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Billet de blog 30 septembre 2025

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Sarko élu en 2007 : « Qui réparera cette injustice ? »

Sarko, dans le JDD, dit qu’il a échoué à la présidentielle de 2012 suite à la publication d'un document de Mediapart : « Qui réparera cette injustice ? », gémit-il.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Nicolas Sarokzy, à la sortie du tribunal jeudi 25 septembre, a fait une déclaration mettant en cause la justice mais, alors qu’il nous a souvent habitué à des expressions vulgaires, à des déroulés d’exposés plus ou moins cohérents, là son propos était manifestement construit : il le scandait, avec des moments de silence pour être plus solennel et peut-être pour ne pas dévier de son fil, c’est-à-dire vraisemblablement un texte écrit d’avance, avec ses avocats.

Carla Bruni, à ses côtés, sapait l’effet qu’il recherchait par ses mimiques qui détonnaient avec les airs compassés des avocats : elle souriait, pouffait presque, peaufinant sans doute son geste révolutionnaire consistant à enlever la bonnette du micro de Mediapart. Ce geste ridicule, infantile, a été cependant loué sur les réseaux sociaux par les thuriféraires de Sarko qui ont vu là un geste « classe », bien dans le style de cette femme hors du commun qu’ils admirent.

Illustration 1
[capture d'écran YF]

Le condamné crie au complot. Il accuse Mediapart d’avoir publié un faux (le document reconnu jusqu’en cassation comme n’étant pas un faux mais considéré par le tribunal qui a condamné Sarkozy comme étant « probablement faux », faute de preuves absolues).

Il affirme qu’il n’y a pas eu de versements libyens pour sa campagne, alors que les juges ont constaté des mouvements de fonds mais disent qu’il n’y a pas de preuves comme quoi le projet attesté de versement à la campagne électorale ait été concrétisé (la nuance, c’est 5 ans de prison pour l’ancien ministre de l’intérieur, la preuve des versements lui aurait valu peut-être dix ans). Mais il n'ose pas poursuivre à nouveau en justice Mediapart, trop craintif que le document soit une nouvelle fois authentifié.

Dans Le Journal Du Dimanche (JDD), le canard d’extrême droite, propriété de son pote Bolloré, où il s’est précipité pour défendre sa cause, Sarkozy déclare que sans ce « faux », il aurait vraisemblablement été élu en 2012, à la place de Hollande (« Qui réparera cette injustice ? », lâche-t-il sans vergogne). En réalité, la question que tous les citoyens sont en droit de se poser est la suivante : dans la mesure où l’infraction commise par Sarkozy (association de malfaiteurs) est antérieure à son élection de mai 2007, puisque le but était de favoriser son élection (en tentant d’obtenir d’une puissance étrangère, d’un dictateur terroriste, un pactole pour payer ses meetings), c’est son élection de 2007 qui n’aurait pas dû avoir lieu : il était alors potentiellement délinquant, méritant cinq ans, soit un quinquennat, en prison (selon le tribunal, car les raisons de la condamnation sont telles que cela justifierait une peine bien plus lourde). Ses saillies et ses lois (réforme des retraites de 2010 portant de 60 à 62 ans le départ en retraite, le traité de Lisbonne qui violait le résultat du référendum de 2005, etc) sont virtuellement nulles. Son élection de 2007 est usurpée : qui réparera cette injustice ?

[28 septembre]

Guéant & Guaino sont dans un bateau…

  Depuis que Nicolas Sarkozy a été condamné à de la prison ferme, les plateaux de télé ne font qu’évoquer le sort de l’ancien président. On entend peut de commentaires sur ses acolytes, Brice Hortefeux (2 ans de prison) et Claude Guéant (6 ans).

  Par contre, on a droit partout aux avis d’un expert : Henri Guaino, ancien conseiller spécial de Nicolas Sarkozy. Il vient gémir, se racle la gorge, bégaye, et prétend que Hortefeux [chargé des collectivités locales] et Guéant négociaient avec Kadhafi, car en politique c’est courant qu’il faille rencontrer des gens horribles, des tueurs pour qu’ils soient moins tueurs. La justice ne devrait pas aller sur un terrain qui ne relève pas de sa compétence. C’est ce qu’il prétendait encore hier sur France 5, dans l’émission C ce soir. Sur ses élucubrations juridiques et sur le contenu du jugement condamnant Sarko, il se faisait remettre à sa place par une constitutionnaliste et un magistrat (secrétaire général adjoint de l’USM).

  Difficile après de telles prestations du conseiller personnel de Sarkozy, qui lui écrivait ses discours et devait bien prendre part à certaines décisions d’importance, d’imaginer qu’il ne savait rien. Est-ce la raison pour laquelle Léa Salamé, le soir de la condamnation lors d’une émission spéciale sur France 2, a interpellé tout de go Henri Guaino en l’appelant Claude Guéant (Guaino a répliqué : « Guéant ce n’est pas moi » et Salamé a piqué son fard). Bon d’accord, entre Gué et Guai, il n’y a qu’un pas, mais il n’est pas impossible que dans l'esprit de l'opinion publique la confusion fasse son chemin.

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Illustration 2

En 2013, lorsque Guaino avait volé au secours de Guéant déjà accusé d'avoir détourné 500.000 euros [extrait photo AFP]

[29 septembre]

Consigny & Djouhri

Depuis longtemps, je me demande ce que fait Charles Consigny dans les débats à la télé comme expert de je ne sais quoi. Pas parce qu’il aurait gagné des élections : candidat LR, il a été battu lors des législatives de juin 2022, dans les Yvelines, avec 12,77 % des voix sans pouvoir se maintenir au second tour. Avec le soutien de Nicolas Sarkozy, il demande à Ciotti de mener la liste LR aux élections européennes de 2024, en vain. Il a soutenu Pécresse en 2022 qui obtient 4,78 % des voix. Je me perds en conjectures : est-ce parce qu’il a revendiqué son homosexualité, ou parce que, lui le moraliste, il a reconnu avoir plongé dans la drogue (la cocaïne). Ou bien parce qu’il est issu d’un milieu aisé, a vécu toute son enfance dans des châteaux, à moins que ce soit pour avoir trôné dans l’émission ONPC de Laurent Ruquier sur France 2, puis Les Grandes gueules sur RMC. Ou parce qu’il est avocat ? : alors qu’il passe plus de temps à palabrer qu’à défendre des justiciables. Il a créé un (mini)cabinet ce qui lui permet de se vanter à l’envi d’être à la tête d’une entreprise et de tellement comprendre les entrepreneurs !

Illustration 3
[capture d'écran YF]

Justement, comme avocat, dans l’affaire du financement libyen de la campagne présidentielle de Sarkozy, il a défendu Alexandre Djouhri, intermédiaire, homme de mains des Chiraquiens puis de Sarkozy. Défendu sans succès puisque Djouhri, reconnu coupable de blanchiment aggravé, de trafic d’influence actif, de corruption et d’association de malfaiteurs, il est le plus gravement condamné : 6 ans de prison ferme, avec incarcération immédiate, et 3 millions d’amende. Le soir même, son avocat, qui n’avait obtenu aucune clémence et qui, à la sortie du tribunal et aussi aux Grandes gueules hier, a cherché à se dédouaner de son échec en accusant démagogiquement les juges d’avoir condamné son client parce qu’arabe, se pavanait sur le plateau de France 5, dans l’émission C ce soir, se comportant comme un petit roquet, coupant la parole aux invités qui soutenaient le jugement rendu par le tribunal correctionnel de Paris. Il résumait l’affaire à « une haine de Fabrice Arfi [Mediapart] contre Sarkozy ». Selon une tactique dans l’air du temps où les racistes, les tricheurs, les corrompus inversent les rôles (trumpisme), il accusait ses interlocuteurs d’être de « mauvaise foi ». Il larmoyait pour son client, « 67 ans, malade, sans casier judiciaire, avec aucun antécédent judiciaire, et qui subit un mandat de dépôt », c’est-à-dire immédiatement incarcéré. Personne ne rappelle sur le plateau que Djouhri a cherché à plusieurs reprises à échapper à la justice française, et a fait l’objet d’un mandat d’arrêt international, ce qui explique sans doute le fait qu’il soit sorti du tribunal avec les menottes dans le dos sous escorte policière.

Je dois avouer que sans réellement me réjouir de son incarcération, je bois du petit lait, car le 14 juin 2014, sur ce blog Social en question, j’avais écrit à propos de Djouhri, un des protagonistes de l’affaire Clearstream, qu’il était « lié au grand banditisme » et qu’il avait été « un petit délinquant de banlieue » (1). Je n’avais rien inventé, je citais Pierre Péan qui, dans La République des mallettes, montrait comment Djouhri avait fait d’Henri Proglio, patron de Véolia puis d’EDF, son larbin (Proglio est le fournisseur de bijoux à Rachida Dati, tant il est vrai que, dans ce monde-là, monsieur, les malversations volent en escadrilles). L’avocat de Djouhri, qui à l’époque était Pierre Cornut-Gentille, un ténor du barreau, qui n’avait pas poursuivi Péan, m’avait intimé l’ordre de retirer ces éléments de phrases sous peine de poursuite. La mort dans l’âme, je les avais retirés n’ayant pas vocation à me retrouver seul devant un tribunal pour accuser un homme qui finalement vient d’être lourdement condamné.  

(1) Voir Que faire des corrompus ?

Illustration 4

. Blast publie en accès libre l'intégralité du jugement Sarkozy du tribunal correctionnel (380 pages) : ici.

[27 septembre]

Victoire & Défaite

Nicolas Sarkozy est condamné pour association de malfaiteurs, « délit contre la nation, contre l’État, contre la République », ce qui lui vaut cinq ans de prison. La droite et l’extrême droite qui larmoient sur le sort du pauvre Sarko s’en prennent à une gauche qui jubilerait de façon indécente. Or la satisfaction qu’on éprouve face à un tel jugement n’est pas une joie démesurée de voir un homme condamné à la prison (qui ne cessait d’accuser la justice d’être trop laxiste), mais une victoire contre les corrompus, les manipulateurs, les tricheurs, les voyous à la tête de l’État qui peuvent être enfin condamnés (même s’il a fallu 18 ans) : le pacte de corruption établi par le jugement prévoyait un versement financier pour la campagne présidentielle de Sarkozy avec pour contrepartie un arrangement judiciaire pour Abdallah Senoussi, proche de Kadhafi, terroriste responsable de l’attentat du DC-10 d’UTA de 1989 sur le Ténéré (qui n’a pas fait seulement 54 morts Français, mais 170 morts) et de l’attentat du Boeing 747 de la Pan Am de 1988 à Lockerbie (dont on ne parle pas mais qui a fait 270 morts).

Mais aussi une défaite, parce qu’au cœur de cette infamie il y avait un chef de l’État prêt à de telles tractations avec un pays étranger, de surcroit dictatorial et terroriste : c’est une honte pour la France, d’avoir eu à sa tête un tel individu. Si l’on pense, comme c’est mon cas, que l’ambiance sociétale délétère dans laquelle se trouve le pays depuis des années c’est en grande partie dû au fait que ceux qui dirigent ne sont pas crédibles, pas légitimes, pas estimables, alors cette condamnation, qui valide toutes les suspicions qu’on pouvait avoir à l’encontre de Sarkozy déjà plusieurs fois condamné, ne fait que nous enfoncer davantage. Comment une société peut tenir avec des "responsables" qui trahissent en permanence les valeurs de la République ? Et, en même temps, l’extrême droite et la droite qui flirte avec elle se vautrent dans les "vérités parallèles" résumant l’affaire à des juges de gauche : il fallait entendre le petit Gauthier Le Bret, "journaliste" animateur sur CNews hier soir : « les juges sont majoritairement de gauche et les médias sont à 90 % de gauche » ! Yves Thréard (Le Figaro), sur BFM, qui a longtemps milité pour une alliance des droites (RN-LR), piquait une colère parce que personne ne montait au créneau dans la classe politique pour contester l’application immédiate de la peine.

Conclusion provisoire : dans l'immédiat, immense satisfaction de voir combien Mediapart (dont Fabrice Arfi et Karl Laske), qui a soulevé l'affaire en documentant cette corruption, est utile face à un droit fondamental en République : le droit de savoir.

[26 septembre]

. Ces chroniques sont parues sur ma page Facebook aux dates indiquées entre crochets.

Billet n° 884

Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Parcours et démarche : ici et "Chroniqueur militant". Et bilan au n° 700 et au  n° 600Le plaisir d'écrire et de faire lien (n° 800).

Contact : yves.faucoup.mediapart@free.fr ; Lien avec ma page Facebook 

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