11 mars 2018

Après l'émeute ouvrière de Caen en janvier, avec des étudiants venus en renfort, c'est au tour des métallurgistes de l’usine Garnier à Redon (Ille-et-Vilaine). Ils entraînent dans leur grève victorieuse toutes les entreprises de la ville, après avoir organisé l'autodéfense contre les bandes armées du capital. Dans les années 60, près de 900 personnes y produisent chez Garnier des machines agricoles de plus en plus élaborées, à la pointe de la technique. Garnier est reconnu au niveau national et même international.

À Redon, les syndicats lancent un mouvement pour une augmentation de 30 centimes. Le 11 mars, alors que les délégués syndicaux discutent dans la mairie avec le patronat, dehors, les jeunes décident de manifester leur détermination : ils barrent la voie ferrée Paris-Quimper et ils se heurtent violemment aux CRS.

Comme par hasard, la presse s’est gardé de faire des compte-rendus détaillés. La JCR au contraire y a vu un signe social et politique important, lui consacrant deux pages dans le numéro d’Avant-Garde Jeunesse de Mai 1968 (page 20 et 21).
En voici l'introduction et deux extraits ci-contre, qui font état de l’apparition en Bretagne d’un « nouveau prolétariat combattif », cette même montée de la combativité qu’elle avait relevé à Caen deux mois plus tôt (voir dans la présente série l’article 26 Janvier 68: Caen prend les devants).
Mais là aussi l’explosion avait été préparée par des mobilisations massives. Dès juin 1967, environ 10 000 personnes dans les rues de Redon, et un mouvement pour les salaires dans la métallurgie qui a fait tâche d'huile dans les autres entreprises. Puis en octobre 1967, une manifestation de près de 12 000 personnes devant la sous-préfecture.
L’usine Garnier emploie alors beaucoup de fils ou frères de paysans alors en colère pour le prix du lait. A Redon, la tradition de lutte ouvrière et la solidarité des paysans font que la grève se généralise. Les grévistes tiennent même les abattoirs municipaux et autorisent son fonctionnement au coup par coup, par exemple pour fournir l’hôpital. Le mouvement dure trois semaines, avec occupation de la salle des mariages en prime...
Le même jour…
- Le 11, à l’appel des organisations départementales CGT, CFDT, CFTC, CGC et FEN, importantes manifestations pour l’emploi et les salaires dans le Nord : 10 000 manifestants à Lens, 5000 à Douai, 4000 à Bruay, 2000 à Valenciennes.
- Des manifestations ayant une dimension régionale se multiplient ailleurs: Pays-de-Loire, Bretagne, Le Mans, Mulhouse…
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50 ans après
- Parfum de Mai 68 à l'Université de Bordeaux - Rue89 Bordeaux
- Mai-68 et autres utopies : sélection littéraire du Monde
- 50 ans après mai 68, quel héritage ? (HARRIS)
- Présence de Mai 68
La revue L'Homme et la Société prépare un numéro spécial international sur Mai 68, regroupant des textes toutes disciplines confondues. Il ne s'agira pas de se retourner vers le passé avec nostalgie, mais au contraire de montrer comment cet événement a informé les cinquante années qui ont suivi. Les contributions devront être compatibles avec la ligne éditoriale de la revue, à savoir un parti-pris théorique rigoureusement antinaturaliste et un projet politique d’auto-émancipation récusant la logique paternaliste de l’émancipation.
- Filles de Mai : 68 mon Mai à moi. Mémoires de femmes. Collectif (Auteur), Ludivine Bantigny (Postface), Monique Bauer (Avec la contribution de), Michelle Perrot (Préface).Éditeur : Editions Le Bord de l’eau.
ELLES ont entendu Michelle Perrot parler du silence des femmes dans l’histoire. ELLES ont voulu dire Mai 68. Elles se sont réunies. Elles ont parlé et beaucoup ri. Elles se sont souvenues. Elles ont écrit et les écrits ont voyagé de l’une à l’autre de toutes à toutes échos croisés de l’avant, du pendant et de l’après. Et puis des mots ont pris le pouvoir des mots mémoire, des mots passion et l’abécédaire est né de la mémoire de ces filles de mai. Monique Bauer. Michelle Perrot a raison d’évoquer une « chronologie existentielle », à propos de ces lignes qui traversent l’événement comme des sillons féconds. 68 se décline en milliers d’expériences intimes et collectives. Celles qu’offre ce livre n’ont pas vocation à être exhaustives, ni même représentatives. Elles s’expriment en revanche avec sincérité, loin des reniements et des rejets qui font depuis plusieurs décennies, dans les médias, le bon ton des rédactions, loin des mépris hautains et des ricanements. Ces témoignages sont une force parce qu’ils ne parlent pas seulement du passé mais donnent espoir pour le présent, à bonne distance des triomphants. » Ludivine Bantigny.
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Articles déjà publiés dans la série « 1968 »
- 5 Janvier 68: Dubcek accède au pouvoir en Tchécoslovaquie
- "Eh bien non, nous n'allons pas enterrer Mai 68", par A. Krivine et A. Cyroulnik
- 26 Janvier 68: Caen prend les devants
- 27 janvier 68: les lycéens font collection de képis de policiers
- 29 Janvier 68: Fidel écarte les dirigeants pro-soviétiques
- 31 janvier 68: Vietnam, l’offensive d’un peuple héroïque
- Mai 2018 : sous les pavés la rage, par Jacques Chastaing
- Mai 68 vu des Suds
- 6 Février 68: grand Charles et grand cirque à Grenoble
- 14 février 68: combat pour le cinéma
- 17-18 Février 68: La jeunesse européenne avec le Vietnam
- Mai 68 n’a pas commencé en mai, ni en mars, ni au Quartier Latin, ni à Nanterre
- 24 Février 68: Plate-forme commune FGDS- PCF
- 26 février 68: L'aéroport c'est déjà non, et au Japon
- 1er Mars 68: bataille romaine de Valle Giulia
- Mai 68: des conséquences "positives" pour 79% des Français
- 1968: le père De Gaulle et la tante Yvonne, ça suffit !
- 8 mars 68 : révolte étudiante en Pologne