Retraites : bataille de milliards
En décidant de suspendre la réforme des retraites dans son discours de politique générale le 15 octobre, le premier ministre Sébastien Lecornu a déclaré que cela coûterait 400 millions d’euros en 2026 et 1,8 milliard [Md€] d’euros en 2027, soit un coût de 2,2 Md€ d’ici à la présidentielle de 2027, bénéficiant à 3 millions de personnes. Quelques jours plus tard, le premier ministre parlait de 100 millions en 2026, et 1,4 Md€ en 2027 : jonglage avec les chiffres, comprenne qui pourra.
Ces montants sont à mettre en regard avec le quoiqu’il en coûte qui n’a pas consisté seulement à assurer le chômage partiel pour les salariés pendant le covid (et les confinements) mais aussi à accorder des subventions aux artisans, commerçants et industriels (dont certains ont été très étonnés de toucher de telles sommes d’argent, soit 10 000 euros par mois), sans contrôle, sans contrepartie. En deux ans, la dette a pris 20 points de PIB (passant de 98,2 à 117,8 %, chiffres de l’Insee) soit dans les 460 Md€ ! Les mesures liées au coût de l’énergie, et l'inflation exorbitante de 2023, dossiers mal gérés par le gouvernement, se comptent en dizaines de milliards.
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Plusieurs sources ont révélé que l’État accordait aux entreprises et donc aux employeurs des sommes astronomiques, en subvention ou en exonérations : 211 Md€ selon le Sénat, 270 Md€ selon Le Grand détournement, de Matthieu Aron et Caroline Michel-Aguirre (Comment milliardaires et multinationales captent l’argent de l’État), le Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé) évalue le montant des aides 205 Md€, quant à France Stratégie, rattachée au premier ministre, l’évaluation maximale se situe à 223 Md€. On savait qu'il y avait des aides mais on les fixait autour de 100 Md€ jusqu’alors. De leur côté, les pourfendeurs du RSA parlaient de faillite à cause des 12 Md€ versés à quatre millions de personnes (adultes et leurs ayants-droit) sans jamais s’étendre sur l’"assistance" dont bénéficiaient le patronat (l’égérie du néo-libéralisme, Agnès Verdier-Molinié, n’a jamais dit un mot sur les 2267 aides publiques versées aux entreprises, alors qu’elle se délectait en listant les aides attribuées aux plus démunis). Ainsi, les 2 ou 3 Md€ sur deux ans, provoqués par la suspension de la réforme, bénéficiant à 3 millions de personnes heureuses de partir plus tôt sont relativement faibles en comparaison d’autres dépenses que le pouvoir a engagées sans hésiter.
Il est vrai que le nombre de cotisants par rapport au nombre de retraités s’amenuise (1,7 pour 1, c’était 2,1 pour 1 en 2000). Mais il faut se méfier des affirmations farfelues entendues sur les plateaux de télé comme ce débatteur qui disait récemment qu’on serait bientôt à 1 cotisant pour 4 retraités ! Pour l’instant, le budget des retraites (325 Md€) est quasiment à l’équilibre. Cela devrait s’aggraver pendant quelques années mais, dans la mesure où les boomers (nés nombreux dans l’immédiate après-guerre) vont progressivement disparaitre, le budget retraite devrait passer de 14 % du PIB à 13,5. Donc des aménagements, en attendant, sont possibles : cotisations légèrement relevées, égalité des salaires hommes-femmes, départ en retraite à la carte (plus tard ou plus tôt selon les parcours, la pénibilité), dispositif de pré-retraite… Un gouvernement qui a le souci de ses citoyens peut prendre en compte le fait que pour beaucoup de salariés travailler au-delà de 62 ans est insupportable, physiquement, mentalement.
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On le voit, selon les chiffres déclinés ci-dessus, la simple suspension de la réforme ne justifie pas que d’autres mesures, celles-là très restrictives, se fassent au détriment des citoyens les moins favorisés. Imposition des malades longue durée, gel des prestations sociales (RSA, AAH, minimum vieillesse, ASS, prime d’activité, APL, 300 millions pompés sur les APL des étudiants), gel des allocations familiales, des pensions de retraite, tout à l’avenant : inadmissible ! Comment un cerveau républicain a pu concocter une telle régression. Le RMI à sa création équivalait pour une personne seule à 41 % du Smic, aujourd’hui c’est 33 % ! Et ce montant, situé à moins de la moitié du seuil de pauvreté va désormais stagner ! Alors même que le non-recours aux droits sociaux se compte en plusieurs milliards (peut-être 5 Md€), prestations non demandées par méconnaissance ou par crainte de réclamations d’indus déstabilisants, suite à des erreurs. Déjà le taux de pauvreté augmente atteignant 15,4 %, le plus haut jamais atteint, il va donc s’aggraver et dépasser les 10 millions de personnes.
Pierre Cazeneuve, député Renaissance, n’a pas craint de dire le 9 octobre sur BFM que la moitié du déficit actuel du budget national ce sont les retraites ! Personne ne le conteste sur le plateau, ni Bruno Jeudy, ni Yves Thréard ni Max Switek, évidemment, mais même pas Laurence Rossignol, PS. Alors que cette assertion est strictement fausse, mais elle est destinée à faire son chemin dans l’esprit des téléspectateurs, des assurés, des retraités et des électeurs. Bourrage de crânes pour que le citoyen lambda se persuade qu’il faut admettre de se serrer la ceinture alors même que les plus nantis font sécession en s’arc-boutant contre toute contribution nouvelle de leur part. Au colloque sur la taxation du patrimoine des ultra-riches (organisé par Éric Coquerel et Charles de Courson) le 1er octobre, Gabriel Zucman a indiqué que lors de la création de l’ISF (impôt de solidarité sur la fortune) en 1981, à l’arrivée de la gauche au pouvoir, les biens professionnels avaient été exonérés (à la différence de la Norvège et de la Suisse), c’est-à-dire les plus grandes fortunes possédant au moins 25 % de leur entreprise (ce qui constitue l’essentiel de la richesse des plus gros milliardaires). Il parle d’une « erreur considérable » qui a miné cet impôt : à la veille de l’abolition de l’ISF, en 2016, cet impôt représentait 0,1 % de leurs revenus, soit une quasi exonération pour les milliardaires ! Cet impôt rapportait : 4,5 Md€, imagine-t-on ce qu’il aurait rapporté si la fortune des milliardaires avait véritablement été prise en compte ? 10 ou 15 Md€ ou plus ? À rapprocher du coût de la suspension de la réforme.
[22 octobre]
Additif le 25 octobre :
Nicolas Dufourcq, patron de la Banque publique d’investissement (BPI), a étrillé la taxe Zucman en parlant de « truc complètement absurde » qui découlerait d’une « histoire de jalousie à la française », de facture « communiste », par « haine du riche ». Selon lui, ça provoquerait la « panique » chez les entrepreneurs. A-t-il besoin de telles déclarations hystériques pour se faire bien voir des patrons ? Si la taxe Zucman est critiquable c’est plus pour sa modestie que pour son prétendu caractère révolutionnaire (elle ne touche que les fortunes de plus de 100 millions d’euros, taxées alors à 2 % seulement si le montant ne dépasse pas ce que paye déjà le riche contribuable). Voilà que Nicolas Dufourq est interrogé dans Le Monde du 25 octobre : il ose expliquer la dette publique par la seule dette sociale, l’État prendrait en charge tant de prestations (les retraites des fonctionnaires, les minima sociaux, le handicap). Tout ça, dit-il, ajoutant les allègements de charge, coûte 20 % du budget de l’État soit la cause de 2000 milliards d’euros de dettes sur les 3500. Démonstration ridicule : à ce compte-là, pourquoi ne pas dire que c’est l’Éducation nationale ou la Défense qui ont plombé la dette publique ? D’ailleurs, pourquoi se tait-il sur les 211 Md€ dont bénéficient, de la part de l’État, les entreprises chaque année : en dix ans, cela fait l’équivalent de plus de 2000 milliards. Il ne craint pas, par ailleurs, de dire que pour faire des efforts après la guerre, lors de la reconstruction, « les retraités étaient extrêmement pauvres », alors même qu’ils étaient pauvres parce que la Sécurité sociale, instaurée en 1945, n’était pas encore montée en puissance. Il est possible que le patron de la BPI ne cherche pas seulement à voler au secours de la caste au pouvoir (politique et économique) mais fait le buzz pour mieux vendre son bouquin de 544 pages sur la dette française.
Sébastien Lecornu a aussi parlé de la fraude sociale et lancé un énième programme en la matière. Je ne reprends pas ce que j’ai écrit très souvent sur ce blog : la fraude sociale est peanuts, le thème est utilisé par des propagandistes pour des raisons idéologiques, comme celui de l’"assistanat", relevant selon moi d’un "racisme" social. La prétendue fraude sociale (excepté une minorité de tricheurs) est soit une fraude de survie, soit n’est pas une fraude mais une arnaque, du truandage, des actes mafieux. Eric Chenu, président de la Mutualité Française, voulant dénoncer la fraude sociale dans On n’arrête pas l’éco (France Inter, 25 octobre) ne disait pas autre chose, alors qu’il affirmait qu’on peut aller chercher sur ce terrain 4 Md€ : la fraude sociale est vraiment à la marge, « quelques patients, quelques professionnels de santé, une minorité à chaque fois », plutôt « des réseaux mafieux » (il précisait « qui viennent de l’étranger », il faudrait surtout pas sous-entendre qu’il existe des réseaux bien français).
Le RN, complice des ultra-riches
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Le RN qui s’était abstenu en février sur la taxe Zucman vient de voter contre. Comme précise Zucman lui-même : « contre 8 Français sur 10 favorables à l’imposition des ultra-riches, le parti de Marine Le Pen a donc pour l’heure choisi son camp ».
Le faire savoir aux gens de bonne foi qui se figurent encore que ce parti serait sincère quand il prétend avoir une fibre sociale (alors que la quasi-totalité de ses votes au parlement français et au parlement européen démontre le contraire).
[22 octobre]
« À mort les journalistes, à mort les juges »
C’est ce que les manifestants soutenant Nicolas Sarkozy lançaient ce matin [21/10] comme slogan lorsque l’ancien président de la République quittait son domicile de la Villa Montmorency, à Paris, où se calfeutrent une centaine de grands bourgeois, dans un parc fermé. À l’heure qu’il est on ignore si un procureur a décidé de poursuivre ces appels au meurtre. Ce rassemblement était organisé par le fils Louis, ci-devant chroniqueur souvent odieux, trônant sur LCI (car filleul du patron, Martin Bouygues).
Le tintamarre organisé autour du pôvre président désormais enfermé comme un vulgaire malfrat est destiné à faire oublier que des enquêteurs et des juges ont considéré qu’il était un délinquant, et qu’il a été condamné à de la prison ferme pour avoir négocié avec un terroriste libyen un pacte de corruption dans la perspective du financement occulte d’une campagne présidentielle.
Une pensée en ce jour pour les 170 victimes de DC-10 abattu sur le Ténéré par un terroriste que Sarkozy et ses acolytes voulaient protéger en échange d’un soutien financier. Le scandale n’est pas qu’un ancien président de la France soit en prison mais qu’un candidat à la présidentielle, a fortiori devenu président, ait pu se compromettre dans une telle infamie.
. Nicolas Sarkozy a été condamné à 5 ans de prison : tollé de ses affidés, ce serait cher payé. Mais si la justice a sanctionné fort sur l’incarcération, de surcroît immédiate, elle a été "laxiste" sur l’amende (100.000 euros : peanuts) et sur l’inéligibilité, cinq ans seulement. Les très graves raisons qui le condamnent justifieraient non seulement une amende bien supérieure mais une inéligibilité définitive.
[21 octobre]
Soutien à Sophie Binet : « Il est minuit moins cinq » !
La CGT du Gers tient son 51ème congrès départemental depuis hier jusqu’à ce soir, à Preignan (près d’Auch). Ce matin [17/10], Sophie Binet, secrétaire générale nationale, était présente. Rencontrant la presse avant les débats internes du syndicat, elle s’est exprimée sur la situation sociale actuelle. Invoquant le livre intitulé Les Jours heureux, reproduisant le programme national du Conseil National de la Résistance, célèbre texte, court mais qui marque jusqu’à aujourd’hui ce qu’on appelle notre modèle social, je l’interroge sur sa préface qui était ainsi titrée : Il est minuit moins le quart.
Compte tenu de la progression de l’extrême droite, je lui demande quelle heure est-il. Elle me répond : « Minuit moins dix, moins cinq » ! Elle évoque alors l’évolution gravissime actuelle où une partie du patronat se radicalise et fraye avec l’extrême droite. Emmanuel Macron prêt à faire venir au pouvoir le RN (alors qu’il s’est longtemps servi du RN comme repoussoir pour être élu au second tour de deux présidentielles). Bolloré et Stérin, patrons milliardaires qui contrôlent des médias, sont là pour aligner les planètes patronat/extrême droite. Elle rappelle que dimanche dernier Bruno Retailleau, qui prétend être à la tête d’un parti "républicain" a appelé, lors de la législative partielle dans le Tarn-et-Garonne, à ne surtout pas voter pour la candidate PS, appelant de fait à voter extrême droite, qui l’a emporté.
Chacun a pu constater la clarté et la pertinence de Sophie Binet lors de ses interventions télévisées (depuis longtemps, lorsqu’elle devait s’affronter à des débatteurs tous néo-libéraux dans l’émission C dans l’air, sur France 5). Récemment, face aux patrons qui menacent de quitter le pays s’ils s’estiment trop taxés, elle a dit que « les rats quittent le navire », expression bien connue. Voilà que Sophie de Menthon, qui grenouille plus sur la chaine d’extrême droite CNews qu’à la tête d’une entreprise tout en présidant un mouvement patronal qu’elle a nommé sans vergogne Ethic, a décidé de porter plainte contre Sophie Binet ! A noter en passant que Sophie Binet, avec raison, a déclaré dès son élection à la tête de la CGT qu'elle n'irait pas s'exprimer à un micro de CNews,
Eric Llados a présenté une motion de soutien devant le congrès gersois de la CGT : « ces gens, qui se targuent d’être des patriotes sont surtout patriotes de leurs profits et de leurs avantages », « dans une situation remplie d’incertitudes politiques, où le patronat fait le choix d’une radicalisation à droite, rien d’étonnant qu’ils choisissent d’attaquer des syndicalistes qui refusent de se courber et dont les vérités dérangent. Ces gens voudraient faire taire la CGT, d’autant plus qu’ils savent parfaitement que des propos comme les siens rencontrent un véritable écho auprès des travailleurs ». Et d’appeler à ce que le congrès affirme son soutien à la secrétaire générale, qui est voté à l’unanimité.
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Le congrès a acté le départ d’Eric Cantarutti, infatigable militant, après trois mandats. Ce vendredi matin, Fabrice Lamarque, soignant au CHG, déjà fortement engagé dans la vie de la CGT, très présent dans la lutte qui a été menée dans cet hôpital pendant 23 jours en mai dernier, avec des résultats notables (ici et ici), a lu le rapport d’évolution du syndicat départemental interprofessionnel. Il devait être élu secrétaire général dans la journée.
[17 octobre]
Philippe Aghion ou la complainte des libéraux
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L’Académie royale des sciences de Suède a décerné son prix annuel (abusivement appelé Prix Nobel), entre autres, à Philippe Aghion, l’économiste cher à Emmanuel Macron, puisqu’il a été un temps parmi ses conseillers. Les académiciens ont sans doute compris ce que lui et Peter Howitt voulaient dire avec « leur théorie de la croissance durable à travers la destruction créatrice ». L’auditeur français, lui, avait du mal à le suivre quand, chez nous, il causait dans le poste, tellement son expression était confuse. J’ai décortiqué un jour ses propos (La complainte des libéraux).
Cotisation ou charge sociale ?
France 2, dans le journal de 20h hier soir [le 29/09, ici] a diffusé un sujet sur le montant des cotisations sociales sur les fiches de paye intitulé : "une piste pour augmenter le salaire net des travailleurs" !
Exemple : un chef d’atelier dont le salaire brut est de 3698.04 € (primes comprises), ne perçoit au final, en net, que 2446,65 € (le "net payé"), il se plaint d'une telle différence. La journaliste dit tout de go que « rapprocher le salaire brut du salaire net pour que le travail paye mieux, l’idée n’est pas nouvelle ». Alors même que l’employeur lui-même explique qu’on ne peut réduire ces prélèvements laissant entendre qu’il ne faut pas que les mutuelles, la Sécu et les caisses de retraite soient en déficit, et qu'un économiste de l’OFCE, Mathieu Plane, dit que si ce ne sont pas les salariés qui payent alors il faut demander à d’autres, « les hauts patrimoines ou les retraités qui verront leur fiscalité augmenter », la journaliste, une dénommée Camille Rigeade, conclut que c’est « une négociation politiquement risquée mais demandée par les partenaires sociaux », comme s'il y avait unanimité des "partenaires sociaux" pour une telle solution !
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J’ignore s’il s’agit de manipulation ou de reportage fait à la va-vite : car la déclaration de Mathieu Plane est vraisemblablement tronquée (je doute fort qu’il prône une hausse de cotisation des retraités, en tout cas pas de façon indiscriminée). Mais surtout, j’ai eu beau faire des captures d’écran, je ne vois pas quel est le montant de la retenue à la source de l’impôt sur le revenu sur cette fiche de paye, prélèvement qui n’est à aucun moment évoqué dans le commentaire. Et lorsque l’on a une vue sur la fiche de paye, on s’aperçoit qu’en réalité deux pages sont superposées, certainement pour qu’on ne voit pas le montant du prélèvement mensuel de l’impôt sur le revenu. Sujet donc bâclé qui tend à induire en erreur le téléspectateur. Car un salaire brut de 3600 € donne un net d'environ 2800 : 800 euros de prélèvements sociaux ce n'est pas rien mais ce n'est pas les 1200 annoncés dans le reportage, qui finalement, à y regarder de près, consiste à mettre en cause le principe de la cotisation sociale, salaire différé, et donc de la Sécurité sociale.
[30 septembre]
La haine [de la part] des riches
La taxe de 2 % sur les patrimoines de plus de 100 millions d’euros soit 1800 foyers fiscaux en France relèverait d’un sentiment dont la société française est percluse : « la haine des riches » ! « Une obsession française », écrit Le Point. Une ribambelle de très riches, sans pudeur, défilent devant les micros (complaisants) pour dire que c’est la cata : de Bernard Arnault au patron du Medef en passant par le président de la BPI. Ce serait une spoliation communiste, un coup monté de l’extrême gauche, on serait à deux doigts de la Révolution, les aristos à la lanterne et tutti quanti. Faut-il préciser qu’il ne s’agit pas de supprimer les riches, dans cette proposition bien timorée, mais juste de les taxer. Leurs patrimoines se gonflent de 7 % en moyenne chaque année (certains bien davantage), s’ils participaient à hauteur de deux petits pourcents ce serait une façon d’abonder quelque peu le budget de l’État.
Evidemment, ça fait un peu os à ronger, les problèmes de notre République sont bien au-delà de cette taxation qui défraye la chronique. Mais c’est cette formule "la haine des riches" qui m’amuse car il semble qu’il y ait un consensus pour considérer que c’est la haine éprouvée par certains, pauvres ou moins riches, envers les (très) riches. Or, au fur et à mesure que j’entends les réactions, j’en viens à me demander si "la haine des riches" ne serait pas plutôt la haine de la part des riches, la haine des riches envers ceux qui leur demandent de participer, de ne pas faire sécession en se moquant du tiers comme du quart de la situation financière du pays. Tant il est vrai qu’il y a ambiguïté avec le génitif "de, des", au point que dans un ouvrage sur "La haine de soi", un auteur, Alberto Eiguer, a titré un chapitre : "Haine par l’autre, de l’autre, par soi, de (pour) soi", en appuyant afin que l’on sache bien qui prodigue la haine et qui la reçoit.
[29 septembre]
. Chroniques publiées sur mon compte Facebook aux dates indiquées entre crochets.
Billet n° 887
Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Parcours et démarche : ici et là. "Chroniqueur militant". Et bilan au n° 700 et au n° 600. Le plaisir d'écrire et de faire lien (n° 800).
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