L'idée de financer 6 nouveaux réacteurs EPR2 par l'épargne sur les livrets A et LDDS centralisée à la Caisse des dépôts, prospère tant au gouvernement que dans les milieux d'affaire. Cette « fausse piste » fragiliserait le modèle d'épargne populaire centralisée à la CDC et son orientation première dans le financement du logement social et d'autres investissements liés à la bifurcation écologique.
En douce, la Présidente de l’Assemblée Nationale, sur le conseil du secrétaire général de l'Elysée, Alexis Kohler, a choisi de « droitiser » un peu plus la gouvernance de la Caisse des dépôts quitte à commettre un déni démocratique, mettre en danger la légitimité républicaine de cette institution publique et accélérer sa dérive libérale. Petit éclairage sur cette opération opaque.
Dès le 1er février, le taux des livrets A et LDDS sera relevé à 1 %. Présentée complaisamment comme la première hausse de rémunération de l'épargne populaire depuis 10 ans, cette mesure masque une réalité plus gênante : la spoliation organisée des plus de 60 millions de titulaires de livrets qui ont perdu ces 5 dernières années plus de 17 milliards d'euros en pouvoir d'achat.
Mediapart et Capital viennent de révéler le contenu d'un accord effaçant une créance de 45 millions d'euros détenue par la CDC et due par Luc Besson. Une fois de plus, la Caisse, sur pression de l'Elysée, vient accorder au producteur-réalisateur millionnaire une faveur qu'elle refuse aux ménages modestes et aux salariés de l'industrie menacés par la financiarisation de leur outil de production.
Début mars, Bruno Le Maire annonçait la création officielle d'un des «plus importants pôles financiers publics au monde» constitué par le regroupement capitalistique du Groupe La Poste avec celui de la Caisse des dépôts, «pour servir les territoires, les entreprises et les particuliers» et «les grands projets de services publics». Qu'en est-il après le déclenchement de la crise sanitaire ?
Bercy va baisser les taux des livrets en s'appuyant sur la recommandation du Gouverneur de la Bdf , relais des intérêts des banques commerciales et sur le soutien du patron de la CDC, qui joue ici "l'idiot utile" du gouvernement en alléguant l'intérêt illusoire du logement social. La réalité est plus triviale : c'est plus d'un milliard qui va être "volé" aux épargnants modestes.
Mercredi 30 mai, la CDC lance «sa Banque des territoires» en grandes pompes, dans le cadre d'un événement ouvert par B.Lemaire et clos par E.Philippe; pas mal pour une institution indépendante du pouvoir exécutif et placée sous le contrôle du Parlement ! ce projet qui avance à marche forcée suscite l'inquiétude des salariés et de la quasi-totalité de leurs représentants. Pourquoi ?
Alors que depuis juin, l'Elysée et Bercy n'ont eu de cesse de fragiliser la gouvernance et la direction de la Caisse des dépôts pour mieux en prendre le contrôle, le Président de l'Assemblée Nationale enfonce le clou en désignant à sa Commission de surveillance une personnalité qualifiée, ancienne de Goldman Sachs et responsable d'un fond d'investissement privé domicilié dans les paradis fiscaux.
En attendant le dernier moment pour annoncer sa décision de mettre fin au mandat de Pierre-René Lemas à la tête de la Caisse des dépôts, deux ans avant son terme et sans même respecter les prérogatives de sa Commission de surveillance, le président de la République a considérablement affaibli sa gouvernance et son autonomie, mais peut-être, est-ce pour mieux en prendre le contrôle ?
Le soir du 19 juillet a été mise en place la nouvelle commission de surveillance de la Caisse des dépôts qui a immédiatement élu son nouveau Président, Gilles le Gendre, député LERM de Paris. Le problème, c'est que parmi les trois députés désignés pour y représenter l'Assemblée, on ne compte aucun membre de l'opposition contrairement aux exigences de la loi et de la tradition républicaine.