2 octobre 2018
 
    Le 2 octobre 1968, près de 200 000 manifestants emplissent l’immense Place Tlatelolco, dite aussi des Trois Cultures, après deux mois de manifestations d’étudiants, contre la dictature du président Gustavo Diaz Ordaz et son parti, le Partido Revolucionario Institucional (PRI), au pouvoir depuis 1929…Un régime de corruption allègre et de répression sauvage.
Depuis des mois, la police réprime les mobilisations sociales et étudiantes. Elle prépare le terrain pour les Jeux Olympiques de Mexico qui doivent ouvrir le 12 octobre. Le 6 juillet, la police affronte une manifestation qui combat jusqu’au petit matin. Le 30 juillet elle envoie contre les manifestants les parachutistes, un bataillon d’infanterie, des jeeps armées de de 101 mm, des tanks. La riposte est immédiate: grève et occupation par la jeunesse de centaines de bâtiments et création d’un Conseil national de grève comprenant trois délégués par établissement. En août, 300 000 manifestants défilent à Mexico. En septembre, 3 000 personnes sont arrêtées et la police occupe la Cité Universitaire et l’Université Autonome. Des barrages sont érigés à Tlateloco, sur la place des Trois-Cultures, avec la solidarité de la population.
 
    Agrandissement : Illustration 2
 
                    Arrive le 2 octobre, soit dix jours avant les Jeux Olympiques. Des chars et trois bataillons de l’armée encerclent l’immense Place Tlatelolco. Les mitraillettes crépitent et font un massacre. Puis la police, avec parfois l’appui de l’armée attaquent plusieurs établissements scolaires. Le Comité National de Grève annonce 500 morts, puis 6000 disparus. Le dictateur déclarera en 1976: « Des étudiants ont ouvert le feu sur les soldats et sur leurs propres compagnons. L’armée n’a fait que riposter ». En fait, les vidéos, rassemblées dans le documentaire Tlatelolco, la claves de la massacre (Les clés du massacre) montrent l’arrivée de policiers en civil qui tirent au hasard sur la foule, rapidement rejoints par les trois bataillons de l’armée. Puis les archives publiées dans Excelsior ont révélé qu’il travaillait avec la CIA à l’élimination pure et simple des leaders révolutionnaires.
Le président du Comité international olympique, Avery Brundage déclare: "Les jeux de la XIXe Olympiade, cet amical rassemblement de la jeunesse du monde, dans une compétition fraternelle, se poursuivront comme prévu…" Les jeux se déroulent sous la menace de nouvelles exactions.
Parmi les sportifs des états-uniens, des afro-américains et beaucoup aussi blancs portent le macaron "Olympic project for human rights" (Projet olympique pour les droits humains). La cérémonie du podium du 200 mètres marque l’apogée de cette contestation. Le 16 octobre, Tommie Smith, afro-américain, fils d’un cueilleur de coton, arrive en tête du 200 m, battant le record du monde. Il est le seul athlète à avoir cumulé onze records du monde en même temps. Peter Norman, australien, est deuxième, John Carlos, afro-américain, est troisième.
Alors qu’ils attendent la remise des médailles, les deux athlètes afro-américains demandent à Peter Norman: « Tu crois aux droits de l’homme ? » qui répond: « Oui, j’y crois… ». Ils lui expliquent leur plan. Et Norman propose la paire de gants noirs et les trouve lui-même. Tommie prend la main gauche et John la droite. Et pour symboliser la pauvreté de leurs conditions, les athlètes se présentent pieds nus.
 
    Au moment où retentit l'hymne américain, ils baissent ostensiblement la tête et lèvent leur poing ganté de noir. Leur geste, qui affichent leur soutien au mouvement des Black Panthers, leur coûtera la fin de leur carrière, et leur entrée dans l’histoire. L'Australien Peter Norman, sur la deuxième marche du podium, manifeste son soutien avec un badge du mouvement de protestation des droits civiques. Exclu des Jeux suivants, il sera porté en terre par ses deux amis afro-américains à sa mort en 2006.
Le président du CIO, comme les officiels sont catastrophés. Une deuxième surprise les attend. Les athlètes américains Lee Evans, Larry James et Ronald Freeman, après avoir battu le record du monde du 400 m, montent sur le podium avec un béret noir.
On peut lire en complément dans Inprecor « Mai 1978: la lutte des étudiants », l’article « Chronique et symbole au Mexique en 1968 », de Françoise Lévirat, « L'automne de Mexico (crépuscule à Tlatelolco) de Jacques Lafaye, et surtout « 68 » de Paco Ignacio Taibo (Éd. L’Échappée, Montreuil 2008, poche, 126 pages), à la fois témoignage, roman et essai.
Documentaire El Grito réalisé par l’Université Autonome de Mexico (en espagnol):
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Ma série « 1968 »
- Première partie « Mise en jambes »: 37 articles à consulter ici
- Deuxième partie couvrant Mai et Juin, « La plus grande grève générale en France ». 42 articles déjà parus à consulter ici
- Troisième partie, « Bilans et secousses », qui comptera des dizaines d’articles d’ici la fin de l’année. Déjà publiés:
- Mai 68: une situation révolutionnaire ?
- Bilan et leçons de la grève générale de 68
- Lettre d'un enfant de 1968 à un jeune de 2018
- Un bilan de 68 par Ludivine Bantigny et Alain Krivine
- La deuxième vague féministe, fille légitime de 68
- 18 Juillet 68: les CRS chargent les festivaliers d’Avignon
- 1968, année de l'autogestion ?
- Une féministe révolutionnaire ouvrière chez Renault Flins- vidéo
- 28 juillet 68: Mao dissout les « Gardes Rouges »
- 1968: toute une jeunesse transformée
- Le contexte international de 68
- Mieux soixante-huitard que jamais
- 1968: Bilans à chaud
- 11 Août 68: Opération Teresita à Santiago du Chili
- 1968: Bilans 10 ans plus tard
- 1968: Bilans 20 ans plus tard
- 1968 : Bilans 30 ans plus tard
- 21 Août 68: une armada stalinienne fond sur le peuple tchécoslovaque
- Un Mai 68 écolo ?
- Bilans de 1968 40 ans plus tard
- 1968: Bilans 50 ans plus tard
- 7 septembre 68: No more Miss America !
- Le PCF ne se remettra jamais de Mai
- Contre-offensive de la bourgeoisie, résistances et effets dans l’après 68
- 1968 jusque dans les églises
- Mai 68 : la révolution de la psychiatrie
- Sources et secousses intellectuelles de 68
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