Propagande, anonymat, fausses nouvelles, langage de haine, bulles de filtrage : le débat public sur l’Europe fait face à une pléthore de manipulations, tout particulièrement en cette période électorale.1
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Il est à redouter que l’image que l’opinion publique se fait de l’Europe soit fortement influencée par ce détournement du discours public. Dans cette édition participative, un groupe de scientifiques et étudiants universitaires observe le débat en cours, les métaphores qui s’imposent, les catégories qui se créent, les mots qui sont employés (ou évités) ainsi que tout genre de manipulation provenant du discours des politiques, des médias et des citoyens qui discutent sur les réseaux sociaux. L’objectif du groupe est de montrer comment déjouer la manipulation (mais aussi comment éviter de la reproduire).
L'édition est coordonnée par Paola Pietrandrea, professeure de Sciences du Langage à l'Université de Lille, et pour Mediapart par Géraldine Delacroix.
A partir des attentats de 2015 l’immigration a changé de statut dans le discours de l'extrême droite. Elle a cessé d'être évoquée comme un sujet de débat en soi et elle est devenue un levier utile à introduire et à caractériser négativement d’autres sujets, d’autres questions et d'autres catégories de personnes.
Des commentaires de Marine Le Pen après les attentats commis en 2012 par Mohamed Merah, jusqu’à la lettre adressée par Emmanuel Macron aux Européens lors de la campagne qui vient de s’achever, l’histoire récente du débat sur l’immigration montre comment l’idée de « fermer les frontières » s’est répandue.
Marine Le Pen n’a jamais fait de déclaration raciste sur les migrants, elle ne fait, en effet, que des déclarations déshumanisantes. Dans ce billet organisé en quatre parties, nous retraçons l’histoire récente du débat sur l’immigration en essayant de comprendre comment nous en sommes arrivés à accepter qu’une responsable politique compare un être humain à une éolienne.
Une vidéo hante l’Europe depuis quelques jours. Techniquement, il s’agit d’un nudge produit par le Parlement européen et censé nous persuader d’exercer notre pouvoir citoyen en allant voter le 26 mai. Sommes-nous convaincu·e·s ?
Les candidat·e·s aux élections européennes sont-ils aussi les commentateurs de l’élection ? Cette stratégie métadiscursive fait l’effet d’un écran de fumée qui masque les propositions pour focaliser sur des positionnements et définir des « réalités ». Ceci est bien sûr stratégique, puisqu’il s’agit finalement pour chacun·e de poser les questions auxquels il/elle aura la réponse la plus adaptée.
Dans sa lettre aux Européens, Emmanuel Macron répète 5 fois le mot “piège”, qui cristallise une métaphore pour une situation insidieuse et contraignante. En écho au discours nationaliste sur l’emprisonnement des peuples qui serait opéré par l’Union européenne, Macron active un rapport de force dont les rôles sont renversés : l’UE est l’otage de la vague nationaliste, et non le contraire.
La guerre, le principal cadre métaphorique choisi par la responsable du Rassemblement national, interagit avec d’autres sources pour construire une vision militarisée de l’espace politique européen et international et, plus loin encore, de notre monde contemporain.
Loin d’être une simple figure de style, la métaphore guide nos processus cognitifs, s’inscrit dans nos circuits neuronaux et active des réseaux d’analogies qui conditionnent la façon de voir l’entité à laquelle la métaphore se réfère. Cette campagne foisonne de métaphores qui ont pour effet de détourner le débat électoral du vrai enjeu des élections : le choix d’un projet politique pour l’UE
L’analyse des tweets des candidat·e·s et de leurs interventions médiatiques matinales, du 20 février au 8 avril, donne une première représentation des enjeux de l’élection : fiscalité, économie, écologie. Elle montre aussi que les candidat·e·s commentent beaucoup l’élection elle-même, et appliquent la rhétorique de leur camp au contexte européen, plutôt que de construire un réel discours politique sur l’Europe.
Plus encore que par les fausses nouvelles, le débat électoral est pollué par un nombre important d’informations implicites qui échappent à notre contrôle cognitif, pénètrent de manière sournoise le discours, et s’installent dans le sens commun. Dans ce billet, Giorgia Mannaioli et Paola Pietrandrea dévoilent les mécanismes utilisés pour dire sans dire et mesurent le taux – très élevé – d’informations implicites dans les discours de lancement des campagnes d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen.