Depuis 2006, les gouvernements successifs ont utilisé un stratagème comptable permettant de gonfler artificiellement les différentes dépenses publiques, notamment les dépenses du secteur éducatif pour lequel ce gonflement est le plus important.
Malgré ce qui est apparu comme une officialisation de l’utilisation de ce stratagème – l’étude de l’Institut des politiques publiques (IPP) du 30 juin dernier – il n’y a eu que très peu d’échos sur le sujet, et l’affaire semble être déjà enterrée.
Pourtant, et comme l’a estimé l’IPP, ce stratagème permet aux gouvernements de gonfler le budget complet de l’Education Nationale de plus de 10 milliards d’euros en 2023 (sur 81 milliards), et sa dépense intérieure d’Education, utilisée par l’OCDE pour des comparaisons internationales, à environ 15 Md€.
Ce gonflement fausse toutes comparaisons internationales, et au niveau national permet de servir un récit suivant lequel le système éducatif dysfonctionnerait « malgré les hausses constantes de budgets ». Et de pouvoir ensuite mieux critiquer ce système, non seulement en évacuant le problème supposé de sous-investissement – qui n’existe donc pas officiellement puisqu’il est masqué – et en orientant alors les causes du dysfonctionnement de façon à justifier de réformes tendant à libéraliser ce système.
Autant la DEPP, qui élabore les dépenses d’Education, et l’INSEE, qui relaie ses publications et analyses, sont dans une instrumentalisation passive de ce stratagème – sans jamais mentionner ces gonflements – autant la Cour des Comptes (CC) en fait une instrumentalisation active, car mettant systématiquement en avant ces « dépenses en constantes augmentation » dans ses publications sur le système éducatif, alors qu’elle est parfaitement au courant de ces gonflements.
La plus brillante démonstration de cette instrumentalisation par la CC aura été sa récente publication sur les « dépenses du primaire ».
Pour résumer ce stratagème : les budgets qui sont publiés « pensions incluses », le sont avec des montants que l’on appellera « surcotisations » de pensions, car soit n’ayant absolument rien à voir avec le secteur éducatif, soit, entre autres exemples, étant la conséquence de la paupérisation indiciaire des fonctionnaires en général, de la revalorisation des pensions, des recrutements de contractuels plutôt que des fonctionnaires, etc.
Avec une conséquence autant cynique que paradoxale : plus les enseignants continuent de subir un déclassement salarial, plus les conditions de travail – enseignants et élèves - se dégradent, et plus les surcotisations produites permettent de compenser les sous-investissements correspondants. Même lorsque ces surcotisations sont synonymes d’économies pour l’Etat, à court, moyen et long terme.
Les liens suivants donnent sur un développement des différents points abordés ici, et surtout étayent les mises en cause qui ont été faites, et plus encore. Notamment aussi des debunkings d’ « études » de l’IFRAP, « institut » écouté par certains politiques, et qui aura, comme la Cour des Comptes instrumentalisé ces surcotisations à l’envi, avec d’énormes « erreurs » en sus. La partie sur l’OCDE permet de démontrer qu’elle accepte de la France qu’elle déclare ces surcotisations, alors que cela ne correspond pas du tout à ce qui est officiellement requis, faussant ainsi toutes comparaisons internationales, et ce en connaissance de causes …
Surtout, un élément central sera l’application d’une méthode de calculs permettant d’estimer ces gonflements pour tout type de dépenses d’éducations, dont le budget de l’EN, de 2006 à 2023, permettant ainsi de constater l’ampleur de ces gonflements, et de son évolution …
Lien 1 : un développement sur ces surcotisations avec l’explication du principe du stratagème utilisé permettant de gonfler les dépenses d’Education.
Lien 2 : méthode de calcul permettant l’estimation des surcotisations et des diverses dépenses réelles d’Education.
Lien 3 : le dépense intérieure d’Education (DIE) contient ces surcotisations, mais est analysée et interprétée sans y faire la moindre allusion par la DEPP qui l’élabore, mais aussi l’INSEE.
Lien 4 : L’OCDE, qui pourtant met en avant sa rigueur en toutes circonstances, ainsi que des gages de vérifications et de comparabilité des chiffres utilisés pour l’international, autorise – en toute discrétion – ces gonflements.
Lien 5 : Le budget de l’Education Nationale (CAS inclus) contient ces surcotisations. Ils seront ici corrigés en utilisant les CAS pensions de l’Etat donnés dans les documents budgétaires.
Lien 6 : La Cour des Comptes : instrumentalise systématiquement ces surcotisations dans sa présentation des différentes dépenses du système éducatif, permettant de ainsi d’éluder le problème d’investissement éventuel, et de légitimer les propositions de changements/réforme.
Lien 7 : Gérard Longuet a produit un rapport en 2022, dans le but d’apporter des recommandations pour améliorer l’attractivité du métier d’enseignant, passant aussi par une comparaison avec le système allemand. Les surcotisations, en plus d’une grossière erreur, biaisent les analyses et conclusions de ce rapport.
Liens 8 : L’IFRAP instrumentalise plus encore ces surcotisations dans ses « études » critiques visant le système éducatif public. A ceci se rajoutent les grossières manipulations habituelles, ou « erreurs » volontaires. Partie scindée en deux publications, la première pour les instrumentalisations les plus récents de l’IFRAP sur ce sujet concernant deux de ses articles (2021 et 2022) :
La deuxième partie concerne deux « études » de 2011 et 2013 dont les surcotisations sont là encore instrumentalisées, mais à un niveau moindre. L’essentiel concerne un debunking plus général des manipulations ou erreurs volontaires une fois encore de l’IFRAP.
Lien 9 : un institut nommé « Thomas More » a effectué une étude comparative des systèmes éducatifs français et allemand en 2012. Une « étude » très chiffrées avec quelques calculs d’indicateurs permettant ensuite des comparaisons et analyse. Mais avec une grosse erreur, et l’instrumentalisation de ces surcotisations dont on peut supposer qu’elle n’était pas volontaire.