Dans les coulisses, elle est parfois la risée car elle aligne les lieux communs comme des perles, se présentant comme experte, ce qu’elle n’est pas (elle invoque un diplôme d’histoire économique pour justifier d’avoir été nommée à 30 ans à la tête d’un think tank ultralibéral financé par un mécène, citoyen américain ayant fait fortune dans les compresseurs à air comprimé). Si elle brasse du vent, répétant en litanies qu’il y a trop d’impôts, trop de dépenses publiques, trop d’assistés, il lui arrive cependant de faire mouche car « lorsque l'on ne s'embarrasse pas de nuances, lorsque l'on y va avec ses gros sabots, c'est sûr que l'on peut se constituer un auditoire sensible à des idées simples », écrivais-je (déjà) dans un article en avril 2015 (1).
On peut s’interroger sur l’intérêt qu’il y a à rendre compte de ses saillies, sa façon de vociférer mais aussi le contenu de ses attaques. Pourtant non seulement elle occupe largement le terrain mais encore elle est la voix de ceux qui dans la coulisse pensent comme elle mais n’osent pas le dire tout haut. Sa fonction est de passer son temps sur les plateaux, plutôt que d‘animer l’iFrap dont les études ne cassent pas trois pattes à un canard. Des économistes sont atterrés par certaines thèses qu’elle développe, certains chiffres qu’elle assène, soit approximatifs soit farfelus. Au travers, évidemment, elle invoque des constats justes mais c’est leur exploitation qui est totalement orientée et invariablement méprisante envers les plus démunis de ce pays, les accusant soit de frauder soit de percevoir des allocations imméritées et envers les fonctionnaires et le service public. En bonne ultralibérale, son projet est : laissez le capitalisme jouir sans entraves, les profits qu’il en tirera seront les miettes qui tomberont sur les plus malchanceux afin qu’ils ne sombrent pas dans la misère la plus profonde. Pas étonant que dans le "conseil scientifique" de l'iFrap siège l'économiste ultralibéral Jean-Marc Daniel.
In fine, porter le fer contre la Sécurité sociale

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De fait, les idées qu’elle déroule ne sont pas de simples opinions économiques, mais une attaque en règle contre notre modèle social hérité de la Libération, qui hérisse le poil des ultralibéraux qui aimeraient tant mettre la main sur le pactole et en extraire les royalties. Elle porte leur projet de mettre à bas ce modèle. Il y a, malgré les intentions de ses promoteurs jouant sur sa plastique pour faire passer le message, une violence inouïe dans ses propos. On s’étonne parfois de la dureté des rapports dans notre société malade, mais il est évident que cette doxa ultralibérale déversée sans aucune honte contribue grandement à provoquer de la colère, sinon de la violence. Certes, elle caresse dans le sens du poil une partie des classes moyennes, en leur suggérant, comme le font tous les propagandistes du libéralisme que leurs malheurs proviendraient de leurs voisins au chômage ou au RSA ou à l’AAH, mais, comme je l’ai déjà montré, ce discours de rejet des citoyens faisant appel à l’assistance pour vivre ou survivre est clairement destiné à porter le fer contre la Sécurité sociale elle-même.
Elle assure régulièrement un édito sur la chaîne d’extrême droite CNews. L’un de ses derniers éditos (21 avril) consistait à protester contre le fait que dans les HLM les gens qui travaillent ne sont pas prioritaires (les autres, retraités, sans-emploi, ne devraient être hébergés que s’il reste des places). Sans le dire, elle reprend l’obsession de Laurent Wauquiez, qui le réclamait en novembre 2011, ce qui avait provoqué un tollé, mais lui était alors ministre… de l’Enseignement supérieur. C’est l’époque d’ailleurs où il avait lancé cette saillie célèbre sur « le cancer de l’assistanat ». En effet, quelques mois plus tôt, en mai (il était alors ministre des Affaires européennes), il réclamait que l’on exige des bénéficiaires du RSA « cinq heures hebdomadaires de service social » ( !) et exigeait de « plafonner le cumul de tous les minima sociaux à 75 % du Smic ». Il s’agissait d’une formule de communication qui ne voulait pas dire grand-chose et qui attestait que l’éventuel futur candidat LR à la présidentielle de 2027 ne connaissait rien au sujet (entre autres sur le caractère différentiel des minima sociaux qui ne se "cumulent" pas).
Sur CNews le 23 avril

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Le 23 avril dernier, Agnès Verdier-Molinié, sur CNews, a déversé sa traditionnelle hargne anti-sociale mais peut-être pire que jamais, accusant les titulaires de minima sociaux d’abuser : la fraude expliquerait que le coût des minima sociaux a explosé. Certains, comme le RSA, l’AAH et le minimum vieillesse (ASPA), sont passés [chacun] de 2 milliards dans les années 2009-2010 à 10 milliards aujourd’hui. Comme d’habitude, elle pratique l’évaluation au doigt mouillé : en réalité, le montant total du RSA était de près de 9 Md€ en 2010 et de 12 Md€ en 2020. Il faut dire que cette année-là (2020), on a assisté à une hausse des minima sociaux (RSA, AAH, ASPA, ASS) du fait de la crise sanitaire : le montant total a atteint 30,4 Md€ pour 7,1 millions de personnes couvertes (ayants droit compris). Mais l’année suivante, le nombre de bénéficiaires était en baisse (- 6,2 % pour le RSA et - 9,3 % pur l’ASS). L’ASPA est passée de 3,03 Md€ en 2011 à 3,5 Md€ (le nombre d’allocataires ASPA est stable, il a même tendance à diminuer). Les chiffres de Mme Verdier-Molinié sont donc faux, je dirais délibérément faux. Cela fait partie de sa propagande, elle est payée pour ça et des médias complaisants ainsi que des journalistes qui n’ont pas bossé laissent sa logorrhée se répandre sans qu’elle soit contredite.
Elle prétend que ses lecteurs lui écrivent, certains travaillant dans l’administration, pour attester qu’ils constatent des fraudes au minimum vieillesse de la part de personnes « qui se font faire de fausses attestations d’hébergement, pendant dix ans en France, alors qu’ils ont à peine habité en France. Et c’est payé par les Français ». Elle n’apporte pas plus de preuves que si j’écrivais que Madame l’ultra-libérale de choc ne paye pas d’impôts. On sait très bien que, sur les réseaux sociaux, des individus se prétendent employés de la CAF ou assistantes sociales pour porter des accusations dont l’incohérence démontre le plus souvent qu’elles sont inventées de toute pièce.
Dossiers falsifiables ou kafkaïens ?
Démago, Mme Verdier-Molinié met en parallèle les attestations qu’il fallait pour aller acheter une baguette de pain pendant le Covid et le peu de documents nécessaires, qui sont « falsifiables », pour percevoir une aide sociale. Elle démontre de la sorte qu’elle n’a jamais approché de tels dossiers car ce à quoi sont confrontés les allocataires c’est bien la complexité des dossiers à remplir, parfois leur caractère kafkaïen. Elle se plaint que ce ne soit pas les contrôleurs des impôts qui contrôlent ces allocations, sans que l’on sache s’ils seraient davantage efficaces que les organismes de sécurité sociale (CAF et CPAM) qui passent leur temps à communiquer sur leurs procédures de lutte contre la fraude, pour ne subir aucun reproche dans le débat public. Pourtant ces contrôles sont parfois à la limite du respect envers les usagers, car aucun autre secteur ne fait l’objet d’un tel acharnement provoquant une suspicion généralisée et entraînant des pertes dans les ouvertures de droit. Les erreurs sont bien souvent des erreurs de l’administration elle-même et beaucoup de citoyens abandonnent leurs droits de crainte de se voir réclamer des indus (2). Elle va jusqu’à affirmer qu’il n’y a « aucun problème » si l’on est parent isolé : « on peut toucher des aides indues pendant des années » !
Le chroniqueur de droite extrémiste Bock-Côté la conforte en citant le journaliste réactionnaire du Figaro Alexandre Devecchio qui considère que la lutte contre la fraude doit permettre d’obtenir le consentement à l’impôt, sous-entendu : la fraude sociale justifie qu’on rechigne à être imposé. Elle abonde : « il y a la France qui bosse, qui cotise, et celle qui bosse moins, qui profite, qui optimise et qui parfois travaille à côté sans déclarer ». Ce sont des « passagers clandestins » : elle s’étrangle car des gens au RSA lui écrivent, dit-elle, pour lui dire que le montant de l’allocation n’est pas assez élevé ce qui les oblige à devoir travailler un peu (c’est aussi convaincant que si j’écrivais ici qu’un patron du CAC 40 m’avait confié le montant de ce qu’il place dans les paradis fiscaux). Mais le plateau de CNews gobe tout. Ainsi des Français payent des impôts pour des gens qui estiment avoir des droits sans devoirs, éructe-t-elle. Le RSA est le plus fraudé, on pense qu’il l’est à 10 %, assène-t-elle sans autre forme de preuve. Là encore cela ne lui coûte rien de proférer n’importe quoi, même pas l’effort d’une recherche, pourvu que cela fasse mouche auprès des publics, classes populaires salariées, petites classes moyennes, qui sont sensibles à ces allégations, selon une méthode largement éprouvée par Wauquiez et Ciotti. Le Pen et Zemmour disent la même chose mais préfèrent asséner que ce sont surtout les immigrés qui fraudent. Mme Verdier-Molinié les rejoint d’ailleurs car on voit bien qu’elle cherche désormais à exciter ses lecteurs et auditeurs contre les étrangers qui percevraient indument des allocations (jadis elle visait tous les assistés sans faire de distinguo).
La faute à qui tous ces abus ? Aux professionnels du social évidemment qui, selon elle, considèrent que la fraude sociale ce n’est pas grave, et qui ferment les yeux devant les abus. Alors même que ce sont eux le plus souvent qui doivent faire respecter impérativement la législation sociale (c’est leur fiche de poste) et dans d’autres incitent les personnes, sans les dénoncer, à se mettre en conformité avec la loi. Rien que pour cette assertion gratuite et diffamatoire, cela justifierait qu’un ministre des professionnels sociaux prenne au moins position s’il n’engage pas carrément des poursuites.
Pendant toute la durée de l’interview, Sonia Mabrouk ressemble à ces petits chiens articulés qui trônaient sur les plages arrière des automobiles : elle lui sourit, manifestement réjouie de ce qu’elle entend, opinant sans cesse du chef.
(1) Agnès Verdier-Molinié, une ultra-libérale de choc.
(2) Les abus de la lutte contre la fraude sociale ; Rassurez-vous, la fraude sociale est contrôlée ; Cour des comptes : un rapport mesuré sur la fraude sociale.
Vidéo de CNews
Une courte vidéo de CNews fait un état de la fraude sociale : affirmant que selon une commission d’enquête de l’Assemblée Nationale de 2020 la fraude sociale serait comprise entre 14 et 45 Md€, la CNAM arrondirait au chiffre le plus élevé : « des professionnels de santé, des délinquants spécialisés dans le pillage des fonds publics, des fraudeurs occasionnels, des individus qui ne remplissent pas les critères ». Bruno Le Maire aurait fait référence à ces derniers qui fraudent à la résidence (1).
« Selon la Cour des comptes la France dénombrait, en 2020, 67 millions d’habitants pour un peu plus de 75 millions d’assurés sociaux. » : la vidéo se réfère, comme gage d’expertise, à Charles Prats, magistrat, membre de l’UDI, qui se dit expert en fraude sociale, sans qu’il soit dit qu’il a eu des ennuis avec le ministère de la justice agacé pour ses saillies et son militantisme politique anti-assistés. Il a été soutenu par la fine fleur (Retailleau, Juvin, Bellamy, Marleix) dans Le Figaro en novembre 2021 sans qu’ils prennent la peine d’argumenter sur ses affirmations, se contentant de revendiquer pour lui la liberté d’expression politique. Prats ne fait que colporter ce que profère depuis longtemps la droite dure, l’extrême droite, Bolloré et la faschosphère, tous recyclant ensuite ce que dit Prats. Ce dernier va jusqu’à dire, dans son livre Cartel des fraudes que la fraude sociale « flirte avec le terrorisme, notamment islamiste » !
La Cour des comptes a effectivement posé la question sur le décalage entre le nombre d’habitants en France et le nombre d’assurés sociaux. Les organismes de Sécurité sociale donnent plusieurs explications cumulatives, sachant qu’avoir un numéro de Sécurité sociale ne signifie pas percevoir des prestations. Mais LCI persiste en parlant de 8,2 millions de « bénéficiaires indus ». Atlantico de son côté a publié une tribune signée par une centaine d’élus se plaignant que la lutte contre la fraude sociale ne soit pas inscrite dans le Projet de loi de financement de la sécurité sociale. La Cour des comptes se comporte de façon irresponsable en lâchant dans la nature des questionnements qui seront repris au vol par tout une droite dure anti-sociale, qui fait son beurre sur sa haine envers les services publics et les droits sociaux
(1) Le Maire démagogue.
. Voir : L’extrême droite en chasse contre assistés et immigrés (où il est question de Charles Prats, et de Marion Maréchal-Le Pen)
Europe 1 le 13 avril 2023

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Sonia Mabrouk reçoit Agnès Verdier-Molinié en invoquant le prétexte de la sortie de son livre Où va notre argent ? La journaliste engagée ne va pas cesser d’orienter l’interview : « est-ce que vous parlez de scandale ? », « c’est une lucidité de votre part ? », « ça parle à nos auditeurs », « vous avez posé un constat qu’on ne peut contester », « la fraude sociale, sujet tabou, explique » ce que vous dénoncez, et l’on vous fait « un procès en extrême-droitisation, en stigmatisant les mêmes », tout ce que vous dites « justifierait dix fois la réforme des retraites ». Elle dit s’étonner que seule son interlocutrice et l’iFrap dénoncent cet état de fait que le livre décrit.
Agnès Verdier-Molinié parle d’un « scandale français » : dépenses publiques à la hausse et délitement des services publics. On voit la tactique du néolibéralisme : ne pas donner les moyens aux services publics de fonctionner dans de bonnes conditions (cf. les hôpitaux) et face au tollé, s’en servir pour dire que cela prouve bien que le système public ne marche pas. Elle va jusqu’à citer la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (en 4ème de couverture) qui donne droit aux citoyens de savoir comment leur argent est utilisé. Son cynisme est sans borne : elle se plaint que les gens comme elle soient traités de « déclinologues » et de « collapsologues ». Elle affirme qu’avec moins d’argent (moins de taxes, moins d’impôts) on pourrait faire plus : c’est un appel au « sursaut ».
« Les passagers clandestins »
Elle gémit sur l’état de l’Éducation nationale : ça va très mal et pourtant on accuse le privé (elle ressasse cela depuis des années : face à tout problème elle dit que le privé c’est mieux mais qu’on ne facilite pas son existence), ironisant sur les ministres qui mettent leurs enfants dans des écoles privées (ce qui prouve leur excellence). Elle en appelle à un protecteur : « personne ne nous protège de la folie dépensière ». Le Parlement ne joue pas son rôle, car la Cour des comptes ne dit pas où il faudrait économiser. Des jeunes se contentent du montant du RSA pour vivre, et refusent de travailler : c’est « le délitement de la valeur travail », c’est de « l’optimisation sociale », elle répète à longueur d’émission que ce sont des « passagers clandestins », qui profitent de la générosité publique et ne payent pas d’impôts. AVM martèle : « Les minima sociaux ce n’est pas l’assurance d’être payé toute sa vie sans travailler mais une aide à un instant T parce que vous ne trouvez pas d’emploi, mais dès le jour où vous en trouvez un, vous avez le devoir de travailler », alors Sonia Mabrouk lève le bras en répétant « le devoir », avec son air compassé, à moins que ce soit la honte de la mauvaise foi.
60 % des gens au RSA ne sont pas inscrits à Pôle emploi. Là encore, même s’il est vrai que le taux d’inscrits, 42 % actuels, malgré la loi de 2009 sur le RSA, est insuffisant, les causes sont bien diverses : pas le temps de les dérouler ici mais il est vraisemblable qu’Auteuil-Neuilly-Passy ne peut imaginer la diversité des situations des non-inscrits à Pôle emploi (future France Travail).
Sonia Mabrouk lui tend la perche sur la fraude sociale, qu’AVM évalue à « 20 milliards minimum » (on pense au RN qui évalue à 20 Md€ le coût de l’immigration, sans plus de sérieux dans la détermination du chiffre). Pour enfoncer le clou, la polémiste affirme qu’en cumulant les aides, avec des enfants, on peut percevoir largement davantage que le Smic : là c’est de la fake news pure et simple. Cependant, elle est maligne, car elle n’a pas dit qu’une personne seule percevrait davantage que le Smic, elle a bien précisé "avec enfants", ce qui est une façon détournée de contestée les allocations familiales (car des gens au RSA avec enfants ne perçoivent jamais plus qu’un salarié au Smic avec le même nombre d’enfants). La manœuvre est grossière. Tout au long de l’interview, Sonia Mabrouk, qui se comporte d’ordinaire de façon agressive avec certains de ses invités, approuvait sans cesse son interlocutrice, buvant manifestement du petit lait.
C l’Hebdo le 13 mai

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Le 13 mai, sur le plateau de C l’Hebdo, Agnès Verdier-Molinié est confrontée à Aurore Lalucq, économiste, députée européenne Place publique. Là c’est d’un autre tonneau qu’avec Sonia Mabrouk ou les bolloristes de CNews.
D’emblée, AVM cherche à minimiser la fraude fiscale : d’après les « calculs » de l’iFrap, c’est 30 Md€, seulement. Aurore Lalucq évalue, elle, à 90 Md€ (au niveau européen : 1000 Md€), AVM, péremptoire, hors d’elle, lui demande de le prouver. Jean-Michel Aphatie, présent, met son grain de sel : « les pauvres aussi fraudent », déclare-t-il du haut de son Olympe. À quoi Aurore Lalucq rétorque que la fraude des moins riches est plus rare. AVM vole au secours des riches (elle dit « nous ») qui sont perclus d’impôts comme chacun sait, ce que son interlocutrice dément, accusant les riches de tout faire pour s’extraire de l’impôt. AVM évalue à 20 Md€ la fraude sociale, se plaignant qu’on ait abandonné la lutte contre cette fraude (ce qui est totalement faux). Selon elle, on récupère la moitié de la fraude fiscale, mais seulement un milliard sur la fraude sociale.
Elle a un exemple flagrant démontrant que les services publics fonctionnent mal (elle le répète sur tous les plateaux de télé où elle passe) : il faut six mois pour obtenir un passeport, c’est bien la preuve qu’il faut réduire la dépense publique ! On mesure le niveau des travaux de l’iFrap.
La tension règne sur le plateau, Ali Badou a du mal à gérer : AVM reproche « de jeter l’opprobre sur les riches », les pôvres, AL l’accuse d’être « doctrinaire » et de faire « des démonstrations par l’absurde et de se contredire ».
Parole décomplexée, racisme et antisocial
Dans la défense des exactions du capitalisme, Agnès Verdier-Molinié est sans doute la plus caricaturale mais ce à quoi on assiste c’est une extension de la parole décomplexée. L’aggravation de son propos est peut-être liée au fait que d’autres suivent sa voie, du coup il lui faut durcir encore le ton (ne serait-ce que pour vendre ses livres pondus à un rythme régulier). Elle affichait son aigreur jadis à C dans l’air, elle vendait sa camelote agaçant même les gens de son camp (toujours majoritaire dans cette émission, surtout à l’époque où Lagardère en était le propriétaire). Si apparemment elle ne va plus à C dans l’air, elle se vante qu’en 2022 l’iFrap serait passé plus de 800 fois dans les médias, un record. Le JDD et Les Échos accueillent ses tribunes.
Pour ma part je vois un parallèle entre l’extrême-droitisation des intervenants dans les médias, précisément sur un racisme verbal grandissant, avec cette façon de proclamer son ultra-libéralisme (parfois même en faisant se rejoindre les deux puisque Mme Verdier-Molinié semble vouloir donner du grain à moudre au RN ou à Reconquête en lâchant sans preuve que des étrangers percevraient des aides sociales illégalement). On est axé, à raison, contre la réforme des retraites : mais lorsque Sonia Mabrouk, conversant avec Agnès Verdier-Molinié, lui dit qu’il faudrait « dix réformes des retraites » pour régler tous les problèmes, il ne faut pas croire qu’elle lâche cela en dilettante. Elle a la caution de ses employeurs, elle est en service commandé : il importe de bien indiquer au bon peuple que la réforme des retraites, malgré la très forte contestation qu’elle a soulevée, c’est peanuts, ce que vous méritez c’est bien pire.
Serrer les rangs
Le combat pour la sauvegarde de la protection sociale doit être le plus large possible, le plus transversal, car tout se tient. Compte tenu des acteurs en présence, qui ne dissimulent plus leurs intentions, il importe de serrer les rangs et de ne lâcher sur rien, sinon ils s’engouffrent dans la moindre brèche, ils exploitent la moindre défaillance. Dans l’état actuel de notre société, défendre les minima sociaux ne doit pas être une action marginale mais bien au cœur des luttes, car le discrédit permanent porté à l’encontre des "assistés" s’inscrit dans la perspective de démantèlement, partiel ou total, de la solidarité nationale. Tout discours contre les minima sociaux, contre les allocations, est délétère y compris quand il est porté à gauche dans le but de défendre l’emploi et un salaire décent : tant qu’il y a des inégalités et des injustices, ce discours sert les intérêts des propagandistes du néolibéralisme.
Les personnes en situation de handicap bénéficient encore d’une certaine sympathie dans l’opinion publique et auprès des politiques (voir l’engouement soudain sur le déconjugalisation de l’AAH) même si les mesures concrètes pour faciliter leurs déplacements dans les lieux publics ne suivent pas toujours. Mais il faut s’attendre à ce que le discours décomplexé de cette droite ira jusqu’à considérer que c’est la faute à pas de chance et qu’on n’a pas à autant les "assister" et même que certains abusent. Un élément réconfortant ces derniers jours : les syndicats reçus par la première ministre, ainsi que les associations sociales et caritatives lui ont fait part de leur désaccord sur ce que le gouvernement trame à l’encontre des gens au RSA, avec le projet de leur imposer une activité sur 15 ou 20 heures. Outre que c’est irréalisable, c’est contraire à tout principe d’insertion. Le but du gouvernement est en réalité de satisfaire la droite dure et si possible de dissuader les ayants-droit à faire une demande de RSA (34 % déjà n’y ont pas recours alors qu’ils et elles y ont droit, ce que l’ultralibérale de choc et tous ses acolytes ne disent jamais, bien évidemment).
. Il est temps de se sevrer d’Agnès Verdier-Molinié, par Paul Aveline, sur Arrêt sur images, le 15 mai.
. L'Ifrap d'Agnès Verdier-Molinié : faux institut de recherche et vrai lobby ultra-libéral, par Etienne Girard, sur le site de Marianne le 6 mars 2018 (étrangement, jamais paru sur la version papier de l’hebdo).

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. (Caf)kaïen : sur la prétendue falsification facile des imprimés invoquée par Verdier-Molinié, a contrario, François Lenglet a dressé un réquisitoire sévère contre le questionnaire de demande du RSA : il a fait son petit effet sur RTL sauf que Lenglet et Calvi, qui gloussait niaisement, sont les premiers responsables de cette bureaucratisation, par leur discours habituel suspicieux envers les assistés. Leur étonnement sur certaines questions démontre d’ailleurs qu’ils ne connaissent pas grand-chose aux conditions d’attribution du RSA. Voir l’article de Didier Dubasque sur son blog Écrire pour et sur le travail social.
Les sanctions de Borne
Elisabeth Borne profite de son déplacement sur l’ile de la Réunion pour déclarer qu’il y aura des sanctions si les gens au RSA ne respectent pas l’engagement. En réalité, la suspension du RSA existe déjà pour cette raison. Sauf qu’elle dit qu’il y aura « un dispositif de sanctions dès lors qu'on aura accompli, de notre côté, notre part de responsabilité, c'est-à-dire qu'on aura mis la personne bénéficiaire du RSA en situation de suivre le parcours qu'on lui a proposé ».

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Ainsi, elle prend des gants (« notre part de responsabilité ») mais glisse évidemment consciemment le fait que l’allocataire du RSA doit accepter ce « qu’on lui a proposé ». Or même avec l’extrémiste Sarkozy lorsqu’il promulgue le RSA en 2008 (en faisant croire qu’il va les mettre au travail), il était cependant entendu que l’accompagnement avait pour but de conclure un contrat partagé, par l’intéressé et l’administration, et non pas imposé unilatéralement par cette dernière. Donc colère avec cette nouvelle manipulation du gouvernement. Qu’un souhait : que les professionnels qui seront chargés de ce travail résisteront à cette conception autoritaire de l’accompagnement social et professionnel. [Post Facebook YF du 14 mai]
Billet n° 734
Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Parcours et démarche : ici et là. "Chroniqueur militant". Et bilan au n° 700 et au n° 600.
Contact : yves.faucoup.mediapart@sfr.fr ; Lien avec ma page Facebook ; Tweeter : @YvesFaucoup