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Jean-Pierre Filiu, professeur des universités en histoire du Moyen-Orient à Sciences Po (Paris), où il enseigne un cours d’introduction à la question palestinienne, auteur de nombreux ouvrages sur la Palestine, dont le tout dernier s’intitule Comment la Palestine fut perdue et pourquoi Israël n’a pas gagné, a fait le déplacement à Auch, le 26 novembre, en Occitanie, pour présenter son livre et répondre aux questions des 130 personnes qui remplissaient la salle Cuzin.
Jean-Pierre Filiu, qui a une connaissance encyclopédique et du terrain du Moyen-Orient, est un des meilleurs spécialistes de ce qui se passe en ce moment en Israël/Palestine. Il est peu présent sur les plateaux de télévision : pas sûr qu’on tienne à l’inviter, par ailleurs il ne prise pas les faux débats contradictoires. Depuis longtemps, il a exposé ce qu’il faudrait faire : solution à deux États, qui a failli aboutir dans le passé, et qui n’est pas inaccessible si les extrémistes des deux camps cessent d’y faire obstacle. Les fermes à trolls ne se privent pas de l’insulter, il a cessé de répondre à l’accusation d’antisémitisme, d’ailleurs il n’évoque pas ce mot au cours de sa conférence, tant il est instrumentalisé dans le débat public.
Jacques Pimbel, animateur de l’association France Palestine Solidarité dans le Gers, a d’abord précisé que le groupe auscitain s’était créé il y a tout juste dix ans, après un voyage en Palestine. Après l’attaque du Hamas du 7 octobre, que le groupe a condamnée, a été créé à Auch un collectif pour une paix juste et durable, militant pour une solution respectant « les droits de deux peuples dans une même région ». De nombreuses actions ont été menées, rassemblements, informations et distributions de tracts tous les samedis matin place de la Libération, journée musicale avec liaison en direct avec des musiciens palestiniens à Ramallah. Pour ce dixième anniversaire, la présence de Jean-Pierre Filiu s’imposait.
C’est Pascal Pradon, libraire à Auch jusqu’à une période récente, qui a organisé la venue du professeur : il explique que c’était une promesse qu’il avait faite d’inviter un chercheur reconnu sur ce qui se passe au Proche-Orient et il dit combien il est heureux que Jean-Pierre Filiu ait accepté de venir, et que cette conférence se tienne devant une assistance si importante.
Le parcours du professeur est rappelé : il a été diplomate (Jordanie, États-Unis, Syrie, Tunisie), délégué de la Fédération internationale des droits de l’homme au Liban (en pleine guerre civile), conseiller de Pierre Joxe, ministre de l’intérieur, et de Lionel Jospin, premier ministre. Il est également chercheur au Centre de recherches internationales (CERI). Éclectique, il est l’auteur d’une biographie de Jimi Hendrix, d’un roman graphique avec David B. sur les rapports entre les États-Unis et le Moyen-Orient (Les Meilleurs ennemis) et a écrit les paroles d’une chanson de Zebda sur la bande de Gaza, Une vie de moins. Parmi ses nombreuses publications, Histoire de Gaza (2015), s’appuyant sur une documentation exceptionnelle, est le seul ouvrage au monde traitant du sujet. Auparavant, l’historiographie palestinienne, avec l’aval de l’Autorité palestinienne, tenait Gaza à l’écart, ce livre montre, à raison, sa centralité, confirmée par les événements tragiques récents (non traduit en arabe, il devrait l’être prochainement). Enfin, depuis dix ans, il tient sur Le Monde une chronique régulière Un si Proche orient.
Deux peuples au destin intimement lié
Jean-Pierre Filiu rebondit sur cette date anniversaire (les dix ans de l’association locale de France Palestine), le mois de novembre étant historiquement chargé : 1917, déclaration Balfour ; 1947, Plan de partage de la Palestine par l’ONU ; 2004, mort d’Arafat ; 2012, l’ONU accorde le statut d’observateur à l’Etat de Palestine (mais non membre).
La tragédie de Gaza est d’une telle ampleur et dure depuis si longtemps que cela n’a plus aucun sens militaire, géopolitique. Il y a une terre qui n’est pas très vaste, 26 000 km², avec deux peuples. Au terme d’un conflit qui a éclaté depuis plus d’un siècle, il y a clairement un vaincu, et pourtant Israël ne peut être proclamé vainqueur, car la seule victoire serait une solution à deux États. Soit c’est gagnant-gagnant, soit perdant-perdant. On a là le leitmotiv de Filiu, sur lequel il reviendra régulièrement dans son exposé : il s’agit du destin de deux peuples intimement liés. Gager la sécurité d’Israël sur l’écrasement de Gaza c’est non seulement une faute morale mais aussi une erreur stratégique : il n’y aura pas de statu quo pour personne, s’il n’y a pas une paix sur la base de deux États.
Le sionisme chrétien
Tout un chapitre de son dernier livre porte sur le "sionisme chrétien", conception qui au premier abord peut dérouter, mais il livre tout une documentation montrant ce dogme du protestantisme anglo-saxon, s’appuyant sur une prophétie d’Ézéchiel, selon laquelle le salut des Chrétiens dépendra de la restauration du peuple juif sur la terre d’Israël (à ne pas confondre avec le sionisme juif, qui a son histoire propre). Ces sionistes chrétiens non seulement n’ont rien à faire des habitants de cette terre (il n’y a que des étrangers), mais ils sont souvent antisémites. Leur croyance leur dit que le Royaume de Dieu adviendra quand le 7ème cycle (le dernier, en cours) de la prophétie sera atteint avec le retour des Juifs en terre d’Israël. Ensuite les Juifs disparaitront : certains seront exterminés, d’autres se convertiront (1).

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Ce sionisme a précédé le sionisme juif qui est resté longtemps minoritaire. La déclaration d’Arthur Balfour en 1917 (secrétaire d’État britannique aux Affaires étrangères), qui prône l’établissement d’un "foyer national pour le peuple juif", émane d’un homme politique qui croit au sionisme chrétien, et cela va donner des ailes au sionisme juif. Dans ce foyer, les Juifs auront des droits politiques, les autres juste le droit de pratiquer leur religion. Pour le premier ministre britannique de l’époque, Lloyd George, la Bible est un livre de géographie : cette approche irrationnelle, hallucinante, va parasiter tout traitement laïc des relations internationales.
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(1) Dans un billet de blog (ici), le 15 mai 2018, je citais ce pasteur baptiste extrémiste, Robert Jeffress, non seulement présent aux côtés de Donald Trump lors de l’ouverture de l’inauguration de l’ambassade américaine à Jérusalem mais chargé du discours. Or cet évangéliste américain prêche par ailleurs que les Juifs, les Hindouistes, les Musulmans, les Mormons iront tous brûler en enfer, et stigmatise les homosexuels. Quant à la fermeture, elle a été célébrée par un autre pasteur, tout autant extrémiste, qui prétend qu'Hitler était un demi-juif, que les sionistes auraient coopéré avec Hitler et profité de l'Holocauste pour créer Israël.
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Dès 1922, l’alternative est : un ou deux États, un État binational refusé par les deux parties ; deux États, solution d’abord refusée par les Britanniques qui finalement transfèrent le sort de la Palestine aux Nations-Unies. Après la seconde guerre mondiale, les sionistes approuvent, les Arabes refusent et c’est la guerre de 1947, avec la Nakba (la "catastrophe") qui chasse plus de la moitié de la population palestinienne de leurs terres (750 000). Au même moment, les Britanniques organisent la partition de l’Inde [contrairement à la proposition de Gandhi et Nehru d’un État multiconfessionnel] qui aboutit « au plus grand carnage de l’histoire » [un million de victimes, plus de 15 millions de réfugiés, 75000 femmes enlevées et violées].

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Le sionisme chrétien continue à agir : avec Harry Truman, à la tête des États-Unis qui sont les premiers à reconnaître le nouvel État israélien [suivi de très près par… l’URSS]. Truman a des références bibliques qui déroutent les anciens collaborateurs de Roosevelt. Celui qui avait fait larguer deux bombes nucléaires sur le Japon était convaincu d’être le nouveau Cyrus (roi perse de Babylone vénéré par les Chrétiens sionistes car il a autorisé les Juifs à reconstruire le Temple de Jérusalem) : il n’hésita pas en 1953, devant un parterre de dignitaires juifs lors d’un séminaire théologique à New York, à proclamer carrément « Je suis Cyrus ».
Le lobby pro-israélien (formule autorisée aux USA, les lobbys étant légaux) va devenir un groupe de pression ancré sur les sionistes chrétiens de plus en plus puissants sur la scène politique (Jimmy Carter œuvrant pour les Accords de Camp David et Bill Clinton pour les Accords d’Oslo). Ce lobby est pro-occupations, pro-colonisation, pro-annexions, pro-Likoud et anti-Rabin. Benyamin Netanyahou qui a vécu longtemps aux USA a misé sur les sionistes chrétiens. Certains d’entre eux ont vu dans l’assassinat d’Yitzhak Rabin (1995) « la main de Dieu ».
L’arrivée de Trump au pouvoir le 20 janvier prochain est évidemment une menace supplémentaire pour les Palestiniens : son futur secrétaire d’État (affaires étrangères) ne parle jamais de la Cisjordanie mais de la Judée-Samarie, et ne reconnait pas qu’il y a occupation illégale. Le futur titulaire du Pentagone est dans le déni des droits les plus élémentaires des Palestiniens, dans une croyance de l’Armageddon, le combat final entre le Bien et le Mal, véritable machine de guerre pour faire en sorte que les prophéties se réalisent (Armageddon, "Mont Megiddo" en hébreu, situé au nord d’Israël). Netanyahou est, pour eux, trop modéré, ils préfèrent les [suprémacistes et racistes] Smotrich et Ben-Gvir.
Netanyahou a, de façon discontinue, été à la tête de l’État d’Israël pendant 17 ans, bénéficiant du système démocratique israélien (proportionnelle intégrale) favorisant les minorités et donc les extrémistes. Il a choisi les suprémacistes et restera avec eux (il n’a pas d’alternative). Poursuivi dans plusieurs affaires de corruption, de fraude et d’abus de confiance (il est convoqué devant un tribunal le 2 décembre), il est par ailleurs l’objet d’une enquête pour n’avoir pas su protéger les Israéliens dans le massacre du 7 octobre (effondrement historique de la sécurité d’Israël) et est poursuivi par la Cour pénale internationale (CPI) qui a lancé un mandat d’arrêt contre lui. Poursuivre la guerre lui permet d’échapper aux poursuites et à la prison. Et cette guerre qu’il mène relève de la stratégie du fait accompli [c’est tout un chapitre de Comment la Palestine…], qui ne dit jamais l’objectif final, chaque étape devenant un pas irréversible. Que veut faire Israël de Gaza ? Les réponses évasives augurent du pire.
Les Accords d’Abraham réunissaient autour d’Israël des États (Émirats arabes unis, Bahreïn, Soudan, Maroc) dont aucun n’était en guerre avec Israël, sans aucune avancée sur le dossier Palestine. Aujourd’hui, question enterrée. Jean-Pierre Filiu évoque une conversation avec un ancien ambassadeur d’Israël à Paris qui lui a dit qu’Israël pourrait bien planter son drapeau sur Mars, s’il ne fait pas la paix avec les Palestiniens, ça ne lui servira à rien.
Les divisions palestiniennes
Le nationalisme palestinien n’est pas nouveau, les Palestiniens ont un lien organique à la terre. Mais la mise en œuvre de leurs droits a été parasitée par les États arabes (comme l’Arabie saoudite et l’Irak), puis, à l’issue de la Nakba, la disparition de la Palestine est certes le fait d’Israël qui occupe 77 % de la Palestine historique, mais aussi des États arabes, la Jordanie annexe 22 %, et l’Egypte 1 % sur Gaza où elle instaure un gouvernement militaire. Puis c’est Septembre noir en 1970 en Jordanie, les guerres du Liban, le massacre de Tal Zatar en 1976, Sabra et Chatila en 1982, et une guerre directe avec le régime d’Assad en 1983. La Palestine est trop arabe pour que les régimes arabes n’essayent pas de s’en mêler, mais trop palestinienne pour que ces mêmes régimes arabes la soutiennent de manière désintéressée. Aucun État arabe ne s’est engagé de manière efficace pour alléger le calvaire de Gaza.

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Mais les Palestiniens eux-mêmes sont divisés : s’ils vivent une solidarité traditionnelle, elle ne se transforme pas en solidarité politique nationale. C’est cette division qui a donné sa chance au sionisme qui lui, entre les deux guerres, progressait méthodiquement. Si en 1936, une grève générale a été l’expression d’une solidarité réelle, il s’en est suivi une guerre civile intra-palestinienne. Puis, pendant la Seconde guerre mondiale, la division entre deux familles de Jérusalem a été désastreuse. Le Grand Mufti de Jérusalem, titre que lui avaient donné les Britanniques, Mohammed Amin al-Husseini, censé être le chef des Palestiniens, s’est jeté dans les bras d’Adolf Hitler en 1941 (il n’a cependant pas été suivi par les Palestiniens qui étaient aussi nombreux que les Juifs engagés auprès des Alliés. Mais après la Shoah, les Palestiniens n’ont pas de poids face à l’ONU avec un tel chef discrédité, dévalorisé. Il n’a été destitué qu’en 1948. Il avait auparavant refusé le Plan de partage, ce déni va influencer tout une génération divisée, entre Fatah (de Yasser Arafat) et FPLP, jusqu’à ce que l’OLP (Organisation de Libération de la Palestine, qui les regroupe) s’engage en 1988 sur la voie des deux États, ce qui entraînera la polarisation Hamas/OLP. Le Hamas liquide l’OLP à Gaza en 2007, tandis que l’Autorité palestinienne, avec Mahmoud Abbas s’oppose à la levée du blocus qui étrangle pourtant les Palestiniens de Gaza, ce qui finit par faire le jeu du Hamas.
Deux poids deux mesures
Le deux poids deux mesures, consternant, auquel nous assistons aujourd’hui, ne date pas d’hier ou d’avant-hier. Les Arabes de Palestine ont été niés dès le début : Lloyd George et Balfour ne se sont même pas posés la question des Arabes de Palestine, bien que majoritaires. En 1929, lors d’affrontements intercommunautaires qui font autant de morts des deux côtés, le grand Albert Londres ne parle que du massacre des Juifs. Pendant la guerre de 1947, seules les victimes juives sont évoquées dans la presse internationale, le grand Robert Capa photographie les combats mais ne couvre que le versant israélien. Filiu : « ça vire à la schizophrénie quand les mêmes mots ne veulent pas dire la même chose suivant qu’on est en Palestine ou en Ukraine ». Quand Ursula Von der Leyen, au nom de l’Europe mais sans aucun mandat, se rend en Israël le 18 octobre 2023, elle ne se rend pas compte qu’il y a déjà davantage d’enfants tués à Gaza que pendant toute la guerre d’Ukraine. La guerre de Gaza est couverte par les médias occidentaux un peu comme si la guerre d’Ukraine n’était traitée exclusivement qu’à partir de Moscou, par des journalistes escortés par l’armée russe. Tous les médias internationaux refuseraient et on ne comprendrait plus rien de ce qui se passe.
En terminant son intervention, Jean-Pierre Filiu livre un point de vue qui éclaire sa façon douce, lente, mais déterminée de s’exprimer : « on peut parler de ces questions très graves, très bouleversantes, qui n’affectent pas seulement le devenir du Moyen-Orient, qui engage notre humanité, on peut parler de ces sujets de manière apaisée, et même apaisante ».
Il répond ensuite à de nombreuses questions. Il s’explique sur l’Etat binational qui n’est pas la solution, car il est déjà là, avec ses inégalités de droit. La seule solution raisonnable c’est celle à deux États : on s’en est approché en 2001, 2003, sur la "ligne verte" (la ligne de démarcation après la guerre de 1948), avec un corridor entre Gaza et la Cisjordanie, et quartier arabe de Jérusalem, et quelques échanges territoriaux. Il ne manquait que la volonté, comme aujourd’hui, or c’est tout à fait réalisable, malgré les extrémistes des deux camps.
Sur la question des Sunnites et des Chiites, il confie qu’il a connu un Moyen-Orient où on ne savait pas qui était sunnite ou chiite, tant de Chiites étaient mariés à des Sunnites. Les enfants étaient quoi, Sunnites ou Chiites, on n’en savait rien. Les Palestiniens sont surtout Sunnites, mais surtout Palestiniens, parfois Chrétiens. L’Iran soutiendrait les Palestiniens ? C’est ce qui se dit sur des plateaux de télé, mais il ne confirme pas. Ce qui lui revient de Gaza, en ce moment même, c’est que l’Iran n’est nullement populaire. L’Iran se nourrit de la tragédie palestinienne, il cherche à faire en sorte que le Hamas s’acoquine avec Assad. Si l’Iran cherche à faire alliance avec le Hamas c’est parce que c’est le seul allié sunnite que la République islamique a trouvé !
Quand il évoque la dimension proche-orientale du conflit en Ukraine, il veut simplement rappeler le soutien inconditionnel de Poutine pour Assad, et Obama qui a laissé impuni l’utilisation de l’arme chimique (2013) ce qui a conduit Poutine à penser que l’Occident ne bougerait pas, d’où l’annexion de la Crimée (2014). Netanyahou a trouvé plus roué que lui. Poutine tient Netanyahou, qui n’est pas venu en aide à l’Ukraine et ne lui a rien livré. Poutine pourrait empêcher Israël de bombarder en Syrie (pour viser des groupes pro-iraniens, quitte à tuer des soldats syriens), ce qu’il ne fait pas. Les Émirats arables unis, qui faisaient alliance avec Israël sont une "grande lessiveuse" de la mafia russe. Poutine sait qui le soutient, l’Ukraine bien moins.

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Trump affirme vouloir faire la paix ? Rien n’est moins sûr. L’administration Trump est la plus anti-palestinienne qui soit (cf. l’"accord du siècle" Trump-Netanyahou en janvier 2020). La "paix" de Trump sera unilatérale, de ce fait ce ne sera pas une paix. Or dès le 31 décembre 2023, dans Le Monde, Jean-Pierre Filiu avait écrit que « le destin de l’Europe en 2024 se jouera à Gaza ». Même si tout concourt à penser que tout est perdu, « c’est au moment de grande tragédie qu’il faut faire la paix ». Il faut militer pour les deux États, ne pas finasser, il faut les aider les deux, dans une vraie solidarité (en se référant au 1er accord d’Oslo avec reconnaissance mutuelle d’Israël et de l’OLP, il ne s’agit pas de repartir de zéro). Le traumatisme des Israéliens est tel qu’ils veulent la sécurité, or celle-ci ne peut découler que de la paix. Tout ce qui existe comme systèmes de défense en Israël n’a pas empêché le 7-octobre. Jean-Pierre Filiu était récemment en Espagne où l’on s’exprime sur la déshumanisation des uns et des autres dans ce conflit, et où il y a un débat bien plus riche qu’en France sur les solutions à mettre en œuvre.
La paix supposera d’évacuer les colonies, mais en Cisjordanie, 400 000 colons ce sont 100 000 familles israéliennes à déplacer, c’est faisable : Israël n’a pas hésité à faire que deux millions de personnes ont dû se déplacer deux, trois, dix fois au sein de la bande de Gaza !
Sur la Cour internationale de justice, il dit que son avis compte, car le juridique a toute son importance dans un tel contexte. La décision de Trump en 2018 de transférer l’ambassade à Jérusalem, en violation du droit international, n’a été suivie que par la Papouasie-Nouvelle Guinée, le Honduras, le Guatemala et le Kosovo, c’est tout ! La quasi-totalité des autres États n’a pas suivi : preuve que le droit existe. L’Europe s’est fondée sur le droit, sur des normes : sans le droit, c’est l’arbitraire, la loi du plus fort. L’Europe a des moyens de pression : elle est le premier partenaire commercial d’Israël, le premier bailleur de fonds des Palestiniens. Elle doit s’engager.
[commentaires entre crochets, YF]
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. Comment la Palestine fut perdue et pourquoi Israël n’a pas gagné, Histoire d’un conflit (XIXᵉ- XXIᵉsiècle), Seuil, 2024.

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. Histoire de Gaza, Fayard, 2012 et Fayard/Pluriel, 2015 : incontournable pour connaître l’histoire de la bande de Gaza puisque c’est le seul ouvrage sur le sujet. Gaza, et ses 360 km², fut jadis le carrefour des empires, devenue la terre où furent refoulés par Israël les expulsés de 1948, d’où furent évacués les colons israéliens par Tsahal et Sharon en 2005, et où eut lieu aussitôt la victoire du Hamas sur l’OLP.
. Histoire du Moyen-Orient, De 395 à nos jours, Seuil, 2021 et 2023 (avec postface inédite). Dix grands chapitres érudits, des Sassanides au Moyen-Orient d’aujourd’hui en passant par les Abassides, les Ottomans, le génocide arménien, la guerre froide.
. Les Arabes, leur destin et le nôtre, Histoire d’une libération, La Découverte, 2015. Les Arabes ont une "histoire commune" avec l’Europe et la France mais ont aussi leur propre histoire que ce livre parcourt (dont les "Lumières arabes", des révoltes sociales), entre révoltes contre la domination coloniale ou l’oppression des despotes.
. Impossible de lister ici toute la bibliographie de Jean-Pierre Filiu, notons parmi les plus récentes publications : Stupéfiant Moyen-Orient, une histoire de drogue, de pouvoir et de société, Seuil, 2023 ; Algérie, la nouvelle indépendance, Seuil, 2019 ; Main basse sur Israël : Netanyahou et la fin du rêve sioniste, La Découverte, 2019 ; Généraux, gangsters et jihadistes : histoire de la contre-révolution arabe, La Découverte, 2018.
. Un si proche Orient, chronique hebdomadaire sur Le Monde (jusqu’en 2022, il publiait également sur Le Monde, un blog au titre identique : ici).

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Billet n° 831
Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Parcours et démarche : ici et là. "Chroniqueur militant". Et bilan au n° 700 et au n° 600. Le plaisir d'écrire et de faire lien (n° 800).
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