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Le blog de Dominique Coujard

magistrat honoraire
Paris - France
À propos du blog
L'état de sérieux plutôt que l'état d'urgence La situation exceptionnelle provoquée par les assassinats terroristes du 13 novembre 2015 à Paris appelait une réplique du Gouvernement. Pour autant, la1 proclamation de l'état d'urgence est-elle la bonne réponse à cette situation ? Au-delà de l'approbation immédiate de la mesure par une opinion sous le choc, on se doit de répondre à cette question avec quelque recul. Les attentats du 7 janvier 2015 avaient déjà soulevé des inquiétudes graves sur les failles majeures de sécurité du pays. Elles n'ont pas été comblées. La levée de la garde policière postée à proximité de l'hebdomadaire Charlie, intervenue quelques jours à peine avant l'attaque meurtrière, alors que le Gouvernement venait de communiquer sur l'aggravation de la menace terroriste n'a entraîné aucune mise en cause de responsabilité. Au lendemain de l'attaque manquée contre le Thalys, L'annonce du contrôle à quai des billets et des embarquements n'a été suivie d'effet que pendant 8 jours. La mesure, pourtant essentielle, a été abandonnée sans explication. Toute annonce de contrôles « ponctuels », « aléatoires » ou « inopinés » révèle, en réalité, une volonté politique ponctuelle, aléatoire et inopinée. L'élévation du niveau de sécurité publique commande en réalité des contrôles systématiques, permanents et à long terme des lieux de rassemblement, transports en commun, marchés et salles de spectacle, notamment. Les atteintes aux libertés publiques ne sauraient être la mesure de l'efficacité de l'action. En privilégiant des quadrillages automatisés de toute une population, la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement a sous-estimé à tort le renseignement humain ciblé tout en portant une atteinte injustifiée à des libertés essentielles. Le pays doit regarder l'avenir en face et le Gouvernement ne doit pas donner l'impression que les changements d'habitudes quotidiens majeurs que commande la situation sont au-dessus de ses forces. Dans le cas contraire, la proclamation de l'état d'urgence apparaîtrait au mieux, comme un aveu de faiblesse et au pire comme une simple opération de communication. La séparation des pouvoirs est aujourd'hui suspendue et, pour la première fois depuis 1871, les électeurs sont appelés à se prononcer sous un régime d'exception, sans possibilité de débats pré-électoraux satisfaisants. L'idée, exprimée jadis par J-M Le Pen, et, hélas, reprise depuis par Manuel Valls, selon laquelle la sécurité serait la première des libertés publiques est dangereuse et ne saurait valoir justification : les libertés publiques sont indivisibles et l'établissement de priorités entre elles ne prélude qu'à leur démantèlement. Ce n'est pas par des lois d'exception qu'on défend la liberté contre ses ennemis. Les démocraties qui sont tombées dans ce piège n'ont rien gagné en efficacité répressive mais beaucoup perdu en termes de liberté et parfois d'honneur.