Malgré la crise humanitaire qui a succédé à l'épisode cyclonique du 14 décembre, le gouvernement ressort les vieilles recettes : dérogations à la loi qui dégradent les relations sociales et appauvrissent la population, stigmatisation des étrangers et des pauvres. L'Assemblée nationale vient d'adopter en première lecture la loi urgence Mayotte qui éloignera toujours plus Mayotte de la France.
Les autorités se succèdent au chevet de Mayotte. Pour interdire à une population traumatisée et abandonnée de reconstruire les bidonvilles, plus précisément les quartiers de cases en tôle, pourtant seul mode d’habitat rapidement remontable. Sans souci des habitants abandonnés, déshumanisés, invisibilisés dans un grand escamotage de la présence étrangère, des traces de pauvreté, du vivant humain.
Tandis qu'à Mayotte les populations espéraient que la dévastation de leur île serait l'occasion de repenser l'action de l'Etat, au-delà des querelles sur le nombre de morts, les vivants cherchent les secours promis par la France. Un gouvernement de revenants ressort les vieilles rengaines : attaque contre le droit du sol, lutte contre l'immigration, interdiction des bidonvilles.
Chido est venu parachever l’œuvre de Wuambushu. Ce faisant, il a mis en évidence que la politique française à Mayotte et la lutte sur tous les fronts contre les populations venues des autres îles de l’archipel ont fragilisé et appauvri tous les habitants. Les gens des bidonvilles se relèvent et remontent leurs cases. Les autres songent à fuir une terre décidément inhabitable.
Depuis 2019 les gouvernements d’ E. Macron s'obstinent à détruire les quartiers pauvres sans projet d'urbanisme. Ces démolitions Wuambushu ont progressivement miné les solidarités et accentué les fragilités de la société mahoraise. Chido a fondu sur Mayotte et l'a dévasté. Mais l'Etat français persiste dans ses obsessions xénophobes qui augurent du pire avec une légèreté déconcertante.
[Rediffusion] Depuis le début de la mise en œuvre de la loi Elan à Mayotte, le préfet aura pris 40 arrêtés de démolition et détruit 35 quartiers, mettant à la rue plus de 12 000 habitants. Depuis ce matin, lundi 2 décembre, il procède au « décasage » d’un immense quartier de près de 4000 habitants, avec l’espoir que toutes ces gens quitteront l’ile invivable pour les Comores voisines.
A l'occasion de la diffusion du film « Tropique de la violence », je reposte le billet critique publié en juillet 2023 sur les préjugés coloniaux concernant la jeunesse, la délinquance juvénile et l'immigration clandestine à Mayotte, portés dans le livre éponyme de Natacha Appanah. Texte d’une actualité toujours plus brûlante. Horaires de diffusion dans le lien.
Effroi en métropole, le RN menace, la haine éclate. L’état de droit vacille, l’esprit de la République s’étiole. Depuis longtemps, la France éprouvée gouverne Mayotte, ancienne possession coloniale déguisée en département, en méconnaissant l’état de droit et les principes républicains. Mépris des lois, brutalisation des pauvres, relais de milices populaires. Le colonialisme est-il un fascisme ?
Le ministre de l’Intérieur a promis aux élus de Mayotte l’abolition du droit du sol pour les enfants nés de parents étrangers. La fuite en avant dans les exceptions mahoraises éloigne un peu plus le département des valeurs républicaines : mais à défaut de réduire les migrations, il est certain que la mesure frappera plus durement encore les enfants et les adolescents déjà sérieusement maltraités.
Mayotte serait-elle devenue la mauvaise conscience de la France ? L’État y ritualise des Wuambushu annuels sous le label de « Place nette ». Le principe est le même : nettoyer Mayotte des étrangers, des délinquants et des mal-logés. Tour à tour, autorités, élus, habitants privilégiés se relaient pour déplacer ceux qui ne comptent pas, auxquels n'est accordée aucune place dans un monde inhabitable.