La question de la protection de l'enfance fait l'objet de débats, mais presque toujours sur l'absence de signalements de l'enfant en danger, sur la non-application des décisions des juges des enfants, sur les carences des organismes ou familles d'accueil.
En tant qu'associations défendant les personnes autistes, nous luttons au contraire contre les abus d'informations préoccupantes (IP). Nous protestons également contre les carences de l'accompagnement des enfants autistes par du personnel qui devrait être spécialisé.
Un exemple récent : le seul constat de l'éducateur spécialisé à l'école - suite à un jugement - a été que l'enfant se réfugiait sous les tables ou les sièges. No comment sur le reste. Vous n'aurez pas trop de mal à imaginer le genre d'élucubrations qui vont être élaborées au bout de quelques semaines.
Me Cerrada a publié en 2023 un livre poignant sur ce sujet.
Dans le chapitre 5, elle décrit l'histoire d'un jeune adolescent autiste Asperger tellement maltraité par l'institution judiciaire qu'il a voulu se jeter sous une voiture en sortant du tribunal. Fait très rare, la justice a admis la faute de l’État (en l’occurrence d'un juge des enfants).
Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis avocat à la Cour d’appel de PARIS depuis plus de trente ans, je pratique le droit de la famille et le droit de l’assistance éducative – depuis 15 ans mon secteur « assistance éducative » est prédominant, ce qui tombe bien car c’est mon domaine de prédilection. Je suis l’avocat référent de l’association L’ENFANCE AU CŒUR spécialisée dans la dénonciation des dysfonctionnements socio-judiciaires en particulier en matière de placement abusif et sur la non prise en compte de la parole de l’enfant victime de délits sexuels. Je suis l’auteur d’un livre PLACEMENTS ABUSIFS D’ENFANTS, UNE JUSTICE SOUS INFLUENCE paru en mars 2023 aux éditions MICHALON, livre auquel a participé le Docteur Isabelle SALMON pour la partie scientifique.
Vous avez publié un livre l'année dernière ? Pourquoi ?
J’ai voulu dénoncer le placement des enfants de familles bientraitantes alors qu’il n’existe aucune justification sérieuse. Je dénonce la destruction des familles, l’objetisation des enfants sous le prétexte de leur « intérêt supérieur » notion totalement floue. Le droit à la vie de famille, l’étatisation de la famille, sont de véritables sujets dans une société qui se responsabilise et judiciarise à outrance. J’ai dénoncé les dysfonctionnements socio judiciaires nombreux, le business que constitue la « protection de l’enfance » et l’utilisation fantaisiste de concepts psychanalytiques caricaturaux pour stigmatiser les familles. J’ai également dénoncé le placement des enfants ayant un TND [trouble neuro-développemental] et tous les signalements qui les visent du fait de l’amalgame TND/maltraitance.
Vous venez d'obtenir une décision rare concernant les fautes de la justice ? Quelles procédures ont été suivies ?
Il s’agit d’une assignation contre l’État pour faute lourde.
La décision est-elle définitive ?
Elle est définitive car l’État n’a pas fait appel.
Quel est le dispositif de cette décision ?
Il condamne l’agent judiciaire de l’État qui représente l’État, à verser des dommages intérêts à l’enfant autiste du fait de l’absence de protection pendant le traitement judiciaire de son dossier.
Pouvez-vous rappeler ce qui a été à l'origine de cette décision ?
Un enfant a subi une procédure judiciaire, tout d’abord une MJIE (mesure judiciaire d'assistance éducative) sans audience et donc sans contradictoire - alors qu’il n’y avait pas d’urgence. Ensuite les conditions de son audition devant le juge des enfants ont été jugées comme ne lui ayant pas assuré de protection.
La situation est-elle décrite dans votre livre ?
Oui.
Quelles conclusions pouvez-vous en tirer concernant les procédures judiciaires en cas de handicap, particulièrement - mais pas seulement - en matière d'autisme ?
Je considère qu’il faut exercer tous les recours possibles pour faire évoluer le système français car il est maltraitant. Les parents doivent aller jusqu’au bout, Cour de cassation, CEDH (cour européenne des droits de l'homme) etc … Il faut qu’une jurisprudence nette et favorable vienne contrecarrer l’impunité judiciaire. Pour les parents d’enfants porteurs de handicap, l’amalgame entre le handicap et des défaillances parentales est un amalgame faux et souvent stupide qu’il faut combattre avec énergie.
La stratégie nationale pour l'autisme a prévu une priorité de diagnostic par les centres de ressources autisme (CRA) en cas de "suspicion" d'autisme. Cette mesure a-t-elle été appliquée à votre connaissance ?
Elle est peu appliquée, et les CRA sont de toutes les manières débordés et pas toujours aussi compétents qu’on le voudrait, d’autant plus qu’ils ont l’information préoccupante et le signalement trop faciles ! Aident-ils ou stigmatisent-ils ? Les parents d’enfants ayant un TND ne sont pas toujours compris, ni leurs enfants, et même par le CRA … un comble.
Le gouvernement a publié une liste d'experts de troubles neurodéveloppementaux à destination des CRIP (cellules de recueil des informations préoccupantes) et des juges. Voyez-vous le recours à ces experts dans les procédures que vous suivez ?
Très peu, les juges boudent l’annuaire, et privilégient encore et toujours les travailleurs sociaux lambda, leurs partenaires de travail préférés ! Quand on ne parvient pas à faire désigner un spécialiste, l’ordonnance de refus n’est pas susceptible d’appel, donc l’affaire est vite réglée. Ce non recours à de vrais professionnels est scandaleux, et typiquement français, on ne s’efface pas devant le savoir, on « gère » les dossiers sans se soucier des dommages collatéraux et du déficit d’information dont regorge le dossier. Les parents d’enfants ayant un TND continuent d’entendre des aberrations sur leur parentalité. Pour autant il ne faut pas baisser les bras, et constituer de bons dossiers avec l’aide des médecins qui entourent l’enfant, au bout d’un moment, on parvient à se faire entendre ! L’avocat a une place importante dans l’interface judiciaire.
Dossier ASE
ASE 1 - Christine Cerrada : Placements abusifs d'enfants une justice sous influences
Un livre fondamental qui, à partir d'exemples concrets, décrit le mécanisme de placements abusifs d'enfants. Indispensable pour les parents d'enfants autistes.
ASE 2 - AEEH - CAF : "dans le doute, je bloque les prestations"
Histoire habituelle : placement à l'Aide Sociale à l'Enfance, récupération d'un "indu" par la CAF.
ASE 3 - Autisme : Dans l'enfer des placements abusifs
Des expériences concrètes récentes de procédures concernant l'Aide Sociale à l'Enfance pour des enfants autistes.
ASE 4 - Intervention auprès du Conseil Départemental du Finistère
Il y a une muraille de Chine entre les questions du handicap et de la protection de l'enfance, traités toutes les deux par les Conseils Départementaux. L'exemple du Finistère. Alors qu'il y a un lien très important.
ASE 5 : "Tout le monde ne déteste pas la gendarmerie"
Un exemple d'interaction sociale entre les forces de l'ordre et une association défendant les personnes autistes. En cas de suspicion de maltraitance.
ASE 6 : maltraitance institutionnelle
Comment la maltraitance peut se maintenir, se développer ? Y compris chez les adultes autistes.
ASE 7 - Communication des documents administratifs
Quel est le régime de communication des documents de l'ASE après transmission au procureur, en application de la loi d'accès aux documents administratifs ?
ASE 8 - Placements abusifs d'enfants - sommaire
Sommaire du livre de Christine Cerrada : "Placements abusifs d'enfants, une justice sous influence"
ASE 9 - Placements abusifs - propositions de "L'enfance au coeur"
Livre de Christine Cerrada "Placements abusifs d'enfants, une justice sous influence" : propositions pertinentes de l'association "L'enfance au Cœur".
ASE 10 - Lettre à une travailleuse sociale
Le site "L'enfance au cœur" publie une lettre à une travailleuse sociale. Comment faire placer un adolescent autiste ? Mode d'emploi.
ASE 11 : Dans les IME et ITEP, enfants autistes invisibilisés
Comment un rapport statistique peut faire disparaître l'autisme dans une série d'autres troubles, à ne pas accompagner spécifiquement les personnes autistes. La situation des enfants placés à l'ASE et pris en charge dans des IME ou ITEP.
ASE 12 : Placement à l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE), AEEH et PCH
En cas de placement à l'ASE, le maintien des droits à l'AEEH peut être assuré si les parents continuent à assumer en partie la charge de leur enfant. Le droit à la PCH peut être ouvert. Que fait l'ASE ?
ASE 13 : communication des documents administratifs (bis)
Les rapports d'enquête en cas d'information préoccupante sont communicables aux parents concernés, même s'ils ont ensuite été transmis à l'autorité judiciaire.