Vocabulaire de la migration, recueilli et étudié par les chercheurs du programme LIMINAL : Linguistic and Intercultural Mediations in a context of International Migrations (Inalco) https://liminal.hypotheses.org/…
Aujourd’hui, informer c’est sauver. A l’état d’urgence sanitaire il est grand temps d’ajouter un état d’urgence de la traduction. Cet état d’urgence doit être permanent dans les politiques de l'asile.
Les exilés originaires d’Asie du sud, particulièrement ceux venant du Pakistan et de l’Afghanistan, mais aussi du Bangladesh, du Népal et de l’Inde emploient le terme anglais « case » pour « récit ». Le récit est un élément crucial dans la demande d’asile, le terme lui, a plusieurs significations.
Dans les centres d’accueil et les campements, "récépissé" est un terme récurrent des demandeurs d’asile, qui l'utilisent sans le traduire. Il est, avec préfecture, l’un des tous premiers mots français connu et désigne le document provisoire de séjour attestant le dépôt d’une demande d’asile.
"Waraq" est employé par des exilés pour désigner les documents administratifs de la procédure de demande d’asile. Sa racine "wr"q, commune à plusieurs langues, renvoie aussi à la tapisserie et au domaine botanique- "waraq bardi" signifie les feuilles de papyrus.
Dans les campements provisoires des exilés à Paris, à Calais, Grande Synthe, dans les centres d’accueil, le terme "gharib" est employé par les réfugiés eux-mêmes pour décrire le fait d’être exilé et la condition de l’exil. Polysémique toutefois, il exprime les différentes étapes du parcours et de la situation d’exil.
« Jungle » parait ainsi s’imposer à défaut d’autres termes adéquats pour nommer le camp-bidonville habité par les exilés à la frontière britannique et qu’ils souhaitent quitter au plus vite. Sa polysémie continue cependant de poser question. Sa prononciation anglicisée en français ne défait pas son ambivalence mais la détourne et la masque.
« Vous allez être transférés », c’est ainsi que la procédure est résumée aux migrants par un interprète en dari/pashtoune et d’un interprète en arabe. Un médiateur du centre, arabophone, commente ce choix de traduction : « je lui ai fait la remarque, on dit pas ‘tarhil’, c’est déportation, c’est expulsion. C’est violent ! »
Les fingerprint occupent une place centrale dans l’expérience des migrants. En arabe, le mot désignant les empreintes digitales, basmat, se transforme en différentes expressions verbales pour signifier déposer ses empreintes (tabassam), avoir ses empreintes enregistrées (‘andi al-basamat, «j’ai les empreintes»), ou attendre leur effacement (kassar al-basamat, litt. « casser les empreintes »).
Le blog Azil décline les mots de l’asile, les mots frontières, ceux des demandeurs d’asile, des migrants et des exilés, des dublinés et des expulsés, des acteurs associatifs, administratifs, politiques, en s’interrogeant sur la créativité de la langue et son impact dans ces lieux pluriels et singuliers que sont les camps, campements et centres d’accueil, d’hébergement ou de rétention.
Le blog Azil décline les mots de l’asile, les mots frontières, ceux des demandeurs d’asile, des migrants et des exilés, des dublinés et des expulsés, des acteurs associatifs, administratifs, politiques, en s’interrogeant sur la créativité de la langue et son impact dans ces lieux pluriels et singuliers que sont les camps, campements et centres d’accueil, d’hébergement ou de rétention.