Je me permets très humblement de dédier cette traduction à mon ami Youri, ainsi qu'aux matelots russes qui ont poireauté pendant des mois à Saint-Nazaire en attendant la livraison du Mistral-Vladivostok, et qui ont dû rentrer bredouilles à bord du navire-école Smolny.
Pour les amateurs de rock russe, Zakhar May (prononcez «maille») était connu avant tout par l'intermédiaire du très populaire Sergueï « Chizh » Tchigrakov : tout d'abord, ce dernier le cite dans son morceau « Boogie-Kharkov » : « J'ai malheureusement raté Zakhar, le gars de Baltimore ». En 1988, quand Tchigrakov rejoint les Raznye Ludi et s'installe à Kharkov, ville dont Zakhar May est originaire, celui-ci est déjà parti vivre aux États-Unis. Là-bas, il ne fait pas une carrière de rock-star mais travaille comme informaticien tout en continuant à faire un peu de musique : il enregistre quelques albums et donne de petits concerts, souvent en appartement, pour des émigrés russophones.
De l'art contemporain et anticonformiste russe, il y a peu d'artistes qui filtrent vers la presse française. Et ceux qui ont droit à une couverture médiatique sont ceux qui s'adonnent à ce qu'on appelle en russe «épataj», du français «épater». Des nénettes cagoulées dans un église, un mec qui passe son temps à se mutiler en place publique, toute l'attention est tournée vers le « happening » et la « performance ».
Russie, 2003 : les revenus du pétrole et du gaz ont été de nouveau nationalisés et renflouent le budget de l'État, profitant au passage à la population. La Sainte-Mère-Russie se relève enfin de ses genoux. « Mais qu'est-ce qui pourrait aller mal ? » Aujourd'hui, on a comme un début de réponse.
Si à la lecture de la traduction qui suit, vous vous demandez pourquoi tant de haine : Leningrad, groupe originaire de la ville dont il porte le nom communiste, St-Pétersbourg, a eu pas mal de démêlés avec les autorités de Moscou, notamment l'ancien maire, M. Loujkov, cité dans ce morceau, qui les aura personnellement interdits de concert dans la capitale. Nous sommes en juin 2012, la vidéo est publiée deux mois après les dernières grosses manifs de l'opposition russe sur la place Bolotnaïa, qui mèneront à divers incidents, dont découlent les procès (et condamnations) d'aujourd'hui.
Si on devait résumer le groupe musical «Léningrad», très brièvement : cuivres, gros mots et non-alignement. Dans le style foutage de gueule pratiqué depuis leurs débuts, Sergueï «Shnur» Chnourov et ses complices balancent régulièrement des morceaux à la tronche du pouvoir et de l'opposition, des beauf et des intellos, des Russes et des étrangers, des riches et des pauvres.