Saboter son travail pour travailler plus longtemps. Un ami m’a dit qu’une société basée là-dessus ne pourrait pas tourner. Hors, l'intérimaire, ne sachant pas où il en sera la semaine suivante, doit faire des heures, coûte que coûte. Son intérêt particulier n'étant pas compatible avec l'intérêt général: supprimons l'intérimaire.
Mon pied resta collé au sol. J’étais pris dans une flaque de sang. Sur Google, les avis sur la clinique ne dépassent pas 2 étoiles. Dans leur hall, est affiché un classement réalisé par Le Point, les situant autour d’un bon 15/20. Le soir, je vois le directeur partir en Porsche. Où est la vérité ? En rentrant chez moi, il faudra que je pense à enlever mes chaussures sur le palier.
Tu n’as pas travaillé depuis deux semaines.
C’est comme si c’était depuis toujours. Et à chaque fois que tu arrêtes, c’est toujours pareil. Le temps passé là-bas s’éloigne comme un songe à mesure que la journée avance. Et tu ne peux plus penser le fait d’y retourner. L’imagination trop fragile devant une mer sans horizon.
Et puis tu es bien, ici.
Étiré de tout ton long.
Du calendrier, tu as arraché chaque jour de la semaine, comme les pétales d’une marguerite. Appellera, appellera pas, appellera... Vendredi, 18 h te voilà échoué sur le sol, définitif. Tu sais qu’on ne t’appellera plus pour du boulot, et malgré toi, ça te rassure. Les agences sont fermées. Un week-end de plus pour continuer à apprendre à vivre sans. Et sans avoir le choix.
Un bruit de pas claquant près de moi, dans l’eau stagnante sur le béton.
Vite, j’ai rangé mon magazine dans mon sac à dos.
Je fis semblant de m’agiter à la surveillance de la machine dont j’avais la garde, me mettant à la fixer solidement du regard, un œil allant d’un manomètre à l’autre.
Comme pendant les quatre derniers jours, rien n’avait bougé.
À peu près.
« Bourgeois » ? « pédé » ? Jugements hâtifs, soubassements virilistes... adeptes du yoga/méditation et autres vivent souvent cachés en milieu militant, pour ne pas subir mépris et méfiance. Pourtant, je ne pense pas être plus dangereux, ni pour moi ni pour autrui, quand je m’assois sans bouger pendant 10 minutes par jour, au lieu de me servir un verre de rouge. Absurde ?
Je lis et j’entends, dans les mots d’intellectuels d’une gauche plus ou moins radicale, l’expression d’un besoin urgent : il nous faudrait des récits et des images relevant de « l’imaginaire d’un futur désirable ».
Comme une boussole, comme une promesse, au milieu de récits sombres, pessimistes et apocalyptiques.
C’est vrai qu’il fait noir.
Fallait payer la facture d’énergie à temps.
Il m’arrive d’écouter parler les inconnus autour de moi, en flânant à droite à gauche.
Comme une manière de prendre la température ambiante.
À partir de là, je fais des constats de sociologue de rue, au doigt mouillé.
L’ambiance étant électrique, ça décoiffe.