Chaque société se raconte à travers son architecture. Au-delà des murs et des formes, ce sont les images mentales collectives – souvenirs, rêves et aspirations – qui façonnent nos espaces. Comprendre ce lien, c’est lire l’architecture comme le miroir invisible des désirs et fractures d’une société.
Dans cette tribune, j’ouvre une fenêtre sur mon propre parcours, assumant mes compromis et mes erreurs, pour mieux comprendre la révolte qui anime aujourd’hui les jeunes architectes et envisager avec lucidité un chemin de transformation.
Face à la fragilité de nos villes et à l’urgence des transformations sociales, l’architecte ne peut plus se contenter d’être un simple bâtisseur. Il doit devenir un amoureux attentif, un gardien de la mémoire et un artisan de la résilience. Parce que bâtir, c’est aussi respecter la vie dans toute sa complexité et sa beauté.
Le mal de l’architecture ne vient pas seulement des lois, des lobbies ou des promoteurs. Il vient d’abord de ceux qui bâtissent : les architectes eux-mêmes. Mal formés, désespérés ou corrompus, ils incarnent trois visages d’un métier trahi. Et tant qu’ils ne se révoltent pas contre eux-mêmes, rien ne changera.
Architectes, artistes, penseurs : nous étions censés porter le feu. Aujourd’hui, nous servons la soupe. À force de compromissions, de silence et de renoncements, nous avons offert nos métiers en pâture aux intérêts les plus vils. Et nous applaudissons encore
Si les grandes rédactions n’entendent pas nos voix, nous les crierons plus fort. Si elles neutralisent nos récits, nous les réinventerons. Écrire, pour nous, n’est pas un luxe. C’est un acte de survie politique et culturelle.
Je ne lègue ni fortune ni empire à mes enfants. Je leur transmets une torche, brûlante de doutes et de dignité, reçue de mon père. Ce testament n’est pas un adieu, mais un acte de résistance : aimer librement, bâtir debout, croire sans chaînes, et refuser qu’on leur impose des vérités de pacotille
Chapô (400 caractères) Nous n’attendrons plus qu’on nous autorise à bâtir dignement. Quand les architectes de salon s’enferment dans les discours, nous, architectes du mortier et de la sueur, reprenons ce qui nous revient. Créer, résister, construire : un manifeste pour la gauche qui agit, sans demander la permission.
L’architecture ne se résume pas à des plans ou des normes. C’est un acte de désir, de corps à corps avec la matière, une jouissance charnelle que seuls les architectes vrais connaissent. Ceux qui n’ont jamais ressenti cette pulsion face à un mur ne peuvent prétendre construire. Je baise mes bâtiments, et je l’assume.