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Billet de blog 18 avril 2025

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Habituelles escroqueries

François Bayrou avait traficoté les chiffres du déficit sur les retraites, il a rajouté une couche avec le montant de la dette à la charge de chaque Français, tout en surfant sur une prétendue « classe moyenne ». De leur côté, les présidents de Départements de droite jouent à faire peur aux personnes percevant le RSA.

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Les gens du pouvoir ne cessent de bluffer sur l’économie. Exemple : pour illustrer la dette publique (3300 milliards d’euros), François Bayrou, qui ne craint pas de se prendre pour « la vérité », vient de dire que chaque Français avait une dette de 50 000 € sur la tête (pour enfoncer le clou, une famille de quatre : 200 000 €). Cette assimilation est une escroquerie, mais ça marche, donc pourquoi s’en priver (le problème est moins le montant que le "service" de la dette, c’est-à-dire les intérêts versés aux investisseurs qui atteindront 67 milliards cette année [peut-être davantage car les taux sont montés à 3,5 %], ce qui n’est pas une petite somme qui, si on pratiquait les comparaisons erronées de Bayrou, correspondrait à 1000 € par Français). Pourquoi erronées : parce qu'on ne peut mettre sur le même plan le budget d'un ménage et celui de l'État qui ne sont en rien comparables.

Illustration 1

Autre escroquerie : les gens du pouvoir ne cessent tout à la fois de dire qu’il faut économiser de façon drastique (la dernière de Bayrou le 15 avril : 40 milliards d’euros) et ne pas augmenter les impôts sur les classes moyennes ! Faut-il rappeler une fois de plus que les classes moyennes n’existent pas ? C’est juste un élément de langage politique, une formule d’estrade, afin de se faire passer pour le défenseur de celles et ceux qui ne se considèrent ni classes pauvres ni ultra-riches. On pourrait citer évidemment Laurent Wauquiez (le « Trumpicul hexagonal », dixit Le Canard enchaîné du 16 avril) qui intitulait son mouvement Droite sociale (sic), "Défense des classes moyennes", mais il n’est pas le seul : en réalité ils sont cohorte les démagogues qui surfent sur cette escroquerie. Car ce fourre-tout, selon les calculs et surtout les idéologies, rassemble 50, 60 ou 70 % de la population. C’est ainsi que des citoyens percevant 1500 € mensuels se croient membres de la classe moyenne mais aussi ceux qui n’ont "que" 10 000 euros. Est-ce que les Français se laissent abuser par cette rhétorique permanente selon laquelle il ne faut pas augmenter les impôts sous-entendant que cela devrait forcément impacter gravement tout le monde, alors qu'on a depuis un siècle un impôt sur le revenu non pas proportionnel mais progressif ?

Comme les ultra-riches parviennent à s’en sortir très bien en matière d’impôts (en pourcentage, payant moins que les autres), alors on se dit qu’il faudrait peut-être taxer les plus pauvres ! C’est évidemment le programme de la pro-capitaliste de choc, Agnès Verdier-Molinié qui répand partout sa logorrhée caricaturale (pire : jouant de ses excès et invitée pour cela), mais aussi du Medef quand Patrick Martin, le patron des patrons, le 15 avril au matin sur France Info, appelle à tailler dans les dépenses de santé (il donne comme exemple les patients hospitalisés qui avaient refusé de se faire vacciner : il faut les responsabiliser, qu’ils payent leurs frais de santé !). Par ailleurs, plutôt que d’ « accabler les entreprises », allons chercher l’argent chez les bénéficiaires des aides sociales, luttons contre la fraude sociale (pas celle des arnaqueurs, mais celle des assurés sociaux qui toucheraient des remboursements indus). Il lâche tout de go : « On a un coût de distribution [sic] des aides sociales qui est de 47 milliards d'euros, si on s'alignait sur ce qui se passe dans les autres pays européens, on économiserait 9 à 10 milliards ». Moralité donc : supprimez non seulement du RSA, mais de l’AAH (handicapés), de l’aide pour payer l’Ehpad… Bien noter que cet individu dirige un syndicat de patrons d’entreprises qui touchent 200 milliards d’aide de l’État, sans conditions ni contreparties.

Quant à Bayrou, il se garde bien de dire qu’Emmanuel Macron (qu’il n’a cessé de conseiller) a supprimé 76 milliards par an de rentrées d’impôts et a favorisé le fait que les dividendes versés par le CAC 40 soient supérieurs aux investissements. On ne cesse de culpabiliser les travailleurs français (ils ne travailleraient pas suffisamment), alors que, comme l’indiquait Sophie Binet sur France 5 dans l’émission C ce soir du 15 avril (où elle était bien seule face à des politiques et économistes de droite), la durée de travail en France est équivalente à celle de l’Allemagne. Même l'économiste mainstream Anne-Sophie Alsif a dû l'admettre.

[16 avril]

. voir Retraites : les petits calculs de Bayrou : François Bayrou, après avoir falsifié les chiffres du déficit des retraites en janvier, décide à la radio hier de bloquer sur les 62 ans. Des nouvelles du RSA : la loi sur les 15 heures est dans un flou artistique. Quant à la fraude sociale que Catherine Vautrin veut combattre, toujours la même rengaine consistant à confondre petits arrangements et escroqueries.

. Le Medef et Bayrou trichant sur les chiffres des retraites : ici.

RSA : les fauteurs de peur

Le Revenu de solidarité active (RSA) augmente de 1,7 % au 1er avril c’est-à-dire que pour une personne seule le montant passe de 635,71 € à 646,52, soit 10,81 € par mois, soit 35 centimes supplémentaires par jour. Ces chiffres seront donnés peut-être par les médias et pourtant ils enjolivent quelque peu la réalité, car, compte tenu de la perception d’une allocation logement, l’allocataire du RSA voit cette somme amputée d’un "forfait logement" : donc ce n’est pas 646,52 € que l'attributaire du RSA touchera mais 568,94 € nets (il faut en effet déduire le forfait logement de 77,58 €, soit 12 % de l’allocation). Le site internet de CNews dit que « le montant du RSA va atteindre de nouveaux sommets » !

D’après mes calculs, cela représente une dépense totale supplémentaire, à l'échelle du pays, de 202 millions d’euros, soit autour de 2 M€ en moyenne par département (alors que le budget total des Départements est de 100 milliards d’euros, dont 45 Md€ consacrés à l’action sociale qui est leur compétence principale).

Illustration 2
[Ph. YF 2021]

Pourtant, les présidents de Départements de droite poussent des cris d’orfraie : ils ne pourront pas verser une telle augmentation ! Ils exigent de l’État qu’il la prenne en charge. Ils sont prêts à engager des dépenses somptuaires dans des domaines qui ne sont pas de leur compétence principale ou même pas du tout de leur compétence, mais ils bloquent les droits des plus démunis dans ce pays. Quitte à provoquer des angoisses chez des gens qui ne savent s’ils percevront leur revenu de survie, suite au climat que ces déclarations entretiennent, avec la complicité de médias qui ne prennent pas la peine d’expliquer.

Ces élus locaux prétendent (comme en Haute-Loire) que le montant ne sera pas baissé car la Caisse d'Allocations Familiales (CAF) compensera. C’est ce qu’un journaliste d’Europe 1 a annoncé à 13h le 1er avril en disant que c’est « la CAF qui assurera le financement », montrant par là qu’il ne connait pas grand-chose au problème. La CAF n’est qu’un service d’attributions et non de financement : le RSA est sur budget des Départements, qui abondent les CAF chaque mois, et si la CAF le verse c’est simplement parce qu’elle a une compétence ancienne pour procéder à une telle mission. Mais la CAF n’a pas de budget pour le RSA, pire, elle est rémunérée par les Départements pour procéder à ce versement (car elle engage des dépenses en personnel) et pour chaque dossier (sujet dont on ne parle nulle part).

Donc, on va assister à un bras de fer qui se résoudra certainement, mais je considère que les présidents de Conseils Départementaux, qui jouent ainsi avec la peur, sont ignobles.

[1er avril]

. voir La haine des pauvres a pignon sur rue : Si le racisme a pignon sur rue dans bien des médias, il en est de même de la haine des pauvres. Le problème n’est pas seulement que des propagandistes, aux idées contraires aux valeurs de la République, qui font métier d’attiser le rejet de l’autre, aient droit de cité dans le débat public, mais que leurs affirmations farfelues ne soient que très rarement contestées.

Billet n° 855

Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Parcours et démarche : ici et "Chroniqueur militant". Et bilan au n° 700 et au  n° 600Le plaisir d'écrire et de faire lien (n° 800).

Contact : yves.faucoup.mediapart@free.fr ; Lien avec ma page Facebook 

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