« Quand je ne travaille pas, je n'ai rien ».
Aujourd’hui , 25ème jour du confinement, le témoignage d’une vendeuse de fruits au marché alimentaire de Mamoudzou vient éclairer la misère ordinaire des gens simples de Mayotte. Et comment le harcèlement politique et policier contre les pauvres n’a pas encore trouvé ses limites. Les autorités savent sans doute qu’il faut du temps pour mourir de faim.
L’école sans l’école coûte que coûte malgré la faim. La continuité pédagogique renvoie la responsabilité de l’échec scolaire à venir sur les enfants, et leurs parents. Il faudrait au moins qu’il y eût continuité de l’État sur l’ensemble du territoire pour que ce dispositif ait la moindre chance. À Mayotte, un écolier de 10 ans, un lycéen, une étudiante en Lettres racontent leur confinement.
Aujourd'hui dimanche, jour 21 de confinement, parole est donnée à une mère de famille âgée d'une quarantaine d'années. Parole brute, recueillie ici sans détour. Elle parle de la souffrance qui s'est installée dans sa maison.
La politique de confinement, à visée strictement sanitaire, vient comme par miracle parachever la politique de harcèlement permanent que subissent tous les habitants pauvres de Mayotte. Le communiqué de presse «Soutien alimentaire pour les plus fragiles» souligne en creux tous les indices d'un maintien de cet objectif et d'un soupçon de profiter de la pandémie pour y parvenir avec plus de succès.
Au terme de deux semaines de confinement, les médias de Mayotte commencent à se préoccuper de la crise alimentaire et sanitaire annoncée. Ils miment en cela la stratégie de l'autruche que semblent avoir adoptée les autorités. Pire, par-ci par-là s'entrevoit l'espoir insensé que la fracturation de la société préservera du virus les quartiers les plus pauvres. Effectivement personne n'y va.
A travers le témoignage de deux jeunes gens, enfants de familles sans ressource en ces temps de confinement, s'entrevoit un système d'exploitation dont l’État français montre par son absence et son laisser-faire qu'il en est le garant. La crise humanitaire et la menace sur la paix publique qui se profilent auront-elles assez de puissance pour imposer des remèdes réalistes aux maux de Mayotte ?
Certains se sont avisés que la gestion politique de la pandémie incline à la même logique de fracturation sociale qui perdure depuis près d’un demi-siècle. Tant que l’État se limitera à brandir son bras armé sans tendre « en même temps » une main secourable, il laissera penser qu’il se saisit de l’aubaine de la pandémie pour atteindre ses buts inavouables par d’autres voies.
Dans la mesure où seul l’enfant circule librement, dans la mesure où il subit de plein fouet des obstacles dans l’accès à la nationalité, à l’éducation, aux soins et aux biens de première nécessité, faut-il s’étonner de sa réactivité face à la brutalité policière et de sa présence en première ligne lors des révoltes quand la pression de l’État se fait trop forte ?
Alors que le parlement remet sur le tapis la question de l’immigration qui obsède le pouvoir, à Mayotte une jeunesse fait face et dénonce l’état de sous-France dans lequel elle est retenue ; frappée de dérogations aux droits, éloignée de la nationalité, mise à l’écart de la communauté nationale, elle accuse le pouvoir de laisser en souffrance, de ne pas traiter, qui est une façon de maltraiter.
Les élus de Mayotte, de compétence locale ou nationale, ont adopté une stratégie stupéfiante pour réduire l’immigration. Ainsi de la naissance à l’âge adulte, l’enfant est-il devenu officiellement le point d’attaque pour atteindre les familles et les décourager de venir s’installer dans la terre française, devenue département en 2011.