Après un mois de tribulations, le Wuambushu est un échec sur tous les plans : migration, insécurité, bidonvilles. La méconnaissance de la société mahoraise mène le pouvoir à des impasses et les brutalités ne règlent rien. Des collectifs de citoyens prennent le relais d’un État défaillant en bloquant l’accès aux hôpitaux depuis un mois. Désormais Mayotte n’est plus un territoire de la République.
Déjà l’angoisse et la haine se partagent les esprits. Les Comores voisines résistent au déplacement de populations qui leur était annoncé. La destruction inaugurale d’un quartier est suspendue par ordonnance d’une juge aussitôt attaquée sur les ondes et dans la presse locale ou nationale. La politique de gribouille cafouille dès le premier jour. Où va déboucher pareille aventure ?
[Rediffusion] Le pouvoir avance masqué. Il ruse et dissimule. Pour cacher ses intentions inavouables, il emprunte à la langue des populations qu’il menace des mots improbables et cultive la politique du secret. Ces méthodes nourrissent les promesses illusoires d’une Mayotte enfin débarrassée des natifs des iles voisines. Mais il ne libère que des démons qui dès lors refuseront de rentrer dans leur boite.
Bien que le juge administratif suspende l’exécution des arrêtés de destruction des quartiers pauvres à chaque requête qui lui est transmise, le préfet de Mayotte ordonne de démolir. Car il ne s’agit que de tarir l’habitat pauvre sous couvert de lutte contre l’insalubrité de sorte que les gens de peu n’aient plus où loger. Bref, il tente de déporter les maux de Mayotte dans les îles voisines.
Le traitement politique des problèmes de Mayotte s’oriente vers une militarisation de l’île, un quadrillage policier et la suppression de tout lieu de repli et de repos. La maltraitance de l’ensemble de la population s’organise au sommet de l’État, sans nuance, dans un mouvement inscrit dans le temps long qui semble interdire tout retour en arrière.
Tropique de la violence, le livre, ne dit rien sur Mayotte. Il ressasse les fantasmes et les peurs des métropolitains détachés sur cette terre trop chaude. Tropique de la violence, le film, joué par des enfants dans leur quartier, rabat le roman en farce, dévoilant les trucages et les escamotages qui justifient les politiques du pire contre une population déshumanisée.
Comment nommer un régime qui détruit des maisons habitées et condamne à l’errance les populations pauvres ? Après une pause imposée par des recours en justice, les autorités ont repris leur politique de désolation. Rassérénées, elles ne dissimulent plus l’objectif des opérations : des saccages punitifs contre une délinquance présumée. Des gens mis à la rue par milliers. Des lieux de vie ravagés.
Après un baromètre de l’immigration illégale, un baromètre de l’habitat illégal, un baromètre du travail illégal, le préfet de Mayotte, décidément météorologue, fignole un baromètre pour mesurer la délinquance endémique. Le garde des Sceaux, lors d’une visite récente, promet les constructions d’une seconde prison et d’un centre fermé pour adolescents. La guerre aux pauvres ne connait pas de trêve.
Mayotte sait innover. Surtout en matière de déni de droit et d'exécution sommaire. Le juge rappelle-t-il que la loi Elan pose un préalable de relogement durable avant la destruction des habitations, le préfet se replie sur la procédure de la flagrance qu'il fait mine de croire libre de toute sauvegarde. Et les petits bras de la mairie et de la préfecture de se livrer au saccage et à la désolation.
Ce nouveau cycle de chroniques donne la parole à des familles condamnées sans procès à la ruine suite à la démolition de leur maison. Parole brute, sans retouche, de femmes et d’hommes brisés, qui puisent le petit filon de courage qui les tient debout dans la nécessité d’une survie sans cesse menacée. Aujourd’hui Zabibou qui a couru le risque d’accepter la proposition d’hébergement.