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Billet de blog 6 avril 2016

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Panama papers et pouvoir politique de papier

Les Panama papers illustrent l'absence de politique sérieuse à long terme et la superficialité d'un discours qui "réforme" dans l'instant, le court terme, en usant d'une communication jetable. Les Panama papers signalent l'échec d'une conception erronée du politique que caractérise l'abdication à servir et défendre l'intérêt général.

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Aucun organe de presse ne le précise mais il serait prioritaire, pour l'information du public, de connaître le montant global des sommes éludées qu'ont permis les Panama papers. Ces sommes privent les comptes publics de ressources importantes et leur absence de recouvrement de paiement impacte nécessairement l'endettementt, la pérénité des droits sociaux et le fonctionnement des institutions.

La presse belge publie la carte des communes où sont domiciliés les détenteurs de sociétés écrans : Panama Papers : la carte de Belgique des comptes offshore. Rien de semblable pour la France dont le gouvernement dénonce en revanche une centaie de "Molenbeek" français et accepte que la fraude fiscale permet d'éluder tous les ans 180 milliards en France selon Charles Prats (magistrat ayant un blog sur Médiapart) cité par Antoine Peillon (journaliste ayant aussi un blog sur Médiapart). Sans évoquer les milliards que recense le Livre noir des banques. Autant de milliards qui s'évaporent chaque année démontrent que les affaires marchent bien, contrairement à ce que dit Monsieur Gattaz.

Un hod-up de 180 milliards se produit tous les ans et il n'y a aucune réaction pour renforcer efficacement les pouvoirs de la justice et de la police. La mansuétude pour la criminalité financière atteste de la nature discriminatoire d'une conception politique étrangement plus prompte, en revanche, à stigmatiser des groupes de populations.

Un gouvernement aussi peu scrupuleux à recouvrir les ressources fiscales et les taxes ne peut pas prétexter de bonne foi les conséquences de son impéritie pour imposer une politique d'austérité (prohibée en droit) ; laquelle frappe les plus fragiles et favorise les inégalités (au profit des personnes parmi lesquelles se trouvent les bénéficiaires du cabinet Fonsecka...).

Il serait également intéressant de connaître le montant des impôts éludés par l'intermédiaire des sociétés écrans pour l'ensemble de l'UE qui supporte une fraude fiscale coûte 2 000 milliards d'euros par an (et 120 milliards de corruption selon Le Monde) et dont les gouvernements des Etats membres n'hésitent pas à mettre la Grèce et sa population à genoux au profit des banques, pour vingt fois moins.

Le gouvernement français a sa part de responsabilité. Le souci du principe de précaution des deniers publics n'est pas très visible (Les manœuvres du groupe Safran et de l'Intérieur pour abattre un préfet Par Yann Philippin ; Pour son grand stade, Valls court contre la montre Par Karl Laske). L'échec politique n'est donc pas une fatalité.

Les "Panama Papers" n'interpellent donc pas les autorités publiques sur les "lanceurs d'alerte" mais sur leur mansuétude incompréhensible à l'égard de la criminalité financière, ses criminels (sans négliger les receleurs et les complices) qui fréquentent la criminalité organisée et le terrorisme. C'est le résultat de la dérégulation au profit des chiffres (et l'attention témoignée aux cabinets lobbyistes qui la réclament - alors que les partenaires sociaux qui revendiquent le respect de l'environnement, de la santé, de la dignité, des droits sociaux sont méprisés).

D'où le doute d'Edward Snowden sur la bonne foi de François Hollande affirmant en plus à Boulogne-Billancourt, le 4 avril : « C'est grâce à un lanceur d'alerte que nous avons maintenant ces informations. Ces lanceurs d'alerte font un travail utile pour la communauté internationale, ils prennent des risques, ils doivent être protégés. ». Les lanceurs d'alerte apprécieront la crédibilité du président alors que M. Urvoas, son garde des Sceaux, découvre seulement maintenant la misère d'un appareil judiciaire incapable de rendre la justice depuis des années et M. Valls, son premier ministre, a refusé d'accueillir Edward Snowden en France.

Michel Sapin se moque des journalistes en parlant de rétribuer les lanceurs d'alerte, alors qu'il ne fait rien pour Stéphanie Gibaud (Pourquoi moi, lanceuse d'alerte, je dois quitter mon appartement). Il ne s'agit pas de les "payer" mais de les protéger efficacement, en leur garantissant l'effectivité de leurs droits, ce qui n'est pas du tout la même chose (voir aussi par ex. : 5 000 euros d'amende requis contre l'inspectrice du travail traînée en justice). La réponse du pouvoir démontre son abdication, qu'il n'a rien compris à la question des lanceurs d'alerte et qu'il ne fait rien d'efficace.

Les Panama papers illustrent une pratique politique réduite à de la communication de paroles vides.

Ce fourvoiement explique que le pouvoir - et l'opposition - sont à côté des attentes de l'opinion et de l'intérêt général (voir la loi sur le travail, l'aéroport de Notre Dame des Landes, ...). La réforme du temps de parole des candidats aux élections - fondée sur des sondages (!) - ne contribue pas à remettre les élus en adéquation avec les électeur et interpelle sur la qualité du travail législatif.

Il reste un an au pouvoir pour se mettre enfin à gouverner sérieusement dans le sens de l'intérêt général et montrer l'exemple à ceux qui prétendent étonnamment vouloir le remplacer, sans énoncer un seul programme (voir les primaires du LR). Cette grave incohérence de fond ne fait guère débat. Cette inconsistance de la politique et de sa critique garantissent un bel avenir à la criminalité financière, à la criminalité tout court. Les Panama papers comme Swissleaks démontrent leur proximité que permet l'abdication des droits fondamentaux.

Pascal Eydoux : Les pouvoirs publics ont une grande responsabilité dans ce qu’il se produit, et il faut quand même qu’ils l’assument. Nous sommes en présence de la démonstration d’une totale incapacité des pouvoirs publics, quels qu’ils soient, d’harmoniser les règles fiscales et économiques, que ce soit au sein de l’Union européenne ou ailleurs. (...) Par ailleurs, la réaction « surprise » des responsables politiques me paraît hypocrite, cynique a minima. On parle de paradis fiscaux dans le Pacifique, mais il y a tout ce qu’il faut près de chez nous, pas besoin d’aller accuser les Bahamas. Il faut que chacun se remette en question. Panama Papers : Pascal Eydoux redoute « l’amalgame terrifiant » entre optimisation et fraude fiscales Pascal Eydoux, président du Conseil national des barreaux, revient sur le rôle et la responsabilité des avocats dans l’évasion fiscale. Il en profite pour pointer les premiers responsables qui, selon lui, sont les pouvoirs publics.

 RTBF : Panama Papers: la transaction pénale belge, pain béni pour les gros fraudeurs ; Panama Papers: la fortune dissimulée du milliardaire belge Patokh Chodiev

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