Le Rassemblement National [RN], ou national-lépénisme, est un mouvement nationaliste, anti-européen, autoritariste, anti-fonction publique et anti-service public, xénophobe, ayant en son sein des adhérents et militants ouvertement racistes ou antisémites. En un mot d’extrême droite quand il ne fraie pas carrément avec l’ultra-droite.

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Aujourd’hui, la gauche c’est le Parti Socialiste, le Parti communiste, les Écologistes et La France Insoumise [LFI], et évidemment toutes celles et ceux qui se reconnaissent dans une approche sociale caractéristique de la gauche sans être encartés. LFI est taxée d’"extrême gauche" par une partie de la droite et par le RN, afin d’entacher ce mouvement du qualificatif "extrême", péjoratif selon elle, surtout quand il est utilisé pour désigner la droite de la droite, car connotant une adhésion à une idéologie fascisante si ce n’est fasciste (raison pour laquelle le RN ne veut pas être considéré comme étant d’"extrême" droite). Pourtant LFI n’est pas d’extrême gauche : pas seulement parce que le mouvement récuse cette qualification, mais parce que son programme, s’il est à gauche de la gauche, n’en est pas moins inscrit dans les institutions en place (souhaiter une 6ème République n’est pas révolutionnaire puisqu’il s’agirait d’y accéder en respectant les lois actuelles de la République) et que son programme n'est en rien attentatoire aux valeurs de la République, bien au contraire. L’extrême gauche ce sont des partis qui aspirent et militent pour un changement d’organisation économique, politique et sociale, même si cela doit passer par une grève et révolte générales, pas par un vote. Dans tous les cas, mettre en balance ces deux "extrêmes" (de droite et de gauche) est profondément ridicule.
Si certains taxent avec insistance LFI d’extrême gauche c’est pour discréditer son programme dont le contenu leur est insupportable, car sa mise en œuvre porterait gravement atteinte à leurs intérêts. Pour enfoncer le clou, l’actualité récente a permis à des politiques et des commentateurs de déverser une hargne d’autant plus "efficace" qu’ils osaient accuser LFI d’être antisémite. Si quelques maladresses ont été commises dans le camp des Insoumis, dans un contexte essentiellement géopolitique, où après les attaques du Hamas, les dirigeants en place en Israël ont décidé d’écraser non pas le Hamas mais le peuple palestinien de Gaza, il n’empêche que des accusations ont fusé totalement injustifiées et manipulées : CNews (toute la bande) s’en est donné à corps joie (j'ai les noms) ; Etienne Gernelle du Point dans l'émission C ce soir sur France 5 le 25 juin qui n’a pas seulement diffamé LFI mais aussi un historien reconnu Vincent Lemire, dont un ouvrage a été assimilé aux Protocoles des Sages de Sion, brûlot antisémite de la police tsariste, plusieurs attaques de Gernelle pouvant justifier des plaintes en diffamation, au point que l’animateur Karim Rissouli l’a mis en garde sur ses propos, qui n’engageait que lui) ; Sylvain Maillard, Renaissance, proclamant LFI « raciste parfois, antisémite toujours ». Impossible de dresser la liste ici, ce serait trop long, mais nombreuses accusations publiques sont passibles des tribunaux.
Accuser LFI d’être antisémite a le mérite de faire d’une pierre plusieurs coups : combattre son projet politique et économique, condamner des adversaires dangereux (LFI mais aussi tout le Nouveau Front Populaire), se donner une vertu à peu de frais d’opposant à l’antisémitisme, fermer les yeux sur le massacre orchestré aux yeux de tous à l’encontre des civils gazaouïs (on approche des 40 000 morts, mais il ne faudrait parler que de la tragédie du 7 octobre), occulter totalement l’islamophobie, bien réelle, dans la société mais aussi et surtout dans certains médias et de la part de nombreux "responsables" politiques, sans que cela ne soit sanctionné. J’ajouterai que cela a pour effet de fragiliser le combat contre l’antisémitisme, en minimisant de fait ce qu’est l’antisémitisme, un peu, mutatis mutandis, comme lorsqu’est proféré à l’encontre d’un adversaire une accusation l’assimilant à un Nazi (point Godwin), façon volontaire ou non de banaliser le nazisme.
Dans ce capharnaüm, il y a la catégorie de ceux qui opposent les "extrêmes" : Éric Dupond-Moretti, Édouard Philippe, Bruno Le Maire, Christophe Béchu, Catherine Vautrin, Olivia Grégoire, Jean-Luc Moudenc (maire de Toulouse), Christelle Morançais (présidente des Pays de la Loire), et tant d’autres, dans une manœuvre confuse qui consiste, finalement, à sauver plus ou moins la mise au RN s’il n’est pas plus dangereux que l’"extrême gauche". Démarche éminemment coupable. Y compris quand il s’agit de renvoyer dos à dos les programmes économiques du RN et du NFP, moyen subtile d’évacuer l’idéologie fondamentalement anti-républicaine du RN, dont la préférence nationale (sur LCI, le 17 juin, l’"économiste" François Lenglet, la "journaliste" Ruth Elkrief, le "philosophe" Pierre-Henri Tavoillot, discouraient pour savoir si une part de préférence nationale ne serait pas justifiée, affichant outre leur cynisme une totale méconnaissance du sujet qu’ils traitaient).
Il est fort possible que parmi les électeurs du RN certains expriment une simple "colère" devant la perte de pouvoir d’achat, comme on ne cesse de nous le répéter. Il est vraisemblable qu’ils ne connaissent pas tous le contenu du programme et de l’idéologie de ce parti qui a longtemps manifesté une virulence à l’encontre des plus pauvres et que je suspecte d’être sur le point de replonger, une fois élu, dans l’agressivité envers celles et ceux qui galèrent car il lui faut bien un bouc émissaire (prémisses d’attaques téléguidées sur la "fraude sociale"). Ce qui est certain est que le racisme qui sert de carburant à ce parti ainsi qu’à Reconquête ne peut être ignoré des électeurs, qui de ce fait choisissent en connaissance de cause de lui accorder leur confiance. En face, il ne suffit pas (comme je le fais) de dénoncer ce racisme délibéré, il faudrait arrêter une stratégie pertinente pour contrer le fait qu’un tiers (1) de la population française choisit ou se contente d’un parti qui érige le rejet de l’autre en programme et jette aux orties les principes républicains.
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. (1) Compte tenu des abstentions, je devrais écrire : 22 %, soit moins du quart de la population (c’est un peu moins effrayant).
[2 juillet]
Voter contre ses convictions...
Si l’on écoute et lit Marc Endeweld, Emmanuel Macron ne serait pas "en même temps", mais bien inscrit lui-même dans une idéologie d’extrême droite. Pourtant, il appelle à faire barrage au Rassemblement National. Sauf qu’il incite dans le même temps des élus macronistes à ne pas se désister, comme l’a révélé Patrick Vignal (Le Monde du 3 juillet). Décidément, il sonnera l'hallali jusqu'à la lie.
Depuis plus de 20 ans, la gauche a beaucoup donné : 2002, 2017, 2022, sans être payée en retour, Chirac et Macron ne tenant aucun compte du fait que leur élection à la présidence (surtout celle de Macron) était due à l’engagement des électeurs de gauche. Aujourd’hui, on voit bien quel est le camp politique le plus responsable, face au risque d’arrivée au pouvoir d’un parti dangereux pour la démocratie et la République. Il va cependant de soi que les leaders de gauche, s’ils ont d’emblée décidé le désistement afin que le candidat RN risquant d’être élu soit plus facilement battu et affirmé qu’aucune voix ne devait aller à l’extrême droite, peuvent difficilement appeler à voter pour un LR non ciottiste ou un Renaissance/Ensemble. Pas seulement parce qu’il est difficile de pousser le sacrifice jusque-là mais aussi parce qu’un tel appel serait par la suite récupéré pour atténuer la contestation de la gauche envers les politiques de droite (c’est ce que les cyniques faisaient semblant de ne pas comprendre quand ils estimaient qu’il ne suffisait pas d’appeler à ne pas voter Marine Le Pen mais exigeaient un appel clair et net en faveur d’Emmanuel Macron). Il n’empêche qu’il importe de trouver le moyen d’inciter les électeurs de gauche à apporter tout de même, dans le secret de l’isoloir, leur vote au candidat de droite resté en lice, sinon les désistements pourraient bien ne pas suffire pour faire barrage au national-lepénisme.
[inédit]
Le Maire Bruno n’est pas que démago !

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Bruno Le Maire était sur France Inter ce matin [1er juillet], il admettait de voter pour les « socio-démocrates » (PS, PC et Verts), mais pas pour La France Insoumise, car « LFI c’est le communautarisme, l’antisémitisme, la violence », « elle attaque la police, les agents de sécurité, elle répand la violence et la haine, et a joué avec l’antisémitisme ». Il ne cesse de répéter que LFI est « un parti qui a défendu l’antisémitisme, ligne rouge de notre République ». Les autres à gauche se sont « acoquinés » avec LFI, il le déplore. « LFI est un danger pour la Nation, comme le RN est un danger pour la République ». « Il y a quelque chose de pourri dans la République, dans la Nation, quand il n’y a plus de valeurs ».
Deux choses :
- L’antisémitisme est effectivement quelque chose de très grave, mais aucun procureur n’a engagé de poursuite contre LFI pour antisémitisme. Donc, si des observateurs (pas tous honnêtes) ont relevé des déclarations de tel ou tel leader de LFI qui posent question, cela ne permet pas d’accuser LFI d’antisémitisme. La manœuvre de Le Maire comme tant d’autres (Etienne Gernelle du Point sombrant dans un délire pur et simple tellement sa haine à l’encontre des Insoumis est viscérale) est une honte, à force d’instrumentaliser l’antisémitisme (c’est-à-dire de s’en servir par pur opportunisme). Il appartient à LFI de porter plainte contre ces assertions prononcées avec beaucoup de légèreté. En vouloir à mort à LFI pour son programme social (qui n’a rien d’extrémiste) ou son soutien aux Palestiniens ne devrait pas autoriser des responsables à diffamer à ce point.
- en 2017 et 2022, Emmanuel Macron est passé au second tour grâce au vote d'électeurs de gauche, dont nombre d'électeurs de la LFI. En conséquence, l'agressivité de Le Maire, si elle n'est pas étonnante, n'en est pas moins indigne.
Lors de sa venue récente dans le Gers pour soutenir le député Renaissance Jean-René Cazeneuve, Bruno Le Maire s’est épanché contre les Insoumis, son obsession, « complices du Hamas », constatant que le peuple est pris en tenaille « entre wokisme et la montée de l’islam radical ». « Accents bardelliens », a commenté Libération, quand le ministre de l’Économie a lancé : « nous sommes le pays de la minijupe, pas celui de la burqua » !
En fait, Le Maire se croit un homme politique important, mais il ne suffit pas de le croire pour l’être. Il susurre ses certitudes, mais n’a pas d’envergure. Je suis persuadé que même dans son camp on le sait. Alors ministre de l’agriculture, il est venu dans le Gers en novembre 2011, avec Nicolas Sarkozy : à Gimont, devant une assemblée triée sur le volet (tandis que les contestataires de gauche étaient repoussés sur les hauteurs de la ville par des gendarmes mobiles bien plus nombreux qu’eux), le chef de l’État avait déversé son mépris à l’encontre des fonctionnaires et des ONG environnementales. Le Maire, flagorneur, avait encensé Sarko, et, démagogue, se vantait d’avoir fait accepter... le foie gras sur le marché allemand. L’assistance constituée de beaucoup d’agriculteurs FNSEA, l’avait ovationné au grand dam de Sarkozy qui avait réclamé qu’on cesse d’applaudir en cours d’intervention [évidemment, je n'étais pas présent, éloigné par la gendarmesque, mais avait suivi la totalité de la vidéo mise en ligne sur le site de l'Elysée, à l'époque, et en avais rendu compte].

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Le Maire est revenu dans le Gers en mai 2018 : là il a déclaré qu’il fallait surveiller l'attribution du RSA, préférant que cette allocation « aille à ceux qui en ont besoin, à ceux qui ne le demandent pas, comme les agriculteurs ». Les agriculteurs de la salle, sans doute pas dupes, sont restés dignes : ils n'ont pas applaudi. Le ministre a ajouté : « Plutôt que de le donner à des gens qui ne le méritent pas forcément ». Après que je l’ai interpellé sur son discours démagogue sur la fraude sociale, il m'a répondu qu’il préférait consacrer l’argent public à pouvoir sauver un malade en fin de vie (1).
Ce matin, le propos haineux de Le Maire à l’encontre de LFI ne pouvait être critiqué par les 5 journalistes "experts" qui suivirent l’intervention du futur ex-ministre de l’Économie, car tous (sauf un qui parle correctement du Nouveau Front Populaire tout en marquant bien sa distance avec Mélenchon) étaient de droite ou pro-RN.
[1er juillet]
. (1) Bruno Le Maire dans le Gers, 18 mai 2018.
. Voir sur ce blog Chroniques du vent mauvais, 28 juin.
Additif le 5 juillet :
Lettre ouverte à un député macroniste
Des personnes s’exprimant au nom du front républicain, appelant à voter pour un député de droite pour que le Rassemblement National ne l’emporte pas, m’ont communiqué la lettre qu’ils et elles adressent au député Jean-René Cazeneuve, ex-député Renaissance du Gers (rapporteur du budget), candidat Ensemble à sa réélection. YF
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Lettre ouverte à M. Jean-René Cazeneuve (ex ou futur député de la première circonscription du Gers) par des électeurices de la 1ʳᵉ circonscription du Gers :
Nous sommes le front républicain
M. Cazeneuve,
Dimanche soir, sans doute, vous serez réélu, devant le candidat du RN. Et vous reprendrez votre siège et le cours de votre vie politique comme si de rien n'était. Ne vous y trompez pas, et que personne ne s'y trompe : le front républicain, c'est nous, la Gauche, et la Gauche de la Gauche, qui lui donnons vie.
Quand vous vous assoirez de nouveau dans l'hémicycle, nous vous rappellerons que les voix qui vous auront permis de le faire, ce sont les voix de celleux que vous et vos partenaires politiques avez traité·es d'antisémites, d'islamo-gauchistes, d'écoterroristes, d'anti-républicains…
Tandis que dans votre camp, on tergiversait, on insistait sur le « ni le Nouveau Front Populaire et ni le RN », sur « pas une voix pour les extrêmes », il n'a pas fallu une heure à gauche pour que soit acté le désistement de nos candidat·es. Quel est ce front républicain dont parlent vos chef.fes, qui n'a de cesse de paver le chemin pour l'extrême droite ? Soudain, Macron se souvient que par deux fois, il fut élu grâce aux voix de la gauche. Soudain Attal prend conscience que les racistes, les sexistes, les antisémites, les homophobes sont bien dans le camp de Bardella. Soudain, vous vous rendez compte que le danger pour votre avenir politique vient de ce camp-là. Vous continuerez à pervertir les mots, à vous les accaparer, mais aujourd'hui, il n'y a plus de doute, le front républicain, c'est nous qui le faisons vivre malgré vous.
Alors, nous qui irons avec la nausée mettre un bulletin avec votre nom dans l'urne dimanche, nous voulons que vous sachiez que ce geste nous coûte, il est douloureux, et nous ne le faisons certainement pas parce que nous avons confiance en vous. Nous le faisons en conscience parce qu'avec vous le pire n'est jamais sûr, avec le RN, nous sommes sûr·es du pire.
La République ce sont des droits égaux pour tous si possible dans l'équité. En vous attaquant comme vous l'avez fait depuis des années aux services publics de la santé et de l'éducation, de l'information, aux droits à la retraite, aux droits des chômeurs et chômeuses, à nos droits d'assurés sociaux, en favorisant systématiquement le grand patronat et les ultra-riches, en désignant des boucs émissaires, vous avez systématiquement piétiné cette égalité dans l'équité et vous avez largement contribué à l'ascension de l'extrême droite. Aujourd'hui, vous avez peur de son accession au pouvoir, votre chance c'est que nous, nous avons conscience du danger réel qu'elle représente.
Premiers et premières signataires :
Jean Lantaron, Penda Houzangbe, Isabelle Derive, Juliette Colin, Juliette Polya-Somogyi, Danielle Pautal ,Véronique Klotz, Marie Héléne Mauco, Fritz Sameh, Sabine Soudin, Françoise Dubos, Patrick Adda, Aurélie Farhi, Jean-Luc Galvan, Patrick, Fabienne, Sacha Henry, Lucie Thibault, Coralie, Ann-Abel Hemery, Marie Eve Calvès, Gabriel, Yves Faucoup, Max Richard, Wiart Pierre, Romain Clauzet, Benoit Duret, Patricia Riolet, Autefage, Sébastien Lacoste (conseiller municipal de la ville d'Auch, groupe auscitain.nes, solidaires et responsables), la CGT éduc’action du Gers, Pascal Pradon, Isabelle Larée, Katy Gauze, Élisée Lasserre, Mariama, Emmanuelle Charrier, Renée Serant, Raphaël Martinez, Maritxu Larroque, Laetitia Larroque, Salomé Saint Martin, Servane Guittier, Saux Christine, Julien Dedieu, Gaston Manceau, Sylvie Denis, Vincent, Michel Sidaoui, Antoine Manceau, Jean-Baptiste Portet, Bertrand Maroux, Chantal Collat, Nicolas Petit, Agnès Méric, Paul-Henri Méric, Anne Sabatini, Hélène Gontaud, Juliette Ghysel, Lucie Juston, Cathie Fourcade, Nathalie Cuello, Marie-Paule Seaume, Audrey Hélius, Jean-Michel Espinasse, Marie-Christine Mercier…
Pour se joindre aux signataires : lettre.ouverte.cazeneuve@gmail.com

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Billet n° 811
Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Parcours et démarche : ici et là. "Chroniqueur militant". Et bilan au n° 700 et au n° 600. Le plaisir d'écrire et de faire lien (n° 800).
Contact : yves.faucoup.mediapart@free.fr ; Lien avec ma page Facebook ; Tweeter : @YvesFaucoup