre que la mère de l’enfant a tué son premier enfant, à la naissance (Laurence Brunet-Jambu, dans son livre Signalements, publie le dossier judiciaire décrivant ce crime horrible). Malgré ce dossier vraiment lourd pour les parents, la police est agacée par les réclamations de Laurence pourtant justifiées : traitée de « folle » dans les services, elle est convoquée et contrainte d’écrire sous la dictée une lettre dans laquelle elle demande pardon ! Surréaliste et invraisemblable, pourtant cette lettre existe, elle est reproduite dans le livre de Laurence Jambu.

Illustration 2

Ce livre (bien qu’édité originellement chez Ring, maison d’édition douteuse, considérée comme étant d’extrême droite, réédité au Livre de poche) est écrit en collaboration avec Delphine Welter, journaliste qui collabore à Envoyé spécial : ce qui est peu habituel dans ce genre de témoignage, de très nombreux documents (ordonnances, procès-verbaux, certificat médical de complaisance) sont reproduits permettant de confirmer le témoignage de l’autrice et de mesurer combien cette affaire est hors-norme, donnant du grain à moudre aux détracteurs de l’ASE et de la justice. Quand le danger est manifeste, Karine n’est pas confiée à sa tante à la quelle elle est attachée et qui a su être vigilante, mais placée dans un foyer. Il a fallu attendre 3915 jours pour que la vérité soit faite, au tribunal où Karine dit que ses géniteurs l’agressaient trois fois par semaine, et que cela fait trois ans qu’elle le dénonce, sans effet. Le pédophile est condamné à 30 ans de prison, les parents à trois et deux ans, avec du sursis.

Ce film est globalement plutôt bien fait. Le débat qui suit sur France 2, avec Carole Gaessler, est de bon niveau (ont été évoqués le manque de moyens, des places manquantes dans les établissements et familles d’accueil, des salaires non attractifs et donc « un manque de 35000 postes de travailleurs sociaux », une défaillance dans le repérage des maltraitances, mais rien n’a été réellement dit sur le fait que les professionnels constatent une aggravation flagrantes des situations sociales et familiales sans que soit envisagée une réponse politique à cette préoccupante question). Pour ce débat, heureusement, on n’a pas les invités habituels, qui signent l’indigence de rédactions incapables de monter un plateau sans dames patronnesses ou stars en mal de notoriété. On avait une juge des enfants s’expliquant bien, une députée mobilisée sur la protection de l’enfance, une éducatrice spécialisée (malheureusement pas suffisamment percutante), Laurence Brunet-Jambu (maîtrisant très bien le sujet en général, au-delà de ce qu’elle avait vécu : en effet, elle préside la célèbre association Alexis-Danan), et Karine (qui n’a plus de contacts avec ses géniteurs qu’elle refuse de nommer "parents"). Il a été dit que les TISF (techniciennes d’intervention sociale et familiale, ex-travailleuses familiales) qui venaient au domicile de la famille de Karine avaient su, elles, repérer ce qui se passait mais leurs avis n’avaient pas été pris en compte.

Karine a vécu l’enfer, seule Laurence a su la comprendre et la défendre (elle l’a adoptée en 2016). Karine envisage de devenir… éducatrice spécialisée.  

. Cécile Bois a reçu le prix de la meilleure interprétation féminine au Festival de la fiction de La Rochelle en septembre 2024

. en replay jusqu’au 25 mai 2025 : Signalements.

[22 novembre]

L’affaire des mineurs placés et maltraités

Le procès, qui a lieu en ce moment à Châteauroux, juge 19 membres d’une association au nom ronflant (comme tant d’associations plus ou moins bidon), “Enfance et Bien-Être”, sans agrément, qui se voyait confier des mineurs par l’aide sociale à l’enfance (ASE) du Nord et les plaçait dans la Creuse, la Haute-Vienne et en Indre (d’où le lieu du procès). Affaire désespérante : comme s’il ne suffisait pas depuis des années d’assister à une attaque en règle contre l’ASE, bien souvent de façon caricaturale, voilà qu’éclate cette affaire qui a perduré pendant 7 ans, de 2010 à 2017 (jugée 7 ans plus tard) ! Non seulement il y a eu accueil non légal (car la loi exige un agrément qui n’est en principe jamais accordé sur un coin de table) mais encore les enfants ont été maltraités.

Illustration 3
Tribunal de Châteauroux [Photo parue dans HuffingstonPost]

On entend et on lit beaucoup d’approximations sur cette affaire, entre autres une mise en cause générale de l’ASE, comme si l’ASE n’était pas un service, sans personnalité morale, d’un Département. Donc est en cause le Département du Nord, et au sein de ce Département des fonctionnaires dont la responsabilité devrait être recherchée. En effet, outre avoir fonctionné avec des familles d’accueil non agréées ou ayant eu un retrait d’agrément, il est peu probable que ce service n’ait pas eu écho des maltraitances. Etonnant que l’ASE et le Département n’aient pas été convoqués à la barre : ils ont été dans le collimateur des médias, qui n’ont pas envisagé cependant que des juges également auraient peut-être pu s’expliquer car comment ont-ils pu ignorer les conditions de placements de mineurs qu’ils avaient confiés à l’ASE ? Une autre faute grave : les services ASE des départements concernés auraient dû être informés de ces placements ce qui n’a pas été fait. Etonnant aussi que ces départements n’aient pas, au détour de leurs actions, eu connaissance de ces placements clandestins sur leur territoire.

Pour ma part, je suis favorable à ce que les autorités du Nord s’expliquent et rendent des comptes, parce que des jeunes ont souffert d’une carence administrative, et afin que leur comportement inadmissible soit sanctionné et n’entache pas tous les services ASE du pays comme certains s’en délectent actuellement, transformant une grave infraction locale en vérité générale. Déjà en mai, des enfants avaient été trouvés dans des hôtels miteux placés là par les responsables de l’ASE du Nord, éducativement inacceptable et légalement interdit. Ce sont des éducateurs avec le soutien du syndicat SUD qui révélèrent ce fait. Il est insupportable de voir en ce moment des associations dites de défense de l’enfance malheureuse, qui ne font quasiment rien sur le terrain, profiter abusivement de ces révélations pour squatter les médias et même être partie civile au procès. Ce qui compte c'est que les travailleurs sociaux montent au créneau et dénoncent les incohérences dont ils ont connaissance, en invoquant le devoir de dénonciation ou la qualité de lanceur d’alerte : il y a peut-être d’autres cas comparables en France, de traitement de l'administration avec des associations non agréées, non contrôlées, qui nécessitent d’être impérativement révélés. 

Le parquet a requis des peines de prison. Jugement le 18 décembre

. enquête fouillée de Romane Brisard, pour la Cellule investigation de Radio France : ici.

Illustration 4
site de Radio France

et pour Mediapart : ici.

[16 octobre]

Protection de l’enfance : toujours pareil à la radio

La radio de service public (France Inter), décidant d’aborder à midi, la question de la protection de l’enfance, invite une députée (Perrine Goulet, de la Nièvre) et la présidente de la Voix de l’Enfant, Martine Brousse. Malgré la méfiance que j’ai pour ces deux personnalités, les premières réponses à l’interview sont correctes. Perrine Goulet note à juste titre l’aggravation des situations sociales (ce qui est occulté par la plupart des commentateurs), expliquant ainsi en partie la crise de la protection de l’enfance car les effectifs professionnels ne suivent pas. Un responsable d’un lieu d’accueil prend la parole (au téléphone) estimant que ce secteur (600 lieux d’accueil en France) est négligé par les autorités, des conseils départementaux n’accordent pas d’autorisations. Certes c’est certainement un problème mais bien loin de représenter l’ensemble de la protection de l’enfance (c’est un peu comme les Villages d’enfants qui font une pub effrénée, avec stars à l’appui, se permettant sans vergogne de discréditer l’Aide sociale à l’enfance, alors qu’ils ne représentent que 0,4 % des placements).

Illustration 5
Site de France Inter.

Puis Martine Brousse (qui affiche un CV qui fait l’impasse sur son implication jadis dans l’association Enfance et Partage quand sa présidente France Gublin a été mise en cause dans la gestion de son association, accusée de détournements de fonds), qui a longtemps accablé les professionnels, part dans une tirade sur le fait que 20 à 25 % des enfants (placés je pense) seraient abandonnés de fait, ayant pourtant droit à une seconde famille (statistique au doigt mouillé) puis ajoute ce mantra des dames patronnesses : les enfants placés n’auraient pas le droit d’aimer leur famille d’accueil et il serait scandaleusement interdit aux enfants de dire “maman” à leur assistante familiale, par un maintien indéfectible du lien du sang qu’elle combat. 

Ma méfiance pour Perrine Goulet est due au fait qu’elle justifie sa compétence en invoquant avoir été une enfant placée (elle avait visé le poste de secrétaire d’Etat à la protection de l’enfance, elle est présidente de la délégation aux droits des enfants à l'Assemblée Nationale) et qu’elle avait appelé à tirer sur les militants de Greenpeace tentant de pénétrer dans une centrale nucléaire. Là, elle fait une réponse correcte sur les lieux de vie (elle récuse qu’ils puissent être confiés à des sociétés privées comme elle le voit émerger dans son département), mais elle s’insurge contre ce lieu commun de l’interdiction d’aimer qu’évoquait Martine Brousse. Elle affirme par ailleurs que deux collègues députés ne parviennent pas à récupérer leurs neveux et nièces, placés en familles d’accueil ! On ne connait rien de la situation, être député ne suffit pas pour se voir confier un enfant, on ignore en quoi l’ASE serait impliquée, il y a des juges et des avocats qui, si cet accueil est justifié, peuvent obtenir gain de cause. 

Une avocate au téléphone se demande pourquoi l’ASE du Nord est “intouchable” : elle a laissé des mineurs dans des familles non agréées où ils étaient battus. Il est vrai que si c’est confirmé, il y a des comptes à rendre. Enfin, est évoqué la création souhaitable d’un haut-commissariat à l’enfance et à la jeunesse. J’ignore si c’est la forme que cela doit prendre, mais il faudrait que l’Etat ait un organisme de coordination et de contrôle, tout en maintenant décentralisée cette compétence. 

Evidemment, on ne posera pas la question de savoir pourquoi on préfère sur France Inter (ce n’est pas nouveau) réunir de telles invitées mais ni des professionnel.les éducatifs et sociaux, ni des responsables de l’ASE. Bizarre, vous avez dit bizarre. Est-ce qu’on invite sur les plateaux pour causer éducation nationale une association isolée et minoritaire qui prétendrait tenir un discours de référence sur le sujet ? Les enseignants feraient entendre leur protestation... à juste titre.

. replay : ici.

[10 octobre]

Protection de l’enfance : préconisation du CESE

Illustration 6

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) vient de publier un rapport de 104 pages sur la protection de l'enfance : il fait 20 préconisations dont un meilleur encadrement par l'Etat, avec une  autorité nationale de contrôle des structures d’accueil des enfants protégés ayant un droit d’accès à tout moment à ces structures. Il se prononce pour une meilleure attractivité des métiers du secteur, avec davantage de personnels en poste, et moins d'enfants en suivis par professionnel. Il ne prône pas la recentralisation de la protection de l'enfance comme un lobby anti-ASE s'emploie à le réclamer, de façon totalement irresponsable (non réalisable et non conforme à la pertinence d'une action sociale territorialisée).

Je me retrouve plutôt dans l'analyse du CESE. On peut simplement regretter qu'un tel document, sérieux, se contente de dire que selon l'Insee 25 % des SDF seraient d'anciens enfants placés à l'ASE, en renvoyant à un document qui ne le dit pas (par contre l'Insee a effectivement évoqué cette stat mais en étudiant les 905 pages de son document d'enquête on constate que ce chiffre a été abusivement extrapolé, j'y reviendrai). Par ailleurs, le rapport dit que le nombre de mineurs et jeunes majeurs placés a augmenté de 49% en 20 ans. Tout porte à considérer que les situations sociales ne cessent de s’aggraver, notre société va mal : étrangement, ce phénomène est bien mal analysé sinon pas du tout, par les politiques et les médias. YF [texte et photo du siège du CESE mars 2024]

Accès à l'avis (le rapport de 104 pages) et à l'essentiel de l'avis (de deux pages que je reproduis également ci-après) : ici.

[9 octobre]

Illustration 7
Palais d'Iéna, siège du CESE [Photo YF]

Protection de l’enfance en crise  

Tandis qu’une grève a lieu ce mardi 1er octobre dans le secteur social à l’appel des travailleurs sociaux de terrain, plusieurs reportages ces jours-ci font état de la crise qui perdure dans la protection de l’enfance. Jusqu’alors, on pouvait regretter que le sujet fût trop souvent abordé par des documentaires qui cherchent à faire le buzz, avec un tropisme anti-travailleurs sociaux, des people connaissant à peu près rien à la question se livrant à des mises en cause relevant d’une sorte de lobby systématiquement anti-ASE (aide sociale à l’enfance). Là, c’est plus sérieux : le reportage de la cellule d’investigation de Radio France fait froid dans le dos. Comment les responsables de la protection de l’enfance du Nord ont pu laisser cette prise en charge d’enfants par des structures non agréées ?

Arte rend compte d’une manifestation d’éducateurs, d’assistants sociaux et de psychologues à Paris (le 25 septembre), plus ou moins à l’appel des employeurs du secteur.

Enfin, France Bleue a rendu compte de l’action menée hier dans le Doubs où des moyens sont réclamés pour pouvoir exercer correctement la mission de protection. 

L’enquête de Radio France est minutieuse, même si les auteurs tombent un peu facilement dans la facilité, avec cette interview de Lyes Louffok (ancien enfant placé et éducateur) qui répète un fois encore son mantra de renationalisation nécessaire de la protection de l’enfance, façon de botter en touche, car jamais l’Etat ne recentralisera cette mission dévolue depuis 40 ans aux Départements (d’autant plus que lorsqu’il en avait la responsabilité l’Etat n’a pas montré qu’il était plus efficient que les institutions décentralisées). Un système de contrôle permanent par une inspection nationale indépendante serait plus pertinent, sachant que l’action sociale territorialisée, comprenant la protection de l’enfance, a du sens. Radio France avait dans une enquête récente traité de la santé des enfants relevant de l’ASE, plutôt bien faite, mais qui ne citait pas un instant la Protection Maternelle et Infantile (PMI), relevant aussi des Départements, ce qui dénote pour le moins d’une maladresse regrettable.  

. Secrets d’info : Des mineurs placés illégalement par l’Aide sociale à l’enfance

. Reportage Arte : ici.

. A Besançon : France bleue, ici.

[1er octobre]

Les enfants de la Creuse et d’ailleurs

Dans le journal de France Inter ce matin, à 7h38, une « histoire douloureuse de la France d’après-guerre jusqu'aux années 80, les Réunionnais de la Creuse », annonce le journaliste pour évoquer les « 2000 enfants de la DDASS envoyés à 10.000 kilomètres de chez eux pour repeupler la Creuse et d’autres départements menacés par l’exode rural ». Marie-Germaine Périgogne, arrachée aux siens à l’âge de trois ans, confiée à une famille à Guéret, retrouve son identité à 61 ans, alors qu’elle avait été appelée Valérie Andanson et coupée de ses origines. Elle précise qu’elle avait un acte de naissance provisoire mais avait été considérée, et d’autres avec elle, comme étant née sous X. A 16 ans, elle découvre la vérité, et il y a six ans elle engage une action pour retrouver son vrai nom, mais “l’administration résiste”. C’est le garde des sceaux (Dupont-Moretti) qui cette année débloque la situation. Pour Marie-Germaine, c’est “une renaissance” : « l’Etat français a volé notre enfance, mais aussi notre identité, nos racines ». Le sujet de deux minutes se termine en disant que cette affaire « devrait faire jurisprudence pour d’autres enfants de la Creuse ».

Illustration 8

Pourquoi, je reprends cette info ? Parce que le sujet passe un peu vite sur le fait que ces enfants qui étaient exactement au nombre de 1630 se sont retrouvés à Guéret (300), mais aussi dans le Tarn (202), dans le Gers (101, au centre de Saint-Clar), dans l’Hérault (71) et en Lozère (67). On faisait miroiter aux familles un avenir heureux pour leurs enfants (de grandes études), ce qui était un leurre. Mais surtout si la DDASS est citée (il est vrai que les services sociaux ont été sollicités pour procéder aux retraits d’enfants, parfois sur le prétexte que les familles vivaient dans des conditions déplorables), France Inter fait complètement l’impasse sur le fait que l’auteur de cette déportation est Michel Debré, qui fut premier ministre du Général De Gaulle président de la République et un des auteurs de la Constitution de la Vème République. C’est dire si le scandale est de taille : tant qu’il y a des Debré (comme Jean-Louis, le fils, qui fut ministre de l’intérieur), on n’insistera pas trop sur la responsabilité de l’ancien député de la Réunion.

J’ai publié plusieurs articles sur ce drame. Il y a dix ans, j’avais évoqué l’histoire de cette personne qui vient de changer de nom (elle s’était confiée à L’Express) : elle précisait qu’ils étaient 5 frères et sœurs dispatchés sur la Creuse et que l’un d’eux s’était suicidé à 32 ans ne supportant plus cette vie déracinée. 

Pour qui veut creuser le sujet, voir mon article Enfants exilés de la Réunion: où étaient les intellectuels ? Je commentais :

“Ces drames nous enseignent qu'il importe d'être vigilant face aux commentaires irresponsables qui, à l'occasion d'un drame ayant frappé un enfant, partent en campagne contre les services sociaux qui voudraient à tout crin privilégier les liens du sang, et ne retireraient pas assez d'enfants de leur famille. Une telle histoire et les souffrances qu'elle a engendrées nous incite à engager une réflexion sur des valeurs fondamentales qui, à tout moment, peuvent être foulées au pied, en toute bonne conscience, avec les meilleures intentions du monde.”

 . apparemment, en Métropole, seule France Inter a parlé de ce changement de nom. Voir article de la chaine de France Info à La Réunion. 

Ne pas anesthésier notre esprit critique

Un collectif de scientifiques et de juristes (neurologues, de psychologues, de généticiens, d’avocats, résidant aux USA, au Canada, en Australie, en Espagne), avec l’association Adikia (qui lutte contre les accusations rapides de bébé secoué) a publié une tribune dans Le Monde du 2 octobre invitant à ne pas laisser l’émotion anesthésier notre esprit critique, lorsqu’un enfant décède dans des conditions incertaines. C’est le cas de l’accusation selon laquelle des parents se seraient rendus coupables de la mort de leur enfant pour l’avoir secoué, alors que des recherches ont montré que les symptômes constatés peuvent avoir une tout autre cause. Aux USA des innocents se sont retrouvés dans le couloir de la mort, en France des propagandistes cherchant à se faire une notoriété sur la souffrance des enfants ont carrément comptabilisé les bébés secoués dans les infanticides (ils visaient 730 décès par an pour que cela fasse du chiffre et exactement deux infanticides par jour, pour mieux sensibiliser l’opinion, comme si savoir que 70 enfants environ décèdent chaque année du fait de leur famille ne suffisait pas pour se mobiliser contre ce tragique phénomène).   

[8 octobre]

Faut-il recentraliser l’ASE ?

J’ai déjà expliqué que l’Etat ne faisait pas mieux avant la décentralisation, que l’action sociale territoriale a du sens et que la solution est plutôt de mettre en place un dispositif nationale de contrôle efficace afin que chaque Département respecte ses obligations légales en matière de protection de l’enfance. Bonne explication du Média Social. En accès libre : ici.

[20 novembre]

Le scandale de l’adoption internationale   

Illustration 9

Arte a diffusé hier soir un documentaire inédit sur “l’adoption internationale, un scandale planétaire”. Enquête bien faite de Christine Tournadre et Sonia Gonzalez. Rappel des reportages enjoués sur les enfants abandonnés arrivant en France dans les années 1960 aux années 1990, à la grande joie de leurs parents adoptifs. Quelques décennies plus tard, des enfants adoptés ont mené l’enquête et ont découvert que leurs parents ne les avaient pas abandonnés. Ce fut le cas des enfants de Corée du sud (d’après la guerre, parfois avec un père biologique GI), du Chili, sous Pinochet, du Vietnam communiste, de l’Inde de mère Teresa, de Colombie... La loi sur l’IVG, en France, tarissait le nombre d’enfants adoptables, il fallait recourir à l’adoption internationale. Des parents ont été trompés (on leur a annoncé la mort de leur bébé, ou le fait que, placé, il serait en sécurité mais qu’ils pourraient le revoir, alors qu’on l’envoyait à l’étranger en vue d’adoption), des fermes à bébé ont été créées. Bref, un scandale de plus démontré, après La Réunion, l’Irlande, l’Australie, le Canada, la Suisse (les Yéniches)... Le documentaire liste les professionnels qui ont été complices : administrations, juges, travailleurs sociaux, médecins. 

Illustration 10

Les médias qui commentent en France résument le film, sans distance : pour ma part, je pense que ce genre d’enquête met en évidence à juste titre les abus (qui sont vraisemblablement massifs) mais ignore qu’il a pu y avoir des cas d’enfants en souffrance dans leurs familles, ce qui permettait de faire fonctionner le système en le justifiant. Par ailleurs, n’est pas mis en évidence le fait qu’il existe encore ici des lobbys qui cherchent à justifier que l’on place des enfants à tout crin, en les coupant définitivement de leur famille afin qu’ils soient adoptés, accusant quiconque freine des quatre fers d’être “familialiste”, c’est-à-dire privilégiant trop les liens du sang. Un enfant peut très bien être placé, et même adopté, parce qu’il est en grand danger dans sa famille, mais ce sont des cas extrêmes, rares, et cela ne peut pas devenir une politique de l’enfance, sauf à retomber dans les travers terribles d’un passé pas si lointain.   

 . Replay, jusqu’au 17 juin 2025 (1h31) : Un scandale planétaire

[13 novembre]

"Manifenfantiste"

Illustration 11

"Associations, collectifs, personnalités et organisations syndicales, engagés contre les violences faites aux enfants et aux ados appellent à une mobilisation générale le samedi 16 novembre 2024 à 14h à Paris et dans plusieurs villes de France.

Pour les enfants et les ados, nous appelons la société à dire stop aux infanticides, à l’inceste, à la pédocriminalité, à l’exploitation sexuelle, aux mutilations sexuelles, aux maltraitances, au mariage forcé, à la violence éducative ordinaire, aux violences intra-familiales et institutionnelles, aux multiples discriminations et à toutes formes de violences qui leur sont faites."

Suite avec le lien : ici.

Parmi les signataires : la Fondation pour l’enfance, FSU, SUD Solidaires, Nous Toutes, SOS Inceste & Violences Sexuelles, Collectif Enfants Etrangers Citoyens Solidaires /RESF44, Fédération Nationale des Associations des Rééducateurs de l'Éducation Nationale. Beaucoup d'autres dont je ne connais pas la pertinence (j'ignore si Stop Bébé Secoué qui milite contre le SBS est vigilante aussi sur les accusations erronées portées à tort à l'encontre de parents suite à des erreurs de diagnostic). A souhaiter qu'il n'y ait pas d'associations rétrogrades, dames patronnesses. Je relève justement que les associations traditionnelles (Enfance et Partage, L'Enfant bleu, Innocence en danger, La Voix de l'Enfant) qui, souvent, ont cherché la notoriété en mettant en cause publiquement les travailleurs sociaux (dont l'engagement pour la cause est sans commune mesure avec le leur), n'en font pas partie. Mais voilà, ce jour à midi, pour évoquer la journée de l'enfance en danger, le journal de France Inter va interviewer qui ? Enfance et Partage ! C'était pourtant l'occasion d'aller voir du côté de "Manifenfantiste" créé à cette occasion !

Illustration 12

. manifestation à Paris, Marseille, Bordeaux, Lyon, Lille, Toulouse, Avignon, Niort, Guéret, Metz, Rouen, Bellac, Nantes, Reims

Des enseignants déterminés à soutenir leurs élèves sans-abri

Une quarantaine de membres du personnel d’un collège de Strasbourg occupent le bâtiment pour exiger que des solutions soient trouvées pour des élèves sans-abri. Tant que ce genre d’action existera il y aura des raisons d’espérer. Comme les bénévoles des comités d’accueil de migrants sans papiers, ces personnels sont l’honneur du pays. Sur le site de France 3 : ici.

Ces chroniques sont parues sur mon compte Facebook aux dates indiquées entre crochets (ici dans une version parfois complétée).

Billet n° 830

Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Parcours et démarche : ici et "Chroniqueur militant". Et bilan au n° 700 et au  n° 600Le plaisir d'écrire et de faire lien (n° 800).

Contact : yves.faucoup.mediapart@free.fr ; Lien avec ma page Facebook ; Tweeter : @YvesFaucoup

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