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Billet de blog 16 juillet 2022

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Le Smic, la prime et le RSA

Le 14 juillet, Emmanuel Macron, sous les frondaisons de l’Elysée, a fait mine d’avoir porté le Smic à hauteur du projet de la NUPES. Il a quelque peu rétropédalé sur le RSA. Autres chroniques : un ancien sénateur centriste, protecteur de Cahuzac, est impliqué dans une affaire de recel d’abus de confiance. Stade de France : sur CNews, Messiha diffame « les jeunes issus de l’immigration ».

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Commentaire sur deux ou trois points seulement de l’interview du Président de la République dans les jardins de l’Élysée, à l’occasion du 14-juillet.

Illustration 1
[capture d'écran]

Sur l’augmentation du Smic : certes, il a augmenté de 8 % en quelques mois, pas par un coup de pouce que le gouvernement aurait pu accorder mais en appliquant simplement la réglementation compte tenu de l’inflation qui galope. Le Smic net à 1328 € et une prime d’activité à 120 € (difficile d’avoir le montant exact compte tenu des divergences entre les sites qui donnent l’info et aussi du fait que la CAF pour un même ayant-droit annonce une prime qui peut varier d’un jour à l’autre). D’où le chiffre annoncé par Emmanuel Macron : « 1475 euros par mois », ajoutant (mais je ne l’ai pas entendu, le vent soufflait fort et il l'a emporté, je me fonde sur ce que rapporte Le Parisien) : « suivez mon regard », sous-entendu : c’est presqu’autant que ce que propose la NUPES (1500 €). Sauf que la prime d’activité n’est versée que s’il n’y a pas d’autres ressources, c’est une aide sociale : si le conjoint a des revenus, si faibles soient-ils, prime d’activité bernique. Comment un Chef de l’État peut-il feindre d’ignorer que ce n’est tout de même pas la même chose ? Il pérore sûr de lui, avec un certain talent mais enchaînant un discours total sans vraiment tenir compte de ses intervieweuses. Qui d’ailleurs ne lui opposent même pas aussitôt que la PA n’est pas un élément du Smic (ce qui pour des journalistes un tant soit peu informées devrait être un réflexe).

Autre chose : l’emploi. Il se vante d’avoir fait baisser le chômage (7% de la population active, et se propose d'atteindre 5 %). Il ne nie pas que certains emplois, durs, sont mal payés, ce qui expliquerait que de plus en plus de chômeurs refusent ces postes. Mais s’ils n’acceptent pas les emplois cela signifie qu’ils vont bénéficier de la solidarité nationale, dit-il : « c’est le reste du pays qui paye » (autre façon de dire, avec plus de tact qu’un vulgaire Wauquiez, ce sont des « assistés »).

Il enchaîne sur le RSA : interrogé sur l’activité de 15 à 20 heures qu’il voulait imposer aux bénéficiaires du RSA, il répond qu’il n’a jamais parlé d’activité, mais d’« accompagnement pour remettre le pied à l’étrier ». Le projet d’insertion était au cœur du RMI, tel que voulu par Michel Rocard, précise-t-il. Quand il a évoqué ce sujet en mars dernier, pendant la campagne présidentielle, tout le monde a bien entendu qu’il s’agissait de faire travailler les gens au RSA. Il avait ajouté cependant qu’il ne s’agissait pas de Travaux d’Intérêt Général comme l’espérait Nicolas Dupont-Aignan. Mais cette impression de « travail forcé » avait conduit certains, à gauche, à considérer que ce serait une contrainte, allant jusqu’à parler d’ « esclavage ». Le kéké Castaner , avec le tact qu’on lui connaît, en avait profité pour lâcher tout de go sur RMC/BFM que l’allocation [de RSA] c’était « la réponse des lâches ».

Ce que Macron avait dit exactement est ceci : « Il y aura dans cette réforme l'obligation de consacrer 15 à 20 heures par semaine pour une activité permettant d'aller vers l'insertion professionnelle, soit de formation en insertion soit d'emploi. Et d'être mieux accompagné et dire qu'il n'y a pas simplement une prestation mais un accompagnement. »

J’ai interrogé une de ses ministres (Emmanuelle Wargon, venue dans le Gers pour soutenir la campagne des candidats LREM : voir Une ministre en campagne… sur le RSA). Dans la réponse qu’elle m’a faite, elle restait bien sur la conception d'un accompagnement accru pour faciliter la formation et l’insertion, dans l’esprit de base du RMI puis du RSA. Elle reprenait nullement cette formule des « 15 à 20 heures par semaine » qui permettait toutes les interprétations. C’est là qu’on voit ce qu’est une certaine pratique de la politique : des éléments de langage ajustés de telle sorte que la droite LR puisse se dire qu’il imposerait à ces "salauds de pauvres", à ses "feignants d'assistés", une obligation de travail, tout en pouvant après coup affirmer qu’il n’a jamais parlé de ça.

Il annonce par ailleurs une loi sur la réforme du travail cet été sur l’assurance-chômage, sur la formation (initiale et tout au long de la vie), sur la transformation de Pôle emploi en France Travail, censé synthétiser tout ce qui se fait en matière d’emploi, de formation, d’insertion, fort risque d’une nouvelle usine à gaz (alors même qu’on va en manquer, du gaz, l’hiver prochain, il l'a dit). Je n’évoque pas d’autres sujets, comme Uber, car ils seront davantage commentés.  

J’ajoute qu’il a dit que sous son quinquennat, les impôts [annuels] ont baissé de 50 milliards d'euros. En réalité, ce sont 26 milliards pour les entreprises, 4 milliards en faveur des plus riches (ISF) et 20 milliards pour les contribuables (taxe d'habitation) donc y compris les plus aisés.

[14 juillet]

Le Gers encore à l’honneur !

Le petit département du Gers a défrayé la chronique il y a quelques mois avec son président, ancien ministre de François Hollande, Philippe Martin, contraint à démissionner [voir : La démocratie sous le boisseau et Ancien ministre soupçonné d’emplois fictifs.

Voilà que Le Monde publie aujourd’hui [16 juillet] un article du journaliste Abdelhak El Idriss sur un ex-conseiller de Nicolas Sarkozy mis en examen pour trafic d’influence, un dénommé Jean-François Etienne des Rosaies. Il aurait favorisé une banque au statut familial, Delubac, sise en Ardèche. Par ailleurs, ce préfet a déjà été poursuivi dans l’affaire Kazakhgate en mars 2015 (rétro-commissions en marge d’un contrat d’armement).

Au détour d’une phrase, l’article cite un autre personnage, ex-sénateur centriste UDI du Gers, toujours maire de Marsan, petit village gersois, Aymeri de Montesquiou, qui fut lui-même impliqué en 2015 dans cette affaire kazakh de "corruption d’agents publics étrangers", de "blanchiment en bande organisée" et de "fraude fiscale", entraînant la levée de son immunité parlementaire. On ne prête qu’aux riches, voilà qu’Aymeri de Montesquiou est aussi accusé dans l’affaire de la banque Delubac, dont il est membre du conseil de surveillance : on apprend qu'il a été mis en examen en février 2022 pour recel d’abus de confiance (l’enquête est bouclée, on attend le réquisitoire du parquet). Il est accusé d’avoir touché 300 000 euros de jetons de présence « sans contrepartie réelle ». Lui prétend qu’il donnait des conseils sur les questions géopolitiques, sur l’Iran en particulier (quand il était sénateur, il présidait le groupe France-Iran). Le Monde écrit qu’il aurait « joué les intermédiaires pour permettre à Delubac d’entrer en relation avec une autre banque aux Emirats arabes unis afin d’y placer 20 millions d’euros ».

Illustration 2
[capture d'écran YF]

En janvier 2019, Aymeri Francis André Philippe de Montesquiou-Fezensac d’Artagnan se pavanait, ceint de son écharpe tricolore, auprès d’Emmanuel Macron lors de la venue de ce dernier à Souillac dans le Lot : à la fin de l’intervention du Président, d’Artagnan s’est collé à lui, pour le saluer, lui causer un peu et faire en sorte qu’on le voit bien, comme en complicité voulue avec le chef de l’Etat. Malgré ses diverses casseroles, il a été longtemps président des maires du Gers. À noter que son élection de sénateur a été invalidée en 2015 pour fautes graves dans la gestion de ses comptes de campagne (après avoir été soupçonné par la HATVP, haute autorité pour la transparence de la vie publique, d’avoir menti sur sa déclaration de patrimoine). Un de ses faits d’armes est d’avoir caché un temps le ministre fraudeur Jérôme Cahuzac dans son château de Marsan, après ses aveux tardifs sur son compte bancaire en Suisse ! Un prétendu d’Artagnan qui ne manque pas de culot (il a obtenu d’ajouter à son nom celui de Charles de Batz de Castelmore, dit d’Artagnan, bien que n’ayant aucun lien de parenté avec lui).

[16 juillet]

Stade de France : CNews persiste

Le Sénat a rendu son rapport d’enquête sur les graves incidents qui ont émaillé le match de la Ligue des Champions, opposant, le 28 mai au stade de France, Liverpool et le Real Madrid. J’ai publié le 1er juin un texte [Actualité de l’extrême droite] sur la façon dont la fachosphère a traité du sujet, ainsi que l’extrême droite, dont CNews. Zemmour, Le Pen et Morano avaient accusé les jeunes des quartiers. Sur BFM, un consultant sport, Daniel Riolo, avait estimé que les coupables c’étaient les voyous des quartiers, marmonnant qu’il y avait eu des violences et même des viols. Valeurs actuelles a publié le 2 juin tout un "dossier" sur "la loi des racailles", fournissant somme toute assez peu d'éléments, sinon manifestement des informations provenant de policiers sur la nationalité des interpellés ou leurs noms à « consonnance maghrébine ou africaine ».

Illustration 3
[capture d'écran]

Si Darmanin a été pris en flagrant délit de travestissement de la vérité, puisqu’il parlait à tort de 30 à 40 000 faux billets, ne s’expliquant pas sur la violence policière exercée contre les supporteurs anglais traités comme de vulgaires Gilets jaunes, il n’empêche que si le problème de cette soirée avait été les hordes venues des banlieues il ne se serait pas privé de le dire. Certes, ces agressions ont eu lieu, suivies de vols, comme lors d’autres manifestations du même genre, et on peut s’étonner que les autorités policières, informées au préalable comme cela a été dit dans certains médias, n’aient pas été plus réactives. Mais c'est loin d'être le seul problème qui se soit posé ce soir-là.

Illustration 4
[capture d'écran YF]

Le rapport du Sénat cite quatre dysfonctionnements principaux, dont le peu de réactions au vandalisme. Mais ce n’est nullement l’unique cause. CNews poursuit sa petite propagande selon laquelle le seul problème ce soir-là a été les agressions par des jeunes des banlieues : Jean Messiha, ancien du Rassemblement National, porte-parole de Zemmour, consultant de CNews déversait ce soir [13 juillet] sa bile répétant une fois de plus que le scandale du Stade de France résidait dans les violences commises par « des jeunes issus de l’immigration, avec violences sexuelles ». Ajoutant que des vidéos le montreraient, alors qu’il est le seul avec la fachosphère à le dire. S’il y avait eu des agressions sexuelles non seulement des plaintes auraient été déposées, mais le Sénat n’aurait pu le taire dans son rapport d’enquête. Suite aux déclarations de Messiha, sans être corrigé sur CNews, est-ce que la Justice va s'en saisir soit pour confirmer ses accusations, soit pour poursuivre ce propagandiste haineux, car ses accusations constituent des troubles à l'ordre public ?

. Rapport du Sénat : ici.

[13 juillet]

. Ces chroniques sont parues sur mon compte Facebook aux dates indiquées entre crochets, ici légèrement remaniées et complétées.

Billet n° 693

Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Parcours et démarche : ici et "Chroniqueur militant". Et bilan au n° 600.

Contact : yves.faucoup.mediapart@sfr.fr ; Lien avec ma page Facebook ; Tweeter : @YvesFaucoup

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