Mon père ne s’est pas levé ce matin. Première fois que ça lui arrive de rester au lit. Le médecin doit venir. « C’est sûrement pendant le dîner. Sûr de l’avoir attrapé à ce moment-là. ». Je l’ai entendu en parler avec Maman. Elle est sortie pour me rejoindre dans la cuisine. « Votre père a peut-être la Covid. Mais faut pas en parler pour l’instant. ». Top secret familial.
Des embrassades à la chaîne. « Bonne année ! » Chaque fêtard ballotté de bras en bras. Un réveillon avec une cinquantaine d’invités. E et N avaient échangé leurs meilleurs voeux. Sans se connaître. Leur relation débuta en même temps que 2020.
Lire un regard. Rien de plus banal. On le fait sans cesse. À chaque nouvelle rencontre ou pour prendre la météo du jour d’un proche. De bonne humeur ou perturbé ? Cette fois, c’est une lecture sans personne en face de moi. Une lecture de mémoire quatre décennies plus tard. Lire sur les yeux bleus d’une femme toujours souriante.
Tout va bien au pays de Molière et de la laïcité sanitaire. C’est prouvé scientifiquement que la Covid 19 n’attaque jamais les lieux de culte. Le virus ne franchit pas le seuil des églises, des synagogues, des mosquées, et autres temples. La foi protège-t-elle du virus ? La prière offre d’excellents anticorps ? Pas meilleur antivirus qu’une piqûre divine.
Disperser sa parole. Laisser que le silence des êtres venus se recueillir.Tous s'étaient déplacés pour un moment ensemble sous le ciel de décembre. Disperser la parole désincarnée de « l’homme aux cendres ». C’était l’employé du cimetière dirigeant l’opération. Une parole à vide. Certes un langage efficace. Mais pas une langue chair. Des mots de robot ?
L’homme dort sur son deux-pièces.« Chambre côté rue ou côté banque. J’ai le choix de ma vue chaque nuit.». Sa pointe d'humour pour décrire le banc sur lequel il dort. Depuis quasiment trois ans. Tous les riverains le connaissent. Des yeux l'observent toutes les nuits. Une petite fille et une vieille femme à la même fenêtre.
Cherche Midi. Ces deux mots m’ont sauté aux yeux en les lisant la première fois. Lycéen scotché un long moment devant cette plaque de rue de Paris. Avant de chercher la définition. Une rue que pour honorer les pique-assiettes ? Étrange. C'étaient aussi des gens qui n'avaient rien à bouffer, m’expliqua un copain. Chacun voit midi à son estomac.
Un billet dans la journée. Même petit. Vite glissé dans sa poche. Rien d'extraordinaire. Juste un peu de liquide pour bouffer. Certains préfèrent dire manger. Chacun son vocabulaire. Peu importe le mot quand l’estomac est vide. Que le réveil se réveille avec une seule interrogation. La même que durant la nuit. Comment faire les courses du jour ?
Le XXIe siècle est majeur et pas vacciné. Nul vaccin contre la connerie humaine. Mais plusieurs en cours de fabrication contre le virus tueur de l’année. Pourtant le premier fléau fait nettement plus de dégâts planétaires que la Covid 19. Et depuis des millénaires. Laissons le passé dans le rétro et revenons aux derniers jours des vingt ans de notre siècle. Chacun verra 2020 à sa porte.
Tu es né un matin de printemps. Le ciel, très clair ce jour d'avril, avait prêté une part de son bleu à ton regard. « Coucou. Tu peux sortir maintenant. On t’attend. ». Ton père toquait délicatement à mon ventre comme à une porte. Tu étais guère pressé d’arriver. Réticent à débarquer sur la planète. Appréhension de ton futur monde ?
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