Emma Rougegorge (avatar)

Emma Rougegorge

Apprentie de l'écriture

Abonné·e de Mediapart

248 Billets

0 Édition

Billet de blog 22 août 2020

Emma Rougegorge (avatar)

Emma Rougegorge

Apprentie de l'écriture

Abonné·e de Mediapart

♦ Le bLog et moi

4,3,2,1, c'est parti ! À un moment, se posera une question de jurisprudence : l'utilisation de certains faits et gestes de personnages sous pseudonyme est-elle passible de la loi, pour atteinte à la vie privée, ou n'est-ce pas possible du fait même de leur non existence comme personne mais seulement comme personnage ? Cela dit, c'est une fiction et c’est à suivre.

Emma Rougegorge (avatar)

Emma Rougegorge

Apprentie de l'écriture

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1

Maytree 

Un jour, il y a longtemps, les Maytree furent jeunes.
Ils vivaient sur ce qui semble, encore aujourd’hui, la surface même de l’Antiquité :
tout au bout du Cap Cod, le « cap aux morues »,
cette sablonnière minérale exposée aux intempéries.

Annie Dillard, L’amour des Maytree, 2007.

Il a dit ce matin, d’un ton très sérieux, que ma présence lui était insupportable. Ta présence m’est insupportable, c’est ce qu’il a dit et je n’ai pas compris, à tel point que je lui ai même demandé de répéter (ta présence m’est insupportable) et que j’ai mis un long moment à digérer cette phrase. Toute une journée, en fait, une très longue journée, seule dans la maison, à me demander si c’était moi ou ma présence. Il a dit que c’était surtout ma présence mais je crois que c’était quand même un peu moi, le sujet, surtout quand il est monté dormir au grenier. C’était comme le point final. Après, j’ai eu du mal à en sortir quelque chose de positif (partir ou me suicider, par exemple) ou alors peut-être l’écrire, me disais-je, quoique, sur cette question-là, c’est encore le doute. Qu’est-ce que je pourrais bien en dire, à part des clichés sur le monde qui s’écroule et le ciel qui me tombe sur la tête ? Sans compter que lorsque j’écris, je préfère que ce soit drôle.

Dans les trois semaines qui ont suivi, au fil de mes séquences déni-colère-sentiment d’injustice, la référence à ce livre de l’auteure américaine Annie Dillard m’est revenue comme une antienne. Peut-être parce que le lieu est important, même si les Grands Causses ont sans doute peu de rapport avec les dunes du Cap Cod et que je ne saurai jamais décrire aussi bien qu’elle les paysages et la géomorphologie, mon souffle coupé devant les promontoires et la végétation, les alignements d’arbres et les étendues calcaires, non plus que la magie d’aller voir la lune et les étoiles, comme ça, sur un coup de tête, quand tu me prenais la main. Peut-être aussi à cause du personnage de Maytree, de sa légèreté et de son inconséquence, ou tout simplement parce qu’il est parti et que tu m’as déchiré le cœur.

Remarque, il faut bien considérer que Proust s’y est repris à plusieurs fois pour arriver à décrire l’église de Combray ou je ne sais plus quel bouquet d’arbres devant le cimetière. Alors pourquoi ne pas l’écrire, cette histoire, quitte à la romancer un peu ? Si je me remémore un livre culte de l’époque où j’étais jeune, La conjuration des imbéciles de John Kennedy Toole, souvenons-nous qu’il se suicida en 1969 et que sa mère mit plus d’une décennie à faire publier le roman, aux Presses de l’université de Louisiane, avant qu’il n’obtienne le Prix Pulitzer en 1981. Ce pied de nez posthume, comme ils l’écrivent sur Wikipédia, a tout de même de quoi faire réfléchir avant qu’il ne soit trop tard, non ? Dans le livre, Ignatius J. Reilly, sans doute un des personnages les plus cinglés de la littérature, à la fois hypocondriaque et dégoûtant, ne cesse d’entretenir une correspondance assidue avec Myrna Minkoff, une étudiante contestataire qui représente tout ce qu’il abhorre, à la fois d’un point de vue social et politique ou philosophique et religieux, certains critiques estimant toutefois que leur correspondance régulière démontre que, bien que séparés par un continent, la plupart de leurs actions sont vouées à impressionner l’autre.

Donc, pour en revenir aux Maytree, je n’extrairai qu’une seule citation :

À eux deux, ils lisaient dans les trois-cents livres par an. Lui lisait pour apprendre des choses ; elle, pour éprouver des émotions.

Hum, comme tu me l’as fait observer dans l’un de tes derniers sms, il ne faudrait pas non plus que ça ressemble à l’histoire de Vénus et de Mars, cette reconstitution, mais que ce soit bien plus complexe. L’idéal serait que tu viennes en contrepoint, dire que tu n’es pas d’accord et que je me trompe, mais j’ai peu d’espoir d’y arriver.

 A suivre...

Sommaire général

Sommaire de la première partie :

1. Maytree
2. Ce qui veut dire que c'était écrit
3. Alberteins et quelques autres
4. Des tomates et autres considérations 
5. Au bord du fil
6. Confessions de la pigiste
7. Au pire, qu'est-ce qu'on risque ?
8. Hésitation sur le genre (littéraire)
9. Les riches des autres
10. Syndrome de Stockholm ?

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.