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Billet de blog 24 septembre 2013

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Pere Paolo Dall’Oglio ? Allah maho. (30)

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Qu'est-il advenu au Père Paolo Dall'Oglio, jésuite italien refondateur du monastère catholique syriaque de Mar Moussa, dans le désert du nord de Damas, à côté de Nubuk? 

On nous a dit qu'il était mort   puis que finalement non, il était retenu en otage près de Raqqa suite à un communiqué de l'ASL. J'en parle à un journaliste italien et il me répond simplement: "Il est fort, il reviendra", un ami belge: "Il est vivant c'est sûr c'est une histoire compliquée pour le sortir de là".

Histoire, le mot est laché.

Voilà un homme dont l'histoire est forminable. Un homme qui n'a eu de cesse de précher le dialogue islamo-chrétien en Orient et dont le monastère est la preuve tangible de la réussite locale de son projet.

Tout le monde semblait avoir entendu parler du Père Paolo  dans la communauté chrétienne syrienne et  à ma grande surprise, dans le milieu bédouin aussi. On ne savait pas très bien où il se trouvait, mais on savait parfaitement qu'il y avait un père chrétien qui était allé à Nubuk recruter de la main d'oeuvre pour reconstruire le Monastère. Beaucoup de musulmans continuaient de travailler pour lui au monastère et avec la communauté de moines qui vit à Mar Moussa. 

Maintenant j'ai vu qu'il y a une passerelle avec la montagne pour accèder à Mar Moussa, mais quand j'y suis allée, il fallait s'arrêter au pied de la montagne, en plein désert, à une demie heure de Nubuk (qui n'est déjà pas bien grand). Là, il n'y avait plus rien à part un petit chemin à flanc de rocher, au milieu des rocailles.

Rien comme indication de trajet.

La première fois j'y ai été sur un coup de tête parce qu'on dira ce que l'on voudra mais faire le choix de vivre dans le désert  n'est pas toujours évident et je me posais bien des questions sur mon devenir et celui des miens. Subitement j'ai eu le pressentiment que lui, ce père inconnu (de moi) sur son rocher, pourrait me comprendre. Voire, me conseiller...Après tout, il avait fait les mêmes choix  et nous étions tous les deux des occidentaux d'origine urbaine (il est né à Rome exactement 10 ans avant que je naisse à Paris). Alors j'ai confié les enfants à ma belle soeur, quittée d'un coup le village et je suis partie avec notre pick up sans avoir aucune idée précise.... mais dés que j'ai commencé à demandé "Abou Paolo" du côté de Nubuk, tout le monde savait très bien.

Je devais avoir vraiment une idée fixe parce que je me souviens de m'être dit " alors là c'est au moins aussi paumé que chez nous!" en voyant le chemin se rapprocher de la montagne, sur la route de gravats où mon véhicule bondissait sans cesse. D'ailleurs, je portais une paire de petits chaussons pour salon en cuir, totalement inadaptés au terrain. Des tongs auraient été mieux.

Il a fallut monter pendant un bon 3/4 d'heure. Je pense que j'aurais pu mettre moins, mais avec ma gallabiyé qu'il fallait que je tienne pour ne pas marcher dessus et le fait que je m'arrêtais toutes les 5 minutes pour lever la tête et regarder là haut....C'était somptueux. Accroché à la roche, toute en pierre et en bois, la vue sur le monastère était tellement saisissante qu'à chaque fois je devais me tenir à la paroi du chemin pour ne pas perdre l'équilibre. Un pari de dingue vraiment que d'avoir remis d'aplomb cet endroit. La force du Père Paolo transpirait de l'endroit, la puissance d'une volonté, un visionnaire...

Quand je suis arrivée arprès avoir serpenté entre d'épais murs, j'ai rencontré un jeune homme charmant qui m'a expliqué que le père Paolo était entrain de célébrer la messe quotidienne de trois heures et que j'y étais la bienvenue après avoir fait un tour dans les lieux. Il y avait une tente bédouine immense sur un parvis surplombant le vide et ça m'a fait du bien parce que, n'étant pas spécialement chrétienne, rien ne me parlait vraiment... alors que cette tente....c'était chez moi. "C'est là que nous recevons les groupes de jeunes qui nous rendent visite" m'a expliqué le père. "Nous avons tout le temps des visites et c'est parfois un peu compliqué à gérer car le monastère est loin d'être complètement restauré". Vague geste ver un énorme tas de poutres, de seaux et de pierres stockés dans un coin.

J'ai appris qu'ils étaient un douzaine de moines vivant "à l'année" avec, en plus beaucoup de jeunes novices qui s'installaient pour un temps défini avec le Père Paolo. Des gens du monde entier manifestement.

Ensuite je suis allée à la messe, dans une chapelle minuscule et envahie par un groupe de jeunes syro-italiens (si j'ai bien compris) qui priait avec dévotion bien que les trois heures soient quotidiennes (et incontournables pour eux)

Flash. "Pouf! Je  sais bien que ça les ennuie horriblement  trois heures de messe" me dit plus tard le Père Paolo, hilare" mais je fais exprès tu comprend , c'est très beau ici, alors il ne faudrait pas non plus qu'ils croient que c'est les vacances. L'idée c'est de les déconnecter de leur vie habituelle, pour qu'ils se mettent à reflechir à leur avenir, à celui du monde de demain , à leur foi. Ils sont tout de même les premiers concernés".

Force est de constater, qu'assise sur un coin de tapis, noyée dans les volutes d'encens et les oreilles entrainées dans des chants de toutes origines, j'ai complètement oublié l'inutile...La seule pensée qui se cramponnait à moi devait être la bonne: mon mari, mes enfants, notre construction familiale.

La messe s'est terminée alors que le soir tombait et sans me poser la moindre question, le jeune moine m'a montré une cellule pour dormir "pour après la discussion" car le Père était parti voir le chantier, mais me rencontrerait "avec plaisir" après.

Il a fini par revenir avec toujours cet air jovial et cet oeil narquois posé sur le monde.

Nous avons longuement parlé directement de ce qui m'amenait car, comme je l'ai expliqué, j'avais eu le temps de faire le ménage dans ma tête et il a en conclue que je devais revenir lui présenter mon époux, afin qu'ils parlent entre hommes et mes deux petits (2 ans et 1 an), au monastère , aussitôt que possible.

Après mes reflexes de journaliste ont repris un instant le dessus et j'ai essayé de mieux comprendre sa démarche. Je m'en veux de ne pas avoir tout noté mot à mot mais, d'un autre côté, je n'étais pas là pour ça.  Je n'ai plus que des bribes de phrases dans la tête. Je me souviens qu'il jugeait important que nous revenions à "une foi première", le temps où l'on respecte la croyance pour ce qu'elle est: une croyance et aussi une ligne de vie.Un choix assumé. "C'est un de nos grands points communs avec les musulmans et c'est en revenant à cela que tous nous cohabiterons dans la paix". Je l'entend rire "Allah veut aussi dire Dieu en chrétien, n'en déplaise aux européens!!! Ils n'y connaissent rien alors qu'ici, personne ne l'ignore" - une des remarques les plus pertinentes que j'ai entendu de ma vie sur la problèmatique religieuse de l'Orient, cela dit en passant-

"Je passe pour un dingue aux yeux de beaucoup de gens mais je m'en moque. Un vrai religieux ne peut passer que pour un dingue à notre époque"  "Tu as compris, toi, pour le désert...ça déjà, ça fait du bien".

Nous parlions en anglais , en italien et en français et je me souviens que plus tard , mon mari avait été impressionné par la qualité de son arabe.

Je me suis couchée fort tard cette nuit là, mais c'est totalement revigorée que j'ai redescendu la montagne, à moitié pieds nus.

 "Tu dors, tu repars et tu reviens avec eux" était la consigne

 Ce que je fis, accompagné par mon beau frêre en plus de mon mari et les enfants, car le chemin n'était envisageable pour les garçons que dans les bras d'un adulte. Notre petit groupe fut reçu avec la même simplicité et la même générosité.

Le Père Paolo a longuement discuté avec mon mari, bédouin sunnite, petit fils de cheick et beau frère d'imam. Ils se sont parfaitement entendus et pendant ce temps là, mon beau frère, grandement aidé par mon fils de deux ans (!) filait un coup de main pour les poutres.

"La tente est très intelligement orientée" fut le seul commentaire de mon beau frêre qui avait partagé la cellule d'un jeune moine avec mon ainé.

Le Père Paolo était rentré dans la famille. Mon mari et mon beau frêre l'ont invité à un messef chez nous, tout le monde s'est donné du "Allah mahak" (Dieu avec toi) et nous sommes redescendus vers le pick up, nourrit par la lumière  de cet homme hors du commun.

Le Père Paolo Dall'Oglio a disparu le 29 juillet 2013 alors qu'il était parti négocier, parler, discuter, dialoguer avec un group jihadiste.

Mort, enlevé?

Qu'est-ce qui s'est passé?

"Le problème est que nous n’avons pas d’information."a déclaré le 12 août le P. Ciro Benedettini, directeur adjoint de la salle de presse du Saint-Siège.

Nous sommes à la fin du mois de septembre et l'oeil brillant du Père Paolo ne quitte pas mes pensées.

"Allah Mahak" Père Paolo et tout mon espoir, aussi.

https://www.facebook.com/pourlaveritesurPerePaolo?ref=hl 

Sur cette page, qu'il suffit de "liker" pour en recevoir les notifications, sera fait un suivi presse sur le sujet et elle se propose de mettre en contact tous les gens soucieux du sort de Père Paolo, pour que la mémoire demeure sur cette penible question.

Sur la difficile problématique des chrétiens en Orient, je vous propose de lire cette très interessante reflexion sur la Syrie , écrite par Père Samir  qui est jésuite, tout comme Père Paolo.

Voici donc par étape, ma reflexion commencée 2011

Précédents billets sur le même thème:

Là où j'en suis de ma reflexion...(1)

Là ou j'en suis de ma reflexion...(2)

Là où j'en suis de ma reflexion...(3)

Là où j'en suis de ma reflexion...(4)

Là où j'en suis de ma reflexion...(5)

Là où j'en suis de ma reflexion...(6)

Là où j'en suis de ma reflexion...(7)

Là où j'en suis de ma reflexion...(8)

Là où j'en suis de ma reflexion...(9)

Là où j'en suis de ma reflexion...(10)

Là où j'en suis de ma réflexion (11)

Là où j'en suis de ma reflexion (12)

Là où j'en suis de ma reflexion (13)

Là où j'en suis de ma reflexion (14)

Là où j'en suis de ma reflexion (15)

Là où j'en suis de ma reflexion (16)

Là où j'en suis de ma reflexion (17)

Là où j'en suis de ma reflexion (18)

Là où j'en suis de ma reflexion (19)

Là où j'en suis de ma reflexion (20)

Là où j'en suis de ma reflexion (21)

Là où j'en suis de ma reflexion (22)

Là où j'en suis de ma reflexion (23)

Là où j'en suis de ma reflexion (24)

Là où j'en suis de ma reflexion (25)

Là où j'en suis de ma reflexion (26)

Là où j'en suis de ma reflexion (27)

Là où j'en suis de ma reflexion (28)

Là où j'en suis de ma reflexion (29)

Là où j'en suis de ma reflexion (31)

 ma lette ouverte à Laurent Fabius

+ mes papiers sur la Syrie:

Le dernier billet de la série "Ma Syrie" 

Lien vers "Ma Syrie" (20)

Lien vers "Ma Syrie" (19)

Lien vers "Ma Syrie" (18)

Lien vers "Ma Syrie" (17)

Lien vers "Ma Syrie" (16) 

Lien vers "Ma Syrie" (15)

Lien vers "Ma Syrie" (14) 

Lien vers "Ma Syrie" (13)

Lien vers "Ma Syrie" (12) 

Lien vers "Ma Syrie" (11) 

Lien vers "Ma Syrie (10)

Lien vers "Ma Syrie" (9)

Lien vers "Ma Syrie" (8) (Journée de la femme)

Lien vers "Ma Syrie" (7)

Lien vers "Ma Syrie" (6)

Lien vers "Ma Syrie" (5)

Lien  vers "Ma Syrie" (4)

Lien vers "Ma Syrie" (3)

 Lien vers "Ma Syrie" (2)

Lien vers Ma Syrie (1)

La première partie de mes écrits sur la Syrie, se trouve dans l'édition sur les révolutions dans le monde arabe sous les liens suivants:

(cliquez ici pour avoir accès au huitième article de cette série sur le monde bédouin du centre de la Syrie) C'est dans cet article que j'explique mon désaccord avec l'édition spéciale de  Médiapart et à la suite duquel, je suis revenue sur mon blog....

(cliquez ici pour avoir accès au septième article de cette sériesur le monde bédouin du centre de la Syrie)

(cliquez ici pour avoir accès au sixième article de cette série sur le monde bédouin du centre de la Syrie)

(cliquez ici pour avoir accès au cinquième article de cette série sur le monde bédouin du centre de la Syrie)

(cliquez ici pour avoir accès au quatrième article de cette série sur le monde bédouin du centre de la Syrie)

(Cliquez ici pour avoir accès au troisième article de cette série sur le monde bédouin du centre de la Syrie)

(Cliquez ici pour avoir accès au second article de cette série sur le monde bédouin du centre de la Syrie)

(Cliquez ici pour avoir accès au premier article de cette série sur le monde bédouin du centre de la Syrie)

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