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Billet de blog 8 décembre 2023

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Gonesse : Une offre de projets hors sol, qui n'écoute pas la demande des habitants

Triste spectacle offert par M. Blazy, maire de Gonesse, le 29 novembre dernier, qui avait organisé une réunion soi-disant « publique » sur les projets localisés sur le Triangle de Gonesse, sous le titre : « 4 ans après Europacity, où en sommes-nous ? ». Malgré ce libellé qui se voulait accrocheur, cette soirée a tourné au fiasco.

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Les participants s'attendaient à un débat, ils n'ont obtenu pour tout potage qu'une séquence d’autosatisfaction de M. Blazy présentant une liste à la Prévert de Grands Projets Inutiles et Imposés (GPII), pressentis pour s'implanter sur le Triangle de Gonesse, suivie d’une salve d’interventions approbatrices des soutiens du maire, puis de longs monologues de celui-ci, prolongés par une nouvelle séquence de « brosse à reluire » de participants soigneusement sélectionnés. Le filtre du maire mis en place pour museler les interventions n’a pas été efficace dès le départ : en première phase, plusieurs personnes hostiles à l’urbanisation du Triangle ont réussi à exprimer leur désaccord. Le verrouillage de la réunion a mieux fonctionné en 2ème phase, où les mailles du filet ayant été resserrées, la distribution de la parole n’a bénéficié qu’aux partisans du bétonnage.

La soirée s’est terminée dans le plus grand désordre, sous les protestations d’opposants souhaitant débattre et à qui la parole avait été confisquée, malgré quelques tentatives désespérées pour accéder aux micros. Une caricature de ce qui ne ressemblait guère à ce qu’on appelle habituellement un « débat », faute de confrontations entre points de vue différents. Malgré l’affichage racoleur, ce soir-là à Gonesse, la démocratie locale n’avait pas été invitée.

 1. Une offre du secteur public ne peut combler le désengagement du secteur privé

Il y a longtemps que le Triangle de Gonesse n’est plus « objet de désir » pour les investisseurs privés. Pourtant, quand M. Blazy évoque l’abandon du GPII intitulé pompeusement Europacity (EC), il attribue cette fin à une décision d’Emmanuel Macron, qui serait explicable par la proximité des liens entre la banque Rothschild et Unibail, une foncière défendant - par un recours juridique - les intérêts de son centre commercial Aéroville, implanté sur la plateforme de Roissy. L’analyse effectuée par le maire est totalement erronée : l’implantation d’Europacity était très aventureuse et son utilité locale extrêmement faible.

Tout d’abord, le projet EC porté par la société « Alliages et Territoires » du groupe Auchan prévoyait la création de 250 000 m2 de surfaces commerciales, ce qui revenait à quasiment DOUBLER l’offre de grandes surfaces dans un rayon de 5 km, mettant en péril non seulement Aéroville (Roissy, 83 000 m2), mais aussi O’Parinor (Aulnay-sous-Bois, 90 000 m2), Beausevran (Sevran, 44 000 m2), Paris-Nord 2 (Gonesse, 41 000 m2) ; Blanc-Mesnil (33 000 m2) [1]  (Cf. carte figure 1 du « Bêtisier d’Europacity n°8 »). Une perspective totalement délirante, intenable sur le plan économique dans un territoire aussi suréquipé. Sans compter les déboires qui se sont accumulés sur le groupe Auchan : tout d’abord, le partenaire chinois Wanda jette l’éponge en 2017, sur injonction de son gouvernement qui juge ses investissements étrangers trop risqués et l’oblige à vendre une partie de son patrimoine ; puis en 2018, Auchan enregistre une perte de plus d’un milliard d’euros, qui oblige la fermeture en France d’une vingtaine de centres commerciaux. Plus récemment, la guerre en Ukraine fragilise la situation du groupe qui possède 200 hypers en Russie…

Mais ce n’est pas tout. L’offre commerciale d’EC se conjuguait avec une offre culturelle : 50 000 m2 de « culture », soit la taille de Beaubourg (3 millions de visiteurs) non pas au cœur de l’hypercentre parisien, mais en plein champ. (Voir photo, figure 3 du « Bêtisier d’Europacity n°10 »). Le double de la surface du Louvre-Lens (450 000 visiteurs/an) et 5 fois celle de Beaubourg-Metz (350 000 visiteurs). Précisons que tous les organismes sollicités pour porter un projet aussi mégalo ont refusé : la réunion des Musées Nationaux, les réserves du Louvre ; la Bibliothèque Nationale de France… Enfin, en matière de loisirs, quel attrait pouvait représenter une piste de ski et un lagon tropical sur 80 ha, quelle vraisemblance d’une fréquentation de 31 millions de visiteurs pour Europacity, soit l'équivalent de la totalité de la fréquentation des 300 parcs d'attraction français, au regard de l’offre ultra-diversifiée de Disneyland Paris sur 220 ha, 1ère destination touristique d’Europe avec "seulement" 16 millions de visiteurs en 2022 ? Pendant la pandémie, Disneyland a dû supporter la fermeture du parc d’attractions pendant plus d’un an. Impossible de croire qu’un projet naissant comme EC, porté par la seule société Auchan, dont ce n’est nullement le cœur de métier, aurait pu résister à une telle épreuve.

Car rappelons que fin 2019, neuf ans après l’annonce de l’implantation d’EC, il n’y avait toujours aucun dépôt de permis de construire sur le Triangle. Ceci n’est pas sans rappeler le sort d’un autre Grand Projet Inutile du Grand Roissy, portant le nom ronflant d’« International Trade Center (ITC) », à quelques kilomètres de là, sur la plateforme de Roissy. Sur 13 ha, ce projet XXL devait comporter pas moins de 3 halls d’exposition, un immeuble de bureaux (22 600 m²) dédié au commerce international, 7 hôtels (soit 1750 chambres), 8 restaurants et deux parcs de stationnement publics. (Voir photo, figure 3 de mon article Est-95. 1 Une pléthore d'offre de GPII).

Malgré ces perspectives dithyrambiques, le projet ITC s’est éteint de lui-même, dans l’indifférence générale : les permis de construire - faute de démarrage de travaux - étant devenus caducs. Voici le commentaire de Michel Thomas, alors maire de Roissy, paru dans un article de mars 2022 : « La crise sanitaire aura définitivement mis un terme au projet de construction d’un centre de congrès et de 7 hôtels sur les terrains situés au nord du village. Trop ambitieux financièrement, imaginé il y a plus de dix ans et maintenant obsolète dans le contexte économique mondial (souligné par nous), International Trade Center (ITC) ne verra jamais le jour, le dernier permis de construire ayant expiré en milieu d’année dernière» [2]. Un jugement qui faisait preuve d’une étonnante lucidité par rapport au diagnostic de son collègue de Gonesse ! Comment croire qu’Europacity aurait pu survivre, alors qu’ITC n'a pas résisté, alors qu'il avait tout pour plaire : des terrains acquis, des permis de construire déposés par des investisseurs étrangers, une remarquable situation géographique sur l’emprise de l’aéroport de Roissy, disposant d’une excellence desserte en transports en commun ? Sans compter aucune opposition d’associations écologistes, puisque concernant un espace déjà minéralisé !

Citons encore un 3ème GPII sur la partie Nord du Triangle. Ce que André Toulouse, précédent maire de Roissy, appelait son « chant du cygne », lors de son 7ème mandat. Pour la modique somme de 32 millions € financés par l'agglomération de Roissy-Pays de France, il a sacrifié 90 ha de terres agricoles et de zones boisées du Triangle de Gonesse pour créer… un nouveau golf. Un équipement inauguré en 2020, très gourmand en eau, totalement inadapté au réchauffement climatique et qui fait double emploi avec le golf existant de Gonesse. Ironie du sort : il devait constituer un élément majeur d’attraction pour les entreprises de l'ouest de l’aéroport de Roissy, et notamment celles d’ITC !!

A une échelle territoriale plus vaste, rappelons le fiasco des 25 projets du Grand Roissy portés par l’EPA Plaine de France, faisant l’objet d’une programmation 2010-2030 (dont Europacity, ITC et le Terminal 4 de l’aéroport de Roissy)… En 2012, cet organisme avait commandité une étude sur l’estimation des emplois créés, effectuée par le cabinet-conseil ECODEV. Ce dernier a évalué que l’ensemble de ces différents projets devait générer à mi-parcours (à dix ans) 104 000 emplois et 132 000 à terme, à l’horizon 2030. Une décennie plus tard, en 2022, j’ai jugé utile d’entreprendre une réactualisation de cette étude, analysant l’avancée de chacun des projets. Bilan peu glorieux, avec 5% de l’objectif atteint : deux seulement étaient terminés, induisant 5000 emplois. Voir mon analyse de ce fiasco et notamment le tableau figure 4, qui n’avait pas encore intégré à cette époque l’abandon d’ITC. Voir aussi en ligne l’ensemble des fiches de mon étude [3].

Malgré les signes accumulés du caractère obsolète de tous ces projets de développement, observons l’extraordinaire entêtement de la plupart des élus du Val d’Oise, qui n’ont pas intégré le tournant de nécessaire sobriété réclamé par la crise climatique. Promouvoir des grands projets énergivores, reposant sur la spéculation foncière et la destruction d’espaces agricoles alors que l’Ile-de-France dispose de 3% d’autonomie alimentaire, apparaît aujourd’hui totalement irresponsable.

Faisant fi du cumul d’échecs que rencontre l’urbanisation du Triangle de Gonesse, M. Blazy persiste dans son aveuglement, animant sa réunion du 29 novembre comme s’il ne s’était rien passé, qu’un Europacity même reconfiguré aurait pu voir le jour et que de nombreux projets sur le Triangle étaient toujours d’actualité. Comme s’il était possible de  poursuivre impunément cette politique de l’offre, sans aucune analyse des besoins des populations locales ! Et sans intégrer le désamour du secteur privé pour des localisations périphériques d’Ile-de France, contrastant avec une explosion des projets de tertiaire supérieur dans l’hypercentre de l’agglomération. (Voir mon article sur richesses au centre, galère en périphérie, notamment la concentration dans le Quartier Central des Affaires - QCA - et l’article de l’IPR [4] sur la centralisation grandissante du marché des bureaux en Ile-de-France). En témoignent par exemple le succès de Station F et le projet Kyutai d’Intelligence artificielle de Xavier Niel, tous deux localisés dans la capitale, ou encore le projet Google dans une rue adjacente à la gare Saint-Lazare au coeur du QCA, tandis que les projets d’implantations d’IA non imposés sur le plateau de Saclay se font attendre.

2. Une nouvelle poignée « d’offres » ne correspondant à aucune demande des habitants

A la soirée du 29 novembre dernier, M. Blazy nous a présenté successivement une nouvelle série de Grands Projets Inutiles, qui ne correspondent à aucune demande locale et dont la faisabilité est encore plus douteuse que la première série. Le secteur privé ayant jeté l’éponge, le secteur public a été appelé à la rescousse pour défendre des projets destinés à justifier la gare inutile en plein champ du Triangle de Gonesse. Quand on ne peut plus privatiser les profits, on socialise les pertes ?

Ironisons au passage sur la modification du libellé de la station dont se glorifie M. Blazy. Ce n’est pas en enlevant le mot « Triangle » du titre de la gare – intitulée désormais "Gonesse tout court" - que sa localisation deviendrait soudain pertinente et que son éloignement de la zone urbanisée se trouverait réduit (à 2,2 km des premières habitations de Gonesse et à 6 km du quartier de la Fauconnière qui regroupe 28% de la population de la ville, soit à 30 mn de trajet à pied et en bus !  (Voir carte, figure 4 de l'article A la recherche des gains de temps perdus). Rajoutons aussi que la nouvelle gare de Gonesse serait à 9 km de la mairie de Villiers-le-Bel… Car il ne faut pas oublier que la gare actuelle du RER D Arnouville/Gonesse/ Villiers-le-Bel assure une fonction intercommunale, à la jonction des 3 villes, alors qu’une gare de métro localisée sur le Triangle ne représente aucune utilité pour d’autres communes de l’agglomération de Roissy-Pays de France. On peut le vérifier aisément en regardant les 5 cartes des Bassins de main-d'oeuvre (de Gonesse, Garges-lès-Gonesse, Goussainville, Sarcelles et Villiers-le-Bel) publiées dans l'article Est-95. 3. Le mythe du transport structurant facilitant l'accès aux emplois de Roissy qui indique des flux domicile-emploi dirigés massivement vers le Sud, laissant très à l'écart à l'Est, la ligne 17 Nord représentée en pointillés, avec des étoiles à l'emplacement pressenti des gares, notamment celle du Triangle de Gonesse.

Passons en revue les différents projets présentés lors de cette soirée mémorable.

La Cité scolaire

Elle ne peut pas se faire sur le Triangle. Nous avons amplement démontré qu’une Cité scolaire à cet emplacement ne répond à aucun besoin significatif du territoire (Voir Crash d'excellence à Gonesse et Une cité scolaire tombée d'en haut, sans demande locale). En matière démographique, constatons que de 2013 à 2019, la population de Gonesse est passée de 26 075 habitants en 2013 à 26 228 en 2019, soit une augmentation de 153 habitants. A comparer aux scores de Villiers-le-Bel (+1228 habitants) ou de Sarcelles (+1915) aux mêmes dates. Dans le même temps, la population de 0-19 ans a perdu 199 habitants à Gonesse, alors qu’elle augmentait à Sarcelles (+ 245) et à Villiers-le-Bel (+ 738). En outre, les autres villes disposent de disponibilités foncières, avec des localisations en cœur de ville, accessibles à pied pour d'éventuels écoliers. Et quel intérêt pour un établissement scolaire dépendant de l’académie de Versailles, de bénéficier d’une ligne de métro reliant deux aéroports (à moins que les jeunes viennent en avion ?) et qui dessert des villes de Seine-Saint-Denis (Saint-Denis; La Courneuve ; Le Bourget, Dugny et Blanc-Mesnil ; Villepinte [5]…), dépendant de l’académie de Créteil ? Les jeunes habitant le Val d’Oise seraient tenus de venir par bus, ce qui enlève toute justification à une telle implantation sur le Triangle de Gonesse, desservie par un métro inutile.   

Une Administration centrale

Un certain nombre d’immeubles occupés par les services de l’État sont installés dans des locaux très coûteux au sein de la capitale. A l’occasion de la fin d’un bail, la question se pose d’un déménagement. C’est dans ce cadre de restrictions budgétaires que certaines administrations ont été approchées par les services du Premier ministre. Mais de là à se relocaliser dans un coin perdu de grande banlieue, au milieu des champs, sans aucune des « aménités urbaines » nécessaires à l’exercice de leur activité, il y a un gap qu’à mon avis ni les syndicats de salariés, ni le personnel n'accepteraient de franchir. Quelle signification politique aurait la décision d'un Ministère, contribuant à bétonner des terres agricoles, alors que la loi « Climat et résilience » promeut un objectif ambitieux de ZAN (« zéro artificialisation nette ») des espaces non urbanisés ?

Agoralim

M. Blazy lui-même a exprimé son impatience, sans nouvelles d’un projet qui semble à l’arrêt. Porté par la société d’économie mixte SEMMARIS, Agoralim propose la création d’un MIN (Marché d’Intérêt National) situé au Nord, en symétrique du MIN de Rungis. Le projet devrait "renforcer l'approvisionnement alimentaire du Nord Ile-de-France et encourager la production locale, notamment de légumes."[6] Rappelons toutefois que la gare du Triangle ne lui serait d’aucune utilité. C’est essentiellement Goussainville qui est concernée, puisque la ville devrait accueillir les bâtiments nécessaires à l’activité ("installation d'un carreau des producteurs, d'entrepôts de transformation et distribution, ainsi que des restaurants".[6] Il n’est prévu aucune retombée significative sur le Triangle, à part de la production maraichère. Pour le moment, la Semmaris est empêtrée dans un risque de privatisation et a d'autres enjeux à défendre qu'une extension de son implantation, comme on peut le lire dans cet article Le MIN de Rungis n'est pas à vendre.

Triango

Ce projet ne tient pas debout et on se demande comment son porteur, une société belge nommée BSI, spécialisée dans l’adaptation de la performance de biens immobiliers aux nouveaux enjeux climatiques (bureaux, incubateurs et espaces de coworking modulables), a pu être lauréat en octobre 2017 du concours d’aménagement et d’urbanisme « Inventons la Métropole du Grand-Paris ». Depuis l’abandon d’Europacity, on voit mal comment le promoteur pourrait réaliser « un nouveau quartier » au milieu de nulle part, dans un site interdit à l’habitat. Le projet « agriculture durable » fait sourire, avec 10 000 m2 (soit 1 ha) de serres et containers de cultures vivrières, supposées compenser 300 ha de terres agricoles sacrifiées ? L’annonce de 11 500 emplois sur 15 ha est totalement délirante, alors que l’implantation d’EC - pour le même nombre d’emplois prétendus – requérait 80 ha : un score 6 à 8 fois supérieur aux moyennes observées habituellement. Depuis sa sélection, Triango reste aux abonnés absents, sauf pour M. Blazy qui publie sur le site de sa ville cette phrase au futur antérieur : « Ce quartier verra le jour à partir de 2020 avec un développement par phases »[7]. Une fois de plus, le maire se retrouve seul avec ses chimères et continue à jouer la "Perrette et le pot au lait", alors que le pot est brisé depuis belle lurette.

En ce qui concerne des projets industriels

le Grand Roissy dispose d’un potentiel foncier suffisant, sans avoir à bétonner de terres agricoles. Citons parmi les friches disponibles les anciens terrains de PSA (à Aulnay-sous-Bois et accessoirement à Gonesse) remarquablement desservis par route et fer, sans compter la présence de 20 000 ouvriers à Aulnay et les communes adjacentes ; ou encore les possibilités de densification des zones d’activités existantes : l’un des 25 projets du Grand Roissy porte sur le potentiel estimé sur Paris Nord 2 (à Gonesse, Roissy, Villepinte et Tremblay), qui pourrait créer 8700 emplois supplémentaires d’après l’étude ECODEV.

3. Quand une politique d’emplois échoue à 95%, faut-il s'entêter à poursuivre celle-ci ?

Les échecs ne s’accumulent pas seulement pour l’urbanisation du Triangle de Gonesse, mais pour l’ensemble des projets de transports qui lui sont liés. Est-ce que les habitants savent que la ligne 17 Nord Le Bourget-Roissy - qui devrait desservir l’aéroport en 2030 - si elle était réalisée, risquerait de ne transporter que des banquettes…? A condition de trouver un candidat qui accepterait d'exploiter une ligne lourdement déficitaire, avec 5 gares sur 6 sans aucun habitant dans un rayon de 800 m (Voir carte Figure 7, du Bêtisier de la ligne 17) !!

J’ai amplement démontré que la ligne serait inutile à 94% pour les Val d’Oisiens. Car il n’y a plus que 6,8% des habitants de l’Est du Val d’Oise qui travaillent à Roissy et même 5, 6 % si on compte les chômeurs. Voir tableau figure 6 de mon article Roissy qui a perdu 24% de son attractivité). Cette ligne 17 Nord est censée permettre d’accéder aux emplois de Roissy, mais on oublie de préciser aux travailleurs locaux - et a fortiori aux demandeurs d'emplois - que le pôle est en pleine déconfiture ( : de 2008 à 2020, l’emploi de la commune de Roissy [8] est passé de 93 800 emplois à 73 300, soit une diminution en 22 ans de 20 500 postes ! (Voir courbe figure 4 Une pléthore d'offres de Grand Projets Inutiles).

Et même quand l’emploi augmente, c’est un fiasco ! De 1999 à 2019, en vingt ans, les emplois à Gonesse a connu une croissance de 3344 postes (soit +28,8%),  mais ils ne correspondent nullement aux compétences et qualifications des Gonessiens. Ainsi cette augmentation n’a profité à aucun Gonessien supplémentaire : en 20 ans, on compte 108 Gonessiens de moins (soit - 4%) qui travaillent dans leur commune ! Résultat : Gonesse est devenue une ville dissociée, caractérisée par la formule : « l’habitant n’y travaille pas, le travailleur n’y habite pas ». (Voir Gonesse, ville dissociée, et notamment la partie III sur les catégories socio-professionnelles et les familles professionnelles) Et le chômage a augmenté dans la ville, passant de 14,7% en 1999 à 16,2% en 2019 (soit + 10,6%), dans un contexte où la France entière et la région connaissent une réduction du chômage !

4. A quoi bon cette politique de l’offre, qui ne correspond à aucune demande ?

Donc revenons au réel. Il n’y a eu aucune analyse des besoins de ce territoire. On raisonne comme s’il avait été frappé par une bombe à neutrons qui aurait effacé les populations. On poursuit une fuite en avant de GPII implantés sur des terres agricoles, qui aggrave les besoins de transports. Ce n’est pas l’absence d’offres qui pose problème sur le secteur Est du Val d’Oise, mais l’inadaptation de cette offre au regard des besoins locaux. Les élus décrivent le territoire comme défavorisé, mais les seuls projets qu’ils défendent ne sont pas localisés là où se trouvent ces populations en difficulté ! En quoi dépenser des centaines de millions d’euros pour desservir le Triangle de Gonesse en transports et en établissements scolaires améliorerait le sort des habitants ? Les principaux habitants du site - c’est-à-dire les vers de terre - ne prennent pas le métro... et ne vont pas à l’école ! (Voir Bêtisier Triangle de Gonesse n°1).

Et au lieu de diagnostiquer qu’il faut répondre aux besoins d’emplois et de transports LOCAUX du territoire, afin de diminuer la dépendance des populations vis-à-vis de la Métropole, des élus irresponsables comme le maire de Gonesse, ORGANISENT LA DISSOCIATION du territoire par une offre de transports qui répond aux besoins métropolitains du Grand Roissy (une ligne de métro reliant les deux aéroports desservant la capitale), mais nullement à ceux des populations. Il faut arrêter cette politique mortifère de grands projets XXL qui ne correspond à aucun besoin du territoire. Une solution appropriée consisterait à réduire d’urgence la demande de transports à la source, en mettant en place des emplois UTILES aux habitants. Grâce au développement de petites activités qui embauchent en proximité et évitent les transports lointains, dans le petit commerce, l’artisanat, le sanitaire-social, l’éducation-formation, les services à la personne, les emplois publics, l’économie solidaire… Que les travailleurs puissent aller au boulot à pied, en bus ou en vélo... sans avoir à s'entasser dans les RER à destination de Paris ou des communes adjacentes. La ligne 17 Nord coûte 3,4 milliards d’euros. Repositionnons ces milliards vers le réseau existant, vers le RER D et B, vers l’entretien et la modernisation du réseau.

Plutôt que de s’acharner à vouloir bétonner les terres agricoles du Triangle, on attend d’un maire qui se déclare « socialiste », qu’il fasse du SOCIAL, c'est-à-dire qu’il s’occupe des populations dont il a la charge, là elles se trouvent, c'est-à-dire dans la zone urbanisée de Gonesse.

ANNEXE

Illustration 1
QUIZ sur la Cité scolaire © CPTG

Les réponses ne sont pas au verso, mais sur le site du CPTG

https://ouiauxterresdegonesse.fr/wp-content/uploads/2023/11/QUIZ-Cite-scolaire-20231129-V8BAT.pdf

NOTES

[1] Le centre commercial My Place (31 500 m2, Sarcelles) est localisé plus au Sud.

[2] L'article a été publié en mars 2022 dans le journal de la municipalité de Roissy.

[3] Etude de J. Lorthiois, « Actualisation des impacts sur l’Emploi des 25 projets du Grand Roissy », Collectif pour le Triangle de Gonesse, avril 2022, 39 pages. https://ouiauxterresdegonesse.fr/wp-content/uploads/2022/08/Etude-ECODEV-revue.pdf

[4] IPR, « Stratégies immobilières : le temps des adaptations », in Cahier n° 181 « À Distance, la révolution du télétravail », 09 novembre 2023

[5] La gare de la ligne 17 Nord intitulée "Roissy 2" se trouve sur la commune de Tremblay-en France, mais est éloignée de la ville et ne dessert donc pas sa population.

[6] Hugo Robert, "Entre engouement, impatience et défiance, Agoralim divise les élus locaux", in Les Echos, 8 novembre 2023.

[7] Source : ville de Gonesse- https://www.ville-gonesse.fr/content/triango-un-nouveau-quartier-a%CC%80-gonesse

[8] La commune de Roissy couvre 95% des emplois de l’aéroport. Je ne prends pas en compte les postes de la ville de Tremblay-en-France : la plupart des emplois comptabilisés est liée aux besoins d’une population locale de 37 000 habitants. Voir explications dans mon article Bassin de Roissy 2.

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