Quand le juge regrette qu’on n’en sache pas plus sur le seul témoin de l’affaire, un homme lève timidement la main. Il a préparé un document, rangé dans une chemise plastifiée. Mais le tribunal l’ignore. Il finit par renoncer, l’air embarrassé.
Selon l’avocat de la défense, la patrouille de la Bac n’a contrôlé le prévenu que parce qu’il avait déjà été condamné pour du trafic : « Et, à la fin, ils sont tellement chafouins de ne pas avoir trouvé de stup’ qu’ils se rabattent sur un refus d’obtempérer. »
En Kanaky Nouvelle-Calédonie, l’institution judiciaire a accompagné la répression militaire des révoltes qui ont commencé en mai dernier. Trois mois après le début des événements, le procureur de la République de Nouméa annonçait plus de 238 comparutions immédiates et 196 incarcérations. Louise Chauchat, qui défend trois militant⋅es de la CCAT, nous parle de la répression judiciaire.
Par La Sellette
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Pendant deux jours, le prévenu a participé à un trafic de cocaïne. Il a 19 ans, un casier vierge et habite chez sa mère. Le juge amuse la salle à ses dépens avant de l’envoyer pour 8 mois en prison.
De nombreuses personnes atteintes de troubles mentaux sont envoyées en prison après avoir été jugées en comparution immédiate. À travers deux récits d’audience, on revient sur cette question, qui croise la notion problématique de « dangerosité », la présence – ou non – d’expertise psychiatrique dans le dossier et l’illusion des magistrat⋅es que la prison peut être un lieu de soin.
Le juge s'indigne : « Qu’est-ce qu’on fait avec les gens comme vous ? »
« — C’est vous qui êtes payé pour trouver une solution ! Moi, je vais pas me dégonfler parce que vous voulez m’envoyer en prison. »
La juge reproche amèrement aux prévenus d'avoir vendu de la drogue « alors que les offres d’emploi pour l’été sont innombrables » :
— Quand on pense que des restaurateurs sont obligés de fermer l’après-midi parce qu’ils ne trouvent pas de saisonniers !
Le prévenu a dû interrompre son traitement psychiatrique en prison et n’a pas pu le reprendre après. Peu importe, la juge enchaîne : « Vous savez que vous avez des problèmes graves et vous ne vous soignez pas ! C'est de la dangerosité sociale, ça, monsieur. »
Le prévenu comparaît pour trafic de stupéfiants. Le procureur ne comprend pas pourquoi il a préféré vendre de la drogue plutôt que de faire un crédit à la consommation.
Aurélie Garand parle de la mort de son frère, Angelo, abattu en mars 2017 par le GIGN, et du combat qui a suivi pour obtenir la vérité et la justice. Elle raconte comment la violence judiciaire a suivi la violence des forces de l’ordre.