Médiocrité des polémistes anti-Mediapart
Alors que le problème de l’heure est le fait que Marine Le Pen leader du parti d’extrême droite Rassemblement National (RN) court le risque de ne pouvoir être candidate à la présidentielle de 2027, cette droite extrême trouve judicieux de s’en prendre… à Edwy Plenel et à Mediapart. En effet, un dénommé Gilles Gaetner, qui a travaillé dans des canards comme Le Point et Valeurs actuelles et collabore aujourd’hui à Atlantico, média en ligne bien marqué à droite, son directeur Jean-Sébastien Ferjoux, pontifiant chez CNews (à se demander si Atlantico n’existe pas juste pour permettre à son directeur d’avoir son rond de serviette dans cette chaîne d’extrême droite), Gilles Gaetner, donc, publie un livre sur le co-fondateur et ancien directeur de Mediapart : Pour qui roule Mediapart ? La face cachée d’Edwy Plenel.
C’est ainsi que Le Figaro magazine publie le 4-5 avril une interview de Gaetner par Guillaume Roquette (journaliste de la droite extrême, pilier de LCI, ancien patron de la rédaction de Valeurs actuelles, fleuron de la presse écrite d’extrême droite en France), interview suivie de quatre pages de "bonnes feuilles", en réalité de déversement d’affaires déjà largement publiées, sassées et ressassées, approximatives, souvent fausses. La niaque de Plenel insupporte les conservateurs et surtout ceux et celles qui sont visées par les enquêtes fouillées, pertinentes, exceptionnelles de Mediapart, alors ils lâchent les chiens, pas des molosses, des petits toutous ayant la voix de son maitre, répétant ce que FOG (Franz-Olivier Giesbert), proclame tous azimuts. FOG, dans La Revue des Deux-mondes dirigée par son épouse, Valérie Toranian, avait déversé sa bile à l’encontre d’Edwy Plenel en 2021, après que Michel Onfray l’ait fait trois ans plus tôt.
FOG, surnommé le bouffon du PAF, éprouve et exprime depuis longtemps une haine viscérale à l’encontre de l’ancien directeur de Mediapart, lui reprochant sa « moraline », c’est-à-dire le fait qu’il professe un journalisme défendant des valeurs morales, de transparence, de dénonciation de la corruption et des magouilles de tous ordres, et qu’il revendique un devoir public de rendre public ce qui concerne au premier chef le public. Le Point, où FOG a sévi et où il sévit encore avec des éditoriaux démagogues, suffisants, narcissiques, publie aussi l’enquête de l’année (sur le livre de Gaetner), faisant des plats sur des révélations qui n’en sont pas. L’article est écrit par Géraldine Woessner, qui chronique sur Europe 1 et sur CNews, connue pour ses positions droitières y compris sur l’environnement : affirmant que derrière « le mythe d’Edwy Plenel » il y a « les failles d’un journalisme de combat », elle révèle d’emblée que Gaetner, « l’enquêteur chevronné », est… « abonné à Mediapart » !
Europe 1, de la galaxie Bolloré comme Fayard qui édite Gilles Gaetner, a interviewé ce dernier le 5 avril : c’est Pascale de la Tour du Pin qui posait les questions tendancieuses et l’autre répondait, dévoilant à l’oral la pauvreté de ses accusations (sur le 7-octobre en Israël, manifestement il ne sait ni ce qui s’est passé réellement ce jour-là, ni ce que Mediapart en a dit). Il bégaye que Mediapart valorise ce qui est anticolonial (en faisant un lien avec le fait que le père de Plenel était recteur en Martinique, sanctionné pour s’être engagé dans l’anticolonialisme) tout en admettant soudain que ce que dit Mediapart sur le colonialisme… n’est pas contestable !

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La chroniqueuse Sarah Saldmann, qui est sur cette radio et CNews juste pour faire de la provocation, s’offusque que Mediapart appelle ses lecteurs à fournir des informations et des documents pour étayer ses enquêtes et ses dossiers. Elle ne trouve rien de mieux que de considérer que « cela rappelle la période de l’Occupation », sur quoi Gaetner enchaîne : « la transparence ça rappelle la méthode soviétique qui envoyait [les dissidents] à l’abattoir ». Il n’a pas interviewé Edwy Plenel, il a eu trop peur que ce dernier lui déconseille d’écrire son livre. A La Tour du Pin qui lui demande s’il craint des représailles, il admet qu’il a pu dans sa carrière écrire « des papiers pas bons, truffés d’erreurs » mais là « ça méritait un tour d’horizon de Mediapart » ! Franchement, c’est assez désopilant de constater combien l’extrême droite est bien mal armée pour mener ses combats. C’est un peu l’espoir qu’on est en droit de formuler, à savoir : comment cette droite extrême peut-elle réellement gagner la bataille culturelle en s’appuyant sur des collaborateurs faisant preuve d’une telle médiocrité ?
[7 avril]
Comme il fallait s’y attendre, j’ai eu droit à un commentaire accusant Plenel d’avoir « fait ami-ami avec les islamistes, notamment Tarik Ramadan ». J’ai répondu :
J'ignore si vous êtes de bonne foi ou si vous vous contentez, en connaissance de cause, de ressasser la propagande des polémistes qui ne supportent pas Plenel et Mediapart, dont l'efficacité et la qualité des informations ne sont plus à démontrer. Le reproche fait à Edwy Plenel d'avoir eu des liens avec Tariq Ramadan est ridicule : il s’est trouvé seulement deux fois dans une tribune avec lui (une fois d’ailleurs en visio-conférence), il n'était en rien responsable des invitations, et à une époque où Ramadan n'était pas pénalement mis en cause, il ne le cite jamais dans son livre Pour les musulmans (mais les détracteurs de Plenel ne l'ont certainement pas lu), il ne l’a jamais invité à Mediapart, rare media sinon le seul qui a consacré 5 articles critiques sur l’islamologue. Comme je le dis dans mon post, le plus accusateur contre Plenel est le farfelu du PAF, Franz-Olivier Giesbert qui, lui, a régulièrement invité Ramadan dans ses émissions racoleuses. Sans que personne ne lui en fasse grief.
RN : le bordel à l’Assemblée !
Hier [1er avril], à l’Assemblée Nationale, Jean-Philippe Tanguy a prononcé un discours en hurlant. Certes, il avait une cravate mais ce député que le parti d’extrême-droite met souvent en avant pour tenter de montrer qu’il a des élus pondérés, n’a pas hésité à bordéliser l’Assemblée. Pendant ce temps, sa patronne, derrière lui, l’écoutait à moitié pianotant tranquillement son smartphone.

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[2 avril]
L’extrême-droite française en Israël
Comme on le sait, Israël organisait à Jérusalem le 27 mars une conférence sur l’antisémitisme, à l’initiative d’un ministre chargé de la diaspora, Amichai Chikli, un des pires ministres de Netanyahou qui a appelé au nettoyage ethnique à Gaza et à la recolonisation de l’enclave. Il cherche à se faire un nom en courtisan les extrêmes droites des autres pays c’est pourquoi il a invité Jordan Bardella et Marion Maréchal Le Pen, qui, on s'en serait douté, ne trouvent rien à redire à son programme raciste. Tout de même, cela a entraîné un certain nombre de défections parmi les délégations d’institutions juives étrangères ne voulant pas être associées à ces deux représentants de l’extrême droite française, dont les origines antisémites sont bien connues, et alors même que ces institutions sont traditionnalistes et soutiennent la politique de Netanyahou.

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Si cette conférence a été un échec, il n’empêche que le Likoud (parti d'extrême droite) ne craint pas de se rapprocher des "Patriotes pour l’Europe" comme observateur au Parlement européen, alors que ce mouvement réunit en son sein des partis antisémites et néonazis (dont le FPÖ autrichien et l'AfD allemand). Un universitaire de l’université hébraïque de Jérusalem, cité dans Le Monde du 28 mars, écrit dans Haaretz : « Combattre l’antisémitisme en attisant la haine contre un autre groupe [les musulmans] n’est pas la bonne solution, et les juifs pourraient payer le prix d’une telle politique xénophobe menée par un ministre israélien. »
Marion Maréchal-Le Pen était hier sur LCI, interviewée par un Darius Rochebin conciliant sinon énamouré devant son débit, après qu’il ait malmené Lionel Jospin, apparemment stupéfait et tremblant devant le culot de l’intervieweur. L’héritière vantait sa famille qui, selon elle, a su troubler « depuis des décennies » le marigot du centre droit et centre gauche qui se partageait le pouvoir. En Israël, elle était aux côtés d’Arno Klarsfeld (très droitier, anti-palestinien, ancien soldat de Tsahal, sans doute pas étranger au revirement de son père qui vante aujourd’hui l’extrême droite française). A la télévision israélienne, elle a défendu sans vergogne son grand-père (raciste, antisémite) qui, selon elle, textuellement, s’il avait été écouté face à l’immigration, il y aurait moins d’antisémitisme en France !
De son côté, Jordan Bardella, qui interrogé sur le fondateur du Front National en novembre 2023 avait affirmé qu'il n'était pas antisémite, a déambulé en Israël en présence de l’ex-député français Meyer Habib, visé par une enquête pour détournement de fonds publics, ami intime de Netanyahou et propagandiste en France des thèses suprémacistes des ultras Israéliens, a déclaré à l’aéropage qui l’entourait : « vous avez les mêmes ennemis que nous ».
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. Photo Jack Guez/AP : Le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, accueilli par le ministre israélien des affaires de la diaspora, Amichai Chikli, lors d’une visite au mémorial des victimes et des otages des attentats du Hamas du 7 octobre 2023, près du kibboutz Réim, en Israël, le 26 mars 2025.
[2 avril]
Fréquentations de Bardella en Israël

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On se souvient de la guerre de Yougoslavie, et ce déchirement des peuples après la chute du Mur de Berlin : les nationalismes exacerbés commettaient les pires crimes. Les choses se sont apaisées mais les tensions demeurent et tout peut s'enflammer à la moindre étincelle. Entre Serbie et Croatie indépendante, la Bosnie-Herzégovine est morcelée avec, en enclave, la République serbe de Bosnie où résident une majorité de Serbes. C'est sur ce territoire que se produisit le massacre de Srebrenica, considéré comme un génocide car les Serbes exécutèrent délibérément 8000 Bosniaques (musulmans) sans raison sinon qu'ils étaient bosniaques. Le chef de cette entité des Serbes de Bosnie, basée à Banja Luka, se nomme Milorad Dodik : il a décidé de ne pas laisser les policiers et la justice de l'Etat de Bosnie-Herzégovine pénétrer sur l'entité (en jaune sur la carte) et a promu une série d’actions sécessionnistes.

De ce fait, la Cour d'Etat de Sarajevo, dont l'autorité sur cette zone est reconnue par l'ONU, a lancé un mandat d'arrêt international contre lui. Que pensez-vous qu'il fit devant cette adversité ? Et bien il s'est rendu en Israël, pour assister à la fameuse conférence sur l'antisémitisme, reçu avec tous les honneurs, par les autorités israéliennes qui commettent tous les jours des crimes contre l'humanité (sinon un génocide) à Gaza. Et parmi ceux qui lui ont fait bon accueil : Jordan Bardella que ces mêmes autorités israéliennes ont considéré qu'il était habilité à se pavaner dans cette conférence (boycotté par beaucoup de Juifs de par le monde à cause de cette présence), malgré tant d'expressions racistes et antisémites au sein de son parti, et le négationnisme du clan Le Pen considérant que le Menhir, récemment décédé, n'avait pas été antisémite.
Ensuite, Milorad Dodik s’est rendu tranquillement à Moscou. Poutine est sensible envers ceux qui font l'objet d'un mandat d'arrêt pour crimes de guerre, il se sent moins seul.
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. Photo Léo Correa/AP : Milorad Dodik avec Jordan Bardella (à gauche), le président du Rassemblement national, lors d’une conférence sur l’antisémitisme, à Jérusalem, le 27 mars 2025
[7 avril]
. Vincent Jarousseau, photojournaliste, documentariste, auteur de Dans les âmes et dans les urnes (2025, Les Arènes) qui est venu à Auch (Gers) présenter à la Librairie Les Petits Papiers son enquête dans laquelle il rend compte de ses rencontres et échanges avec des électeurs de Rassemblement National à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), à Hayange (Moselle) et à Beaucaire (Gard). Je me ferai l’écho ultérieurement de son livre et des propos qu’il a tenus lors de son exposé. J’extrais d’une chronique Facebook que j’ai publiée le 6 avril, ce passage :

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Sur l’actualité, Vincent Jarousseau constate que les familles populaires, y compris celles qui votent RN, qui ont du mal à boucler les fins de mois, considèrent que Marine Le Pen a commis une faute (réelle violation des règles et détournements de fonds publics) et que c’est normal qu’elle rembourse. D’après ses contacts, les électeurs RN ne sont pas prêts à soutenir Jordan Bardella, encore trop jeune. Ses constats corroborent les sondages nationaux : 64 % des Français approuvent la condamnation y compris sur l’inéligibilité, et 35 % des électeurs RN (ce qui n’est pas rien). Ces derniers voyaient en MLP une protection et sont quelque peu désemparés car c’est elle qui demande maintenant à être protégée ! Le jugement en appel a peu de probabilité d’être moins sévère. MLP n’a guère d’autres solutions que de se faire hara-kiri.
Affaire Aphatie : Sotto, Bégot et Portelli au pilori !
Je reviens sur l'affaire Jean-Michel Aphatie qui sur RTL, fin février (1), avait dit que l’armée française, lors de la colonisation en Algérie, avait commis des centaines d’Oradour-sur-Glane. En face de lui, deux journalistes de RTL, Thomas Sotto et Amandine Bégot, sont offusqués, ainsi qu’une femme politique, maire et conseillère régionale LR, habituée de l’émission, Florence Portelli. Ces trois-là affichent ouvertement qu’ils ne connaissent rien de ce qui s’est passé en Algérie et lui disent que tout de même on ne peut pas dire que la France se serait comportée comme les Nazis, à quoi Aphatie a répondu que les Nazis n’existaient pas et que ce sont les Nazis qui se sont comportés comme l’armée française [les Nazis ont reproduit une cruauté sans limites que les armées de colonisation, pas seulement françaises, ont répandu en Afrique, YF]. Les documents sur le sujet sont pléthores, et il ne s’agit pas d’approximations mais d’aveux mêmes des criminels de guerre qui ne craignent pas de détailler leurs atrocités.
Benjamin Stora, grand spécialiste de l’histoire de l’Algérie, disait ces jours-ci dans "C ce soir" sur France 5 [24 mars] qu’il fallait « rendre hommage à Jean-Michel Aphatie d’avoir levé le voile ». Il n’empêche que c’est Aphatie qui a été viré de RTL, Sotto s’est épanché dans les médias pour dire qu’il en voulait à son « ami » Aphatie parce qu’il faisait preuve de « relativisme » [sic] puisqu’il mettait en relation l’Algérie coloniale et Oradour. Ce sont les images de Sotto gémissant qui sont en boucle, celles de la tirade d’Aphatie ayant apparemment disparu.
Comme il fallait s’y attendre, l’extrême droite s’en est emparée, gorges chaudes sur CNews, Pascal Praud sur Europe 1 disant qu’Aphatie dit des « bêtises » et qu’il aurait dû le reconnaitre (« on dit tous des bêtises ») : il appelle un auditeur chargé du coup de la propagande bolloréenne qui ne conteste même pas les atrocités commises pendant la conquête mais qui estime qu’il faut les remettre dans leur contexte [re-sic], tout en reconnaissant qu’il n’y connait rien, tout en déversant sa bile sur les médias du service public, France Inter et France 5. Praud avoue qu’il y a eu des enfumades et que les armées à l’époque étaient très violentes, mais que Aphatie a le même prisme que Mediapart à savoir « le gauchisme culturel » !
En réalité, mine de rien, on a assisté à une resucée de l’instrumentalisation de l’antisémitisme, car à mots couverts les trois clampins de RTL, introduisant eux-mêmes le mot Nazi dans la discussion, faisaient implicitement une allusion à la Shoah (c’est d’ailleurs ce qu’a fait explicitement Sotto dans "C à vous" sur France 5 le 11 mars, se ridiculisant encore alors même que Oradour si c’est un crime de guerre des Nazis ne relève pas de l’extermination des Juifs).

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Tout ça (cette chronique) pour dire quoi ? Que ces deux journalistes Thomas Sotto et Amandine Bégot devraient être révoqués pour avoir affiché leur incompétence puisqu’ils sont totalement ignorants de faits connus de quiconque cherche un tant soit peu à s’informer sur un sujet aussi grave. Et s’ils ne sont pas ignorants, ils ont joué une petite comédie, une indignation surfaite, ce qui est tout aussi condamnable. Quant à Florence Portelli, elle a démontré que certains élus ne sont pas à la hauteur de leur fonction : ignorante ou comédienne, elle doit également être considérée comme indigne d'assumer une responsabilité publique. Il faudra rappeler régulièrement son comportement dans cette affaire lorsqu’elle prétendra donner un avis informé sur n’importe quel sujet. Quant à RTL, son attitude n’est pas surprenante : cette radio n’a rien à faire de la vérité, Aphatie ne l’intéressait que lorsqu’il déroulait la doxa, pas quand il s’en écarte.
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. (1) voir : Algérie : négationnisme de la droite extrême.
[26 mars]
Affiche Hanouna : quel gâchis !
Le 13 mars, pour appeler à la manifestation contre l’extrême droite, La France Insoumise (LFI) a diffusé une affiche qui, le jour-même, défrayait la chronique, reproduisant le visage de Cyril Hanouna ressemblant à des affiches antisémites de l’époque nazie : pour ma part, sous la page Facebook d’André Markowicz, j’écrivais aussitôt, avant tout communiqué de LFI, que « si cette photo a été trafiquée, l’intention coupable sera démontrée. Mais LFI a aussitôt retiré cette affiche, ce qui tendrait à prouver que la gaffe n’avait pas été perçue. S’il s’agissait juste de nous montrer Hanouna repoussant, et non pas Juif caricatural, il y avait tant de photos disponibles de cet individu vulgaire, ignoble, sans être obligé d’en afficher une, peut-être réelle (non trafiquée) qui courrait le risque d’être interprétée comme elle l’a été ».
LFI a fini par admettre que la photo avait été obtenue par l’IA, à partir d’un logiciel de Musk (Grock) comme si cela excusait le dérapage alors qu’il l’aggrave. Aucune explication n’a été fournie sur quelle commande avait été passée à l’IA et qui sont les responsables de cette affiche. Le retrait de l’affiche et des excuses en invoquant une erreur auraient clos l’affaire (sachant qu’un tribunal en référé, invoquant seulement l'atteinte au droit à l'image, condamnait LFI, qui a fait appel, à verser 3500 euros à Cyril Hanouna). Mais Jean-Luc Mélenchon a veillé à alourdir la barque en disant lors d’un meeting à Brest qu’à LFI on ignorait qu’il existait des images antisémites nazies, se moquant des journalistes qui doivent avoir chez eux « des collections d’affiches d’extrême droite que leur avaient laissées leurs grands-parents ». C’est moins cette mauvaise foi délibérée que le fait que l’assistance l’ait applaudi qui est déconcertant.

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De l’autre côté, sans parler des dessins de Charlie Hebdo, on a un média donneur de leçon, comme Franc-Tireur, avec Caroline Fourest et Raphaël Enthoven, qui tirent à boulets rouges sur LFI pour cette affiche alors même que leur canard a publié un dessin représentant Hanouna selon une caricature plus que douteuse (l’éternel hôpital qui se fout de la charité : c'est tellement énorme qu'il m'a fallu faire des vérifications avant de m'assurer que FT avait bien publié ce dessin). Par ailleurs, Télérama a publié le 29 novembre 2023 une photo que je retrouve dans mon dossier perso papier "Hanouna-TPMP" et qui est quelque peu effrayante même si elle n’a sans doute pas été trafiquée (mais l'intention est bien de montrer un visage effrayant). C’est justement là où le bât blesse : pourquoi LFI n’a pas utilisé une simple photo d’Hanouna ? Ce qui importe n’est pas son visage même s’il est bien souvent naturellement grimaçant, mais ce qu’il représente, c’est-à-dire un discours justement d’extrême droite, raciste (il ne l’a pas toujours été mais chez Bolloré c’est une exigence), des comportements vulgaires, des propos bas du plafond, menaçants, humiliants, obséquieux. Résultat : aujourd’hui, CNews fait ses choux gras sur cette affaire, y consacrant des heures et des heures, et Hanouna peut se poser en victime et même toucher des indemnités ! Et le combat nécessaire contre l’extrême droite patauge. Certes, les idéologues qui pervertissent le débat public sont prêts à faire feu de tout bois, sont à l’affût de la moindre erreur, du moindre dérapage, mais ne leur donnons pas des verges pour nous faire battre.
. évidemment, je ne reproduis pas l’affiche litigieuse : sachant qu’elle a été rapidement retirée, ce sont ceux qui n’ont cessé de la partager qui ont assuré le succès d’une affiche alors même qu’ils lui reprochaient son caractère antisémite.
[24 mars]
Journée contre l’extrême-droite, de la République à la Libération
De nombreuses organisations (voir en annexe) avaient appelé à un rassemblement ce samedi matin à Auch (Gers, en Occitanie), place de la République, sur un appel national. Environ 150 personnes ont répondu à l’appel, portant pancarte en bandoulière avec slogans fraternels : s’il a pleuvioté pendant les discours, le soleil est vite revenu, radieux, comme les samedis matin qu’on aime en haute ville, lieu de convivialité. Un communiqué unitaire a été lu par chacune des organisations, paragraphe par paragraphe. Tout est parti de la Journée internationale des migrants, le 18 décembre dernier, lors d’un meeting où il avait été déclaré : « nous ne voulons pas d’une société raciste (…) mais de solidarité, de fraternité, de justice et de respect des libertés ». Cette déclaration faisait suite aux attaques répétées contre les personnes étrangères.

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Là, à Auch, les intervenants revendiquent une réelle égalité de droits, pour nos voisins, nos collègues, conformément à la devise des frontons : la fraternité aux côtés de la liberté et de l’égalité. Le racisme et la xénophobie sont le quotidien de trop de personnes et les discours de haine de la part de politiques ou de médias tenus par des milliardaires manipulent les chiffres et stigmatisent les populations des quartiers. Les mesures (circulaire Retailleau) rendent la vie extrêmement difficile pour les personnes étrangères n’ayant pas obtenu de titre de séjour mais aussi pour celles qui possèdent un titre, en faisant peser une épée de Damoclès sur elles en permanence. Marre que les personnes étrangères soient sans cesse présentées comme des boucs émissaires coupables de tous les maux. La répression vise aussi les associations et syndicats qui soutiennent les sans-papiers. Empêcher les uns d’acquérir des droits n’a jamais donner aux autres plus de droits !
Eric, pour la CGT, décrit la situation des salariés agricoles, les abus de certains patrons de l’agriculture (dont certains, lorsqu’ils manifestent pour défendre leurs intérêts, n’hésitent pas à déverser leurs ordures dans les rues de la ville). Cathy et Danièle, pour CCM32, décortiquent la loi immigration votée en janvier 2024 (en attendant la prochaine puisqu’il y en a eu 20 en 40 ans). Désormais les délais de recours sont accélérés, des chambres régionales du droit d’asile sont créées (avantage d’un rapprochement mais inconvénient d’une méconnaissance de la situation dans les pays d’origine et de ce droit spécifique et complexe). N’avoir pas respecté une obligation à quitter le territoire français (OQTF, désormais valide non plus un an mais trois) est une cause de refus de titre de séjour. Il faut avoir un niveau collège en français. Si pour les métiers en tension il y a une amélioration, la mesure est aussitôt sabrée par la circulaire Retailleau. Par ailleurs, la situation des femmes réfugiées, victimes de violences, implorant protection, n’est pas prise en compte.
Des messages sont lus successivement : témoignages de réfugié·es vivant la peur au ventre, n’osant pas sortir dans la rue, craignant de perdre un titre de séjour parfois très provisoire (3 mois), d’être expulsés. Pour la plupart, il est hors de question de repartir dans leur pays où ils sont en danger de mort, et même s’ils ne sont pas menacés aspirent à rester ici pour des raisons qu’un raciste invétéré ne peut pas comprendre. Mamadou s’insurge sur le fait que « l’OQTF est l’alpha et l’oméga de la politique migratoire ». S’il y a des détenteurs d’OQTF qui commettent des actes criminels, c’est tout autant criminel que de faire peser le poids sur tous les migrants qui veulent vivre dans la tranquillité : « une OQTF ne définit pas une personne ». Des réfugiés malades demandent à ce titre le séjour mais il leur est refusé sous prétexte que les soins sont assurés dans leur pays (ce qui est faux le plus souvent).
Elisée, jeune guadeloupéen, lance un appel à la jeunesse, face « à la menace fasciste », il n’est plus temps de se diviser : jeunes de tous bords doivent s’unir. Paul prend également la parole, mettant en cause les responsables qui sont au pouvoir, en France et en Europe, qui couvre cette violence comme ils se taisent devant le génocide en cours à Gaza sans qu’aucune sanction n'ait été prise à l’encontre d’Israël. Un « sous-ministre » vient lundi à Auch, Paul appelle à une manifestation au Mouzon, lieu où il s’exprimera. Marie-Eve témoigne de sa situation : mariée depuis 47 ans à un Tunisien, bi-national comme leurs deux enfants, elle est la seule à pouvoir protester et donner son opinion face à l’extrême droite parce que ses proches courent le risque d’être expulsés par la France des droits de l’homme de 2025 !
André, du Modef (syndicat paysan) demande une minute de silence pour Pierre Alessandri, agriculteur de Corse, responsable de la confédération Paysanne (majoritaire sur l’île), qui défendait une certaine conception du foncier, a été assassiné le 17 mars. Une militante de LFI demande également une minute de silence pour les enfants palestiniens et leurs mères, morts sous les bombardements israéliens. Un Palestinien témoigne : « la France m’a tout donné, elle est en train de tout reprendre ». [La proposition d’Emmanuel Macron de reconnaitre la Palestine n’avait pas eu lieu, annoncée le 8 avril].
Puis un défilé s’est ébranlé en direction de la Préfecture (aux cris de "Régularisons tous les sans-papiers", "Première, deuxième, troisième génération, nous sommes tous des enfants d’immigrés"), longeant la Halle aux herbes, parcourant les ruelles de la vieille ville, avant de se disperser place de la Libération.

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. Les appelants et présents : la Coordination des collectifs de Migrants (CCM32), Accueil solidarité humanisme (ASH), Auch solidarité accueil réfugiés (ASAR), Gers sans frontières (GSF), Hydragon (Castelnau-Barbarens), Masseube Terre d’accueil (MTA), Solidarité migrants Lomagne (SoMiLo), Solidarité migrants Portes de Gascogne (SMPG), Solidarité Pavie… et aussi Amnesty International, les Francas du Gers, Ligue des droits de l’homme (LDH 32), Observatoire des extrêmes droites (ODED 32) ; les syndicats CGT, Confédération paysanne, FSU, MODEF, Sud Solidaires, UNSA ; les partis les Verts, LFI, PCF, PS, POI. Étaient également présents des militants de la CFDT. Un drapeau de la République espagnole, écrasée par les fascistes du franquisme, est brandi dans la foule (Mouvement de l’Espagne Républicaine et Résistante, MERR 32).
[22 mars]
. Ces chroniques sont parues sur ma page Facebook aux dates indiquées entre crochets.
. Pour celles et ceux qui ont raté mon billet sur Au pays de nos frères et Lire Lolita à Téhéran, voir L’Iran divers : au pays de nos frères, lire Lolita, le figuier sauvage
Billet n° 854
Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Parcours et démarche : ici et là. "Chroniqueur militant". Et bilan au n° 700 et au n° 600. Le plaisir d'écrire et de faire lien (n° 800).
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