26 oct 2018
Chansons et musiques de 1968 sont à la fois cri et moteur des révoltes, en France et bien au delà. Toutefois, en ce début 1968, l’essentiel de la France écoute la chanson de variété, pour l’essentiel insouciante et diffusée sur les antennes télé et radio. La jeunesse écoute Europe n°1, et lit le mensuel musical Salut les copains. On peut écouter ici les titres qui occupaient les premières places des hit-parades de Mai et Juin 68, et ici le hit parade de l’année 1968 sélectionné par l’INA.
Mais la jeunesse écoute aussi d’autres sons, venant du monde anglo-saxon, notamment les Beatles, les Rolling Stones, Janis Joplin, James Brown, Joan Baez, Jimi Hendrix et Bob Dylan… qui reçoit près de 50 ans plus tard, en 2016, le prix Nobel de littérature. En France même apparait avant 1968 une génération d’auteurs compositeurs, tels, Georges Moustaki, Michel Jonas, ou Julien Clerc qui ne se doute pas que sa chanson La Cavalerie sera adoptée par la jeunesse en révolte. La jeunesse libertaire écoute aussi depuis des années Léo Ferré. La playlist 1968 de France Inter, avec 97 chansons, en rend bien compte.
Georges Moustaki chante « sans la nommer » la révolution permanente, « joli fruit de Mai »
En Mai et Juin, la France vit un tournant musical. Pendant la grève générale, soit plus de trois semaines, aucun disque ne sort et la plupart des concerts sont annulés. Toutefois Léo Ferré chante pour la première fois Les Anarchistes le 10 mai. Un reportage radio de France Info en rend compte: Léo Ferré, après mai et avant la rentrée. Quelques artistes rejoignent immédiatement la révolte, comme Bernard Lavilliers qui parcours les usines, ou comme Colette Magny et Dominique Grange, qui raconte 50 ans plus tard que Mai 68 a changé sa vie à jamais. Collette Magny sort en 1969 un album unique, Magny 68/69, fait de collages entre chansons et reportages tournés par Chris Marker et William Klein et dont plusieurs titres sont accessibles ici.
Musiciens et chanteurs montent des comités d’action, dont le Comité révolutionnaire d’agitation culturelle (CRAC). Ils écrivent des chansons comme: Ah ! le joli mois de mai à Paris du Comité d’action de l’Épée de bois, La Faute à Nanterre d’Évariste ou Grève illimitée, À bas l’État policier de Dominique Grange. Renaud, qui n’a que16 ans, croise Jacques Higelin qui vient de transporter son piano dans l’amphi de la Sorbonne. Renault adhère au CRAC et griffonne Crève salope qui devient un des chants de ralliement de la révolte.
Assez vite, plusieurs chansons sont inspirées de Mai comme Au printemps de quoi rêvais-tu ? de Jean Ferrat, Paris, Mai de Nougaro (interdit de radio), ou la Ballade au vent des collines d’Anne Vanderlove. Sous l’impulsion du mouvement hippie californien, 1968 marque aussi la naissance de l’underground français, depuis le Rock progressif jusqu’au free jazz.
Même le Conservatoire national supérieur de musique de Paris (CNSMDP) rentre dans la danse. Un groupe d’étudiants du Conservatoire défile le 13 mai dans la manifestation unitaire, qui contribuera par sa puissance à la naissance de la grève générale. Leur banderole surprend plus d’un:« Plus de Gounod, du Xenakis ! ». Le 19 mai, c’est la grève avec occupation, puis la création d’une section de l’UNEF, et le 22 mai le saccage par le groupe d’extrême-droite Occident. Une assemblée de compositeurs se réunit à la Sorbonne. Ils interdisent par solidarité avec la grève générale la diffusion et l’exécution de leurs œuvres, et appuient l'occupation du Conservatoire. Autant d’évènements relatés en détail dans un article de Victor Tribot Laspière.
Evidemment, l’idéologie réactionnaire revient au galop avec la trahison de la grève générale. Elle s’exprime aussi bien à travers une yéyé comme Sheila, un vieux cheval de retour comme Philippe Clay ou un rocker sous bon contrôle comme Johnny Halliday.
Dans les années qui suivent, apparait une nouvelle scène musicale libertaire qui doit beaucoup à Mai et Juin 68. Les nostalgiques, les historiens et les curieux en trouveront une évocation sonore dans ce reportage de France Culture. Les 4 reportages qui suivent celui sur la France rendent en partie compte des chansons qui ont accompagné après 68 les grands évèvements politiques en Tchécoslovaquie, en Italie, au Brésil et aux Etats-Unis.
La meilleure source d’information sur les chansons de 1968 est toutefois un article de Jacques Serieys écrit en 2007. Ignatus rend compte dans la conférence ci-dessous de l’explosion des conventions musicales après 1968:
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Ma série « 1968 »
- Première partie « Mise en jambes »: 37 articles à consulter ici
- Deuxième partie couvrant Mai et Juin, « La plus grande grève générale en France ». 42 articles déjà parus à consulter ici
- Troisième partie, « Bilans et secousses ». Déjà publiés à cette date:
- Mai 68: une situation révolutionnaire ?
- Bilan et leçons de la grève générale de 68
- Lettre d'un enfant de 1968 à un jeune de 2018
- Un bilan de 68 par Ludivine Bantigny et Alain Krivine
- La deuxième vague féministe, fille légitime de 68
- 18 Juillet 68: les CRS chargent les festivaliers d’Avignon
- 1968, année de l'autogestion ?
- Une féministe révolutionnaire ouvrière chez Renault Flins- vidéo
- 28 juillet 68: Mao dissout les « Gardes Rouges »
- 1968: toute une jeunesse transformée
- Le contexte international de 68
- Mieux soixante-huitard que jamais
- 1968: Bilans à chaud
- 11 Août 68: Opération Teresita à Santiago du Chili
- 1968: Bilans 10 ans plus tard
- 1968: Bilans 20 ans plus tard
- 1968 : Bilans 30 ans plus tard
- 21 Août 68: une armada stalinienne fond sur le peuple tchécoslovaque
- Un Mai 68 écolo ?
- Bilans de 1968 40 ans plus tard
- 1968: Bilans 50 ans plus tard
- 7 septembre 68: No more Miss America !
- Le PCF ne se remettra jamais de Mai
- Contre-offensive de la bourgeoisie, résistances et effets dans l’après 68
- 1968 jusque dans les églises
- Mai 68 : la révolution de la psychiatrie
- Sources et secousses intellectuelles de 68
- 2 octobre 68: la dictature ouvre les jeux de Mexico avec un massacre
- Bibliographie 1968
- Les années 68 à l'écran
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