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Patrick Castex

Économiste, sociologue et HEC à la retraite (maître de conférence à l’Université Dauphine et membre du Cabinet Syndex, expert-comptable spécialisé dans le conseil aux Comités d'entreprise et aux syndicats de salariés), il s’occupe, depuis une dizaine d’années, de promouvoir l’Indépendance de la Kanaky Nouvelle-Calédonie. Il s’est mis en outre à écrire autre chose que de savants traités...

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Billet de blog 12 août 2024

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Économiste, sociologue et HEC à la retraite (maître de conférence à l’Université Dauphine et membre du Cabinet Syndex, expert-comptable spécialisé dans le conseil aux Comités d'entreprise et aux syndicats de salariés), il s’occupe, depuis une dizaine d’années, de promouvoir l’Indépendance de la Kanaky Nouvelle-Calédonie. Il s’est mis en outre à écrire autre chose que de savants traités...

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Pas de nuit du 4 août en France, et Kanaky Nouvelle-Calédonie toujours fin mal barrée

La trêve politique des JO décrétée et imposée par Macron (refusant Lucie Castets proposée comme PM par le NFP) n’a pas encore vu l’abrogation des privilèges souhaitée par le Front pop qui, du coup, en a oublié de fêter, comme convenu, le 4 août 1789. Si le calme revient lentement sur le Caillou, les braises sont encore chaudes et l’indépendance-association inéluctable : le « changement d’ère »…

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Économiste, sociologue et HEC à la retraite (maître de conférence à l’Université Dauphine et membre du Cabinet Syndex, expert-comptable spécialisé dans le conseil aux Comités d'entreprise et aux syndicats de salariés), il s’occupe, depuis une dizaine d’années, de promouvoir l’Indépendance de la Kanaky Nouvelle-Calédonie. Il s’est mis en outre à écrire autre chose que de savants traités...

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Toujours le même thème cher à la plupart de nos billets[1] sur Le Club de Médiapart : en même temps ici et là-bas, en France et dans sa colonie des antipodes. Quelques nouvelles qui complètent et précisent quelques analyses déjà proposées aux rares lecteurs de ces billets ; une longue partition et avec encore trop de notes (de bas de page ici) qui explicitent et actualisent nos précédentes analyses du Caillou.

Ici, Macron marche toujours sur la tête après la (courte) victoire (mais victoire quand même) d’une gauche encore irréconciliable mais rapidement rabibochée (comme toujours…) en refusant la candidature au poste de Première ministre d’une énarque de gauche mais issue de la société civile qui a enfin (après deux semaines de tractations après le second tour) proposé un nom, Lucie Castets. Le faux prétexte d’une trêve politique pendant les JO, au moins jusqu’au 15 août (et, pourquoi pas après les JO para olympiques, à Pâques ou à la Trinité…) aura marché : le bon peuple l’approuverait selon un sondage, à près de 60 %, préférant les Jeux au Pain. Il est vrai que regarder la télé ou écouter la radio se traduit pour certains par une saturation, d’autant plus que les nouvelles des JO c’est surtout les matchs des tricolores, les médailles et la Marseillaise en boucle ; certains crient même au chauvinisme !  Entre cette saturation, on trouve cependant encore quelques nouvelles des matchs Ukraine-Russie, Israël-Hamas, Hezbollah, Iran et autres, dont celui annoncé aux États-Unis d'Amérique entre Kamala Harris et Donald Trump…

Là-bas, aux antipodes, après le retour, le 13 mai 2024, de ce que l’on n’appelle plus « Les Événements » mais pas encore la vraie guerre civile, le retour au calme est encore précaire près de trois mois après : il y aura bien un avant et un après 13 mai, même si ce changement d’ère s’annonçait ; le peuple kanak dans son écrasante majorité, mais de plus en plus soutenu par une minorité croissante des autres communautés[2] n’aura jamais été aussi près d’une Kanaky Nouvelle-Calédonie indépendante en association avec la France. Cependant, Macron attend septembre pour commencer les négociations : il n’y a pas le feu au lac et au Caillou ; malheureusement si !

Voir notre billet du 14 juillet 2024, « Quatrième référendum » en Kanaky : 53-47 pour les indépendantistes. Bravo, mais… sous-titré Bien battue, la « Calédonie française » le 7 juillet 2024, avec une participation record : le résultat du troisième référendum de 2021, farce tragique avec ses abstentionnismes kanak très majoritaires, est donc effacé. Et avec une autre bonne nouvelle en Métropole ; sauf que la frilosité du Nouveau Front pop en matière d’anticolonialisme interroge. Surtout sa fragilité inquiète ; et beaucoup ! Voir  donc :

« Quatrième référendum » en Kanaky : 53-47 pour les indépendantistes. Bravo, mais… | Le Club (mediapart.fr)

1 – En France, après avoir nettement perdu les législatives, Macron feint de procrastiner avec le prétexte des JO de Paris

Macron procrastine mais se prépare[3] : que va-t-il encore nous sortir de son chapeau ?

C’est vrai, Lucie Castets et le Front pop ne lâchent rien et Macron ne semble pas prêt à lâcher le pouvoir… En définissant sa campagne comme « extravagante » campagne, il n’a heureusement pas révélé l’homosexualité de la prétendante qui vient de faire ce mardi 6 juin son outing ; entre deux médailles française, on peut parier que cette information capitale sera largement diffusée sur les ondes…

Tout a été dit et écrit sur l’attitude de Macron, dont le danger que le peuple de gauche frustrée descende dans la rue, mais probablement pas avant le retour des aoûtiens ; tout sera dit et écrit sur ce suspense insoutenable : et en avant pour les nouvelles aventures du buzz politique de l’été...

On est donc ici très bref dans ce point 1 ; en revanche, peu de choses ont été dites et écrites depuis la fin de l’insurrection violente du Grand Nouméa qui s’est ensuite étendue en Brousse : pourquoi, en fait, tout a changé ?

2 – Un changement d’ère évident sur le Caillou après le 13 mai 2024, cependant préparé depuis quelques années par la politique boutefeu de l’État français

La fin de la paix permise là-bas après les accords de Matignon-Oudinot de 1988 qui ont mis fin à la quasi-guerre civile des années 80, puis l’accord de Nouméa de 1998, c’est bel et bien fini. Même si beaucoup d’analystes s’y attendaient[4] ; mais probablement pas les Services du Président Macron.

L’hisorien calédonien (bien connu là-bas, moins ici...) Louis-José  Barbançon fut celui qui eut le plus de nez, en prédisant assez clairement, peu avant le 13 mai,  le cadre du bouleversement qui allait arriver en écrivant : « Existe-t-il en 2024 des similitudes avec la situation de 1984 et celle de 1988 ? La question mérite en effet d’être posée aujourd’hui ». « Le corps électoral est donc le facteur déclenchant du boycott actif des élections territoriales du 18 novembre 1984 et des "événements" qui lui succèdent ». Il précise : « On rétorquera, que comparaison n’est pas raison, que l’histoire ne se répète pas même s’il lui arrive de balbutier » ; il ne va pas jusqu’à citer Karl Marx qui préférait le verbe bégayer à balbutier[5], mais l’analyse est la même.

Il décrit cependant un « nouveau contexte » différent de celui des années 1980,  celui de l’irruption de la jeunesse salariée ou désœuvrée du Grand Nouméa : si explosion il y avait, elle aurait donc lieu plus à Nouméa qu’en Brousse, contrairement à la première histoire.

À quoi pouvait-on s’attendre ?

D’abord à un clash après le 3ème référendum-farce (qui est devenue tragique) du 12 décembre 2021 : le vote à près de 100 % contre l’indépendance, alors que près de 100 % des Kanak avaient répondu à l’appel de la non-participation. La farce est bien devenue tragédie…

Ensuite après la partialité éhontée (cependant, tout le monde dont Macron et Darmanin aux ordres ne sont pas de cet avis) de l’État soutenant (avec une retenue feinte[6]) la frange la plus radicale des loyalistes pour qui la Calédonie française[7] devenait une évidence pour quelques décennies et adoubait ainsi (mais tentant d’aller plus loin) la partialité de l’État. Bref, les loyalistes radicaux se sont lâchés, mettant encore un peu plus d’huile sur le feu.

Enfin et surtout, après l’erreur monumentale de Macron du chantage à la loi organique (le fameux dégel du corps électoral pour les élections provinciales) que devait voter le Parlement à une majorité au départ évidente au Congrès de Versailles. Chantage en effet, car ce vote ne pouvait être évité, selon l’État, que si un accord entre toutes la parties (dont, donc, les indépendantistes) acceptait ce dégel : mission évidemment impossible et annoncée de longue date. Le coup de poker de la dissolution de l’Assemblée nationale du 9 juin (un petit mois après le début de l’insurrection sur le Caillou) a changé la donne : plus moyen de convoquer le Parlement et, surtout, renversement d’une éventuelle majorité induite par les nouveaux « Événements » en Calédonie.

Fin de la paix donc, mais aussi, au bout d’un temps, fin de l’insurrection menée par la CCAT (la fameuse Cellule de coordination des actions de terrain) frange sans aucun doute radicale du mouvement indépendantiste (considérée par Darmanin comme une « organisation mafieuse, violente » qui « commet des pillages, des meurtres » et n’est « pas politique », avec mise en examen puis déportation en Métropole de ses principaux leaders dont son chef incontesté en son sein, Christian Tein) émanation de l’Union Calédonienne, mais rapidement critiquée par le Parti de libération kanak) et l’Union Nationale pour l’indépendance) : l’unité du FLNKS qui battait déjà de l’aile était de plus en plus remise en cause.  

Changement d’ère évident mais qui ne peut simplement se réduire, on l’aura compris, à la seule date du 13 mai 2024 : après le retour d’un début de quasi-guerre civile (annoncé donc par certains) qui a mis littéralement par terre l’économie du Caillou (par les destructions massives et autres coûts qui s’élevaient déjà, début juillet, à 2,2 milliards d’Euros[8], plus de 260 milliards de francs locaux : le quart du PIB annuel courant du Caillou) et a aggravé sinon mis par terre le secteur clé du nickel (déjà mal en point avec la proposition provocatrice d’un « Pacte nickel » par l’État et mené par Bruno Le Maire (ministre de l’Économie).

Autre provocation de l’État : il s’agissait de proposer (c’est mon analyse, assez isolée…) une sorte de revanche à l’adoption qui fut le « préalable minier » de l’accord de Nouméa de 1988, de la « doctrine nickel » des indépendantistes, mais soutenue par le parti Calédonie ensemble, devenue plus tard loi de Pays. Ce que j’appelle ce « préalable minier à l’envers » consistait justement à généraliser les exportations de minerais au détriment de la production métallurgique des trois usines du Caillou. Certains indépendantistes au gouvernement, présidé justement par l’indépendantiste Louis Mapou, était prêts à accepter cet autre chantage ; des sous si la doctrine nickel faite loi était détricotée, sinon rien !  Heureusement[9], ce chantage a été dénoncé par une large alliance incluant l’Éveil océanien et le parti Calédonie ensemble.

On commencera cette seconde partie par une longue présentation critique de ce que signifie ce changement d’ère, avant de mentionner quelques bonnes dernières nouvelles du Caillou (et de moins bonnes) les deux confirmant les anciennes.

21 – Un changement d’ère certes, mais pas aussi brusque

La conception d’un changement très brusque est celle d’un récent article de Simon Guillouet publié le 22 juillet par la Fondation Jean Jaurès : Nouvelle-Calédonie : les ressorts d’un nouveau conflit[10] ; on aura encore compris, avec les analyses de quelques Cassandres, que la date du 13 mai 2024 n’est que l’équivalent de la prise de la Bastille du 14 juillet 1789, ni plus, ni moins[11].

* Pour Guillouet, tout part selon lui de l’équivalent de la Prise de la Bastille

Il n’a pas tort quand il écrit « La Nouvelle-Calédonie vit depuis deux mois une reprise du conflit qu’elle avait connu dans les années 1980. La situation a brutalement basculé le 13 mai 2024 quand le passage en force du dégel du corps électoral au Sénat puis à l’Assemble nationale a déclenché une émeute et une insurrection inédites dans l’agglomération de Nouméa. Si le pic de violences semble passé, le territoire s’enfonce toutefois progressivement dans un conflit qui a toutes les chances de durer dans la mesure où il a changé de nature. D’émeutes urbaines anarchiques portant sur le refus du dégel du corps électoral, le conflit s’étend aujourd’hui au-delà de Nouméa, radicalise les deux camps… » ; mais il exagère en terminant par « … et s’est graduellement recentré sur la question centrale de l’indépendance ». Comme si la revendication de l’indépendance venait enfin d’apparaitre ! De même en indiquant plus loin : « … , cette succession d’événements qui ont débuté le 13 mai dernier » ; il aura mal lu Barbançon et d’autres.

Il se corrige cependant en définissant la « nature du conflit calédonien » : un « conflit politique » et non pas (position de l’État français, de son Haussaire en Calédonie et des loyalistes radicaux, un mouvement de délinquants mené par un groupe de gauchistes opposé à de sages dirigeants indépendantistes[12].

* Il insiste un peu trop, en deuxième lieu, sur l’opposition à « caractère communautaire » qui a toujours été irréductible entre Kanak colonisés et Européens colonisateurs

Là non plus, il n’a évidemment pas complètement tort quand il met en évidence « le caractère communautaire du conflit » ; mais il y insiste un peu trop à mon goût[13] car il cache presque la lutte indépendantiste qui, bien sûr, est surtout le fait des Kanak, mais pas seulement et de moins en moins (on l’a déjà indiqué et on y reviendra). En insistant sur cet aspect, il insiste très peu sur la sortie de Sonia Backès sur l’autonomisation des Provinces que la plupart des analystes politiques (Calédonie ensemble et l’Éveil océanien compris ; mais toujours pas un mot de l’État français…) ont considéré comme une proposition scandaleuse d’apartheid[14] (Oui, celle qui a existé en Afrique du Sud avant Mandela) : il se contente simplement de la rappeler[15].

Il n’a encore pas tort en affirmant ce qui suit : « Les Kanak demeurent les représentants du camp indépendantiste et les Européens le noyau dur du camp loyaliste. Une étude du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) de 2021 montre ainsi que, malgré cent soixante-dix ans d’histoire commune, les clivages sont saillants et irréconciliables : 80 % des Kanaks[16] étaient partisans de l’indépendance et 90 % des Européens y étaient opposés ». C’est une banalité que l’on retrouve dans toutes les luttes nationales !  Il a toujours raison en notant « Par conséquent, le rapport de force démographique entre les deux communautés est une des données fondamentales du “problème calédonien”. Plus l’une des communautés est importante, plus elle est en mesure d’imposer sa vision de l’avenir. Or, aucun des deux groupes ne constitue aujourd’hui une majorité absolue de la population ».

Ça se discute, et l’on propose d’en rediscuter un peu longuement ci-dessous en remettant cette question dans le contexte du changement d’ère.

* Car Guillouet se contente, comme tout le monde, de reprendre les statistiques de l’ISEE.nc (l’INSEE locale) qui, dans ses différents recensements de la population, se garde bien de tenter de répartir ceux qui refusent de rentrer dans la case d’une communauté définie[17]

Heureusement, il admet que la question démographique n’est pas nouvelle et que les Européens deviennent de plus en plus minoritaires[18] ; mais il se garde bien de suggérer que les Kanak (selon nos analyses présntées ci-dessous) sont devenus majoritaires en 2019 et frôlaient probablement cette majorité en 2009 et surtout en 2014. Voir nos graphiques qui suivent où l’on a tenté d’approfondir les données de l’ISEE.

D’abord, remarquons que les statistiques actuelles de population par pays que publie un organisme citant l’ONU nous laissent pantois[19] pour ce qui est de la Nouvelle-Calédonie : les données de la population globale jusqu’en 2025 sont assez différentes de celles de l’ISEE.nc ; surtout elles sont bien supérieures pour les années récentes alors que l’Institut de la statistique et des études économiques du Caillou, l’ISEE.nc (on va y revenir) note une stagnation sinon une diminution de la population totale depuis 2014.   

L’évolution de ces taux de croissance illustre ce que décrit Guillouet  jusqu’en 2019, mais surtout l’erreur flagrante des prévisions reprises de l’ONU à partir de 2020[20]. Plus délirantes encore sont les prévisions à long terme de 2020 à 2100 : l’ONU n’avait pas prévu le changement d’ère qui s’est concrétisé en 2024, mais annoncé au niveau démographique par l’évolution de 2014 à 2019, anticipant probablement la forte migration nette d’Européens abandonnant le Caillou

Illustration 1
Illustration 2
Illustration 3

L’ISEE, de son côté, indiquait jusqu’en 2019[21] la répartition par ethnie (pardon : par communauté…) ; sauf que depuis 2009 un nombre de plus en plus élevé de recensés refusent de définir leur appartenance ethnique (58 milliers en 2019, 21 % de la population, dont 11 % se déclarant métis) ; autrement dit ces données brutes (répétées donc à loisir par tous les analystes, dont Guillouet…) ne veulent évidemment plus rien dire : 41 % de Kanak (ce qui permet d’affirmer qu’ils ne sont pas majoritaires dans leur pays ; mais pas plus que les 25 % d’Européens, sans doute, eux, minoritaires). Les données de la forte minorité entre les deux (surtout les Wallisiens-Futuniens largement dominants dans ce groupe) sont également soumis au même biais, mais l’erreur est moins sensible compte tenu du nombre.

Illustration 4
Illustration 5
Illustration 6
Illustration 7

Notre choix (certes pas évident) est, pour corriger ce biais, de répartir les refus (dont les déclarés métis) au prorata des déclarés ; on constate alors (et depuis longtemps) que les Kanak sont depuis 2009 pas loin d’approcher la majorité, de l’atteindre en 2019 (52 %) et de la dépasser très largement en 2024 ou 2025 (car la fuite des Européens, encore surtout les Métros, semble s’accélérer avec le changement d’ère). Quel que soit le caractère peu scientifique de notre clé de répartition des indécis (se déclarant métis ou refusant de cocher une case ethnique) je suis convaincu que les Kanak sont maintenant très majoritaires et les Européens surtout très minoritaires !

Illustration 8
Illustration 9

On peut détailler un peu la structure de la population non-kanak, en osant même une estimation pour 2026 ; sans mépris pour les petites minorités ethniques, le couple Kanak + Wallisiens-Futuniens (qui semblent devenir de plus en plus adeptes de l’indépendance-association) semble prédire une large majorité démocratique (une grosse partie de ces près de 70 %) à cette solution en cas de nouveau véritable référendum d’autodétermination ; et sans y ajouter une petite minorité du reste...

Or, insistons, Guillouet en reste au schéma de base de l’ISEE en éludant les indécis qui ont pourtant bien une petite idée de leurs préférence ethnique[22] : il se trompe donc à mon avis très lourdement en affirmant que les Kanak ne sont pas encore majoritaires, et, surtout, il insiste en pensant qu’ils ne le deviendront pas, gardant encore les donnée partielles de l’ISEE : « Si leur proportion n’était que de 41 % en 2019, le départ des Européens et de certains autres groupes (Tahitiens, Indonésiens, Vietnamiens) entraînerait mécaniquement une hausse de la proportion de Kanaks qui pourrait atteindre 45 % d’ici quelques années. Cela n’est pas la majorité absolue mais cela ferait des Kanaks le groupe de loin le plus important face aux 20 % d’Européens ou aux 8 % de Wallisiens (le troisième groupe le plus nombreux) ».

Plus d’un Européen sur cinq, surtout les Métros (très peu de Caldoches) se sont en effet tirés en migration externe nette ou allaient se tirer de Nouvelle-Calédonie de 2014 à 2024 : certitude de 2014 à 2019 selon l’ISEE ; incertitude après, avec des revirements du même ISEE qui voyait une reprise en 2020-2021 mais a ensuite corrigé le tir) ; ça fait du monde (faites le calcul pour une fuite équivalente en Métropole !). Plus de câlins sur le Caillou ? Plutôt « J’irai revoir ma Normandie ! » : car c’est bien sûr le flux migratoire net qui est en cause. Et en masse, mais pas tous les Blancs : les Caldoches sont restés (sauf quelque exceptions) et restent encore (peut-être un peu moins avec le chaos de 2024 ; pourtant, pas (comme au début des années 1960 en Algérie) de mot d’ordre : « La valise ou le cercueil »[23]. Les autres communautés sont en gros restés, singulièrement les Wallisiens-Futuniens (la minorité la plus forte donc). Bref, tout montre que les immigrations nettes des Européens ne sont le plus souvent, et depuis longtemps, non pas celles d’une colonisation de peuplement, mais une recherche provisoire d’un Eldorado : quand ce dernier devient plus difficile (ralentissement économique, danger indépendantiste) les chercheurs d’or se tirent…

Toutefois, dans les médias, on n’en fit pas de gorges chaudes, et toujours en termes mesurés ; chez les loyalistes anti-indépendantistes, pas de pleurs, ou alors sous cape ; chez les indépendantistes, pas d’explosion de joie, ou alors bien cachées. Une étincelle peut mettre le feu à toute la plaine… Ce n’est pas celle-là qui a embrasé le Caillou

Bien sûr, le danger de ce qu’il faut bien nommer un grand remplacement défavorable aux Européens et donc à la perpétuation de la Calédonie française est maintenant évident.

* Guillouet a compris que le changement d’ère est surtout favorable aux Kanak en terminant son papier par : « L’impact des émeutes, un rapport de force qui devient défavorable à la France et aux loyalistes »

Il a toujours raison quand il affirme que « ce conflit est amené à durer » ; et il met en évidence ses ressorts[24]. On peut néanmoins regretter qu’il ne critique pas du tout la farce tragique du troisième référendum en écrivant : « Dans ce paysage politique complexe et instable, l’impact des émeutes est majeur et redéfinit les cartes en termes de rapports de force. Alors que la situation semblait relativement favorable au camp loyaliste depuis les trois échecs du “Oui” aux référendums de 2018, 2020 et 2021, l’onde de choc des émeutes de mai-juin a entraîné un brusque affaiblissement du camp loyaliste et une consolidation du camp indépendantiste ».

* Guillouet conclut avec « Les deux scénarios à envisager dans l’évolution du conflit calédonien » et, heureusement, l’évocation d’une troisième voie possible : quelque-chose comme l’indépendance-association, mais pas pour tout de suite…

Le premier scénario est « le statu quo »[25] ; le second « celui de l’escalade »[26]. Néanmoins, termine Guillouet [mais il ne le considère pas comme un scénario, PC], tout n’est pas perdu ; pourquoi : « Cela est en partie dû aux forces politiques indépendantistes ayant toujours maintenu leur volonté de ne pas amener le pays à la guerre civile, à l’État français qui modère l’intensité de sa répression, limitée par le droit et souhaitant conserver le conflit à un niveau de basse intensité, et à une histoire commune certes difficile mais où les communautés se côtoient et se connaissent ». Bref : que de retenues, selon Guillouet, de part et d’autre ; ce qui n’est pas complètement faux, mais les Bisounours n’étaient pas toujours au rendez-vous, par exemple en 1988 et en mai 2024. Et les indépendantises ne partageront que moyennement la référence à  l’intensité de la répression (certes retenu au niveau du maintien de l’ordre qui, du coup, peine à arriver à bout des désordre) et surtout l’expression « limitée par le droit » : l’avenir nous dira ce que la justice dira concernant les leaders de la CCAT mis en examen et déportés en Métropole pour certains…

Voilà la solution qu’évoque Guillouet, encore très sage : « Sans forcément proposer une indépendance immédiate, il serait nécessaire d’aller vers des solutions créatives mais convaincantes : la possibilité ouverte d’un quatrième référendum, un processus d’indépendance-partenariat s’étalant sur plusieurs dizaines d’années, une redistribution accrue des richesses ».

22 – Autres bonnes et mauvaise nouvelles (à vous de juger…)

* La visite éclair de Marie Guevenoux : trois petits jours et puis s’en va[27] : un autre coup d’épée dans l’eau d’une ministre d’un gouvernement démissionnaire expédiant les affaires courantes

La ministre déléguée aux Outre-mer a terminé sa visite rapide (de trois jours) sur le Caillou, deux mois après le début des émeutes ; « Personne ne le dit clairement, mais le texte est enterré » selon un indépendantiste kanak « proche de ce dossier hautement sensible » qui note : « L’avenir du texte est donc plus qu’incertain. Et « qu’il ne s’attendait d’ailleurs à aucune annonce de la ministre démissionnaire, malgré ses nombreuses rencontres avec des élus de Nouvelle-Calédonie ces derniers jours »

* La CCAT et la lutte évidente de pouvoir au sein des indépendantistes

Le même jour, Le Parisien nous informait[28] que la CCAT (que le journal définit comme « le groupe indépendantiste à l’origine de la mobilisation contre la réforme électorale qui a dégénéré en émeutes en Nouvelle-Calédonie ») lors d’une assemblée générale (à huis clos) à Poindimié (dans le nord-est de la Grande terre, plus exactement à la tribu de Bayes) les 27 et 28 juillet, avec 24 délégations « représentant un effectif approximatif de 1 500 personnes », déclare : poursuivre sa « mobilisation pacifique (…) tant que le sujet du dégel du corps électoral n’est pas une bonne fois pour toutes aboli » ; exige que les forces de l’ordre quittent le territoire et que des enquêtes « indépendantes » soient menées, des actions spécifiques étant désormais menées « chaque 13 du mois, au sein de chaque point de mobilisation du pays » pour commémorer la date du « départ de la révolte ».

L’article de LNC précise qu’à l’assemblée de Bayes, les délégués ont également signé une pétition (remise à la ministre déléguée aux Outre-mer) pour exiger le départ du haut-commissaire, Louis Le Franc, et se sont dits en faveur du maintien des élections provinciales fin décembre 2024 (en conservant le corps électoral actuel). Enfin et surtout, il n’y aurait pas de reprise de contact avec l’État avant la signature avec ce denier d’un « accord de Kanaky formalisé par le transfert des compétences régaliennes » : le bouchon est lancé bien loin….

La CCAT est, rappelons-le, une émanation de l’un seulement des partis (l’Union calédonienne) du FLNKS et non de ce dernier dans son ensemble, mais est soutenu par d’autres organisations en dehors du FLNKS, dont le puissant syndicat USTKE (Union syndicale des travailleurs kanak et des exploités) émanation du parti politique indépendantiste très radical (le Parti Travailliste) ; l’autre parti principal du FLNKS (le Parti de libération kanak) n’a jamais cautionné cette CCAT et, plus généralement, affiche des positions politiques plus modérées (que saluent d’ailleurs avec gourmandise tous les loyalistes…).

* L’Éveil océanien (L’ÉO) propose (presque) la pleine souveraineté en partenariat avec la France

Même si la candidate (Veylma Falaeo) du parti L’ÉO dans la première circonscririon aux élections législatives laissait entendre[29] dès fin juin (mais du bout des lèvres) qu’une Troisième voie allant vers une sorte d’indépendance-association (ou presque) pouvait être la solution, le parti de Milakulo Tukumuli s’en tenait encore officiellement à sa ligne : « L’indépendance, mais pas tout de suite ». 

Maintenant, un petit mois plus tard, dans une longue lettre ouverte du 19 juillet 2024[30] Et maintenant ? sur la page Facebook du président de son président, Tukumuli donc, c’est presque tout de suite et presque l’indépendance-association : « La Nouvelle-Calédonie souveraine en coopération avec la France » ; c’est, selon lui, une solution à « cette triste folie », à cette « insurrection » qui « de manière inéluctable, nous emmène, jour après jour, heure après heure, vers l’effondrement de notre société ». Pourquoi notre presque ? Il indique : pour « bâtir collectivement le pari de l’intelligence : un oui partagé vers la programmation et la naissance d’un État calédonien en partenariat avec la France » ; d’abord (première étape) par un référendum, « les Calédoniens intéressés doivent répondre oui à la question suivante : "Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie devienne un État souverain coopérant avec l’État français dans l’exercice des compétences régaliennes  [je souligne et met en gras, PC] » : les compétences régaliennes seraient donc partagées ; ce n’est donc pas exactement la pleine souveraineté avec partenariat. La deuxième étape serait « l’accès à la pleine souveraineté » (vraiment pleine, PC ?) ; la troisième étant la signature immédiate d’une « convention d’interdépendance[31] préparée en amont pour lier les deux États », une solution qui permettrait « l’émergence d’un peuple calédonien » mais également la fin d’un « rapport colons-colonisés » ou du « clivage cancérigène "oui-non" ».

Tukumuli en profite pour encore régler ses comptes avec Sonia Backès, en affirmant : « Le vivre ensemble est bien réel »[32] ; mais il n’y va pas non plus de main morte avec les indépendantistes[33].  Un nouveau pas est donc presque franchi par l’ÉO (certes, je pinaille : mais les mots ont un sens) ; Tukumuli va plus loin que Calédonie ensemble qui continue à hésiter dans son inconfortable position centriste[34].

* Toujours fidèle à lui-même, le parti loyaliste, mais centriste, Calédonie ensemble de Philippe Gomès, ne semble plus savoir où il habite en continuant à hésiter dans son inconfortable position[35]

Sèchement battu aux élections provinciales de 2019, accusé depuis longtemps par les loyalistes radicaux de trop fricoter avec les indépendantistes et, au gouvernement d’avoir mené une politique qualifiée de socialiste depuis son succès aux élections de 2014, ce parti, dont le leader reste Philippe Gomès, a encore essuyé un cuisant échec aux législatives de 2024 en tentant encore de promouvoir son centrisme[36]. L’ÉO lui disputait la première place pour représenter la Troisième voie sur le Caillou ; malgré également son échec aux mêmes législatives, il en a tiré les conséquences : sa « Nouvelle-Calédonie souveraine en coopération avec la France », presque l’indépendance association donc.

Calédonie ensemble continue de son côté ses valses-hésitations : après avoir d’un côté soutenu la vive critique du « Pacte nickel » vainement proposé par Le Maire, il a saboté d’un autre côté la réforme progressiste de la Sécu calédonienne proposée par l’ÉO (on y vient). Aujourd’hui, le parti Calédonie ensemble ne parle plus beaucoup de la solution institutionnelle à la crise politique (réitérant toujours cependant la recherche d’une solution consensuelle ) : il réclame surtout des sous à l’État[37], proposant un plan Plan quinquennal de reconstruction et d’accompagnement de la Nouvelle-Calédonie par l’État : (500 CFFP - milliards de Francs CFP : la moitié d’un PIB annuel courant du Caillou, soit 10 % par an !) « pour éviter la mort économique et sociale du pays ».

Ça peut paraître beaucoup, et c’est en effet beaucoup ; cependant, on doit remettre ces ratios dans leur contexte : d’où (encore) un aparté qui n’est pas inutile.

Rappelons que les transferts de fric (les « transferts publics métropolitains » bruts) au bénéfices du Caillou tournaient, bon an, mal an, autour de 150 à 170 GCFP ces dernières années (15 à 17 % du PIB local, ce n’est déjà pas rien). En fait, ces transferts compensent simplement le niveau très faible desdits prélèvements obligatoires (les PO : impôts + cotisations sociales) favorisant les riches, surtout des Européens[38]. On peut penser qu’il s’agit d’un deal de l’État et des Européens.

En effet, le poids des PO est toujours inférieur sur le Caillou (environ 10 à 11 points de PIB après 2008, beaucoup plus auparavant) ; et les libéraux, dont Sudrie, rêvaient en 2023 de raboter les cotisations sociales (il préfèrait à ce mot vulgaire, le mot de « réfaction ») en les remplaçant par des impôts (ce qui favoriserait les entreprisses, accablées de charges, car ce poids serait alors réparti sur tous les contribuables). Contre ce projet libéral, l’Éveil océanien (par Tukumuli) avait à l’inverse proposé au vote du Congrès local une augmentation des CS (approuvé par nombre de syndicats de salariés, surtout la Fédé (des fonctionnaires). Ce projet fut en fait saboté (avec une belle manœuvre de Calédonie ensemble…) : il n’a pas encore vu le jour.

Ce que propose Calédonie ensemble va plus loin que les râleries de tout bord reprochant à l’État de ne vouloir donner que quelques miettes (ce qui et pour le moment le cas) ; Macron, attendant donc septembre, va-t-il proposer un nouveau deal (on n’ose pas y penser…) : si vous voulez vous en sortir, voila des sous pour rester dans la République. Mais qui sera au gouvernement en septembre ?

 ...

Il faut savoir terminer un billet… Terminons par un dessin de Lefèvre en dernière page du Canard enchaîné du 29 mai dont le titre est Agitations en Nouvelle-Calédonie ; on y voit sans aucun doute Édouard Philippe, le doigt levé et proclamant « L’indépendance est proche ». Le Canard exagère un peu, mais pas tant que ça : Philippe y avait habillé pour l’hiver la politique de Macron[39].

Les JO étant terminés (mais jeux para olympiques dans deux semaines…) Macron va peut-être sortir du bois et nommer un gouvernement (Front pop, centre-droit, surprise ?). Pourtant, ça va être difficile, car, selon lui, la vraie vie se serait arrêtée avec la fin de la Grande fête des JO ; comment peut-on oser une pareille sottise : JO blues ?

En avant donc pour de nouvelles aventures ici, ce qui complètera notre maigre point 1 de ce billet ; car la presse (qui ne sait plus trop quoi raconter au lendemain de cette vraie vie) en fera sans doute ses choux gras. Pour là-bas, il faudra sans doute attendre un peu, sauf si le second scénario de Guillouet commence avant la fin de l’hiver en Calédonie : tout est possible. 

Mais pour contrebalancer cette hypothèse à la Cassandre, deux aphorismes plus réjouissants : « Le printemps sans amour, c’est pas l’printemps » ; « Un printemps en Kanaky Nouvelle-Calédonie sans indépendance, c’est pas l’printemps ». La France serait alors tellement plus juste et plus belle … Macron va-t-il endosser le large costume de de Gaulle, en deux temps mais pas en même temps (« Je vous ai compris ! » ; Accords d’Évian).    

Notes

[1] Il y en a beaucoup d’autres ; un peu de pub n’est pas inutile : il suffit de surfer sur Internet en cherchant Patrick Castex : la réponse est presque immédiate. Et on peut ainsi trouver le contenu de quelques bouteilles jetées à la mer sur Le Club de Médiapart…

[2] Même le terme ethnie, ayant remplacé celui de race sent encore le soufre : on préfère parler de communauté ; et au moment même où les loyalistes, plutôt blancs de peau, accusent sans arrêt les Kanak noirs de racisme antiblanc alors que seuls quelques enragés donnent effectivement dans ce contre-racisme.

Des autres ethnies que les Kanak dont quelques Caldoches et Métros « blancs » et de plus en plus de Wallisiens-Futuniens (en tout 8 à10 % des habitants du Caillou) jadis fermes soutiens de la Calédonie française dans leur très grande majorité se tournent maintenant (certes très récemment ; on y reviendra) avec le nouveau parti (né en 2018) L’Éveil océanien de Milakulo Tukumuli, vers une solution proche de l’indépendance-association ; c’est moins clair pour les autres minorités de l’archipel. Voir notre billet précédent où, aux dernières législatives locales (il est vrai avec un taux de participation exceptionnel) 53 % des votes se sont exprimés pour les candidats indépendantistes.

[3] Voir sur YouTube, la vidéo récente (du 5 août) Lucie Castets futur premier ministre ? La Réaction d’Emmanuel Macron (tirée d’une enquête du quotidien Le Parisien) :

https://www.youtube.com/watch?v=Hs__c_4QL0E

Y est indiqué : « Le Parisien a mené une enquête auprès des proches du président français pour obtenir des informations sur l’avancée de la formation du prochain gouvernement. Profitant de la “trêve politique” déclarée durant les Jeux olympiques, Emmanuel Macron est conscient qu’une réponse de sa part est attendue par le Nouveau Front populaire dès la fin de la cérémonie de clôture. Bien qu’il ait admis que “d’une certaine manière, c’est aussi un désir d’alternance qui s’est exprimé”, il ne semble pas enclin à nommer Lucie Castets, choisie comme représentante du NFP. Il a même décrit sa campagne comme “extravagante” ».

Selon les mêmes sources du Parisien, Macron étudierait les candidatures de Xavier Bertrand, de droite un peu sociale et adepte des allers-retours (qui en rêve explicitement) et Bernard Caseneuve, gauche très modérée (qui accepterait bien cette éventualité, prêt à donner son corps à la science politique…) ; peut-être deux leurres, toujours selon l’entourage de Macron qui pourrait avoir en fait l’idée de nommer un premier ministre sans ambition, notamment pour 2027.

[4] Sur le mode « Je vous l’avais bien dit… », voir notre billet du 27 mars, encore sur Le Club de Médiapart (Chaud, chaud, chaud, l’automne sera* chaud en Calédonie ! Le début du printemps ici…) publié bien avant le déclenchement de l’insurrection du 13 mai. Ce billet mettait en lumière une progression qui semblait inéluctable, mentionnée par beaucoup de connaisseurs du Caillou et en particulier par Louis-José Barbançon, un centriste « nationaliste calédonien », toujours, depuis le début des années 80, le cul entre deux chaises entre les loyalistes et les indépendantistes, mais qui penchait plutôt vers les indépendantsites ces derniers temps, et , pour la première fois, déclarait penser à la solution de l’indépendance-association : 

https://blogs.mediapart.fr/patrick-castex/blog/270324/chaud-chaud-chaud-l-automne-sera-chaud-en-caledonie-le-debut-du-printemps-ici

C’est surtout une référence à sa dernière intervention (titrée 1984-2024 et sous-titrée Il est encore temps) écrite peu avant fin mars dont la lecture (ou relecture) est indispensable ; voir (ou revoir) :

https://presencekanak.com/2024/03/23/1984-2024-il-est-encore-temps/

Beaucoup d’autres analyses (voir nos différents billets) allaient dans la même veine, mais pas avec autant d’à-propos que Barbançon ; on peut indiquer le texte de Milakulo Tukumuli de L’Éveil océanien qui allair au-delà du printemps ou de l’automne chaud et qui avait apprécié Barbançon, avec un titre encore plus évocateurs : L’hiver vient ; voir tout le texte sur Facebook :

https://www.facebook.com/photo/?fbid=429251416296224&set=pcb.429251466296219

[5] Marx écrivait en 1852 (dans Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte) après le coup d’État du futur Napoléon III et en référence à celui de son oncle en 1899, en citant Hegel (on l’a souvent répété dans nos billets) que souvent l’histoire bégaie, ajoutant à Hegel, la première fois comme une tragédie, la seconde comme une farce. Mais ce qui apparaît au départ comme une farce redevient souvent tragédie : c’est ce qui va se passer sur le Caillou

[6] Toutes les exigences de ces loyalistes radicaux ne furent pas acceptées par l’État : par exemple la fin des discriminations positives politiques (changement du poids des Provinces pour la composition du Congrès, l’organe législatif du Caillou) et économiques (répartition des impôts par Province).

[7] Macron réitérait que « La France serait moins belle sans la Calédonie »

[8] Voir l’article de La Tribune du 5 juillet 2024, Les émeutes en Nouvelle-Calédonie ont déjà coûté 2,2 milliards d'euros :

https://www.latribune.fr/economie/france/les-emeutes-en-nouvelle-caledonie-ont-deja-coute-2-2-milliards-d-euros-1001591.html

dont 1,2 milliards pour le secteur privé  et 1 milliard pour les infrastructures publiques ; et ça a continué…

[9] Voir notre billet du 1er mai (Le Maire-Darmanin, c’est foutu ! Pacte nickel à la rue, le Caillou est dans la rue !) sous-titré Le Pacte nickel est fin mal barré : son opposition forme une large majorité (du FLNKS, de l’Éveil océanien et de Calédonie ensemble) contre ses soutiens, surtout l’État et les loyalistes radicaux. Ces derniers appelant à « foutre le bordel », manifs et contre-manifs poussaient cette majorité à un petit début de rapprochement. Pour au moins éviter la guerre civile ; et plus si affinités ?

https://blogs.mediapart.fr/patrick-castex/blog/010524/le-maire-darmanin-c-est-foutu-pacte-nickel-la-rue-le-caillou-est-dans-la-rue

Le Caillou était déjà donc dans la rue deux semaines avant l’insurrection, et des deux côtés ; mais ce fut alors parfaitement géré par les forces de l’ordre (ça restait bon enfant, mais bien tendu…).

Auparavant précédé par celui du 25 mars (Le Pacte nickel en Calédonie sera-t-il signé ? Peut-être plus tard… ou jamais !) sous-titré Le Maire le veut signé « tel que rédigé » avant la fin mars ! Le Président du Gouvernement dont la procrastination était une seconde nature est passé du « Sans doute Non » au « Oui ». Le Président de la Province Nord maintient depuis longtemps son « Niet ». Les loyalistes centristes de Calédonie ensemble y sont de plus en plus opposés. Les loyalistes de plus en plus radicaux sont pour. Alors ? ; voir : 

https://blogs.mediapart.fr/patrick-castex/blog/250324/le-pacte-nickel-en-caledonie-sera-t-il-signe-peut-etre-plus-tard-ou-jamais

Eux-mêmes précédés, pour les amateurs de détails, des trois billets du 1er février, Le Ministre des Finances en Calédonie : contre la "doctrine nickel". Pipeau ! (Thèse) :

Le Ministre des Finances en Calédonie : contre la "doctrine nickel". Pipeau ! (Thèse) | Le Club (mediapart.fr)

puis Le Maire en Calédonie : contre la "doctrine nickel". Très gros pipeau ! (Antithèse) :

Le Maire en Calédonie : contre la "doctrine nickel". Très gros pipeau ! (Antithèse) | Le Club (mediapart.fr)

Enfin, Le Maire en Calédonie : contre la "doctrine nickel". La "Découverte du pot aux roses"

https://blogs.mediapart.fr/patrick-castex/blog/010224/le-maire-en-caledonie-contre-la-doctrine-nickel-la-decouverte-du-pot-aux-roses

[10] Cet article a été déniché par Mathias Chauchat (que l’on ne présente plus aux lecteurs de ces billets…) ; on le trouve sur sa page Facebook, mais, sauf erreur, sans aucune analyse critique. Voir donc, grâce à lui :

https://www.jean-jaures.org/publication/nouvelle-caledonie-les-ressorts-dun-nouveau-conflit/?fbclid=IwY2xjawEYk71leHRuA2FlbQIxMQABHSXKWJV4sRhnhRdpYXnm5kt-wwtsgg4CqlQbco4i_Gim464C3dfYe6qxpQ_aem_F4-PyGikzr14oMd0xFeikw

[11] Allons-y avec un autre bégaiement de l’histoire. La Révolution française n’a pas commencé le 14 juillet : ouverture des États généraux le 5 mai 1789 ; le serment du Jeu de paume le 20 juin, suivi quelques jours plus tard, le 23, par le premier clash avec Louis XVI et la fameuse envolée de Mirabeau, « Allez dire à ceux qui vous ont envoyé que nous sommes ici par la volonté du peuple et que nous n’en sortirons que par la puissance des baïonnettes... » ; réunion des trois ordres (clergé, noblesse et tiers état) en une « Assemblée nationale constituante » à partir du 9 juillet ; prise de la Bastille (la première insurrection révolutionnaire armée violente de ces « Événements ») ;  abolition des privilèges la nuit du 4 août ; Déclaration des droits de l'homme et du citoyen le 26 août ; etc.

Pour continuer le parallèle avec le changement d’ère du Caillou, on peut aussi rappeler ce que disait le même Mirabeau : « Quand on se mêle de diriger une révolution, la difficulté n’est pas de la faire aller, mais de la retenir ». Tout rapprochement avec les actions de terrain de la CCAT serait purement fortuite...

[12]  Il précise sa pensée : « Il s’agit d’un conflit de nature politique, opposant d’un côté les loyalistes et depuis 2020-2021 l’État français et, de l’autre, les indépendantistes Kanak, peuple premier colonisé du territoire. Cette observation peut à première vue paraître évidente ou tautologique mais mérite d’être réaffirmée pour cerner de manière objective la situation et de trouver des solutions adéquates. En effet, les autorités administratives françaises locales et les acteurs politiques loyalistes présentent une lecture très différente des événements : soit ils associent l’ensemble du mouvement actuel à l’univers de la criminalité, de l’émeute, de la délinquance, le disqualifiant dans son ensemble ; soit ils dissocient les indépendantistes en deux groupes : les pacifiques et les radicaux minoritaires terroriste”. Dans les deux cas, le caractère politique des troubles est le plus souvent ignoré, ou dénaturé… ». Les exemples cités par Guillouet valent le coup d’œil pour ceux qui ne sont pas familiers des excès (jamais critiqués en public par l’État français) des indépendantistes radicaux… mais aussi par le représentant lui-même de l’État (le Haussaire : le Haut-Commissaire) :

« “Vous êtes les victimes collatérales de la folie indépendantiste radicale, vous êtes les victimes directes des criminels de la CCAT” (Sonia Backès, présidente de la Province Sud, dans un discours prononcé le 14 juillet 2024). “1l y a une espèce de rage, je ne sais pas comment vous le dire autrement, qui anime ces individus, ces émeutiers. Beaucoup sont alcoolisés. Beaucoup ont consommé des produits stupéfiants. Donc c’est difficile quand on a affaire à des gens comme ça de leur faire entendre raison” (Louis Le Franc, haut-commissaire de la république en Calédonie le 26 juin 2024 sur la radio RRB). “Il y a deux stratégies dans le monde indépendantiste. La stratégie à la tahitienne, plutôt portée par le Palika [le parti de libération kanak, PC] et qui semble être le cas également de Monsieur Tjibaou. […] Ce sont des démocrates avec qui je suis prêt à discuter. En revanche, il y a une autre école chez les indépendantistes portée par ceux qui ont créé la CCAT […] C’est la stratégie de la terreur qui fonctionne et c’est pour ça que je dis aux non-indépendantistes de rester et de nous aider à résister à ça en montrant qu’on n’accepte pas ces manœuvres inacceptables » (Nicolas Metzdorf, député loyaliste, dans un entretien donné dans Les Nouvelles calédoniennes le 11 juillet 2024” ».

Il oublie de mentionner que tous les loyalistes ne donnent pas dans ces excès, même s’ils désapprouvent les débordements : par exemple le parti loyaliste centriste Calédonie ensemble.

[13] Il note, comme tout le monde, que la tentative de colonie de peuplement et l’éradication quasi-totale des Autochtones n’a pas réussi en Calédonie (contrairement à l’Amérique du Nord des États-Unis et du Canada, ou de l’Australie) ; de même que l’évidence « … des traces et des rancœurs indélébiles entre la communauté Kanak et la communauté européenne. Malgré les métissages et une cohabitation le plus souvent pacifique ces dernières décennies, ces deux groupes restent politiquement rivaux » ; mais l’opposition politique nous semble avoir toujours dominé chez les Kanak les rancœurs ethniques, sauf malheureux rares dérapages.

[14] Voir, entre autres réactions, mon billet du 17 juillet :

Le Caillou sera-t-il vraiment coupé en deux ? Apartheid de fait devenant de droit !

Sous-titré C’est, en Calédonie, la folle proposition ce 14 juillet de l’inénarrable loyaliste (très) radicale Sonia Backès ; le pire, c’est que les boucliers la critiquant ne se sont pas encore levés très haut ! Déjà politiquement coupé en deux lors du second tour des législatives, et avec un avantage (53 % aux indépendantistes, 47 % aux loyalistes), ceci (53-47) explique peut-être cela (Backès Sonia)…

Mais les vives réaction sont ensuite arrivées.

[15] « Choqués et parfois directement impactés par les émeutes, la masse des loyalistes “européens” semble se radicaliser comme l’illustre le discours récent de Sonia Backès, présidente de la Province Sud, à l’occasion du 14 juillet dernier : “Deux civilisations se côtoient en Nouvelle-Calédonie […]. Au même titre que l’huile et l’eau ne se mélange pas, je constate à regret que le monde kanak et le monde occidental ont malgré cent soixante-dix ans de vie commune des antagonismes indépassables ». On peut penser qu’il la comprend un peu…

[16] Notre auteur n’emploie donc pas l’orthographe préférée des Kanak, mot invariable en genre et en nombre selon eux.

[17] C’est un peu compliqué ; le seul moyen de commencer à tout comprendre est encore de lire notre billet du 8 février 2024, Kanaky Nouvelle-Calédonie indépendante ! (Saison 6, Première partie, suite encore) sous-titré Et voilà le fameux « coup de tonnerre annoncé » : les Européens (en fait en grande majorité des Zoreils) venus faire fortune en recherchant l’Eldorado, « se tirent » du Territoire depuis 2014 ! Cette Saison est très lourde en graphiques ; mais le diable se cachant souvent dans les détails, il faut le débusquer… C’est un phénomène récent (mais oh combien fondamental !) qui continuerait après 2019…

Kanaky Nouvelle-Calédonie indépendante ! (Saison 6, Première partie, suite encore) | Le Club (mediapart.fr)

Encore de la pub gratuite, le livre Kanaky Nouvelle-Calédonie indépendante ? publié aux Éditions de L’Harmattan en 2018 ; voir :

KANAKY NOUVELLE-CALÉDONIE INDÉPENDANTE ?, Patrick Castex - livre, ebook, epub (editions-harmattan.fr)

a été revu et actualisé en plusieurs Saisons sur Le Club de Médiapart ; (de la Saison 1, le 2 février 2024 à la dernière, la 27ème, le 8 mars 2024…

[18] « Cette tendance lourde et de long terme d’affaiblissement démographique de la population “européenne” n’est pas nouvelle. Elle date du milieu des années 1970 et s’est accélérée depuis la fin des années 1990. Elle ne pourrait que se renforcer avec la déflagration du 13 mai 2024. Ils constituaient 24 % de la population en 2019 et il est vraisemblable que ce chiffre soit aujourd’hui autour de 21 %. Une accélération des départs ferait chuter selon toute vraisemblance leur part autour de 15% dans les années à venir ».

Et de donner de nombreux graphiques (avec les données brutes de l’ISEE) sensés étayer sa démonstration.

[19] Voir le site de Contrymeters dont les sources seraient Le Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies :

https://countrymeters.info/fr/New_Caledonia

[20] Cette erreur est peut-être due à la reprise par l’ONU d’un optimisme évoqué par l’ISEE.nc en 2000 qui a cependant été corrigé ensuite.

[21] L’ISEE vient d’indiquer que le recensement prévu en 2024 est (prudemment…) reporté à 2025…

[22] Pa si sûr ! Je connais personnellement nombre de métisses et métis qui n’ont aucun mal à présenter leur arbre généalogique compliqué mais se revendiquent cependant blanches et blancs et ont sans doute coché la case Communauté européenne aux recensements de la population. Le taux de 11 % de métis déclarés en 2019 ne résiste pas au sentiment de sous-évaluation flagrante quand on se promène à Nouméa. Bref, le taux de population dite européenne est ainsi probablement surévalué ; le contraire est possible mais peu probable : où est comptabilisée la poignée d’Antillais de couleur (comme on disait jadis…) lesdits Doudous en général farouchement antiindépendantistes ?

[23] En avril 2021, un sondage (Quidnovi-ETOM/OcéaneFM) indiquait que « 21 % des Calédoniens partiraient en cas d’indépendance ! ». Des seuls Calédoniens non-Kanak ou de tous les habitants du Caillou ? L’article indique : « 1 Calédonien sur 5 estime que si le OUI l’emportait au prochain référendum, sa "situation et celle de sa famille" deviendrait "intenable". Ainsi, en cas d’indépendance, 11 % des Calédoniens déclarent qu’ils "ne savent pas s’ils pourront rester" et 10 % qu’ils seront certainement "contraints de partir". En définitive, cette inquiétude est partagée par 35 % des électeurs du NON. Autrement dit, en cas de victoire du "OUI", environ 57 000 Calédoniens (1 non-kanak sur 3) s’interrogent quant à leur départ de Nouvelle-Calédonie ».

La conclusion de l’article est intéressante : « … Et si c’était seulement ça l’objectif de la "lutte indépendantiste" : faire partir les non-kanak ? ». Aucune distinction n’est alors faite entre les différentes communautés, pas plus qu’entre Caldoches et Zoreils. Et l’article de presse (de Calédosphère) en rajoute : beaucoup de jeunes vont partir, même les Kanak ! Et l’article ne cache pas ses préférences en conclusion (on croit entendre Metzdorf… qui racontait n’importe quoi). Voir aussi (en passant…) le billet du 29 octobre 2023 :

Le jeune député calédonien Metzdorf se jette dans le grand bain… | Le Club (mediapart.fr)

Second exemple, plus récent. Un sondage (toujours de QuidNovi) d’août 2023 contredisait les affirmations de l’ISEE en indiquant : « Contrairement aux idées reçues, la majorité des familles qui sont parties étaient installées durablement en Nouvelle-Calédonie. Une partie d’entre elles comptait au moins un adulte natif de Nouvelle-Calédonie. Il ne s’agit donc pas de « personnes en séjour pour quelques années ».

Qui croire ? QuidNovi ou l’ISEE ?

[24] Pas la peine de le paraphraser ; ici, pas une virgule à modifier quant au constat de la situation des indépendantistes et des loyalistes radicaux : « La souveraineté ou l’auto-détermination est un puissant facteur de mobilisation des peuples, colonisés ou non. Il touche au sentiment national, à la dignité, à la décision de décider pour « soi » sans intervention extérieure. Le peuple Kanak semble aujourd’hui déterminé à mener cette lutte et devra trouver des solutions originales pour vivre avec les autres populations qui y ont pris racine et sont aussi légitimes à vivre sur ce territoire. Le temps, la répression, les difficultés économiques ne réduiront pas ce désir et cette demande. Le conflit possède maintenant sa propre dynamique et peut s’auto-entretenir par la multiplication des rancœurs et des motifs de revanche. Côté indépendantiste, on dénombre plus de 1 500 gardes à vue (soit environ 1,3 % de la population Kanak), 139 incarcérations (dont les leaders politiques membres de la CCAT), sept personnes tuées [on en est maintenant à dix, PC] et un nombre important (bien qu’inconnu) de blessés. Les victimes directes ou les proches et les familles de ces derniers ont désormais des motifs de mobilisation décuplés. La forme même que prend la mobilisation actuelle est propice à son extension dans le temps : incendies, barrages, caillassages. Ces actions ne nécessitent ni budget, ni logistique, ni organisation complexe. Elles ne coûtent rien et peuvent être répétées pendant des mois ou des années. Côté loyaliste, on ne décolère pas devant la destruction de centaines d’entreprises et de logements ainsi que de milliers de voitures, les dégradations ayant touché l’ensemble de la population. Plus de 480 agents des forces de l’ordre ont été blessés et 3 personnes ont été tuées (deux gendarmes et un Européen). La colère est immense. Le sentiment que la répression est insuffisante est largement partagé et entraîne un fort lobbying pour des sanctions exemplaires et une attitude plus répressive de l’État. Certains loyalistes demandent même l’expulsion des logements sociaux des personnes ayant participé aux émeutes. Les dernières tensions en dates concernent le développement des relations du parti indépendantiste – l’Union calédonienne – avec le gouvernement autoritaire et peu fréquentable azerbaïdjanais. Ainsi, plus les troubles durent, plus de nouveaux sujets de discordes et de revendications apparaissent, entraînant à leur tour de nouvelles mobilisations ».

[25] « … c’est-à-dire la prolongation de cette situation “ni guerre ni paix” où il n’y a pas d’affrontement continu et permanent sur l’ensemble du territoire mais où une multitude de petits accrochages, d’incendies, de barrages, de blocages, de vols et d’agressions vont émailler la vie locale et perturber le fonctionnement normal du territoire. Ce scénario, la Nouvelle-Calédonie le connaît bien, c’est celui des années 1980 où les “événements” se sont étalés de 1981 à 1989 [plus exactement 1988, sauf l’assassinat de Jean-Marie Tjibaou et Yeiwéné Yeiwéné, un an plus tard, par Djubelly Wéa qui leur reprochait d’avoir signé en juin 1988 les accords de paix de Matignon, PC]. Cette situation instable empêchant tout investissement du secteur privé et limitant les arrivées de nouveaux habitants rendrait l’économie du territoire inopérante. Ce serait par ailleurs au gouvernement français de combler les trous en portant à bout de bras le territoire. Ce dernier est déjà en cessation de paiement et est incapable de faire face à ses obligations (Sécurité sociale, paiement des fonctionnaires, etc.). À cela s’ajouterait le maintien d’importants contingents des forces de l’ordre qui coûteront cher au contribuable. Le territoire accueille actuellement environ 3 500 agents des forces de l’ordre, plus du double des effectifs de la région corse, pourtant 30 % plus peuplée que le territoire océanien. Cela resterait néanmoins envisageable pour la France qui pourrait accepter de payer ce prix pour maintenir une présence stratégique dans la région indopacifique ».

Il pense probablement qu’une indépendance-association remettrait en cause une présence militaire seulement tournée contre la menace de la Chine dans le cadre du fameux Axe Indo-Pacifique ; mais ça se discute dans la mesure où nombre d’indépendantises (pas toujours très radicaux) ne veulent plus entendre parler d’une quelconque présence militaire française sur le Caillou. Tout dépendra d’une éventuelle négociation sur ce thème…

[26] « Le conflit se transformerait en un réel affrontement armé ouvert. Il pourrait se produire à la suite d’une action de revanche de loyalistes excédés par la situation, d’un dérapage des forces de l’ordre ou d’une décision de la tendance dure du camp indépendantiste de lancer une guérilla armée. Si cela se produit, le gouvernement français se trouverait dans une situation très délicate, devant mobiliser plusieurs milliers de militaires à 16 000 kilomètres de Paris dans un territoire montagneux, couvert de forêts et grand comme trois fois la Corse. Un tel conflit a toutes les chances de s’enliser et pourrait se transformer en une lutte contre-insurrectionnelle coûteuse en vies et en ressources. Le soutien politique dans l’Hexagone serait probablement très faible. Ce scénario demeure le moins probable, même si sur le papier la Nouvelle-Calédonie a tout d’une poudrière : une arme pour trois habitants, un passif colonial douloureux, de fortes inégalités sociales, une structuration de la société sur des bases ethniques ».

[27] Le 2 août, sur France info :

https://www.francetvinfo.fr/france/nouvelle-caledonie/crise-en-nouvelle-caledonie-deux-mois-apres-le-debut-des-emeutes-ou-en-est-le-texte-sur-la-reforme-electorale_6702171.htmlthème

[28] Voir (le Parisien, toujours du 2 août) :

https://www.leparisien.fr/politique/nouvelle-caledonie-le-mouvement-a-lorigine-des-emeutes-annonce-la-poursuite-de-la-mobilisation-02-08-2024-FFO6IGBTYRCMDMTRVWFTWYLIBY.php

et, à la même date sur le quotidien Les Nouvelles Calédoniennes (LNC) :

https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/politique/rapatriement-des-prisonniers-flnks-demission-du-haut-commissaire-la-ccat-liste-ses-positions-apres-son-assemblee-a-bayes

[29] Voir les deux vidéos de la rédaction de Nouvelle-Calédonie la 1ère du 28 juin 2024 :

https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/elections-legislatives-2024-programme-parcours-tout-savoir-sur-veylma-falaeo-candidate-de-la-premiere-circonscription-de-nouvelle-caledonie-1500944.html

Mais avec une (longue ?) période de transition où la Calédonie resterait dans la République avant d’aboutir à cette indépendance en partenariat avec la France, cependant encore mal définie. Le flou existait donc, mais sera plus tard éclairé : pas un loup mais un astucieux Renard

[30] Voir l’article de LNC du 22 juillet, Les propositions de l’Éveil Océanien aux Calédoniens :

https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/politique/les-propositions-de-l-eveil-oceanien-aux-caledoniens

Ainsi que le texte complet sur Facebook :

https://www.facebook.com/people/L%C3%89veil-Oc%C3%A9anien/100076341076613/

On y trouve toute la déclaartion (en copie du facsimilé) plus précis que son résumé dans la presse : « Le parti politique Éveil Océanien, indique LNC, propose, dans une lettre ouverte, trois étapes pour apporter la souveraineté à la Nouvelle-Calédonie en coopération avec la France. Un communiqué long et détaillé dans lequel le parti de Milakulo Tukumuli s’en prend vertement à Sonia Backès et dénonce "l’irresponsabilité" du FLNKS ».

[31] La fameuse « interdépendance » de Jean-Marie Tjibaou ?

[32] L’article de LNC continue : « La lettre ouverte de l’Éveil océanien est l’occasion pour le parti politique de dénoncer les propos de Sonia Backès lors de son allocution du 14 juillet, en particulier la partie concernant l’allégorie de "l’eau et l’huile qui ne se mélangent pas", comme serait le peuple de Nouvelle-Calédonie. L’Éveil océanien se demande quelles sont les raisons qui conduisent la présidente de la province Sud  "à dire de telles absurdités" ? "Les raisons sont simples, elle ne connaît pas assez son pays, ni même sa province qui pour elle commence dans les quartiers sud de Nouméa et se termine à Paris, elle ignore nos us et coutumes mais croit comprendre nos souffrances et nos espoirs. Nous l’invitons donc à aller à la rencontre de sa province et du pays pour s’en imprégner, elle constatera que le vivre ensemble est bien réel dans les quartiers populaires, dans les squats, dans les communes rurales, que les gens vivent et souffrent ensemble, se marient entre eux et créent le métissage". Le parti continue en faisant le parallèle entre la proposition d’autonomisation des provinces de Sonia Backès et l’apartheid en Afrique du Sud ».

[33] Toujours LNC : « L’Éveil océanien n’est pas tendre non plus avec les indépendantistes, dénonçant "l’irresponsabilité" du FLNKS. À commencer par "l’embourgeoisement politique" "préférant être indépendantiste plutôt qu’être indépendant, à l’image de leur énième lubie à Bakou." Le parti de Milakulo Tukumuli insiste dans sa lettre ouverte afin d’illustrer ce qu’il estime être irresponsable de la part du FLNKS : en larguant la CCAT à Christian Téin, avant de le livrer à son sort lui aussi. L’objectif principal de la mobilisation était le combat contre le "dégel du corps électoral", mais il va peu à peu dériver vers le "Non au pacte nickel", puis vers le "libérez nos camarades", pour en finir par "il faut aller chercher Kanaky". Aujourd’hui, plus que jamais, plus personne ne comprend plus rien car la réforme constitutionnelle est définitivement enterrée mais les barrages persistent, les affrontements avec les forces de l’ordre subsistent, des car-jackings sont opérés, des maisons, des entreprises et même des églises sont incendiées ».

Notons (PC) que l’Éveil océanien s’est également opposé, avec Calédonie ensemble, au « Pacte nickel » sous la forme proposée par Le Maire ; et il n’est pas encore acté explicitement par Macron que la réforme constitutionnelle soit définitivement enterrée.

[34] Voir mon billet du 26 janvier 2024, Une stratégie pour l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie : franchir le Rubicon !  Il est sous-titré Philippe Gomès, un important homme politique calédonien, ex-député avec deux mandats, centriste de droite, loyaliste mais progressiste en matière économique et sociale, peut-il le faire ? Il s’est toujours refusé à promouvoir l’Indépendance-Association, malgré les accusations de ses adversaires encore plus à droite ; mais « Il peut le faire » ! Cependant, ce n’est pas gagné ; un miracle peut-être…

https://blogs.mediapart.fr/patrick-castex/blog/260124/une-strategie-pour-l-independance-de-la-nouvelle-caledonie-franchir-le-rubicon

Cette interrogation est l’une de nos fixette depuis une dizaine d’années…

[35] Gomès a toujours prétendu (et c’est vrai) qu’il était opposé à cette solution qui serait un « suicide politique » ; quand comprendra-t-il qu’il est en train de suicider son mouvement ?

[36] Voir l’article et les vidéos du 2 juillets sur Franceinfo, VIDEO. Élections législatives 2024 : la voix de Calédonie ensemble n’a pas été entendue

VIDEO. Elections législatives 2024 : la voix de Calédonie ensemble n'a pas été entendue - Nouvelle-Calédonie la 1ère (francetvinfo.fr)

[37] Voir sur sa page Facebook :

dosnprtoeS, m03 o08750172mgcc7th831t81f7fû:0 fa4uclmgla512321

Le plan est détaillé en format livre numérique : un dossier très précis et précieux ; voici son résumé donné par CE : « Il est d’une urgence vitale désormais de créer un cadre d’ensemble structuré, associant les institutions calédoniennes et l’État, afin qu’un plan quinquennal de reconstruction et d’accompagnement financier, économique et social des collectivités, des entreprises publiques et privées, et des personnes en recherche d’emploi soit adopté. Ce plan, d’un montant évalué à 100 milliards FCFP par an, permettra d’assurer le sauvetage du pays dans un premier temps, et, dans un second temps, d’engager sa reconstruction. La solidarité nationale s’impose d’autant plus que l’État a bien une responsabilité particulière dans le cataclysme économique et social subi par le pays puisqu’il a été dans l’incapacité d’assurer sa mission régalienne de maintien de l’ordre public. Ce plan quinquennal doit être soutenu à l’unanimité des forces politiques, des institutions et des forces vives économiques et sociales si nous souhaitons être entendu par l’État ».

Mais plus grand-chose sur l'avenir institutionnel du Caillou, probablement toujours dans la République au moins pendant 5 ans ; pour le suite, on verra bien ! Gomès a toujours affirmé qu'un référendum dautodétermination (non binaire, établi par cnsensus, pouvait arriver un jour, mais dans quelques décennies). Les loyalistes radicaux également...

En outre, parcourir la page Facebook récente de ce parti en enseigne beaucoup sur ses hésitations : il continue de critiquer, avec justesse et justice, les dérapages des loyalistes radicaux (diminutions des prestations sociales décrétés par la Province Sud) mais aussi du gouvernement (collégial) qui diminue, n’ayant plus un sou vaillant, les salaires et pensions des fonctionnaires ; etc. … 

[38] Ce sont des dotations, des subventions qui financent (ce qui est normal pour ce qui reste une colonie) les activités régaliennes de l’État, mais aussi (ça interroge plus) des activités transférées (par exemple et surtout, l’enseignement secondaire et universitaire) ; les transferts nets (après les transferts du Caillou vers la Métropole, essentiellement des cotisations sociales) tournent autour de 12 % du PIB. Ces deux transferts étaient en baisse relative depuis des années (25 % en 2000 ; 15 % en 2011) mais regrimpaient pendant les trois années de grave récession économique qui ont précédé la remarquable reprise de 2012 (non confirmé en 2023, sans parler des années suivantes....).

Voir mon billet du 19 octobre 2023, Les indépendantistes calédoniens sont-ils bernés par un conseiller du gouvernement ? sous-titré Ou plutôt journée des dupes ? La Nouvelle-Calédonie est maintenant dirigée par un gouvernement dont le président est lui-même indépendantiste. Sa politique économique semblait très influencée, en juin 2023, par un économiste très libéral qui avait déjà joué les conseillers des différents gouvernements précédents dirigés par les loyalistes. Une autre politique est pourtant possible…

Les indépendantistes calédoniens sont-ils bernés par un conseiller du gouvernement ? | Le Club (mediapart.fr)

Cet économiste, très libéral donc, est le Français Olivier Sudrie ; il conseille les différents gouvernements locaux depuis une quinzaine d’années… Il semblait donc avoir berné l’indépendantiste président du gouvernement (Louis Mapou) ; c’est en fait un peu plus compliqué dans ces jeux de billards à trois bandes…

Ce billet d’octobre 2021 actualise, complète et modifie celui du 15 juin 2021, Les prélèvements obligatoires : les "PO", sous-titré Les PO sont beaucoup plus faibles sur le Caillou qu'en Métropole... d’où la nécessité des "transferts" financiers de la Métropole vers le Caillou ! Voir :

Les prélèvements obligatoires : les "PO" | Le Club (mediapart.fr)

La modification est de taille : en 2021 nous avions choisi d’inclure la CSG, la Contribution sociale généralisée (et autres prélèvement du même acabit) dans les cotisations sociales (CS) et non pas dans les impôts, ce que la jurisprudence française considère pourtant comme des impôts. Certains (dont je suis) pense qu’il s’agit de pseudo-CS, en fait de vraies CS ! Le poids des impôts sur le Caillou apparaissait alors (curieusement) proche de celui de la Métropole et celui des CS bien faible. Nous sommes revenus en 2023 à l’orthodoxie : le poids des impôts dans le PIB calédonien est en effet bien inférieur à celui de la Maison-mère ; celui des CS encore très inférieur, mais l’écart est en baisse.

[39] Voir notre billet du 23 mai, Calédonie, Édouard Philippe, joue comme beaucoup l’air du "je vous l'avais bien dit" :

https://blogs.mediapart.fr/patrick-castex/blog/230524/caledonie-edouard-philippe-joue-comme-beaucoup-l-air-du-je-vous-lavais-bien-dit

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