Le bar est glauque, aménagé de bric et de broc dans un taudis en planches. Il est coincé entre un bordel où de vieilles putes attendent le client furtif et pressé, et un sombre hangar. C’est une ville d’Amérique du Sud.
Je vois, j'entends, de loin en loin, une de ces remarques qui me vient souvent à la bouche : "je comprends". En réfléchissant bien, est-ce que je comprends VRAIMENT ? Il est fort probable que non. Il est possible que je saisisse quelques bribes de ce que "l'autre", la personne avec qui je rentre en communication, essaie d'exprimer. Mais comprendre ?
J'avais, dans l'allée d'un ancien logement, et qui habitait dans la cour, un chibani. Un de ces vieux immigrés coincés ici jusqu'à la mort. Il avait sans doute trimé dans nos mines ou encore à l'usine. Il parlait à peine le français, juste les quelques mots qui fondent la politesse.
Je suis née le 26 septembre 1558, en pays Rhénan, alors que le Calvinisme tentait de réformer une église trop riche. Mon enfance miséreuse fut adoucie par des parents aimants, de ces petites gens qui se saignèrent pour m’offrir une éducation de qualité.