Comment mobiliser aujourd’hui la communauté éducative quand on porte sur elle, sur les établissements scolaires, leur projet un regard si mal informé, si partiel et si anachronique ?
L’organisation du collège sur le modèle « une heure, une salle, un professeur, une discipline, une classe » est bien loin de correspondre aux besoins de la formation des collégiens d’aujourd’hui : ils ont besoin de savoirs reliés, associant connaissances académiques et compétences de vie, pour affronter dûment équipés les grandes transitions qui marquent notre siècle.
En martelant une priorité sur le lire, écrire, compter plutôt que sur la culture indispensable pour comprendre les enjeux du monde d’aujourd’hui, c’est un retour à l’école d’ancien régime et un renforcement de l’école injuste que préparent les deux notes de service publiées le 12 janvier 2023.
Si certains peuvent penser qu’il faut être dans le déni en affirmant sa résolution de rester professeur en collège, le dernier livre de Mara Goyet constitue un convainquant démenti : il ne s’agit pas de déni, mais de relever le défi d’un métier où il s’agit d’apprendre à durer.
On veut bien échapper à l’avenir au cauchemar des artefacts numériques ou prothèses neuronales ou génétiques se substituant à l’école, mais il n’est pas sûr que le modèle idéal proposé par Jacques Attali constitue une véritable rupture avec les traits négatifs du passé et du présent de l’éducation.
Le combat pour la laïcité n’est pas complet s’il ne s’attaque pas à l’inégalité de traitement des élèves à l’école, à la définition de la culture commune à construire, ce qui suppose de questionner les fausses évidences de l’école dont nous avons hérité.
Constituer des focus groups pour tenir compte du point de vue des acteurs concernés par une prochaine réforme est sage. Confier leur organisation et la rédaction de l’étude qui en sera tirée à une société de marketing privée ne l’est pas du tout. Et pourtant…
Une éducation par-ci, un référent par là, un, deux, trois labels et plus, qui dit mieux ? Le système éducatif français restera condamné à cet éparpillement, tant qu’on n’adoptera pas une vision systémique de cohérence pédagogique et éducative portée par une nouvelle politique des savoirs.
Comment sortir de la concurrence entre le récit mythologique de la méritocratie républicaine en perpétuel approfondissement et le récit sociologique de la constance ségrégative de la démocratisation de l’accès aux études ? Sans doute en réfutant une politique des savoirs de discrimination négative.